L`erreur thérapeutique en néonatologie : à propos - chu

publicité
Journal de pédiatrie et de puériculture (2013) 26, 253—256
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
ARTICLE ORIGINAL
L’erreur thérapeutique en néonatologie :
à propos de 30 cas
Therapeutic error in neonatology: About 30 cases
A. Oulmaati ∗, F. Hmami , A. Bouharrou
Service de néonatalogie et réanimation néonatale, CHU Hassan II, Fès, Maroc
Reçu le 24 juin 2013 ; accepté le 19 juillet 2013
MOTS CLÉS
Erreur médicale ;
Gestion d’erreur ;
Prévention
∗
Résumé
Introduction. — L’erreur est l’action de se tromper intellectuellement ou moralement.
Patients et méthodes. — Nous avons mené une étude prospective au sein du service de néonatologie et réanimation néonatale, CHU Hassan II de Fès du 1er janvier 2011 au 31 août 2011. Tout
le personnel du service a été évalué. Le contrôle des fiches de prescription se fait la matinée
par un médecin senior du service.
Le but. — L’objectif de notre travail est d’évaluer l’activité du personnel exerçant dans notre
service, la répercussion sur l’état du malade et le niveau de survenue et par la suite mettre
l’accent sur l’intérêt des mesures préventives.
Résultats. — Durant la période d’étude, notre travail a relevé 30 cas d’erreurs on a noté : 18 cas
d’erreurs de prescription, 12 cas d’erreurs d’administration et un cas dû au non-respect du
protocole. La plupart des erreurs notées n’ont pas de conséquences décisives sur la santé des
malades et aucune erreur n’a retardé le diagnostic ou alourdit le traitement. L’erreur reste un
événement évitable, résultant d’un dysfonctionnement non intentionnel dans l’organisation de
la prise en charge thérapeutique du patient.
Conclusion. — Nous insistons sur l’intérêt d’une formation scientifique solide, la connaissance
des facettes de l’acte médical au lit des malades et l’intérêt de la mise en place des mesures
préventives.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (A. Oulmaati).
0987-7983/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
http://dx.doi.org/10.1016/j.jpp.2013.07.011
254
KEYWORDS
Medical error;
Error management;
Prevention
A. Oulmaati et al.
Summary
Introduction. — The error action is intellectually or morally wrong.
Patients and methods. — We prospectively tiny study in the neonatal unit and neonatal resuscitation CHU Hassan II Fez from 1st January 2011 to 31st August 2011. Were evaluated all service
personnel. Control of prescription forms is the morning by a senior medical officer.
Purpose. — The purpose of our study was to evaluate the activity of the staff working in our
service, the impact on the patient’s condition and level of occurrence and then focus on the
importance of the measures preventive.
Results. — During the study period, our work has identified 30 cases of errors, was observed 18
cases of prescribing errors, administration of 12 cases and one case due to non-compliance with
the protocol error. Most of the errors noted have no decisive impact on the health of patients
and no error with delayed diagnosis or treatment weighed. The error is ‘‘a preventable event
resulting from an unintentional failure in the organization of the therapeutic management of
the patient.
Conclusion. — We emphasize the importance of a strong scientific background, knowledge of
the facets of the medical act in bed sick and the interest of the implementation of preventive
measures.
© 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction
Le premier objectif de l’analyse approfondie d’une erreur
est d’étudier le contexte et les conditions de sa survenue
et de rechercher l’existence de défaillances actives. Ces
défaillances sont le plus souvent des erreurs de professionnel de santé ou d’équipe.
Nous insistons sur l’intérêt d’agir en amont de la survenue
de l’erreur par l’instauration des mesures préventives.
Patients et méthodes
Nous avons mené une étude prospective au sein du service
de néonatologie et réanimation néonatale, CHU Hassan II de
Fès du 1er janvier 2011 au 31 août 2011.
Tout le personnel du service a été inclus dans l’étude :
neuf médecins (cinq médecins résidents et quatre médecins
internes) et 18 infirmières. Le contrôle des fiches de prescription se fait la matinée par un médecin senior du service.
Tout le personnel du service a bénéficié d’une formation dès
l’accès au service. Le service dispose d’un protocole pour
gérer les situations urgentes.
caractéristiques des cas d’erreur enregistrés au cours de
notre étude. Les Fig. 1 et 2 illustrent quelques sources
d’erreurs pour le personnel médical et paramédical.
Discussion
L’erreur est définie comme l’échec de la conduite d’une
action planifiée à des fins désirées (par exemple, erreur
d’exécution) ou le recours à une planification erronée
pour atteindre un objectif [1]. L’erreur est essentielle à
l’humanité, c’est un élément de progrès et de découverte
[2]. Les erreurs peuvent être intentionnelles ou non intentionnelles. On distingue les erreurs de jugement liées à
des défauts de connaissance ou d’attention et les erreur
par oublis. Les erreurs les plus fréquentes font suite à une
Résultats
Durant la période d’étude, notre travail a relevé 30 cas
d’erreurs. On a noté 18 cas d’erreurs de prescription, 12 cas
d’erreurs d’administration et un cas dû au non-respect du
protocole. Les médicaments incriminés par erreur de prescription étaient dominés par les antibiotiques (19 cas), les
antipyrétiques (deux cas), les anticonvulsivants (deux cas)
et la caféine (un cas). Les erreurs étaient sans aucune
conséquence pour le malade dans 15 % des cas et rattrapées dans 40 % des cas. L’erreur était cause de prolongation
d’hospitalisation dans 45 % des cas. Aucune manifestation secondaire n’a été signalée. Le Tableau 1 illustre les
Figure 1. Gangrène au niveau de la cheville à cause de la voie
veineuse (sérum glucosé 10 %) passée à côté.
L’erreur thérapeutique en néonatologie : à propos de 30 cas
Tableau 1
255
Caractéristiques des cas d’erreur enregistrés au cours de notre étude.
Type d’erreur
Nombre de cas d’erreur
Pourcentage (%)
Erreur de prescription
Non-respect des horaires d’administration
Erreurs de dilution des médicaments
15
3
50
1
Écart au protocole
3
1
Erreurs d’administration des médicaments (12 cas)
Oubli d’administration
Prescription sans tenir compte d’autres paramètres
Posologie inadaptée (sous-dosage)
Surdosage d’administration du médicament
Modalité d’administration (voie d’administration)
3
3
1
1
1
1
1
1
1
1
omission ou à un acte, sans intention de nuire. La plupart
des erreurs n’ont pas de conséquences décisives sur la santé
des malades. Le risque est inhérent à l’acte médical et être
médecin c’est d’accepter ce risque dans l’acte médical, ceci
peut passer par une formation scientifique solide, la connaissance des facettes de l’acte médical au lit des malades (au
contact de ses aînés) et par une attitude pragmatique permanente permettant de tirer profit de ses propres erreurs
et de celles des autres. Le médecin est un être humain
donc faillible, de ce fait, il existe des risques d’erreurs dans
ses actions diagnostiques ou thérapeutiques. Kaushal et al.
ont relevé 5,7 % d’erreurs sur 10 000 prescriptions [3]. Bates
et al. [4] ont déterminé que 6,1 % des patients subissaient
une erreur de médication. Dans cette étude, environ un tiers
des erreurs auraient pu être prévenues.
La gestion d’une erreur ou d’une façon générale d’une
situation de crise est un élément important dans la maîtrise
du risque. L’erreur médicamenteuse est rarement un acte
isolé, elle ne survient pas seule. Elle est l’enchaînement
imprévu, mais curieusement souvent prévisible, de divers
événements auxquels contribuent différents acteurs. Selon
Figure 2. Fiche de référence incomplète (source d’information
incomplète).
le modèle de Reason [5], la dynamique survenue d’un accident résulte d’une série de conjonctions qui ont permis
malgré la présence de nombreux système de défense de faire
en sorte que les erreurs aboutissent à la complication. Ce
modèle met en avant la complexité des relations de cause
à effet. Il montre que l’erreur humaine se combine à des
facteurs techniques et organisationnels qui se succèdent et
favorisent l’erreur. De fait, une distinction doit être faite
entre les erreurs qui résultent d’un défaut dans l’exécution
d’une action et les fautes qui traduisent soit une mauvaise
expertise (jugement inadéquat) soit une violation ou une
infraction au bon déroulement de la procédure. En fait, pour
aboutir à l’erreur humaine, il faut une inadéquation entre
les caractéristiques d’une situation de fonctionnement et
les possibilités cognitives de l’individu.
L’erreur médicale n’est pas uniquement imputable aux
médecins, mais à tous les membres du corps médical. Tout
acte médical de diagnostic, de soins, d’intervention chirurgicale peut générer une erreur médicale. L’erreur médicale
peut être secondaire à une faute caractérisée (erreur de
côté, de dosage d’un médicament) ou une maladresse ou
une négligence (mauvaise réalisation de suture, oubli d’un
corps étranger, mauvaise surveillance postopératoire. . .).
Le médecin après un temps d’interrogatoire et d’examen
relie entre elles une série d’informations (la forme initiale est équivalente à l’hypothèse de départ). La suite de
l’examen aboutit à la confirmation ou à l’infirmation de
cette hypothèse par vérification et élimination de toute une
série de possibilités. L’erreur est possible à tous les niveaux.
Le recueil même des données peut biaiser le diagnostic.
Les mauvaises connaissances théoriques peuvent masquer
l’évidence du symptôme. On distingue plusieurs méthode de
détection d’erreurs médicamenteuses : la méthode observationnelle, la déclaration spontanée, le suivi des dossiers
médicaux et l’analyse des prescriptions [6]. L’erreur est
issue d’une mauvaise évaluation de la causalité.
La prévention des risques passe par l’analyse des
situations à risque et l’établissement des protocoles de prévention (protocoles écrits dans l’unité) et de s’inspirer de
ce qui se fait dans d’autres secteurs d’activité (aviation,
nucléaire. . .). En pratique pour éviter l’erreur il faut faire la
revue des événements indésirables, analyser des causes de
survenue et mettre en place des protocoles de prévention.
Au premier signal d’alerte, elle est aisée à détecter contrairement à la combinaison de facteurs, des circonstances et
256
des défaillances qui en sont à l’origine [7]. Nul n’est à l’abri
d’une erreur médicamenteuse. Chacun est faillible dans ses
connaissances et dans la mise en œuvre de celles-ci. On
ne peut espérer prévenir les erreurs médicamenteuses si on
n’implante pas dans les esprits la culture du risque et de la
performance, préalable indispensable à la réorganisation du
circuit du médicament.
Différentes approches ont été suggérées pour réduire les
erreurs de médication [8,9]. Ces recommandations peuvent
être classées en modifications organisationnelles et en celles
découlant de l’introduction d’un outil informatique. D’un
point de vue général, il est nécessaire de faire partager
au personnel médical et soignant les erreurs de médication
détectées. Il est indispensable de considérer chaque erreur
comme une source d’apprentissage permettant d’améliorer
le circuit hospitalier du médicament [10,11]. Il est vraisemblable que la plupart des erreurs de prescription
(médicament non indiqué, médicament sur- ou sous-dosé)
passent inaperçues, et que le personnel soignant ne peut
relever ce type d’erreur. D’ailleurs, comme l’avaient souligné Barker et al. [12] en 1982, « puisque la plupart des
patients retournent chez eux, la majorité des erreurs de
médication n’a probablement pas de conséquences critiques ». Ce raccourci ne tient naturellement pas compte
d’un éventuel allongement de la durée du séjour hospitalier,
et des conséquences humaines des erreurs de médication.
Dans le cadre des erreurs de médication, il est important de
reconnaître les limites des capacités humaines, de ne pas
considérer les erreurs comme des fautes, et de promouvoir
un environnement d’apprentissage. Les déclarations volontaires des erreurs de médication doivent être encouragées,
car tant que les erreurs ne seront pas relevées et suivies au
quotidien, elles seront condamnées à être répétées [13,14].
Il nous apparaît judicieux pour éviter l’erreur médicale de
tirer des leçons de ce qui se passe dans les autres secteurs
et de respecter les règles suivantes :
• la communication dans l’équipe est essentielle ;
• les protocoles doivent être respectés ;
• la compétence de tous est essentielle ;
• il faut être préparé à faire face à l’urgence ;
• il faut que chaque membre de l’équipe soit conscient de
ses responsabilités.
Notre étude nous a permis d’avoir une approche globale
du fonctionnement de l’ensemble du personnel du service et
mesurer les risques en vue d’une action préventive, proactive permettant de les réduire.
A. Oulmaati et al.
Conclusion
L’erreur reste un événement évitable, résultant d’un dysfonctionnement non intentionnel dans l’organisation de la
prise en charge thérapeutique du patient. Nous insistons
sur l’intérêt d’une formation scientifique solide, la connaissance des facettes de l’acte médical au lit des malades
et l’intérêt de la mise en place des mesures préventives.
Références
[1] Galam E. L’erreur médicale. Rev Prat Med Gen
2003;17:1231—4.
[2] Claudel P. Journal; 1930 [Citations de Paul Claudel].
[3] Kaushal R, Bates D, Landrigan C. Medication errors and adverse
drug events in pediatric inpatients. JAMA 2001;285:2114—
20.
[4] Bates D, Cullen D, Laird N, Petersen L, Small S, Servi
D. Incidence of adverse drug events and potential adverse
drug events. Implications for prevention. JAMA 1995;274:29—
34.
[5] Reason J. Understanding adverse events: human factors. Qual
Health Care 1995;4:80—95.
[6] Savet M, Bertholle V, Vemardet S, Charpiat B, Constant H,
Bleyzac N. Place de la pharmacocinétique clinique dans la
détection, collecte et la déclaration des erreurs médicamenteuses en pédiatrie. J Pharm Clin 2005;2411:31—9.
[7] Kohn L, Corrigan J, Donaldson M. To err is human: building
a safer health system. Washington: National Academy Press;
2000. p. 768—70, vol. 320.
[8] Klotz P. L’erreur médicale : mécanismes et prévention. Paris:
Maloine; 1994. p. 147.
[9] Thomson C. USP issues first report from medication-errors database. Am J Health Syst Pharm 2001;58:106—7.
[10] Stump LS. Re-engineering the medication error-reporting process: removing the blame and improving the system. Am J
Health Syst Pharm 2000;57:10—7.
[11] Hodges D, Mclachlan J, Finn G. Exploring reflective ‘‘critical
incident’’ documentation of professionalism lapses in a medical undergraduate setting. BMC Med Educ 2009;9:44.
[12] Barker K, Flynn E, Pepper G. Medication errors in nursing
homes and small hospitals. Am J Hosp Pharm 1982;39:987—
91.
[13] David G. Faire bon usage de l’erreur médicale. Bull Acad Natl
Med 2003;187:15—25.
[14] Flin R, Paty R, Jackson J, Mearn K, Dissanyaka U. Year 1 medical
undergraduates’ knowledge of and attitudes to medical error.
Med Educ 2009;43:1147—55.
Téléchargement