Habilitation à Diriger des Recherches - Risc

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Habilitation à Diriger des Recherches
Discipline : Psychologie
Présentée et soutenue publiquement par :
David CLARYS
Le 7 décembre 2009
Troubles de la mémoire épisodique et des états de conscience associés
dans le vieillissement normal et le stress post-traumatique
Document de synthèse des travaux
Jury :
Louis BHERER
Yves CORSON
Daniel GAONAC'H
Jean-Claude MARQUIE
Grégory MICHEL
Serge NICOLAS
Examinateur, Université de Montréal
Rapporteur, Université de Nantes
Examinateur, Université de Poitiers
Examinateur, Université de Toulouse
Rapporteur, Université de Bordeaux II
Rapporteur, Université Paris Descartes
REMERCIEMENTS
Je souhaite ici remercier les nombreuses personnes qui au cours de ces huit années
passées à l'Université m'ont permis d'arriver jusqu'à cette Habilitation à Diriger des
Recherches, et en premier lieu les membres du jury.
Je commence par Serge Nicolas qui m'a accordé sa précieuse confiance et qui m'a
soutenu et conseillé dés que je lui ai parlé de mon projet de présenter une HDR, il y a un an.
Savoir que j'avais sa confiance a été déterminant dans cette dernière année. Je remercie Daniel
Gaonac'h qui m'a apporté son aide avec une très grande efficacité au cours de cet été passé à
rédiger. Il m'a servi de guide et m'a ainsi permis de connaître la direction à suivre dans la
rédaction de ce document de synthèse. Il m'a également permis de présenter cette HDR à
l'Université de Poitiers. Merci à Yves Corson qui, dix ans plus tôt, avait déjà participé à mon
jury de thèse et donc à qui je dois beaucoup dans ce parcours. Sa participation aux deux jurys
est un signe de confiance très important. Je remercie Jean-Claude Marquié qui, malgré un
emploi du temps très chargé, me fait l'honneur de participer à ce jury après s'être déjà déplacé
en avril pour un jury de thèse. Merci à Grégory Michel que j'ai eu le plaisir de connaître
lorsqu'il était à l'Université de Tours. Sa présence dans ce jury témoigne de la confiance qu'il
m'accorde pour la conduite des travaux en psychopathologie. Enfin, je remercie Louis
Bherer, que j'ai rencontré en 2008 à Atlanta, et qui me fait l'honneur de venir du Canada pour
examiner mon HDR, après être également venu en avril pour un jury de thèse. Je sais combien
il est compliqué de faire un tel déplacement du fait du temps de vol, du décalage horaire, et
surtout de sa charge de famille. Merci donc pour avoir accepté de participer malgré toutes ces
contraintes.
Je n'aurai pas pu présenter cette HDR sans ces différents membres du jury, mais bien
entendu, je n'aurai pas pu la présenter sans la contribution des collègues de mon équipe. Je
souhaite donc les remercier. Mon premier remerciement s'adresse à Michel Isingrini avec qui
j'ai réalisé ma thèse et avec qui j'ai collaboré depuis mon entrée à l'Université, après mon postdoctorat. Je regrette que nos conceptions assez différentes de l'Université nous aient éloignés
depuis quelques années, et probablement définitivement. Merci également à Laurence
Taconnat pour notre collaboration passée et à Séverine Fay. Merci à Sandrince Vanneste
pour son engagement pour la communauté universitaire et pour son ouverture d'esprit. Merci à
Badiâa Bouazzaoui pour sa contribution à l'informatisation des protocoles de recherche.
Merci à tous les doctorants de l'équipe avec qui j'ai pu partager des bons moments. J'ai eu le
plaisir d'encadrer la thèse de Géraldine Tapia et celle d'Aurélia Bugaïska. Ce document de
synthèse repose en partie sur leurs travaux et je les remercie pour leur implication et la
pertinence des échanges scientifiques que j'ai régulièrement avec elles. Merci aussi à
Sandrine Kalenzaga dont j'encadre actuellement la thèse et avec qui je développe des travaux
dans la maladie d'Alzheimer.
Cette HDR est également le résultat de collaborations extérieures et je tiens à
remercier différentes collaborateurs, et en premier lieu, Francis Eustache qui m'a accueilli 18
mois dans son laboratoire pour un post-doctorat. Cette expérience a été riche sur le plan
scientifique et elle m'a permis de rencontrer différentes personnes de son équipe avec qui je
suis resté en contact. Merci à Béatrice Desgranges et Bérengère Guillery-Girard. Merci à
Pascale Piolino que j'ai grand plaisir à rencontrer dans de nombreux congrès en France ou à
l'étranger. Merci à Frédéric Bernard dont j'ai pu suivre le parcours depuis notre séjour
commun à Cyceron. Merci à Gaëlle Giffard-Quillon devenue amie de la famille depuis cette
période. J'ai aussi le plaisir de collaborer avec Céline Souchay et Chris Moulin et je tiens à
les remercier pour leur gentillesse et leur disponibilité dans nos nombreux échanges
scientifiques et pour l'appréciation qu'ils portent sur mes travaux. Je remercie Wissam El
Hage avec qui nous avons mis en place une collaboration très fructueuse pour étudier le stress
post-traumatique. Son expérience et ses connaissances de clinicien chercheur me sont
précieuses. Merci à Alexia Baudouin pour les collaborations passées et à venir. Merci à
Marie-Laure Grillon, pour son activité à Tours et avec qui des projets sont en cours.
Merci aussi aux collègues de Poitiers avec qui des projets sont en cours : Michel
Audiffren, Cédric Albinet, Cédric Bouquet, Lucette Toussaint, et Geoffroy Boucard.
Merci à Jean-François Rouet, directeur du Laboratoire pour m'avoir soutenu dans le choix de
présenter cette HDR à Poitiers et pour le travail commun dans l'encadrement de la thèse
d'Aurélia. Merci aussi à François Ric et Thierry Olive pour leur contribution à la mise en
place de la démarche administrative liée à l'HDR à Poitiers. Merci à Marie-Annick
Thouvenin et Hélène Brillet-Artus pour leur gestion administrative et financière parfait.
Les travaux présentés dans ce document n'auraient pu se faire sans la participation de
nombreuses personnes qui ont eu la gentillesse de donner de leur temps pour réaliser les
tâches parfois fastidieuses. Je les en remercie.
Je remercie également mes parents et toute ma famille (trop nombreuse pour être citée)
pour leur soutien. Enfin, j'adresse un grand merci à Aurélie ma compagne qui a toujours cru
en moi et qui m'incite à aller toujours plus loin. Elle a accepté de me voir passer les dernières
vacances devant l'ordinateur, mais aussi de nombreuses soirées et week-ends, et je l'en
remercie. Elle m'a également permis d'avoir deux enfants formidables, Capucine et Célestin
et je veux les remercier tous les trois pour le bonheur qu'ils m'apportent au quotidien et qui me
permet de trouver l'équilibre nécessaire à mon engagement universitaire. Sans vous, je ne serai
pas ce que je suis.
SOMMAIRE
Avant-propos........................................................................................................................ 1
INTRODUCTION GENERALE ........................................................................................... 3
CHAPITRE I : LA MEMOIRE HUMAINE : DES DICHOTOMIES AU MODELE
DE TULVING ...................................................................................................................... 5
I - Les principales dichotomies .......................................................................................... 6
1.1- La mémoire à court terme et la mémoire à long terme........................................... 6
1.1.1- L'origine de la distinction ................................................................................ 6
1.1.2- Le modèle de la mémoire de travail de Baddeley (2001) ................................ 8
1.2- La mémoire épisodique et la mémoire sémantique .............................................. 11
1.3- La mémoire déclarative et la mémoire procédurale.............................................. 12
1.4- La mémoire explicite et la mémoire implicite...................................................... 13
II – Le modèle de Tulving (1995) .................................................................................... 14
III – Les états de conscience associés à la récupération en mémoire............................... 18
CHAPITRE II : VIEILLISSEMENT ET MÉMOIRE ................................................. 22
INTRODUCTION ............................................................................................................... 23
I – Vieillissement, mémoire implicte et explicite ............................................................ 26
II – Vieillissement et tâches classiques de mémoire episodique...................................... 36
2.1- L'approche analytique : déficits d'encodage ......................................................... 37
2.2- L'approche globale : l'hypothèse exécutive .......................................................... 44
2.3- L'approche globale : le ralentissement des traitements......................................... 51
III – Métamemoire et vieillissement ................................................................................ 58
IV – Etats de conscience associés à la récupération en mémoire et vieillissement ......... 69
4.1- L'approche globale : ralentissement des traitements et déficits exécutifs ............ 71
4.2- L'approche analytique : stratégies d'encodage et valence émotionnelle ............... 80
CHAPITRE III : LES TROUBLES DE LA MEMOIRE DANS LE STRESS POSTTRAUMATIQUE............................................................................................................... 92
INTRODUCTION ............................................................................................................... 93
I – Clinique de l'Etat de Stress post-traumatique ............................................................. 94
II – Les troubles cognitifs généraux dans le PTSD........................................................ 100
III – Etats de conscience et mémoire dans le PTSD ...................................................... 103
CHAPITRE IV : PERSPECTIVES DE RECHERCHE ............................................. 114
I – Discussion des travaux antérieurs dans le vieillissement normal............................. 115
II – Les états de conscience dans le vieillissement normal ............................................ 118
1.1-
Etats de conscience, fonctions exécutives et vieillissement....................... 118
1.2-
Etats de conscience, vieillissement et activité physique ............................ 119
1.3-
Etats de conscience, viellissement, émotion et référence à soi .................. 122
III – Les états de conscience dans la maladie d'Alzheimer ............................................ 124
IV – Etats de conscience et stress post-traumatique ...................................................... 126
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ...................................................................... 132
Avant-propos
1
Avant-propos
Ce document présente une synthèse de mes travaux scientifiques des dix dernières
années. Le 26 novembre 1999, je terminais trois ans passés à la réalisation d'une thèse
intitulée " Etude de l'effet de l'âge et des facteurs de vieillissement sur les tâches de
mémoire épisodique: Apport du paradigme R/K." et réalisée sous la direction de Michel
Isingrini. Depuis, la mémoire épisodique et les états de conscience associés, évalués par le
paradigme R/K, sont restés les thèmes centraux de mes travaux. Après un post-doctorat
réalisé à Caen auprès de Francis Eustache, j'ai pu poursuivre mes travaux à Tours comme
Maître de Conférences depuis 2001. Nommé dans l'EA 2114 "Vieillissement et
Développement Adulte", j'ai contribué à la création en janvier 2006 de l'UMR-CNRS 6234
"Centre de Recherches sur la Cognition et l'Apprentissage" à laquelle j'appartiens à l'heure
actuelle. Pour cela, avec 3 collègues de l'EA 2114, nous avons rejoint l'ancien LACO de
Poitiers pour créer cette nouvelle équipe. Sur le plan scientifique, dans la continuité de ma
thèse, j'ai pu poursuivre mes travaux sur le vieillissement normal et développer depuis
quelques années des recherches sur le stress post-traumatique. Pour l'avenir, en plus de ces
domaines, mes projets porteront sur la maladie d'Alzheimer.
Ce parcours m'a amené à conduire directement des travaux, à en encadrer, et à
collaborer à la réalisation de certains, avec une implication différente selon les articles. Ce
document de synthèse est le résultat de l'ensemble de ce travail. J'ai fait le choix de
présenter tous les articles sur lesquels j'apparais comme auteur, mais par soucis
d'honnêteté, il me semble nécessaire de préciser mon degré d'implication dans les différents
secteurs. Le centre de mes travaux étant les états de conscience associés à la récupération
d'une information en mémoire, j'ai été promoteur de l'ensemble des publications dans ce
domaine (douze articles sur vingt-deux présentés dans le document), que ce soit dans le
vieillissement normal ou dans le stress post-traumatique. La distinction entre les aspects
implicites et explicites de la mémoire étant très proche, j'ai également conduit ou participé
activement aux travaux présentés dans ce domaine (deux articles). Concernant l'analyse de
l'effet du vieillissement sur les mesures classiques de la mémoire épisodique, j'ai été moins
impliqué dans les travaux conduits par Laurence Taconnat (trois articles), mais j'ai conduit
ou été très impliqué dans deux autres articles. Enfin, j'ai été très impliqué dans deux des
Avant-propos
2
trois articles sur la métamémoire, ceux publiés dans le cadre de la collaboration avec
Céline Souchay.
Dix ans après ma soutenance de thèse, j'ai donc choisi de présenter une Habilitation
à Diriger des Recherches qui s'appuie sur ce passé et qui me permet de faire un bilan pour
mieux me projeter dans l'avenir. Ces huit années passées à "l'Université", m'ont permis de
découvrir toute la richesse de ce terme et du milieu universitaire. La collégialité est centrale
ce qui se traduit par des décisions prises collectivement permettant à chacun de trouver sa
place dans un engagement plutôt sur le versant scientifique, ou sur le versant pédagogique,
ou encore en faisant vivre l'institution par un engagement administratif. C'est aussi un
extraordinaire lieu de rencontre où chacun apporte sa différence ce qui constitue une
richesse éternelle. Etre universitaire, c'est appartenir à une communauté avec laquelle on
partage des valeurs. Pour ma part, j'ai fait le choix de m'engager dans des sociétés de
psychologie (Société Française de Psychologie, Association des Enseignants-chercheurs en
Psychologie des Universités, Société de Neuropsychologie de Langue Française) et aussi
d'avoir une activité syndicale me permettant de défendre ces valeurs. Au cours de ces huit
années, je me suis également investi dans la vie universitaire à différents niveaux :
Responsable de la Licence de Psychologie, Directeur du Département de Psychologie,
membre du Conseil Scientifique de l'Université, et enfin membre de la 16e section du
Conseil National des Universités.
La probabilité que je devienne universitaire était faible du fait de mes origines
modestes ; mes parents étant agriculteurs. Alors, c'est peut-être mon éducation et les
valeurs transmises par ce milieu qui m'ont amenées jusqu'à l'Université. Mon attachement à
la culture de la terre est tel que j'ai hésité au milieu de ces huit années à retourner vers mes
origines, pour mettre en conformité mon engagement pour la protection de l'environnement
et mon activité professionnelle. Finalement, cette réflexion m'a conduit à faire le choix de
m'investir encore plus dans les activités universitaires, notamment scientifiques, ce qui m'a
logiquement conduit à présenter cette HDR. J'espère que les nombreuses réformes menées
depuis quelques années ne détruiront pas l'idéal universitaire auquel je suis très attaché.
Dans l'immédiat, et en conformité avec ma volonté d'indépendance scientifique, j'ai choisi
de présenter cette HDR en dehors de m'on université d'exercice et sans aucun membre du
jury avec lequel j'ai co-publié des articles. J'espère que ces choix seront porteurs d'avenir à
l'Université de Tours ou de Poitiers, ou dans une autre Université.
Introduction générale
3
INTRODUCTION GENERALE
La mémoire est probablement la fonction psychologique qui nous est la plus
familière du fait qu'elle intervienne dans toutes nos activités quotidiennes. Comme le
rappelle Lieury (1998), le mot "mémoire" prend son origine dans le nom de la déesse
grecque Mnémosyne. L'invention de l'art de la mémoire est attribuée à Simonide de Céos
(poète lyrique du Ve siècle avant J.C.). La légende raconte que lors d'un banquet, Simonide
fut appelé à l'extérieur par deux jeunes gens. Pendant son absence, le toit de la salle se
serait écroulé sur l'ensemble des invités. Simonide fut le seul rescapé et eut à se remémorer
la place des convives pour les identifier. C'est ainsi qu'il en a déduit la célèbre méthode des
lieux qui consiste à mémoriser les objets sous formes d'images et à les associer à un lieu.
Ensuite, et jusqu'au XIXe siècle, les écrits sur la mémoire ont été essentiellement l'oeuvre
de philosophes tels que Platon, Aristote, ou Descartes.
Le XIXe siècle correspond à la naissance de la psychologie scientifique avec la
psychophysique et la psychologie sensorielle mais aussi à la première étude expérimentale
de la mémoire réalisée par Ebbinghaus (1885). L'application de la démarche expérimentale
à l'étude de la mémoire est présentée dans la Figure 1. Elle consiste le plus souvent à
présenter au participant, dans un contexte précis, une série d'éléments qu'il doit apprendre
(phase d'encodage), puis, après un délai temporel (phase de stockage), le participant est
invité à restituer le maximum d'informations présentées (phase de récupération). Pour
comprendre le processus de mémoire, le chercheur peut alors manipuler des variables
modifiant les paramètres pour chacune de ces phases.
STOCKAGE
(Délai temporel)
ENCODAGE
RECUPERATION
Figure 1. Protocole expérimental d'étude de la mémoire
Depuis l'étude d'Ebbinghaus (1885), la définition de la mémoire, et surtout les
travaux et les théories classées sous cette dénomination ont connu une évolution
Introduction générale
4
importante. Le mot "mémoire" est devenu un terme générique et global pour désigner la
fixation, la rétention et la restitution d'une information. La mémoire est considérée comme
une fonction essentielle grâce à laquelle l'homme emmagasine, conserve puis réactualise
ultérieurement les informations qu'il a rencontrées au cours de sa vie. La mémoire humaine
peut donc être définie comme étant la capacité à restituer de l'information contenue dans un
message en l'absence de celui-ci ou à la reconnaître parmi d'autres messages.
L'emploi d'un concept unique pourrait suggérer que la mémoire corresponde à un
système unitaire. Pourtant, le système mnésique humain est capable d'une grande variété de
fonctions. Dans le cadre des approches multi-systémiques de la mémoire, les auteurs
s'accordent sur l'existence de plusieurs systèmes mnésiques. Ces systèmes de mémoire
peuvent se distinguer principalement selon trois éléments : (1) la durée du stockage, (2) la
capacité de stockage, et (3) le niveau de conscience associé à la récupération d'une
information. Ainsi, ils couvrent des durées de stockage allant de quelques fractions de
secondes à plusieurs dizaines d'années. Leur capacité de stockage varie également de
mémoires tampons à capacités réduites, au système de mémoire à long terme dont la
capacité semble quasiment illimitée. Enfin, certains systèmes impliquent un accès
conscient aux informations, alors que d'autres agissent de manière complètement
inconsciente. La mémoire n'est donc pas homogène, que ce soit dans ses composantes ou
dans son fonctionnement. Cette synthèse s'inscrit pleinement dans cette problématique et
concerne principalement le troisième grand élément distinctif : le niveau de conscience
associé à la récupération d'une information en mémoire.
Le premier chapitre sera consacré à une présentation des principales dichotomies de
la mémoire et du modèle synthétique de Tulving (1995), qui est largement admis dans la
littérature et qui est à la base des différents travaux présentés dans ce document. Ceci nous
amènera à présenter la notion d'états de conscience associés à la récupération en mémoire
et la méthodologie particulière qui permet de les évaluer (le paradigme Remember/Know).
Les travaux qui seront ensuite présentés s'inscrivent principalement dans le cadre du
vieillissement normal, qui sera traité dans le deuxième chapitre. Dans le troisième chapitre
les travaux consacrés à l'état de stress post-traumatique seront développés. Enfin, le
quatrième chapitre concerne les projets de recherche pour les années à venir, qui
s'inscrivent dans la continuité des travaux déjà réalisés et auxquels s'ajoutent des axes
nouveaux, notamment le développement de projets relatifs à la maladie d'Alzheimer.
5
CHAPITRE I :
LA MEMOIRE HUMAINE : DES DICHOTOMIES AU
MODELE DE TULVING
Chapitre 1 : La mémoire humaine : des dichotomies au modèle de Tulving
6
Comme cela a été mentionné dans l'introduction, l'intérêt pour la mémoire humaine
est très ancien et les connaissances scientifiques sur la structure de la mémoire se sont
fortement développées depuis le milieu du siècle dernier, notamment grâce à l'approche
cognitiviste. La mémoire est maintenant considérée comme une fonction complexe qui fait
intervenir plusieurs composantes. Elle comporte diverses structures plus ou moins
spécialisées et plus ou moins indépendantes, qui ont souvent été considérées par paires,
c'est-à-dire en opposition d'un système à un autre. Dans ce chapitre, nous rendrons compte
des principales distinctions selon leur ordre chronologique d'apparition dans la littérature :
(1) la mémoire à court terme ou mémoire de travail et la mémoire à long terme, (2) la
mémoire épisodique et la mémoire sémantique, (3) la mémoire déclarative et la mémoire
procédurale, et (4) la mémoire explicite et la mémoire implicite. Enfin, nous présenterons
un modèle synthétique actuel qui dépasse et intègre ces oppositions entre systèmes de
mémoire et qui nous conduira à développer la notion d'états de conscience associés à la
récupération en mémoire.
I - LES PRINCIPALES DICHOTOMIES
1.1- LA MEMOIRE A COURT TERME ET LA MEMOIRE A LONG TERME
1.1.1- L'origine de la distinction
Cette première dichotomie est liée au temps de stockage de l'information. Même si
James (1890) faisait déjà la distinction entre une mémoire primaire et une mémoire
secondaire, on considère que la mise en avant de la distinction entre la mémoire à court
terme et la mémoire à long terme repose sur les travaux d'Atkinson et Shiffrin (1968). En
fonction du délai qui s'écoule entre la phase d'encodage et la phase de récupération, il est
possible de distinguer une capacité de mémoire immédiate et une capacité de mémoire à
long terme. La première capacité renvoie à la production d'une information qui vient d'être
perçue. Celle-ci peut être une simple reproduction de l’information, où la restitution d'une
information modifiée. Dans le premier cas, on parle de mémoire à court terme, alors que
dans le second on parle plutôt de mémoire de travail. La seconde capacité renvoie à
l’expression par le sujet d’une expérience ou d’une connaissance à laquelle il ne vient pas
d’être confronté, cette information ayant pu être acquise quelques minutes ou quelques
Chapitre 1 : La mémoire humaine : des dichotomies au modèle de Tulving
7
années auparavant. Nous développerons ici principalement la notion de mémoire à court
terme et de travail, la mémoire à long terme se retrouvant dissociée dans les autres
dichotomies.
La mémoire à long terme permet l'apprentissage de nouvelles informations et
l'utilisation d'informations acquises depuis longtemps. Elle présente une durée de stockage
quasiment sans limite comme en atteste le rappel de souvenirs très anciens chez des
personnes âgées. Cette mémoire est également considérée comme infinie en capacité
puisque l'on enregistre en continu de nouvelles informations et que l'on peut mettre en
œuvre des stratégies qui visent à faciliter leur récupération.
La mémoire à court terme est limitée en capacité et en durée. L'information qui est
retenue par cette mémoire n'est pas une image complète des événements qui ont eu lieu au
niveau sensoriel, mais plutôt l'interprétation immédiate de ces événements. Elle permet de
retenir des éléments tels que les derniers mots d'une phrase que l'on vient d'entendre ou de
lire, un numéro de téléphone, ou le nom d'une personne. Pour mesurer la capacité de la
mémoire à court terme, on utilise classiquement une tâche d'empan mnésique. Chez le sujet
normal, le nombre d’éléments qui peut ainsi être rappelé est de "sept plus ou moins deux"
(Miller, 1956). La mémoire à court terme a aussi une durée de stockage très brève, limitée
à quelques dizaines de secondes. Toutefois, il est possible de maintenir une information en
mémoire à court terme durant un intervalle temporel plus important, voir infini, en faisant
un effort de répétition. En effet, lorsque la situation l’exige, des processus d’autorépétition
peuvent être mis en place afin de conserver l’information utile à l’exécution d’une tâche.
Ce processus est spécifique à la mémoire à court terme et son action est limitée à la
capacité du registre. Il n’est pas possible d’augmenter la capacité de la mémoire par son
intermédiaire. Tout se passe comme si le processus d’autorépétition récupérait simplement
la trace d’un signal affaibli pour le réactiver. Cette forme d’autorépétition sert uniquement
à maintenir une information en mémoire immédiate, elle est donc appelée autorépétition de
maintien.
Le concept de mémoire de travail s’inscrit dans la continuité des travaux sur la
mémoire à court terme et du modèle d'Atkinson et Shiffrin (1968). Le terme de mémoire de
travail a progressivement remplacé celui de mémoire à court terme bien qu’il reflète des
notions différentes. Selon Baddeley (1992), "la mémoire de travail est un système servant à
retenir temporairement les informations et à les manipuler pour une gamme importante de
Chapitre 1 : La mémoire humaine : des dichotomies au modèle de Tulving
8
tâches cognitives telles que l’apprentissage, le raisonnement et la compréhension". En ce
sens, elle a une fonction plus importante que le simple rappel à court terme. Elle est conçue
comme un système qui effectue à la fois du stockage et du traitement de l'information. La
mémoire de travail a donc une fonction centrale nécessaire à l’ensemble des activités
cognitives, ce qui explique qu'elle soit souvent invoquée pour rendre compte de la
limitation des performances dans certaines tâches cognitives complexes.
1.1.2- Le modèle de la mémoire de travail de Baddeley (2001)
Bien qu'il existe différentes conceptions de la mémoire de travail (voir Gaonac'h &
Larigauderie, 2000), nous présenterons dans ce document uniquement le modèle proposé
par Baddeley (Baddeley, 1986 ; Baddeley & Hitch, 1974) et récemment révisé (Baddeley,
2001) puisqu'il représente la conception dominante et qu'il sert de support à certaines
études qui sont présentées. Ce modèle, dans sa forme actuelle, est représenté dans la Figure
2.
Figure 2. Modèle de la mémoire de travail, d'aprés Baddeley (2001).
Le modèle initial de mémoire de travail de Baddeley & Hitch (1974) comprenait un
système de contrôle de l’attention, le centre exécutif (ou administrateur central), qui
supervise et coordonne deux systèmes esclaves auxiliaires : la boucle phonologique et le
Chapitre 1 : La mémoire humaine : des dichotomies au modèle de Tulving
9
calepin visuo-spatial. Plus récemment, un quatrième composant a été introduit : le buffer
épisodique (Baddeley, 2000, 2001). Ces différents systèmes seraient en interaction, et
seraient impliqués dans le stockage et/ou dans le traitement de l’information maintenue de
façon temporaire en mémoire. Ce document de synthèse ne portant pas sur la mémoire de
travail, nous proposons simplement à la suite une rapide description des différents soussystèmes (pour une description complète, voir Beigneux, 2007 ; Gaonac'h & Larigauderie,
2000).
L’administrateur central est un système attentionnel impliqué dans la mise en œuvre
et le contrôle des opérations de traitement. Il a notamment pour fonction de sélectionner et
de mettre en place les stratégies cognitives les plus pertinentes au regard de la situation.
Comme les autres sous-systèmes, le centre exécutif semble être fractionné en différents
processus. Baddeley (1992) se réfère au modèle de contrôle attentionnel de l’action de
Norman et Shallice (1986) pour expliquer le rôle et le fonctionnement de l’administrateur
central. Ce modèle suppose que les actions en cours peuvent être contrôlées par
l’intermédiaire de deux voies bien distinctes, l’une automatique (le gestionnaire des
priorités) et l’autre attentionnelle (le système attentionnel superviseur).
La boucle phonologique permet le traitement et le maintien des informations de
nature verbale. Elle est donc impliquée dans la mémoire de travail verbale. Elle comporte
deux sous-systèmes : une unité de stockage phonologique et un processus de contrôle
articulatoire. L’unité de stockage phonologique contient les informations provenant du
langage, qu’elle maintient dans leur forme phonologique. Le processus de contrôle
articulatoire peut rafraîchir l’information contenue dans le registre de stockage par un
procédé cyclique de réactivation. Comme nous l'avons vu précédemment, ce processus est
aussi appelé autorépétition subvocale ou de maintien. De plus, lorsque le sujet est
confronté à un élément visuel verbalisable, ce processus de contrôle articulatoire permet de
convertir le stimulus en un code phonologique et de l’enregistrer dans l’unité de stockage
phonologique.
Le calepin visuo-spatial permet la formation, le maintien temporaire, et la
manipulation des images mentales et des représentations spatiales. Il est donc impliqué
dans la mémoire de travail visuo-spatiale. Il peut être approvisionné soit directement par la
perception visuelle, soit indirectement par la formation d'une image mentale. Il serait
constitué de deux sous composants : le cache visuel et le scribe interne (Logie, 1995). Le
Chapitre 1 : La mémoire humaine : des dichotomies au modèle de Tulving
10
cache visuel est vu comme un système de stockage passif qui maintient temporairement les
configurations visuelles alors que le scribe interne serait un mécanisme actif de répétition
requis dans les activités de planification et d’exécution de mouvements. Ces deux sous
composants sont interdépendants dans la mesure où le scribe interne régénère le contenu du
cache visuel lorsque les informations qu’il contient doivent être maintenues plus
longtemps.
Le buffer épisodique est conçu comme un système de capacité limité, dédié au
stockage temporaire d’informations multimodales, et à l’intégration, au sein d’une
représentation épisodique unitaire, des informations provenant des deux systèmes esclaves
et de la mémoire à long terme. L’adjectif "épisodique" a été repris du terme de "mémoire
épisodique" que nous présenterons au point suivant. Il renvoie au fait que ce système
maintient des informations, en provenance des autres composants de la mémoire de travail
et de la mémoire à long terme, qui sont intégrées, à la fois spatialement et temporellement,
en une structure cohérente et complexe telle qu’une scène ou un épisode (Baddeley, 2000,
2001 ; Repovs & Baddeley, 2006). Le terme « buffer » renvoie au fait qu’il sert
d’intermédiaire entre des systèmes utilisant des codes différents, qu’il combine afin de
former une représentation unitaire multidimensionnelle qu’il maintient temporairement.
L’intégration et le maintien des informations dans le buffer épisodique dépendent du centre
exécutif, qui peut influencer son contenu en prêtant attention à une source donnée
d’informations (entrées perceptives, sous-système esclaves ou encore mémoire à long
terme). Selon Baddeley (2000), le buffer épisodique a donc des fonctions plus nombreuses
et plus diversifiées que les deux sous-systèmes esclaves.
Ainsi, il jouerait un rôle important entre mémoire à long terme et conscience, en
créant et en manipulant de nouvelles représentations cognitives qui pourraient permettre de
faciliter les traitements, voire les apprentissages ultérieurs. La récupération des
informations stockées dans le buffer serait basée sur la conscience, qui lierait entre elles de
nombreuses informations complexes de différentes sources et modalités, de manière à ce
qu’elles soient accessibles à la réflexion, créant ainsi un modèle de l’environnement qui
pourrait être manipulé. Du fait même de la dénomination de ce sous-système mais aussi des
fonctions qui lui sont attribuées, il apparaît que le buffer épisodique est susceptible
d'intervenir dans le fonctionnement de la mémoire épisodique, notamment pour
l'intégration des informations contextuelles lors de l'encodage et pour la récupération
Chapitre 1 : La mémoire humaine : des dichotomies au modèle de Tulving
11
ultérieure de ces mêmes informations. Baddeley (2000) a également créé un lien explicite
entre les deux sous-systèmes esclaves et la mémoire à long terme verbale et visuelle. Le
flux d’informations serait bidirectionnel, à savoir que les sous-systèmes esclaves
fournissent la mémoire à long terme mais sont eux-mêmes assistés par des connaissances
implicites du langage ou du monde visuo-spatial.
L’ajout de ce buffer épisodique a été proposé afin de résoudre des données non
expliquées par le modèle initial de Baddeley et Hitch (1974) : maintien des capacités de
rappel sériel lorsque la boucle phonologique n’est plus opérante, phénomène de
"chunking", et performances élevées des patients amnésiques en rappel immédiat de récits
(voir Baddeley & Wilson, 2002). Dans sa forme actuelle, le modèle de Baddeley (2001)
permet de rendre compte de la plupart des données expérimentales sur le maintien
temporaire de l'information lors d'une activité complexe. Nous verrons dans la suite de ce
document que le centre exécutif de la mémoire de travail apparaît être un élément
particulièrement pertinent pour la compréhension du vieillissement mnésique.
1.2- LA MEMOIRE EPISODIQUE ET LA MEMOIRE SEMANTIQUE
Tulving (1972) a introduit la distinction entre la mémoire épisodique et la mémoire
sémantique. Le terme de mémoire épisodique renvoie à un type d’information qui porte sur
des souvenirs particuliers et vécus (informations que l'on peut replacer dans le contexte
d'acquisition). Ainsi, Tulving (1983) propose de définir la mémoire épisodique comme
étant à l’origine du souvenir des événements propres à l’expérience individuelle, localisés
dans le temps et l’espace. Le terme de mémoire sémantique renvoie à l'ensemble des
informations générales que chacun conserve en mémoire et qui ne peuvent pas être
replacées dans leur contexte d'acquisition. Elle comprend le savoir organisé qu’un individu
possède pour les mots, les autres symboles verbaux, leurs significations et leurs référents,
leurs relations et leurs règles, leurs formules, les algorithmes pour la manipulation de ces
symboles et des différents concepts. La mémoire sémantique est donc constituée de
connaissances générales relatives au sens des items lexicaux, des objets, des événements et
du monde en général. Elle est dépourvue d'informations spatio-temporelles et elle est
nécessaire pour l’utilisation du langage
Les relations entre ces deux systèmes de mémoire sont conçues de telle manière que
l’information stockée en mémoire sémantique est utilisée au cours des opérations
Chapitre 1 : La mémoire humaine : des dichotomies au modèle de Tulving
12
d’encodage pour construire une trace unique d’un événement dans le système épisodique et
que cette information est de nouveau utilisée au moment de l’actualisation du souvenir
pour interpréter les indices de récupération (Tulving, 1976). Par exemple, lors de la
mémorisation d’une liste de mots, ceux-ci sont déjà connus du sujet, et leur signification
est intégrée dans la mémoire sémantique. Ces items seront aussi enregistrés en mémoire
épisodique avec le contexte d’apprentissage qui sera nécessaire pour la restitution. La
mémoire sémantique fournit donc au sujet le matériau nécessaire pour effectuer des
opérations cognitives sur certaines données qui ne peuvent pas être appréhendées par la
perception immédiate. La mémoire épisodique permet à l'individu de se souvenir des
événements qu’il a personnellement vécus dans un contexte spatial et temporel particulier.
La récupération d’un événement du passé en mémoire épisodique s’accompagne d’une
prise de conscience par le sujet que cet événement a été vécu dans un contexte spécifique.
La plupart des chercheurs reconnaissent le rôle majeur de cette distinction dans le
fractionnement de la mémoire à long terme. Celle-ci a d’ailleurs été reprise par de
nombreux auteurs et intégrée à différentes approches théoriques. Elle est également à la
base de la plupart des travaux qui seront présentés dans ce document de synthèse et nous
verrons après la présentation du modèle de Tulving (1995) que la définition de la mémoire
épisodique s'est précisée au cours du temps.
1.3- LA MEMOIRE DECLARATIVE ET LA MEMOIRE PROCEDURALE
Les concepts de mémoire procédurale et déclarative ont été introduits par Cohen et
Squire (1980). La mémoire procédurale concerne les représentations d’aptitudes cognitives
et motrices qui ne peuvent être consciemment évoquées et qui sont difficilement
verbalisables. Cette forme de mémoire est indissociable de l’action et elle s’exprime au
cours de l’activité du sujet sans que celui-ci en ait conscience. Elle est mise en jeu lors de
l’acquisition et la rétention d’habiletés. Il s’agit de la mémoire des "savoir-faire". Selon
Tulving (1985a), la représentation de l’information dans le système procédural est
prescriptive : elle fournit un plan pour l’action future. La mémoire procédurale permet à un
individu de retenir des connections apprises entre des stimuli et des actions et de répondre
de manière adaptée à l’environnement.
La mémoire déclarative concerne des représentations de faits ou d’événements qui
sont accessibles à une récupération consciente et verbalisable. Elle s’exprime dans le
Chapitre 1 : La mémoire humaine : des dichotomies au modèle de Tulving
13
langage ou sous forme d’images mentales. Les représentations peuvent être des
connaissances générales (de type sémantique) ou des informations spécifiques (de type
épisodique). Elle inclut donc la distinction opérée par Tulving (1972) entre la mémoire
sémantique et la mémoire épisodique. Ainsi, la mémoire procédurale et la mémoire
déclarative constituent deux systèmes qui fonctionnent en parallèle. La mémoire
déclarative se subdivise en une composante épisodique et une composante sémantique.
1.4- LA MEMOIRE EXPLICITE ET LA MEMOIRE IMPLICITE
Les termes de mémoire implicite et explicite ont été proposés par Graf et Schacter
(1985) pour rendre compte du fait que certains systèmes mnésiques agissent de manière
consciente et d’autres de manière inconsciente. Cette distinction recoupe en partie les
dichotomies précédentes, notamment l'opposition entre la mémoire sémantique et
épisodique et celle entre la mémoire déclarative et procédurale. La mémoire explicite
concerne les situations dans lesquelles le sujet est amené à récupérer consciemment ou
volontairement une information particulière. Elle est évaluée par les tâches de rappel libre,
indicé, et de reconnaissance. La mémoire implicite se différencie de la mémoire explicite
dans le sens ou elle n’implique pas le souvenir intentionnel et conscient d’un événement
passé, mais elle reflète l’influence d’une expérience préalable sur certaines tâches.
Les épreuves de mémoire implicite reposent sur la recherche des effets d’amorçage.
Le phénomène d’amorçage de répétition désigne le processus par lequel la présentation
préalable d’un stimulus facilite le traitement ultérieur de cet item lors d’une seconde
présentation, et ce à l’insu du sujet. Des tests de nature diverse peuvent servir à la mise en
évidence de cette facilitation. Les plus courants correspondent aux situations de décision
lexicale, d’identification perceptive, de dénomination d’images ou de mots dégradés,
d’épellation d’homophones, de complètements de trigrammes ou de fragments de mots, et
de production de connaissances, d’exemplaires de catégories ou d’associations. Dans le
chapitre suivant, nous présenterons deux études réalisées concernant l'impact du
vieillissement dans le cadre de cette distinction entre mémoire implicite et explicite.
Ces différents propositions théoriques ont permis de faire considérablement évoluer
les connaissances scientifiques sur la mémoire. Toutefois leur caractère binaire ne peut
refléter la complexité du fonctionnement de la mémoire humaine et il apparaît certaines
Chapitre 1 : La mémoire humaine : des dichotomies au modèle de Tulving
14
redondances entre ces propositions. Aussi, des modèles synthétiques ont été proposés sur la
base des dichotomies présentées précédemment.
Les théories structurales développent l'idée que la mémoire est composée de
systèmes multiples. Cette modélisation a d'abord nécessité une clarification de la notion de
système, certains auteurs ayant souligné le risque d'inflation de leur nombre sur des bases
théoriques imprécises (pour revue, voir Schacter & Tulving, 1996 ; Nadel, 1996). Selon
Schacter et Tulving (1996, p.24), "les systèmes mnésiques ne sont ni des formes de
mémoire, ni des processus mnésiques, ni des tâches, ni des expressions de la mémoire". Ils
possèdent un certain nombre de propriétés et leur fonctionnement obéit à différentes lois.
Ils sont sous la dépendance de structures ou de mécanismes neuronaux spécifiques et sont
responsables de l'acquisition et de la rétention de différents types d'informations et de
savoirs. Toutefois, plusieurs systèmes peuvent participer au stockage et à l'utilisation d'une
même information. La réalisation d'une tâche de mémoire peut donc faire intervenir
plusieurs systèmes mnésiques.
Schacter et Tulving (1996) définissent trois critères nécessaires à l'identification
d'un système de mémoire : les opérations d'inclusion par classe, les propriétés et les
relations, et la convergence des dissociations. Le premier principe renvoie à l'idée qu'un
système mnésique permet de réaliser un très grand nombre de tâches dans une classe ou
une catégorie particulière. Dans ce sens, il peut traiter toute information relevant de la
catégorie pour laquelle il est spécialisé. Le second critère d'identification suppose que
chaque système mnésique comprend une série de propriété (règles opératoires, types
d'information traitée, substrats neuronaux) ainsi que des relations avec les autres systèmes
mnésiques qui doivent être précisées. Enfin, le troisième principe suppose l'existence d'une
convergence des dissociations observées avec des tâches, des populations, et des
techniques différentes.
Dans la partie suivante, nous présenterons le modèle de Tulving (1995) qui
constitue la base des travaux qui seront présentés ultérieurement.
II – LE MODELE DE TULVING (1995)
L'origine du modèle actuel de Tulving (1995) se situe dans des propositions
antérieures, formulées à partir des années 1980. Dans ces premières conceptions, Tulving
(1983, 1985a) propose une organisation hiérarchique simple des systèmes de mémoire
Chapitre 1 : La mémoire humaine : des dichotomies au modèle de Tulving
15
reposant sur seulement trois systèmes. Ainsi, la mémoire épisodique devient un soussystème spécialisé de la mémoire sémantique, laquelle devient un sous-système spécialisé
de la mémoire procédurale. Cette organisation est compatible avec la plupart des profils
rencontrés dans les grandes pathologies de la mémoire, qui se caractérisent par une plus
grande vulnérabilité des systèmes supérieurs. Toutefois, elle exclut la possibilité de doubles
dissociations, les systèmes de haut niveau dans la hiérarchie se situant dans une relation de
dépendance par rapport aux systèmes de plus bas niveau. Ceci ne peut concorder avec un
certain nombre de données de la littérature en neuropsychologie. Par exemple, certains
patients atteints d'une démence sémantique présentent une mémoire épisodique
parfaitement fonctionnelle ce qui s'accorde mal avec cette première version du modèle.
Ceci va conduire Tulving à proposer des modifications à son modèle, d'une part en
introduisant de nouveaux systèmes et d'autre part en modifiant les relations entres les
systèmes.
Ainsi, au début des années 1990, Tulving (1991) ajoute à cette organisation
monohiérarchique deux nouveaux systèmes de mémoire : la mémoire de travail (ou à court
terme) et le système de représentations perceptives. Le modèle de Tulving prend sa forme
actuelle en 1995 et repose sur ces cinq systèmes de mémoire. Il s'agit d'une proposition
théorique qui permet de dépasser certaines rigidités des conceptions monohiérarchiques
antérieures, et notamment l’impossibilité de mettre en évidence des doubles dissociations
neuropsychologiques. L'intérêt majeur de ce modèle est que tout en restant un modèle
structural, il précise l’organisation et les relations entre les systèmes. Ce modèle conjugue
ainsi les concepts qui président aux théories structurales (les systèmes) et les conceptions
issues de l’approche fonctionnelle (les processus).
Le modèle de Tulving est appelé SPI (pour Sériel Parallèle Indépendant), ce nom
étant lié à ses aspects fonctionnels, et il est représenté dans la Figure 3.
Chapitre 1 : La mémoire humaine : des dichotomies au modèle de Tulving
MEMOIRE
EPISODIQUE
MEMOIRE
EXPLICITE
16
SERIEL
(encodage)
MEMOIRE DE
TRAVAIL
MEMOIRE
SEMANTIQUE
SYSTEME DE REPRESENTATIONS
PERCEPTIVES
MEMOIRE
IMPLICITE
PARALLELE
(stockage)
INDEPENDANT
(récupération)
MEMOIRE PROCEDURALE
Figure 3. Représentation du modèle de Tulving (1995).
Les différents systèmes mnésiques sont organisés dans l’ordre de leur apparition
dans le développement ontogénétique et phylogénétique. Ce modèle postule donc
l'existence de cinq systèmes mnésiques : la mémoire procédurale, la mémoire de travail, la
mémoire épisodique, la mémoire sémantique, et le système de représentations perceptives.
La mémoire procédurale est impliquée dans l'apprentissage d’habiletés perceptivomotrices et cognitives, et dans le conditionnement. La mémoire sémantique concerne le
souvenir des concepts et des idées qui sont indépendants du contexte, elle englobe
également la connaissance du monde. La mémoire de travail a pour fonction de maintenir
temporairement l’information pendant la réalisation de tâches cognitives diverses. La
mémoire épisodique est définie par sa capacité à enregistrer des informations situées dans
un contexte spatial et temporel particulier. Ces quatre premiers systèmes ont déjà été
détaillés dans la partie précédente, donc nous nous intéresserons ici rapidement au
cinquième.
Chapitre 1 : La mémoire humaine : des dichotomies au modèle de Tulving
17
Le système de représentations perceptives concerne l’acquisition et le maintien de
la connaissance relative à la forme et à la structure des informations. Il serait mis en œuvre
dans les expressions non conscientes de la mémoire et serait responsable de l’amorçage
perceptif. Celui-ci s’expliquerait par le fait que l’étude d’un stimulus crée ou réactive une
représentation de sa structure dans le système de représentations perceptives : ce processus
facilite ensuite l'identification du même stimulus à partir des seuls indices perceptifs
appropriés. Ce système intervient donc à un niveau pré-sémantique. Ceci explique que les
effets d'amorçage perceptif soient sensibles à la variation du format du matériel entre la
phase d'étude et la phase de test, et qu'ils ne soient que très peu sensibles aux variations de
la profondeur de traitement à l'encodage (pour revue, Roediger & McDermott, 1993). Le
système de représentations perceptives ne jouerait aucun rôle dans les effets d’amorçage
conceptuel, ces derniers étant liés à la mémoire sémantique.
Dans ce modèle, la mémoire procédurale et le système de représentations
perceptives sont classés comme implicites. La mémoire sémantique interviendrait à la fois
dans la récupération explicite de connaissances et dans leur actualisation implicite par
amorçage conceptuel. La mémoire de travail et la mémoire épisodique sont elles
considérées comme explicites. La mémoire procédurale est un système d’action, elle opère
à un niveau automatique, et ses opérations sont exprimées dans le comportement, alors que
les quatre autres systèmes sont des systèmes cognitifs de représentation.
Ces différents systèmes collaborent pour remplir les trois fonctions de la mémoire :
enregistrer des informations nouvelles, les stocker, et les récupérer. Ainsi, selon cette
conception, il existerait une hiérarchie au niveau des systèmes mnésiques allant des
systèmes inférieurs vers les systèmes supérieurs tels qu'ils sont présentés dans la Figure 3 :
mémoire procédurale, système de représentations perceptives, mémoire sémantique,
mémoire de travail, et mémoire épisodique. L’hypothèse centrale du modèle SPI est que les
relations entre les différents systèmes dépendent du processus mnésique. Ainsi, l’encodage
se met en place de façon sérielle à partir du système de représentations perceptives de sorte
que l’encodage dans un système dépend de la qualité de l’encodage dans le système
inférieur. Le stockage s’effectue en parallèle dans les différents systèmes, et la récupération
des informations stockées dans un système est indépendante de la récupération dans les
autres systèmes. La mémoire procédurale est à part dans cette organisation puisqu'elle
concerne l'acquisition de savoir-faire et qu'elle intervient dans l'action.
Chapitre 1 : La mémoire humaine : des dichotomies au modèle de Tulving
18
Dans ce modèle il existe donc une contrainte forte concernant l'encodage, puisque
l'encodage d'une information dans un système supérieur ne peut être réalisé si l’encodage
dans le système inférieur est défaillant. Ce modèle présente par contre plus de souplesse
concernant la récupération puisqu'il n’exclut pas la possibilité de restituer une information
dans un système supérieur, alors que les systèmes inférieurs sont défaillants. Grâce à ces
caractéristiques, le modèle SPI rend assez bien compte des données expérimentales et des
dissociations neuropsychologiques observées dans la littérature. Toutefois, les relations
entre la mémoire procédurale et les autres systèmes ne sont pas clairement établies, tout
comme les liens entre la mémoire de travail et les systèmes de mémoire à long terme, ce
qui constitue des limites à ce modèle.
L'intérêt majeur de ce modèle dans le cadre de ce document de synthèse concerne
les liens établis par Tulving entre certains systèmes de mémoire et le niveau de conscience
associé à la récupération d'une information. Dans la partie suivante, nous nous focaliserons
sur l'évolution du concept de mémoire épisodique et sur les états de conscience, puis nous
présenterons la procédure qui permet d'évaluer l'état de conscience associé à la récupération
d'une information dans ce système.
III – LES ETATS DE CONSCIENCE ASSOCIES A LA RECUPERATION EN
MEMOIRE
Comme nous l'avons vu précédemment, la distinction entre la mémoire épisodique
et la mémoire sémantique a été introduite par Tulving (1972). A l'origine la mémoire
épisodique est donc définie principalement par opposition à la mémoire sémantique :
événements personnellement vécus vs faits généraux. Elle est alors évaluée par les tâches
dites classiques (rappel, reconnaissance). Ensuite, Tulving (1983, 2002) précise le concept
de mémoire épisodique en indiquant qu'il s'agit d'un système qui conserve les événements
situés dans le temps et dans l'espace : "quoi, où, quand". Or, les tâches habituelles
n'évaluent que le "quoi", puisqu'elles demandent simplement au sujet de restituer
l'information apprise, sans autre élément sur le contexte ("où, quand"). Par ailleurs, la
mémoire épisodique doit permettre une expérience consciente de l'évènement passé
("recollective experience"). Or, dans les tâches usuelles, nous supposons que le souvenir
est conscient et donc que l'individu revit cet événement dans son contexte, mais aucune
vérification concernant la reviviscence de l'évènement n'est opérée. Actuellement, la
Chapitre 1 : La mémoire humaine : des dichotomies au modèle de Tulving
19
mémoire épisodique est conçue comme essentiellement "biographique", c’est-à-dire
constituée d’informations particulières à chaque personne, qui sont datées et localisées.
Elle permet à un individu de se souvenir des événements qu’il a personnellement vécus
dans un contexte spatial et temporel particulier. Ainsi, nous pouvons définir la mémoire
épisodique comme un système neurocognitif possédant la capacité de stocker des
informations concernant des évènements vécus dans un temps et un espace subjectifs, dont
le rappel nécessite une récupération consciente du contexte d’encodage (Wheeler, Stuss &
Tulving, 1997). La mémoire épisodique implique une prise de conscience de l’identité
propre du sujet dans le temps subjectif s’étendant du passé au futur. Ce va et vient
incessant du passé au futur et cette prise de conscience de l’identité sont essentiels dans le
concept de mémoire épisodique. Les tâches classiques de mémoire (rappel, reconnaissance)
ne correspondent plus à cette conception de la mémoire épisodique. Tulving considère
qu'une bonne évaluation de la mémoire doit s'intéresser à l'état de conscience associé à la
récupération d'une information.
Ainsi, dans son modèle de 1983 à trois systèmes, Tulving introduit la notion d'état
de conscience associé à la récupération d'une information en mémoire. A chaque système
mnésique correspondrait un état de conscience particulier : anoétique, noétique ou
autonoétique. Ces termes proviennent du mot "noétique" qui dérive de la racine grecque
"noûs" laquelle signifie "connaissance, intelligence, esprit". Il s'agit d'un adjectif qui
traduit un rapport à la noèse, laquelle correspond à l'acte par lequel la pensée vise son
objet. La conscience anoétique est associée à la mémoire procédurale et elle traduit une
absence de conscience des savoirs procéduraux. La conscience noétique (conscience que le
sujet a de ses connaissances mais non de leurs origines) permet une réflexion introspective
sur le monde et d'appréhender les connaissances générales de notre environnement. Nous
prenons conscience d’un objet, même s’il n’est pas perceptivement présent, mais sans
référence à nous-mêmes. Par exemple, nous savons que New-York est une ville des EtatsUnis d'Amérique, mais nous n'avons aucun souvenir du contexte dans lequel nous l'avons
appris. La conscience noétique correspond donc à la possibilité de former des
connaissances sans avoir le souvenir du moment où elles ont été acquises. Il s'agit de l'état
de conscience associé à une récupération en mémoire sémantique.
La conscience autonoétique ("qui se connaît elle-même") renvoie à la connaissance
de sa propre existence en fonction d’un temps subjectif, qui s'étend du passé personnel au
Chapitre 1 : La mémoire humaine : des dichotomies au modèle de Tulving
20
présent et au futur personnel. Elle permet à l'individu d'opérer un voyage mental dans le
temps afin de revivre un évènement dans son contexte initial. Ainsi, elle offre à l’individu
la capacité de se représenter consciemment les événements passés et de les intégrer à un
projet futur (Wheeler et al., 1997). La conscience autonoétique est le marqueur d'une
récupération en mémoire épisodique. Cet état de conscience est particulièrement
observable lorsqu’une émotion accompagne le souvenir épisodique. Par exemple, pour la
plupart des personnes, l’évocation de la date du 11 septembre fait penser aux attentats qui
ont eu lieu à New York le 11 septembre 2001. Il s’agit d’une connaissance publique
largement partagée, mais en même temps, de nombreuses personnes se souviennent avec
précision et émotion de ce qu’elles faisaient au moment où elles ont pris connaissance de
ces évènements. Même si cette activité était banale, regarder la télévision par exemple, le
souvenir est associé à un état de conscience autonoétique car il s’agissait d’un évènement
inattendu donnant lieu à un souvenir vivace. Le degré de l’émotion éprouvé par les
personnes en entendant la nouvelle, ainsi que l’importance de la répétition ultérieure sont
tous les deux pertinents pour comprendre pourquoi certains souvenirs sont intégrés dans un
contexte spatial et temporel précis qui permet la reviviscence de l’évènement. Chacun peut
se rappeler ce qu'il faisait le 11 septembre 2001, mais pas le 10 ni le 12 septembre à cause
de l’émotion ressentie au moment exact où la nouvelle a été entendue et parce que cet
évènement a fait l'objet de discussions multiples ensuite, ce qui a pu renforcer le souvenir.
Afin d'opérationnaliser la distinction entre la conscience autonoétique et la
conscience noétique au sein d'une tâche classique de mémoire, le paradigme
Remember/Know a été proposé par Tulving (1985b), qui suggère de rendre compte des
deux états de conscience associés à la récupération d'une information en mémoire par une
approche de nature quasi-introspective. Elle consiste à demander directement au sujet
d'indiquer la nature des opérations mentales qu'il a effectuées au moment de la récupération
de l'item. Ainsi, les sujets doivent classer les items reconnus en réponses "Remember" (R)
lorsque la récupération s'accompagne du souvenir de la représentation élaborée au moment
de l'encodage (par exemple, une image mentale ou une association inter items) et en
réponses "Know" (K) lorsque la récupération est effectuée en dehors de tout accès à
l'information relative au contexte d'apprentissage. Gardiner et ses collaborateurs (Gardiner,
1988 ; Gardiner & Java, 1993) supposent que les reconnaissances de type R reflètent un
état de conscience autonoétique alors que les réponses de type K représentent la conscience
Chapitre 1 : La mémoire humaine : des dichotomies au modèle de Tulving
21
noétique. Une troisième catégorie de réponses, "Guess" (G), a été ajoutée plus récemment
afin d’éviter que les réponses K soit utilisées à tort par les sujets pour exprimer une
incertitude (Mäntylä, 1993). Aussi, l'ajout des réponses G permet d’augmenter la qualité
intrinsèque des réponses K.
L'intérêt de ce paradigme est qu'il permet de montrer qu'à l'intérieur d'une même
épreuve classique de mémoire, il existe différents états de conscience. Un nombre
considérable d’études utilisant cette méthodologie a permis d’observer que la manipulation
de certaines variables affecte différemment la proportion des réponses de type "R" et de
type "K" (pour revues, voir Clarys, 2001 ; Gardiner, 2008).
Dans la suite de ce document de synthèse, après avoir présenté quelques travaux sur
la mémoire implicite, nous présenterons des travaux sur des tâches épisodiques classiques
et sur des tâches de métamémoire dans le vieillissement normal, et sur les états de
conscience associés à la récupération en mémoire dans le vieillissement normal et dans le
stress post-traumatique.
22
CHAPITRE II :
VIEILLISSEMENT ET MÉMOIRE
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
23
INTRODUCTION
Le vieillissement de la population est un phénomène observé dans tous les pays du
monde, mais, pour le moment, principalement dans les pays occidentaux. Le nombre de
personnes âgées de plus de 65 ans a très fortement augmenté au cours de la deuxième
moitié du 20e siècle du fait de la démographie des pays occidentaux, et selon les
projections il continuera d'augmenter nettement au cours de la première moitié du 21e
siècle, du fait de la démographie des pays en voie de développement. A l'échelle mondiale,
la proportion des personnes âgées de plus de 65 ans était de 5,2% en 1950, puis de 6,9% en
2000 et les projections indiquent qu'elle devrait atteindre 15,6% en 2050 (environ un
milliard et demi d'individus). Il en va de même si l'on s'intéresse à un âgé plus élevé. Ainsi,
les personnes âgées de plus de 80 ans représentaient 0,5% de la population mondiale en
1950, puis 1,1% en 2000, et selon les projections, elles devraient représenter 4,1% en 2050.
Concernant spécifiquement la situation française, les données vont dans le même
sens. En effet, la proportion des personnes de plus de 75 ans augmente fortement
puisqu'elle était de 6% en 1995 et que les projections indiquent qu'elle devrait être de
17,2% en 2050. Chaque année, en France, l'espérance de vie moyenne progresse d'environ
trois mois. Alors qu'elle était de 25 ans en 1750, elle atteint actuellement 80,2 ans, avec une
forte différence selon le genre puisqu'elle est de 75,2 ans pour les hommes et de 82,7 ans
pour les femmes, soit un écart de 7,5 ans.
Cette évolution démographique majeure s'accompagne d'une rupture au niveau des
représentations culturelles et des pratiques sociales. Une des raisons du développement
tardif de la psychologie du vieillissement réside certainement dans la rareté des individus
âgés jusqu'au milieu du siècle dernier et surtout dans le peu d'intérêt porté à leurs
difficultés spécifiques. Les réactions à leur égard étaient inspirées par une appréciation
négative de l'attitude des vieillards plaintifs. Comme le dit Bourdelais (1997), l'image
traditionnelle du "vieillard" a évolué pour devenir celle de la "personne âgée".
Ces changements démographiques et culturels ont fait de la personne âgée un objet
d'étude scientifique incontournable à l'heure actuelle. En général, les auteurs s'accordent sur
l'idée qu'il existe quatre manières d'appréhender l'âge d'une personne et donc de traiter du
vieillissement (Fontaine, 2006 ; Mishara & Riedel, 1994). L'âge chronologique correspond
à la façon la plus simple de déterminer un âge, celle qui consiste à compter le nombre
d'années écoulées depuis la naissance. L'âge biologique est lié au vieillissement organique.
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
24
Il se traduit par une modification de l'aspect physique (rides, cheveux blancs, etc.) et par
une augmentation des maladies. Il influence souvent négativement l'état psychique des
individus en s'opposant au mythe de la jeunesse perpétuelle. L'âge social se réfère aux rôles
de l'individu dans la société au cours de sa vie. En terme de vieillissement, le principal
changement de statut est provoqué par le passage à la retraite. Dans nos sociétés qui
valorisent à l'extrême le travail, il est souvent perçu comme une mise à l'écart et peut
entraîner des difficultés psychologiques importantes. Enfin, l'âge psychologique se traduit
par des modifications dans les activités cognitives, dans les motivations, et dans
l'affectivité. Le vieillissement est donc un processus dynamique que subit un organisme
après sa phase de développement et qui correspond à l'interaction des quatre éléments cités
précédemment.
Nous voyons très nettement à travers cette définition du vieillissement que l'étude
du vieillissement psychologique entraîne des problèmes méthodologiques importants. En
effet, il s'agit d'examiner un phénomène qui se déroule au cours de la vie adulte, sur
plusieurs décennies. Trois types d'études peuvent être mises en place dans ce domaine : les
études transversales (comparaison de groupes d'individus d'âge différent), longitudinales
(suivi sur une longue période d'un même groupe de participants), et séquentielles (suivi
dans un temps plus court de groupes d'individus d'âge différent). Nous ne développerons
pas davantage ces méthodes spécifiques puisqu'elles le sont par ailleurs (Clarys, 1999 ;
Fontaine, 2006 ; Lemaire & Bherer, 2005). Pour des raisons essentiellement pratiques, la
méthode transversale a été utilisée dans l'ensemble de nos travaux. Dans les différentes
expériences réalisées, les performances mnésiques d'un groupe de sujets jeunes (groupe
contrôle) ont été comparées à celles d'un ou de plusieurs groupes de sujets âgés (groupes
expérimentaux). Cette méthode est également celle qui est la plus utilisée dans la
littérature.
Un des problèmes importants dans l'étude du vieillissement est de pouvoir
distinguer les effets liés au vieillissement normal et ceux liés au vieillissement
pathologique, notamment ceux associés à la maladie d'Alzheimer. Ce problème est d'autant
plus important que l'on s'intéresse à des participants très âgés, puisque le vieillissement
pathologique est d'autant plus fréquent que l'on a à faire à des personnes plus âgées. La
principale difficulté réside dans le fait que seul un malade Alzheimer sur deux est
diagnostiqué et que ce diagnostic intervient souvent très tardivement après l'installation de
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
25
la maladie. D'ailleurs les outils cliniques actuels ne permettent pas un diagnostic
suffisamment précoce. Pour le chercheur, le risque majeur est donc de tirer des conclusions
sur le vieillissement normal alors que son échantillon est constitué de participants qui se
révèleront ultérieurement être atteints de la maladie d'Alzheimer. Afin de limiter cette
possibilité, il convient de sélectionner les participants de sorte que le risque qu'ils soient
atteints d'une démence, notamment de type Alzheimer, soit le plus faible possible. Pour
cela, les sujets qui ont participé aux différentes expériences étaient, autant que possible,
autonomes et résidaient à leur propre domicile. Les sujets âgés présentaient également des
scores dans les limites de la normalité (supérieurs ou égaux à 27 sur 30) au Mini-Mental
Status Exam (MMSE, Folstein, Folstein, et McHugh, 1975).
Concernant l'impact du vieillissement normal sur les fonctions cognitives, il semble
que la mémoire soit une des habilités les plus affectées par le vieillissement. En effet,
l'apparition des troubles mnésiques est souvent mise en avant dans les descriptions
psychologiques des déficits dus à l'âge. De plus, les pertes de mémoire sont considérées par
les personnes âgées comme l'un des aspects du vieillissement le plus gênant dans leur vie
quotidienne. Ainsi, le vieillissement psychologique, et particulièrement le vieillissement
mnésique est devenu un domaine d'étude bien développé, car il présente un double intérêt
en terme de recherche fondamentale. Il permet de préciser l'évolution du profil mnésique
avec l'âge, mais aussi d'évaluer les modèles généraux de la mémoire. Le développement de
ces deux types de connaissances peut aussi, dans un second temps, entraîner des
applications permettant de proposer une issue aux difficultés rencontrées par les personnes
âgées dans leur vie quotidienne.
Dans ce contexte, l'objectif de nos travaux a consisté d'une part à mettre en
évidence des effets dissociatifs du vieillissement normal indiquant la dégradation de
certaines fonctions mnésiques associée à la préservation d'autres fonctions mnésiques.
D'autre part, il s'agissait également de mettre en évidence les facteurs explicatifs de
l'altération de certains aspects de la mémoire. Enfin, nous avons également tenté de
montrer que certaines stratégies pouvaient permettre aux personnes âgées de compenser
leurs déficits mnésiques.
Ce chapitre consacré au vieillissement de la mémoire va être centré sur quatre
aspects qui correspondent aux travaux réalisés et présentés dans ce document de synthèse.
Dans un premier temps, nous traiterons de la distinction entre la mémoire implicite et
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
26
explicite. Ensuite, nous présenterons les travaux réalisés sur les tâches classiques de
mémoire épisodique. Puis, nous aborderons les aspects métamnésiques. Enfin, nous nous
intéresserons au thème central de ce document de synthèse : les états de conscience
associés à la récupération en mémoire.
I – VIEILLISSEMENT, MEMOIRE IMPLICTE ET EXPLICITE
Les mesures explicites et implicites de mémoire reposent sur un mode d’accès
différent à l’information mémorisée. Les tests explicites de mémoire tels que le rappel et la
reconnaissance sont basés sur la récupération consciente et intentionnelle d'un événement
passé. Au contraire, les tests implicites désignent le processus par lequel la présentation
préalable d'un stimulus facilite la réalisation de certaines tâches (effet d'amorçage), mais
sans récupération consciente de l'événement passé (Schacter, 1987).
L'intérêt pour l'étude de l'effet d'amorçage est lié aux résultats de plusieurs travaux
montrant l'existence de dissociations expérimentales et neuropsychologiques entre la
performance aux tâches implicites et celle aux tâches explicites. Ainsi, plusieurs facteurs
connus pour influencer les mesures explicites (profondeur de traitement, production de
mots par rapport à leur lecture, apprentissage d’images par rapport au mot correspondant,
augmentation de la durée d’exposition du stimulus, division de l’attention à l’encodage)
n’affectent pas, ou affectent très faiblement, les tests implicites. En revanche ces derniers
se révèlent plus sensibles aux modifications apportées aux caractéristiques de surface du
stimulus (modalité, format structural ou symbolique) entre la phase d’apprentissage et de
test (pour revue, Roediger, Weldon & Challis, 1989 ; Roediger & McDermott, 1993).
Les recherches réalisées dans le domaine du vieillissement mnésique ont aussi
contribué à établir la dissociation entre ces deux types de mémoire. Si les tâches explicites
de rappel et de reconnaissance subissent un effet significatif de l’âge (pour revue, voir van
der Linden & Hupet, 1994 ; Isingrini & Taconnat, 1997), les effets d’amorçage sont
souvent préservés chez les personnes âgées. Cependant, l’ensemble formé par les mesures
implicites se caractérise par une hétérogénéité importante car certaines tâches sont
épargnées par le vieillissement, alors que d’autres semblent plus sensibles (Isingrini, 1998 ;
Light, Prull, La Voie & Healy, 2000).
On distingue classiquement les épreuves implicites de nature perceptive (par
exemple, la tâche de dénomination d'images dégradées) de celles de nature conceptuelle
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
27
(par exemple, la tâche de production d'exemplaires de catégories), selon que l’information
proposée au sujet au moment du test donne des indications sur les propriétés physiques ou
sémantiques de l’item cible. Contrairement aux épreuves implicites de nature perceptive,
l’amorçage conceptuel semble sensible à la division de l’attention à l’encodage (Mulligan
& Hartman, 1996 ; Mulligan, 1997 ; Mulligan, 1998), à l’élaboration du processus
d’encodage (e.g. niveau de traitement, production et organisation ; Hamman, 1990 ;
Rappold & Hastroudi, 1991 ; Srinivas & Roediger, 1990). Le fait que les tâches
d’amorçage conceptuel se soient révélées sensibles à l’élaboration conceptuelle du stimulus
et à la division de l'attention à l’encodage a pu laisser supposer que ce type de test pourrait
subir un effet du vieillissement, ce qui n’a pas été démontré jusqu’à présent (Isingrini, 1998
; voir Jelicic, Craik & Moscovitch, 1996, pour une exception en production d’exemplaires
de catégories).
En ce qui concerne les tâches implicites de nature perceptive, les résultats sont
hétérogènes selon que la tâche repose sur la simple identification ou sur la production du
stimulus lors de la récupération. Ainsi, les effets d'amorçage ne sont pas affectés par le
vieillissement lorsque l’on utilise des tâches d’identification de stimuli verbaux
(Hashtroudi, Chrosniak, & Schwartz, 1991 ; Light & Singh, 1987 ; Swick & Knight, 1997 ;
Wiggs & Martin, 1994) ou non-verbaux (Mitchell, 1989) alors que les résultats divergent
en ce qui concerne les effets de l’âge dans des tâches de production telles que le
complètement de trigrammes et le complètement de fragments de mots. Ces deux tests
implicites de complètement de mots, a priori très proches, se déroulent en deux phases.
Dans un premier temps, on propose au sujet une série de mots (ex : soldat), dans le cadre
d'une tâche qui ne l'oriente pas vers la mémorisation (par exemple, simple lecture à voix
haute). Dans un second temps, le sujet effectue une tâche en rapport avec ces items mais
sans aucune consigne de récupération. Lors de cette tâche, en complètements de fragments,
seules certaines lettres des mots sont données (ex: s__d_t), et en complètement de
trigrammes, les trois premières lettres des mots sont fournies (ex: sol___). Dans les deux
cas, on demande au sujet de compléter les trigrammes ou les fragments avec le premier mot
qui lui vient à l’esprit. L’effet d’amorçage ou de mémoire implicite se traduit par le fait que
la probabilité de compléter les trigrammes ou les fragments par des mots étudiés est
supérieure à l’effet du hasard. Les deux études que nous avons réalisées se sont centrées sur
ces deux tâches.
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
28
La comparaison d’adultes jeunes et âgés en complètement de fragments n’indique
pas de différence liée à l'âge (Winocur, Moscovitch & Stuss, 1996 ; Small, Hultsch &
Masson, 1995 ; Jelicic et al., 1996), mais les résultats pour l’épreuve de complètement de
trigrammes sont contradictoires : certains travaux n’ont pas révélé d’effet significatif de
l’âge (Light & Singh, 1987 ; Java & Gardiner, 1991 ; Park & Shaw, 1992 ; Eustache,
Rioux, Desgranges, Marchal, Petit-Traboué, Dary et al., 1995 ; Nicolas, Ehrlich & Facci,
1996) contrairement à d’autres (Chiarello & Hoyer, 1988 ; Davies, Cohen, Gandy,
Colombo, van Dusseldorp, Simolke & Romano, 1990 ; Hultsch, Masson & Small, 1991 ;
Small et al., 1995 ; Winocur et al., 1996).
L'existence d'un effet de l'âge sur l'amorçage, uniquement pour l'épreuve de
complètement de trigrammes, pourrait provenir du fait que cette épreuve repose davantage
sur des ressources attentionnelles. La manipulation des ressources attentionnelles lors de
l'apprentissage (apprentissage en attention libre vs apprentissage en attention divisée) est
l'une des variables qui permet de dissocier les épreuves explicites et implicites. Ainsi,
plusieurs travaux ont montré que la division de l'attention à l'encodage altère les
performances aux tests explicites mais ne réduit pas l'effet d'amorçage dans les tests
implicites (Isingrini et al., 1995, par exemple). Ces résultats ont amené certains auteurs à
suggérer que la performance aux épreuves implicites reflète des processus automatiques
d'encodage, alors que la performance aux épreuves explicites dépend des processus
contrôlés d'encodage qui nécessitent des ressources attentionnelles importantes (Graf &
Mandler, 1984). Toutefois, certaines études ont montré que les performances sont
également altérées pour les tâches d'amorçage conceptuel, mais pas pour les tâches
d'amorçage perceptif (Mulligan, 1998, par exemple). Dans le cadre de ce raisonnement,
nous pouvons supposer que la manipulation de l'attention à l'encodage agisse différemment
sur les deux tâches d'amorçage perceptif qui nous intéressent ici, le complètement de
trigrammes et le complètement de fragments. D'ailleurs, des travaux indiquent que la
réduction de l'attention à l'encodage altère les performances dans l'épreuve de
complètement de trigrammes (Wolters & Prinsen, 1997), mais qu'elle n'a aucun effet sur
l'épreuve de complètement de fragments (Mulligan, 1998 ; Mulligan & Hartman, 1996).
Nous pouvons donc penser que l'épreuve de complètement de trigrammes est altérée par le
vieillissement à cause d'une réduction des ressources attentionnelles chez les sujets âgés.
Nous avons testé cette hypothèse dans l'article suivant :
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
29
Clarys, D., Isingrini, M., & Haerty, A. (2000). Effects of attentional load and aging on
word-stem and word-fragment implicit memory tasks. European Journal of Cognitive
Psychology, 12(3), 395-412.
Le premier objectif de l'étude que nous avons réalisée est de confirmer l'existence
d'un effet de l'âge et de la manipulation de l'attention à l'encodage sur l'épreuve de
complètement de trigrammes, mais pas sur la tâche de complètement de fragments. Le
second objectif est de déterminer si l'effet de l'âge sur le complètement de trigrammes est
lié à la réduction des ressources attentionnelles chez les participants âgés. L'originalité de
cette étude repose sur le fait que les deux épreuves d'amorçage portent sur le même
matériel et sur les mêmes participants, ce qui n'a jamais été fait. Ainsi, nous contrôlons les
possibles effets liés au matériel ou aux participants. Pour cela, nous avons comparé un
groupe de sujets jeunes et un groupe de sujets âgés lors de la réalisation de tâches
implicites de complètement de trigrammes et de fragments, et lors de tâches explicites
similaires (rappel indicé). L'apprentissage a été réalisé avec ou sans charge mentale au
moment de l'encodage des mots. Dans la situation avec charge mentale, avant la
présentation du mot cible, les sujets apprenaient une liste de 5 items (chiffres et lettres)
qu'ils devaient restituer juste après la lecture du mot.
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
30
Tableau 1. Moyennes et écarts-types des proportions de réponses correctes aux tâches
implicites de complètement de trigrammes et de fragments en fonction du groupe
d'âge.
Les résultats aux tâches implicites sont présentés dans le Tableau 1. Ils montrent
que la manipulation de l'attention agit différemment sur les tâches de complètement de
trigrammes et de fragments. Ainsi, quel que soit le groupe d'âge, la présence d'une charge
attentionnelle à l'encodage diminue l'amorçage dans le complètement de trigrammes, mais
n'a aucun effet sur le complètement de fragments. Ces résultats confortent les données
précédemment obtenues (Wolters & Prinsen, 1997 ; Mulligan, 1998), mais ici, avec le
même matériel et pour les mêmes sujets. Cette dissociation expérimentale entre l'épreuve
de complètement de trigrammes et l'épreuve de complètement de fragments est en accord
avec la dichotomie "lexical" vs "perceptif" (voir Jenkins, Russo, & Parkin, 1998). Celle-ci
suggère qu'un accès au lexique pourrait être nécessaire pour certaines tâches implicites
perceptives. Au regard de l'effet dissociatif des charges attentionnelles, nous pouvons
suggérer que l'accès lexical pourrait demander davantage de ressources attentionnelles et
que seules certaines tâches telles que le complètement de trigrammes impliqueraient un
traitement lexical lors de l'encodage.
Nos résultats indiquent aussi que le vieillissement ne réduit pas les performances
dans ces deux tâches implicites de complètement, ce qui est assez contradictoire avec le
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
31
résultat précédent montrant que la tâche de complètement de trigrammes nécessite des
ressources attentionnelles. Nous pouvons alors penser que cette tâche n'implique que peu
de ressources attentionnelles permettant ainsi aux participants âgés de maintenir leur
niveau d'amorçage relativement aux jeunes, malgré leur déficit en ressources
attentionnelles.
La manipulation de la profondeur de traitement à l'encodage est une autre variable
qui permet de dissocier les tâches explicites et implicites de mémoire et qui peut apporter
des éléments importants pour l'étude de l'effet du vieillissement normal. Cette variable
s'avère également utile puisqu'elle est à la base de la distinction entre les tests d'amorçage
conceptuel et les tests d'amorçage perceptif : a priori, nous pouvons penser que l’amorçage
conceptuel est influencé par l'élaboration des traitements à l'encodage alors que l'amorçage
perceptif ne l'est pas. Plusieurs travaux confirment que les tâches d'amorçage conceptuel
sont sensibles à la manipulation de la profondeur de traitement à l’encodage (Hamman,
1990 ; Rappold & Hastroudi, 1991 ; Srinivas & Roediger, 1990). Toutefois, certaines
études ont également mis en évidence un effet des niveaux de traitement dans les épreuves
implicites de nature perceptive (Challis & Brodbeck, 1992 ; Thapar & Greene, 1994 ; Toth,
Reingold, & Jacoby, 1994 ; Brown & Mitchel, 1994 ; Nicolas & Tardieu, 1996).
Richardson-Klavehn et Gardiner (1998) ont étudié l’effet de la profondeur de
traitement sur l’amorçage en complètement de trigrammes. Cette étude visait à tester si
l’effet de la profondeur de traitement sur les tests perceptifs de mémoire implicite pourrait
refléter la mise en place de processus lexicaux pendant l’étude perceptive des items plutôt
que de réels processus sémantiques. Pour cela, Richarson-Klavehn & Gardiner (1998) ont
manipulé la profondeur de traitement à l’encodage selon trois types de tâches, alors qu'en
général, la profondeur de traitement est manipulée en contrastant seulement deux niveaux
de traitement. La première est une tâche perceptive, qui consiste à compter le nombre
d’espaces clos des lettres de chaque mot présenté (par exemple la lettre "B" comporte deux
espaces clos). Ceci peut se faire sur la base du pattern visuel que présente le mot, sans le
considérer comme une unité lexicale donc sans que cela n'implique de traitement lexical ou
sémantique. La seconde est une tâche lexicale dans laquelle le participant doit compter le
nombre de syllabes de chaque mot. Ceci implique un traitement lexical car séparer un mot
en syllabes est réalisé en prononçant le mot en entier, sans qu'il y ait nécessairement de
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
32
traitement sémantique. Enfin, la troisième est une tâche sémantique dans laquelle on
demande au participant d'évaluer l’agrément de chaque mot. Ceci ne peut se faire que par
l'intervention d'un traitement lexical et sémantique. Les résultats à l’épreuve implicite de
complètement de trigrammes ont mis en évidence que le traitement sémantique et le
traitement lexical produisent un effet d’amorçage équivalent, alors que le traitement
perceptif entraîne des performances plus faibles que les deux autres. Ces données suggèrent
que l’effet de la profondeur de traitement sur l’amorçage perceptif observé par certains
auteurs reflèterait en fait la sensibilité lexicale du test. Cette interprétation conduit à l’idée
que le test implicite de complètement de trigrammes implique des processus perceptifs et
lexicaux, mais pas de processus sémantiques.
Les recherches utilisant les niveaux de traitement et les paradigmes d’attention
divisée suggèrent donc que l’épreuve de complètement de trigrammes, contrairement à
celle de complètement de fragments, nécessite un minimum de processus attentionnels à
l’encodage, permettant notamment un codage lexical. Nous pouvons alors faire l’hypothèse
que la tâche de complètement de trigrammes serait de nature perceptivo-lexicale alors que
celle de complètement de fragments serait de nature strictement perceptive (Clarys et al.,
2000 ; Winocur et al., 1996). Au regard de ces données, nous pouvons nous attendre à ce
que l’âge et le type d’orientation à l’encodage affectent les performances dans la tâche
implicite de complètement de trigrammes, mais pas dans celle de complètement de
fragments. Nous avons testé cette hypothèse dans l'article suivant :
Fay, S., Isingrini, M., & Clarys, D. (2005). Effects of depth-of-processing and aging on
word-stem and word-fragment implicit memory tasks: test of the lexical-processing
hypothesis. European Journal of Cognitive Psychology, 17, 785-802.
Dans cette étude, nous avons examiné les performances de groupes d’adultes jeunes
et âgés dans les épreuves implicites de complètement de trigrammes et de fragments, en
manipulant le type d’encodage des items (perceptif, lexical, sémantique). Les principaux
objectifs sont : (1) de confirmer l'existence d'un effet du traitement lexical sur le
complètement de trigrammes mais pas sur le complètement de fragments, (2) de tester à
nouveau la possibilité qu'il y ait un effet de l'âge sur le complètement de trigrammes en
l'absence d'effet sur le complètement de fragments, et, si nous l'obtenons, (3) de déterminer
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
33
si l'effet de l'âge sur le complètement de trigrammes est lié à sa composante lexicale,
laquelle nécessiterait des ressources attentionnelles.
Tableau 2. Moyennes et écarts-types des proportions de l'effet d'amorçage et des
valeurs de base aux tâches implicites de complètement de trigrammes et de fragments
en fonction du groupe d'âge et du type d'encodage
Les résultats sont présentés dans le Tableau 2. Ils montrent que, conformément à
notre hypothèse, les performances aux épreuves implicites de complètement de trigrammes
et de fragments semblent influencées différemment par le mode d’élaboration à l’encodage.
Pour le complètement de trigrammes, l’orientation lexicale produit un effet d’amorçage
équivalent à une orientation sémantique, mais supérieur à un encodage perceptif, alors que
pour le complètement de fragments ces trois conditions génèrent un amorçage équivalent.
Les résultats concernant le complètement de trigrammes sont en accord avec les
conclusions de Richardson-Klavehn et Gardiner (1998), qui indiquaient que l’épreuve de
complètement de trigrammes était sensible à une orientation lexicale à l’encodage. Ceci
confirme l’idée que l’épreuve implicite de complètement de trigrammes implique des
processus lexicaux aussi bien que perceptifs. Notre étude apporte cependant des données
supplémentaires, dans la mesure où l’épreuve de complètement de fragments était aussi
étudiée, avec la même procédure et le même matériel. Dans ce cas, les données ont montré
un effet d’amorçage équivalent quelle que soit la condition d’encodage, ce qui va dans le
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
34
même sens qu'une étude précédente qui avait inclus uniquement un encodage perceptif et
lexical (Challis, Velichkovskyal & Craik, 1996).
Ces données confirment donc l’idée avancée par certains auteurs selon laquelle
l'épreuve de complètement de fragments serait un test strictement perceptif qui
n’impliquerait pas (ou que très faiblement) des processus lexicaux et sémantiques (Keane,
Gabrieli, Fennema, Growdon & Corkin, 1991 ; Moscovitch, Vriezen, & Goshen-Gottstein,
1993 ; Schacter, 1992). Ainsi, l'implication d'un processus lexical semble pouvoir
permettre de distinguer ces deux tâches d’amorçage.
Contrairement à notre seconde hypothèse, et comme dans l'expérience précédente,
les résultats de cette expérience n’ont pas révélé d’effet du vieillissement sur les
performances implicites, que ce soit en complètement de trigrammes ou en complètement
de fragments. Ces deux épreuves semblent donc être préservées par le vieillissement. Ce
résultat n'est pas cohérent avec celui obtenu par Winocur et al. (1996), qui montrait que les
performances en complètement de trigrammes étaient altérées avec l’âge mais pas en
complètement de fragments. Cependant, l’effet significatif de l’âge en complètement de
trigrammes ne concernait que le groupe de sujets institutionnalisés, les sujets âgés non
institutionnalisés présentant des performances comparables à celles des sujets jeunes. De
plus, ces auteurs ont mis en évidence une corrélation significative entre les performances à
l’épreuve implicite de complètement de trigrammes et celles au Wisconsin Card Sorting
Test (WCST). Ceci suggère que la réduction de l’amorçage en complètement de
trigrammes chez les sujets institutionnalisés pourrait provenir d'un déficit exécutif. De ce
fait, leurs résultats ne sont pas véritablement en contradiction avec les nôtres, puisqu'aucun
participant âgé de notre étude ne vivait en institution et n’a déclaré avoir de problèmes de
santé. Néanmoins, de manière générale, l'examen de la littérature montre que les résultats à
l’épreuve de complètement de trigrammes sont contradictoires : certains travaux n’ont pas
révélé d’effet significatif de l’âge (Clarys et al., 2000 ; Eustache et al., 1995 ; Java &
Gardiner, 1991 ; Light & Singh, 1987 ; Nicolas et al., 1996 ; Park & Shaw, 1992)
contrairement à d’autres (Chiarello & Hoyer, 1988 ; Davies et al., 1990 ; Hultsch et al.,
1991 ; Small et al., 1995).
En conclusion, nos deux études confortent l'idée que les deux tâches implicites de
complètement de trigrammes et de fragments, qui sont à priori très proches, impliquent en
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
35
réalité des processus cognitifs distincts. Elles indiquent que la présence d'une charge
mentale à l’encodage réduit l’amorçage en complètement de trigrammes mais pas en
complètement de fragments et que la mise en place d'un traitement lexical plutôt que
perceptif favorise l'amorçage en complètement de trigrammes sans aucun effet sur le
complètement de fragments. Ainsi, en complètement de trigrammes, des processus
attentionnels semblent nécessaires pour permettre un traitement lexical alors que ce n’est
pas le cas en complètement de fragments. Finalement, ces travaux suggèrent de prendre en
compte la sensibilité aux traitements perceptifs, lexicaux, et conceptuels, pour la
classification des épreuves implicites de mémoire.
Dans nos deux études, nous n'avons pas pu reproduire l'effet de l'âge sur l'épreuve
de complètement de trigrammes ce qui ne nous a pas incité à poursuivre les travaux dans ce
domaine. Toutefois plusieurs pistes pourraient être explorées. Ainsi, la contradiction des
résultats concernant l'effet du vieillissement sur cette épreuve pourrait provenir de deux
éléments. Premièrement, lorsqu'il est obtenu, cet effet pourrait s'expliquer par un processus
de "contamination" lié à la mise en œuvre de traitements de nature explicite qui seraient
favorables aux sujets jeunes. Dans ce cas, certaines tâches comme le complètement de
trigrammes seraient plus sensibles à ce phénomène (LaVoie & Light, 1994), ce qui
expliquerait qu’elles sont également influencées par le vieillissement. Les études qui ont
observé un effet de l'âge pourraient avoir mis en place une procédure favorisant ce type de
contamination. Il serait alors intéressant d'évaluer ce phénomène en mesurant la prise de
conscience des participants du fait qu'ils ont à faire à une tâche de mémoire.
La seconde hypothèse est celle d’un déficit exécutif, qui est actuellement proposé
comme une caractéristique essentielle du vieillissement normal, susceptible d’expliquer les
principales altérations cognitives observées chez les sujets âgés (West, 1996). L'hypothèse
exécutive, qui est une hypothèse générale du vieillissement cognitif, sera présentée en
détail dans la partie suivante. Concernant la mémoire implicite, c’est la corrélation
observée dans l’étude de Winocur et al. (1996) avec le WCST qui a conduit à penser que le
dysfonctionnement exécutif pourrait être à l’origine de l’effet de l’âge que ces auteurs
rapportent sur la tâche implicite de complètement de trigrammes. L’idée est alors que le
complètement de trigrammes et le complètement de fragments, de forme apparemment
proche, impliquent en fait des mécanismes cognitifs différents. La tâche de complètement
de trigrammes reposerait à la fois sur un processus de génération, à partir des racines de
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
36
mots, similaire à la fluence verbale et sur un processus d’identification perceptive. Ainsi,
elle impliquerait le fonctionnement exécutif. La tâche de complètement de fragments, serait
plus perceptive et dépendrait principalement de l’intégrité des structures perceptives
visuelles. Les travaux qui ont mis en évidence un effet de l'âge pourraient avoir inclus des
participants âgés présentant un déficit exécutif plus marqué, comme cela semble être le cas
dans l'étude de Winocur et al. (1996). Il serait alors intéressant de contraster des groupes de
personnes âgées en fonction de leur niveau de fonctionnement exécutif.
II – VIEILLISSEMENT ET TACHES CLASSIQUES DE MEMOIRE EPISODIQUE
Selon van der Linden et Hupet (1994), le trouble mnésique principal des sujets âgés
porte sur la mémoire épisodique. Elle est classiquement évaluée par des tâches de rappel
libre, de rappel indicé, et de reconnaissance. Lors d’une tâche de rappel libre, le sujet doit
mettre en place une recherche active de l’information en l’absence de tout indice
contextuel. Pour le rappel indicé, cette recherche s'effectue à l’aide d’un indice qui peut
prendre des formes variées (par exemple, les trois premières lettres du mot ou un mot
associé). Lors d'une tâche de reconnaissance, le participant doit simplement identifier un
stimulus cible, parmi des stimuli distracteurs, comme faisant partie de la liste
d’apprentissage. L'importance des opérations de recherche mises en jeu est déterminée par
la nature de la tâche. Ainsi, le rappel libre est la tâche qui nécessite le plus les opérations de
recherche, la tâche de reconnaissance est celle qui en nécessite le moins, et le rappel indicé
se situe entre les deux.
Il est admis que des différences liées à l’âge apparaissent dans ces trois types de
tâches. Cependant, si l'effet de l'âge sur les situations de rappel libre et indicé constitue une
information particulièrement reproductible, les données sont plus contradictoires pour la
reconnaissance (Craik & McDowd, 1987 ; Whiting & Smith, 1997). D'ailleurs, la question
de l'existence d'un véritable effet de l'âge pour cette tâche fait l'objet de discussions dans la
littérature.
Pour rendre compte des modifications observées au cours du vieillissement dans les
tâches de rappel et de reconnaissance, deux grandes catégories de modèles explicatifs ont
été proposées : l'approche analytique et l'approche globale. La première suppose que les
différences liées à l’âge sur les tâches de mémoire sont la conséquence de difficultés
spécifiques de certaines composantes propres à la fonction mnésique. Dans le cadre de
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
37
l’approche analytique, nous présenterons l’hypothèse d’un déficit dans la mise en place de
traitements élaborés à l’encodage, chez les personnes âgées. Au contraire, l’approche
globale postule que les déficits de mémoire dépendent d’un facteur général ou bien d’un
nombre restreint de facteurs généraux. Dans cette perspective, les différences liées à l’âge
sur les tâches de mémoire ne sont pas la conséquence de modifications touchant la
mémoire en particulier, mais le reflet d’un déficit plus global et non spécifique à cette
fonction. A l’heure actuelle, deux hypothèses globales sont principalement émises pour
rendre compte du vieillissement mnésique : l’hypothèse d’une diminution de la vitesse de
traitement et l’hypothèse d’un déficit exécutif. Nous présenterons des travaux ayant testé
ces deux hypothèses.
2.1- L'APPROCHE ANALYTIQUE : DEFICITS D'ENCODAGE
Pour expliquer l’effet du vieillissement observé dans les tâches classiques de
mémoire épisodique, les recherches se sont orientées vers l'évaluation spécifique des
capacités des sujets âgés dans chacune des étapes du processus mnésique (encodage,
stockage, récupération). Rapidement, les auteurs se sont accordés sur l'idée que la phase de
stockage est épargnée par le vieillissement puisque les courbes de taux d’oubli des
personnes âgées sont comparables à celles des jeunes, au moins pour des intervalles
inférieurs à vingt-quatre heures (Kaszniak, Garnon & Fox, 1979). Le déclin mnésique lié à
l’âge pourrait donc provenir d’un déficit lors de l’encodage ou d'un déficit lors de la
récupération. L'hypothèse d'un déficit de traitement à l'encodage consiste à supposer que les
sujets âgés présentent des difficultés pour mettre en œuvre les traitements appropriés à
l'encodage. Au contraire, l'hypothèse d'un déficit de récupération met l'accent sur les
problèmes que rencontrent les sujets âgés dans la mise en place de stratégies efficaces de
recherche en mémoire. Nous pouvons d'ailleurs nous demander si les déficits des sujets
âgés apparaissent dans l'une des deux phases uniquement ou durant ces deux phases du
traitement de l'information. Ainsi, selon Fontaine (2006), on peut considérer que le déclin
des performances mnésiques relatives à la mémoire épisodique est provoqué à la fois par
des déficits d'encodage et de récupération. Nous présenterons dans cette partie quelques
éléments et travaux concernant les déficits à l'encodage et à la récupération.
L’encodage est la première étape de la mémorisation. Elle consiste à coder les
informations reçues pour les transformer en une trace qui sera stockée en mémoire. Cette
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
38
étape est donc déterminante pour la qualité de la trace stockée et ensuite pour la facilitation
de la récupération de l'information. Ainsi, il existe différents niveaux de traitement à
l'encodage.
La théorie des niveaux de traitement, proposée par Craik et Lockhart (1972 ; Craik,
2002), met en avant la notion de profondeur de traitement et celle d'élaboration de la trace
mnésique. L'idée générale est que la mise en œuvre de certaines opérations cognitives lors
de l'encodage est susceptible d'améliorer la rétention et donc la restitution ultérieure des
informations apprises. Ces opérations peuvent être déclenchées par l'individu lui-même et
être conscientes ou au contraire se mettre en place de manière spontanée et inconsciente.
L'élaboration de la trace mnésique renvoie au degré d'enrichissement de l'information lors
de l'encodage. Plus une information pourra être enrichie à l'encodage, plus elle sera
facilement reliée aux connaissances de l'individu, et mieux il la retiendra. La profondeur de
traitement renvoie au type de traitement effectué sur l'information à mémoriser. Ainsi, un
item peut être traité à différents niveaux hiérarchisés allant des traitements superficiels de
type structural vers des traitements plus profonds de nature sémantique, et ceci détermine la
facilité avec laquelle cet item sera ultérieurement restitué. D’une manière générale, les
traitements superficiels nécessitent peu de ressources attentionnelles et ne fournissent que
des traces faiblement récupérables tandis que les traitements profonds exigent davantage de
ressources et laissent des traces plus robustes et durables en mémoire.
La mise en œuvre de la théorie des niveaux de traitement implique de susciter des
traitements plus ou moins profonds à l’encodage, au moyen de tâches d’orientation. En
général, il est demandé aux sujets de prendre des décisions sur le matériel. Ceci peut être
illustré de la manière suivante :
- Traitement orthographique : "Le mot comporte t-il un "e" ?"
- Traitement phonologique : "Le mot rime t-il avec volcan ?"
- Traitement sémantique : "Est-ce que ceci est un oiseau ?".
La théorie des niveaux de traitement a été opérationnalisée à partir de ces trois types
de traitement par Craik et Tulving (1975) au moyen d’un paradigme d’apprentissage
incident. En effet, dans une situation d’apprentissage intentionnel, le sujet, conscient que sa
mémoire va être évaluée, peut adopter des stratégies qu’il est difficile de contrôler. En
utilisant un tel paradigme, les auteurs ont montré que les items les mieux reconnus, dans
une épreuve ultérieure de reconnaissance dont le participant n'a pas été prévenu, sont ceux
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
39
qui ont fait l’objet d’un traitement sémantique, alors que ceux qui sont le moins bien
reconnus ont été encodés à l’aide d’un traitement orthographique. Ces résultats accréditent
la conception de la profondeur de traitement définie par Craik et Lockhart (1972).
Dans une autre expérience, Hyde et Jenkins (1969) ont repris le protocole
d’apprentissage incident. Cette fois, ces auteurs ont comparé l’effet d’un traitement
sémantique (évaluer le caractère agréable des mots) par rapport à un traitement structural
(détecter certaines lettres dans les mots). De plus, un groupe contrôle recevait des
consignes classiques d’apprentissage intentionnel. Les résultats montrent que les sujets qui
ont effectué une tâche d’orientation sémantique en condition incidente rappellent autant de
mots que les sujets contrôles en condition intentionnelle. Ceci indique que le facteur
important correspond davantage à la nature du traitement mis en place lors de l’encodage
qu'à l’intention d’apprendre. Ces résultats ont depuis été reproduits dans un nombre
considérable d’expériences utilisant des paradigmes différents. Conformément à la théorie
des niveaux de traitement, il en ressort que plus le traitement de l’information est profond
(sémantique) et plus les performances mnésiques sont élevées.
Dans le cadre du vieillissement, l'hypothèse du support environnemental proposée
par Craik (1983, 1986, 1990) postule que les moindres performances mnésiques des sujets
âgés dépendraient d’un déficit du traitement auto-initié se traduisant par des difficultés à
mettre en œuvre spontanément des traitements efficaces pour la mémorisation, par exemple
un traitement sémantique de l'item. Selon cet auteur, les opérations cognitives dont dépend
la mémorisation sont tributaires de facteurs externes aux sujets, initiés et guidés par les
éléments environnementaux (nature du matériel, tâche à effectuer…), mais aussi de
facteurs internes qu’il nomme auto-initiés, et qui seraient déclenchés par le sujet lui-même.
L’idée est que les sujets âgés possèderaient les capacités conceptuelles et perceptives pour
réaliser un encodage aussi riche et élaboré de l’évènement que les sujets jeunes, mais il leur
manquerait le mécanisme de contrôle (déficit de traitements auto-initiés) qui leur
permettrait de s’engager spontanément dans un tel encodage. Cette notion de contrôle est à
relier à l'hypothèse exécutive que nous développerons ultérieurement dans ce document.
Concrètement, les sujets âgés seraient moins capables que les sujets jeunes d’initier
eux-mêmes des traitements efficaces lors de l’encodage, mais ils seraient en mesure
d’exécuter ces processus lorsque le contexte externe initie et guide les traitements à
effectuer. Ainsi, toute forme de support externe apporté par la tâche serait susceptible de
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
40
permettre aux personnes âgées de compenser leur déficit de traitements auto-initiés et donc
de réduire les différences liées à l’âge. Dans ce sens, de nombreux travaux ont examiné
l’idée qu’il est possible de réduire ou d’éliminer les différences de performance mnésique
entre sujets jeunes et âgés en induisant un encodage profond ou élaboré. D’un point de vue
expérimental, ceci peut être mis en évidence par l’existence d’une interaction significative
entre l’âge et le type de traitement réalisé à l’encodage, indiquant que les sujets âgés
bénéficient davantage que les jeunes de la profondeur de traitement.
Cependant, les travaux qui ont cherché à confirmer cette hypothèse ont fourni des
résultats contradictoires. En effet, si plusieurs études ont effectivement montré qu’un
encodage sémantique favorisait davantage les performances mnésiques des sujets âgés que
celles des jeunes, d’autres travaux ont révélé un effet équivalent dans les deux groupes
d’âge, ou même un effet plus important chez les jeunes (voir Craik & Jennings, 1992, pour
une revue de ces travaux). Ainsi, par exemple, dans une étude de Masson (1979), lors de
l'encodage, les sujets devaient répondre à des questions portant sur les catégories
sémantiques ou sur les rimes. Ensuite, ils ont été soumis à une épreuve de rappel et de
reconnaissance. Les résultats montrent une interaction entre l'âge et le niveau de traitement
en rappel et en reconnaissance. Celle-ci indique que les sujets âgés ne bénéficient pas
autant que les jeunes de la réalisation d'une tâche sémantique à l'encodage. Java et Gardiner
(1991) ont comparé une situation dans laquelle les sujets doivent produire des adjectifs
correspondant aux items cibles à une situation dans laquelle ils réalisent une tâche
structurale. Les résultats montrent que la tâche de production d'adjectifs permet aux
participants d'augmenter de manière significative le nombre de mots rappelés, autant chez
les jeunes que chez les âgés. Par ailleurs, Taconnat et Isingrini (2004) ont montré, en
utilisant également le paradigme de l’effet production, que les sujets âgés bénéficient
autant que les jeunes de l'effet facilitateur que représente la production de l'item cible par
rapport à sa lecture. Toutefois, lorsque la situation est rendue plus difficile, l'effet
production profite plus aux sujets jeunes qu'aux sujets âgés (Taconnat & Isingrini, 2004).
Enfin, dans une étude récente, Luo, Hendriks et Craik (2007) ont mis en évidence que
certains types de manipulations étaient bien de nature à diminuer les différences liées à
l’âge, mais que d’autres avaient un effet équivalent sur les performances des deux groupes
d’âge, ou un effet plus prononcé sur les performances des sujets jeunes que sur celles des
sujets âgés.
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
41
En conclusion, il semble bien que le vieillissement s'accompagne d’une difficulté à
mettre en œuvre des traitements élaborés à l'encodage. L'ensemble de ces travaux apporte
des résultats divergents, mais supporte l'hypothèse d'un déficit dans la mise en place
spontanée de stratégies d'encodage efficaces, en montrant que sous certaines conditions, les
sujets âgés sont capables de réaliser des traitements élaborés leur permettant d'améliorer
leurs performances mnésiques. Les divergences entre les études pourraient s’expliquer par
le type de tâche utilisée pour opérationnaliser le traitement élaboré. Il semble que dans les
tâches qui nécessitent de la part du sujet une production explicite du matériel (production
des adjectifs correspondant aux mots présentés, production des mots sémantiquement liés
aux mots cibles; production de l'item cible à partir d'un mot associé), les sujets âgés sont
capables de mettre en œuvre des traitements efficaces. Pour cela, il est nécessaire que ces
opérations soient directement suggérées par la tâche plutôt qu'initiées par le participant luimême. Ceci va dans le sens de l'hypothèse du support environnemental (Craik, 1983, 1986,
1990) et de l'hypothèse du déficit de contrôle exécutif qui sera présentée dans la partie
suivante.
Pour notre part, nous nous sommes intéressés aux liens entre les difficultés des
personnes âgées à mettre en œuvre des traitements élaborés à l'encodage et la production de
faux souvenirs lors de la récupération. Cette étude est présentée ci-dessous :
Taconnat, L., Isingrini, M., Clarys, D., & Vanneste, S. (2006a). Effect of distinctive
encoding on false recognition, discrimination and decision criteria. European Journal
of Cognitive Psychology, 18, 673-685.
Les faux souvenirs correspondent à la restitution d'informations dans une épreuve
de mémoire alors qu'elles n'ont pas été apprises. L'existence des faux souvenirs s'explique
par le fait que la mémoire n'est pas une simple reproduction exacte du passé, mais qu'elle
correspond plutôt à un processus de reconstruction des informations stockées qui peut
engendrer des erreurs de mémoire. Les faux souvenirs ont tendance à augmenter avec l'âge,
ce qui peut avoir des répercussions importantes dans la vie quotidienne des personnes
âgées. En laboratoire, l'effet du vieillissement sur les faux souvenirs a été mis en évidence
grâce au paradigme DRM (pour Deese/Roediger-McDermott, Deese, 1959 ; Roediger &
McDermott, 1995) ou plus simplement à travers une épreuve de reconnaissance classique.
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
42
Quel que soit le protocole utilisé, les travaux ont généralement montré une augmentation
des faux souvenirs avec le vieillissement (Balota, Cortese, Adams, Roediger, McDermott
& Yerys, 1999 ; Dehon & Brédart, 2004 ; Dodson & Schacter, 2002; Koutstaal, 2003 ;
Koutstaal, Schacter, Gallucio & Stofer, 1999 ; Koutstaal, Schacter & Brenner, 2001 ; La
Voie & Faulkner, 2000 ; Norman & Schacter, 1997).
Les faux souvenirs sont la conséquence d'une interaction entre les processus mis en
œuvre à l'encodage et ceux mis en œuvre à la récupération. Ainsi, nous pouvons penser que
le fait de favoriser un encodage permettant de mieux distinguer les items les uns des autres
aura pour conséquence l'utilisation d'un critère de décision plus exigeant lors d'un test de
reconnaissance, réduisant de ce fait les fausses reconnaissances. En effet, dans le cadre d'un
encodage général, de type sémantique, le réseau sémantique associé à l'information à
apprendre va être activé. Ceci a pour conséquence d'augmenter le sentiment de familiarité à
l'égard des items cibles, mais également à l'égard des items associés à l'information cible.
De ce fait, un encodage sémantique par rapport à un encodage plus superficiel va permettre
de reconnaître plus de mots cibles, mais va également augmenter le nombre de fausses
reconnaissances (Rhodes & Anastasi, 2000), A l'inverse, si un encodage spécifique et
distinctif est proposé, il sera plus facile au moment de la reconnaissance de distinguer un
item cible d'un item distracteur qui lui est proche. Un traitement distinctif à l'encodage
consiste à demander au sujet de prendre en compte les traits particuliers d'un item qui lui
permettront d'être différencié des autres items partageant des caractéristiques similaires
(Hunt & Einstein, 1981 ; Hunt & McDaniel, 1993 ; Hunt & Smith, 1996). Ainsi, il a été
montré que le fait d'inciter les sujets à traiter les informations de manière distinctive lors de
l'encodage réduit le nombre de fausses reconnaissances (Hunt, 2003 ; McCabe, Presmanes,
Robertson & Smith, 2004).
En accord avec l'hypothèse du support environnemental (Craik, 1983, 1986, 1990),
les différences liées à l'âge dans les performances mnésiques et donc au niveau des fausses
reconnaissances pourraient être réduites en invitant les personnes âgées à encoder les traits
distinctifs des éléments à apprendre, ce qu'ils ne font pas spontanément (Naveh-Benjamin
& Craik, 1995). L'objectif de l'étude que nous avons conduite était de vérifier cette
possibilité. Pour cela, nous avons utilisé une tâche de reconnaissance classique faisant suite
à un encodage orienté. Après la présentation de chaque mot à l'encodage, les participants
devaient répondre à une question facile concernant soit la catégorie sémantique du mot à
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
43
apprendre (encodage général, par exemple pour le mot cible "rose" : "Est-ce une fleur ?")
soit une caractéristique particulière du mot (encodage distinctif, par exemple "Sa tige portet-elle des épines ?"). Une condition contrôle a également été ajoutée dans laquelle
l'encodage se faisait librement, sans aucune orientation particulière. Pour l'épreuve de
reconnaissance, trois types d'items ont été inclus : les items cibles, des items distracteurs
liés sémantiquement et des distracteurs sans lien sémantique. Les distracteurs liés
sémantiquement aux items cibles appartiennent à la même catégorie sémantique que celle
correspondant à la question de l'encodage général, mais se différencient des items cibles
par les caractéristiques particulières liées à la question de l'encodage discriminant (dans
l'exemple, le distracteur lié au mot cible "rose" pour la catégorie "fleur" sera "tulipe"). Les
résultats de cette étude sont présentés dans le Tableau 3. Ils montrent que les participants
âgés ont reconnu moins d'items cibles que les jeunes, et que les deux tâches d'orientation
ont permis aux participants d'accroître leur performance par rapport à la condition contrôle.
Par ailleurs, ces deux tâches entraînent une disparition de la différence entre participants
jeunes et âgés, ce qui montre que les participants âgés ont plus bénéficié que les jeunes de
l'orientation de l'encodage. Il n'existe pas de différence entre ces deux conditions
d'encodage orienté.
Tableau 3. Moyennes et écarts-types pour les reconnaissances correctes, les fausses
alarmes de distracteurs reliés (FARL), et de fausses alarmes de distracteurs non reliés
(FAUL) en fonction du groupe d'âge et du type d'encodage.
.
Note. C = Contrôle, GE = Encodage Général, DE = Encodage distinctif
Concernant les fausses alarmes, les résultats indiquent que leur nombre est plus
important chez les participants âgés que chez les jeunes. Par ailleurs, l'encodage général
entraîne plus de fausses alarmes que la condition contrôle, tandis que l'encodage distinctif
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
44
entraîne une réduction du nombre de fausses alarmes relativement à la condition contrôle.
Ces effets de l'orientation à l'encodage sont plus marqués chez les participants âgés.
D'ailleurs, la différence entre participants jeunes et âgés concernant la production de
fausses alarmes disparaît dans la condition d'encodage distinctif.
Dans cette étude, nous avons donc réussi à faire disparaître les différences liées à
l'âge sur les fausses reconnaissances de distracteurs associés. Ainsi, le fait d'orienter
l'encodage des participants âgés sur les traits discriminants des informations s'avère
particulièrement efficace pour améliorer la mémoire des informations cibles et réduire les
fausses reconnaissances. Il apparaît donc que le déficit dans les processus auto-initiés, et
notamment dans l'encodage distinctif, constitue un élément explicatif de la dégradation des
performances en reconnaissance et dans l'augmentation des faux souvenirs avec l'âge. Les
personnes âgées présenteraient des déficits dans les processus d'initiation et de contrôle des
stratégies mnésiques, ce qui peut être directement en lien avec l'hypothèse exécutive
développée ci-dessous.
2.2- L'APPROCHE GLOBALE : L'HYPOTHESE EXECUTIVE
Nous avons poursuivi l'étude des déficits d'encodage en nous intéressant aux rôles
des fonctions exécutives. Depuis quelques années, il existe un regain d’intérêt pour
l’évaluation des fonctions exécutives chez les sujets âgés. La raison principale de ce regain
est liée au fait que ces fonctions sont considérées comme étant parmi les premières à
décliner dans le vieillissement normal. L'hypothèse d'un déficit du contrôle exécutif
s'inscrit dans le cadre de l'approche globale et a été posée comme une caractéristique
essentielle du vieillissement normal, susceptible d'être à l'origine des principales altérations
cognitives observées chez les personnes âgées (West, 1996).
Les fonctions exécutives réfèrent à une variété d’activités cognitives telles que
l’adaptation à la nouveauté, la planification et la mise en œuvre de stratégies nouvelles, le
contrôle et la régulation de l’action, la capacité à tenir compte de l’information en retour
pour ajuster et adapter la réponse, et la capacité d’inhibition des informations non
pertinentes à la tâche (Rabbit, 1997 ; Roberts & Pennington, 1996). Elles correspondent
donc aux processus cognitifs qui contrôlent, régulent, et intègrent les autres activités
cognitives. Différentes sources de données conduisent à l'idée que le vieillissement
s'accompagne de déficits exécutifs (voir West, 1996).
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
45
Du point de vue neuroanatomique, ces fonctions sont classiquement associées au
fonctionnement des structures préfrontales : en effet, le concept de fonctions exécutives
provient initialement de l’observation de patients présentant des lésions préfrontales,
couramment appelés "patients frontaux" (Fuster, 1989 ; Luria, 1973). Même si plusieurs
auteurs suggèrent que le fonctionnement exécutif est lié aux régions corticales antérieures,
mais aussi postérieures (Fuster, 1993 ; Greenwood, 2000 ; Collette & van der Linden, 2002
; Collette, van der Linden, Laureys, Delfiore, Degueldre, Luxen & Salmon, 2005), la très
grande majorité des données conforte l’idée que les fonctions exécutives dépendent
principalement de l’intégrité du cortex préfrontal (Stuss & Benson, 1984 ; Roberts &
Pennington, 1996 ; Raz, Gunning-Dixon, Acker, Head & Dupuis, 1998 ; Collette, Hogge,
Salmon & van der Linden, 2006). Sur la base de ce lien, les tests neuropsychologiques
connus pour être sensibles aux lésions frontales sont classiquement utilisés pour évaluer les
fonctions exécutives.
L’hypothèse selon laquelle les fonctions exécutives correspondent aux premières
fonctions cognitives qui déclinent au cours du vieillissement est étayée par des données
neurobiologiques et neuropsychologiques. Les premières suggèrent que les modifications
neuroanatomiques et neurochimiques liées à l’âge sont plus précoces et plus importantes
dans le lobe frontal que dans les lobes temporal, pariétal et occipital (Fuster, 1989 ; West,
1996 ; Woodruff-Pak, 1997 ; Raz, 2000), suggérant ainsi que le vieillissement pourrait
s’accompagner
d’un
déclin
précoce
des
fonctions
exécutives.
Les
données
neuropsychologiques indiquent par ailleurs que, comparés à des sujets jeunes, les sujets
âgés présentent un déficit exécutif révélé par leur performance aux tests cliniques supposés
évaluer les fonctions exécutives (Albert & Kaplan, 1980 ; Daigneault, Braun & Whitaker,
1992 ; Isingrini & Vazou, 1997 ; Souchay, Isingrini & Espagnet, 2000). Par exemple,
Salthouse et ses collaborateurs (Salthouse, Fristoe & Rhee, 1996 ; Fristoe, Salthouse &
Woodard, 1997) ont observé un effet significatif de l’âge sur la plupart des mesures issues
du Wisconsin Card Sorting Test, une tâche classiquement utilisée pour évaluer les
fonctions exécutives chez les patients frontaux. Ceci a conduit au constat que les déficits
observés dans le vieillissement normal sont assez similaires à ceux observés chez les
patients frontaux.
L’hypothèse exécutive du vieillissement suggère que les déficits mnésiques
observés chez les sujets âgés proviennent d’un déclin de leurs fonctions exécutives. Elle
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
46
implique donc que soit observée une similitude importante entre le profil mnésique des
patients frontaux et celui des sujets âgés. Nous avons indiqué précédemment que les
performances des sujets âgés sont plus altérées dans les tâches de rappel libre que dans les
tâches de reconnaissance (Craik & Mc Dowd, 1987). Ce pattern de résultats est similaire à
celui observé chez les patients frontaux (Shimamura, 1995 ; Wheeler, Stuss & Tulving,
1995). Des éléments plus directs attestant du rôle des fonctions exécutives dans le
vieillissement de la mémoire ont été rapportés dans les études montrant que,
comparativement à celles des sujets jeunes, les performances des sujets âgés sont moindres
dans les tâches dans lesquelles les patients frontaux ont aussi des scores plus faibles, telles
que la mémoire de source (Craik, Morris, Morris & Loewen, 1990 ; Glisky, Polster &
Routhieaux, 1995), la mémoire des informations temporelles (Parkin, Walter & Hunkin,
1995 ; Fabiani & Friedman, 1997), et la métamémoire (Souchay et al., 2000). Parmi ces
études, plusieurs auteurs ont également montré que ce déficit est corrélé au fonctionnement
exécutif des sujets âgés, ce qui pourrait expliquer le déclin mnésique lié au vieillissement.
La convergence des différentes données suggère que le vieillissement normal est
associé à un déficit exécutif qui pourrait être responsable des altérations liées à l'âge
généralement observées en mémoire épisodique. L’idée qui prévaut, sur la façon dont ce
dernier intervient dans le fonctionnement mnésique, demeure celle d’un système de
régulation favorisant les opérations de mémoire (Shimamura, 1995 ; Wheeler et al., 1997).
Cette conception s’appuie sur les observations selon lesquelles l’altération des structures
frontales n’entraîne pas une perte des capacités de stockage en soi, mais conduit plutôt à
des modifications dans les processus stratégiques qui accompagnent l’activité mnésique,
notamment dans l’initiation, l’exécution et le contrôle des stratégies qui interviennent lors
du codage et de la récupération de l’information (Moscovitch, 1992). Dans l'étude suivante,
nous avons justement examiné le rôle des fonctions exécutives dans la mise en place de
stratégies lors de l'encodage.
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
47
Taconnat, L., Baudouin, A., Fay, S., Clarys, D., Vanneste, S., Tournelle, L., &
Isingrini, M. (2006b). Aging and implementation of encoding strategies in the
generation of rhymes: The role of executive functions. Neuropsychology, 6, 658-665
Un protocole de production de mots a été utilisé dans cette étude. L'effet production
(Jacoby, 1978) correspond au fait que des mots activement produits à partir d'un mot
inducteur et d'un fragment du mot cible (miel – abe____) sont plus facilement mémorisés
que des mots simplement lus (miel – abeille). L’étude de l’effet production appliqué au
vieillissement a révélé que cet effet demeurait stable avec l’âge, lorsque la règle de
production est de nature sémantique (Rabinowitz, 1989 ; Taconnat & Isingrini, 1996 ;
Whiting, 2003). En revanche, lorsque les mots inducteurs sont des rimes ou des
anagrammes des mots cibles, ou dans une condition de production difficile (lorsqu'une
seule lettre du mot cible est fournie) dans laquelle le mot cible est un associé faible du mot
inducteur, l’effet production n’apparaît que chez les sujets jeunes (Taconnat & Isingrini,
2004). De même, les sujets âgés ne profitent pas de l’effet production lorsque la condition
d’encodage est sans mot inducteur (Taconnat, Isingrini & Vanneste, 2003). Nous pouvons
tenter d’interpréter ces résultats dans le cadre de l’hypothèse environnementale (Craik,
1983, 1986, 1990). En effet, il est probable que la tâche de production d’associés
sémantiques constitue un support environnemental suffisamment important pour permettre
aux sujets âgés de réaliser un traitement sémantique efficace pour la mémorisation, ce qui
ne serait pas le cas pour les tâches de production non sémantiques.
Ici, nous avons choisi une procédure de production de rimes parce que cette tâche
laisse la possibilité aux sujets jeunes de s'engager dans des traitements auto-initiés de
nature sémantique. Au contraire, nous supposons que les personnes âgées, du fait de leur
déficit en ressources attentionnelles, ne s'engagent pas dans de tels traitements, et ne
bénéficient donc pas de l'effet de production de rimes (Taconnat & Isingrini, 2004). En
nous appuyant sur une étude antérieure (Bunce, 2003) qui a montré l'implication des
fonctions exécutives dans les déficits d'organisation à l'encodage, nous avons supposé que
le déficit dans la mise en œuvre d'une stratégie d'encodage efficace chez les personnes
âgées pouvait être la conséquence du dysfonctionnement exécutif lié à l'âge. Les
participants ont été soumis à deux conditions d'encodage de paires de mots qui riment :
simple lecture ou production du mot qui rime à partir du mot indice et du début du mot
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
48
cible. Ils ont été évalués par un test de rappel libre. Des mesures du fonctionnement
exécutif (WCST, Stroop, fluence verbale) et des mesures indépendantes de mémoire ont
également été incluses (Mémoire Logique I et II, test de Grober et Buschke).
Tableau 4. Variance de l'effet production après entrée du groupe d'âge, de l'indice exécutif
et de l'indice de mémoire dans l'analyse de régression.
Note. ***p<.001
Les résultats montrent que l'effet production est plus important chez les participants
jeunes que chez les participants âgés. La taille de l'effet production apparaît être corrélée à
l'indice exécutif, alors que le nombre de mots rappelés est corrélé à l'indice de mémoire.
Enfin une analyse de régression a été réalisée et elle est présentée dans le Tableau 4. Elle
montre que le déficit exécutif lié à l'âge explique complètement l'effet de l'âge sur l'effet
production. Cette étude indique donc que la difficulté dans la mise en place de stratégies
élaborées à l'encodage chez les personnes âgées provient de la dégradation du
fonctionnement exécutif qui apparaît au cours du vieillissement.
La baisse des performances en mémoire épisodique avec l’âge pourrait aussi
provenir d’une altération des processus de récupération. Les opérations de récupération ont
pour finalité l’accès à la trace mnésique et sa restitution. La récupération d'une information
dans la vie quotidienne se fait souvent de manière implicite, sans que l'on ait conscience de
mettre en œuvre notre mémoire et sans que l'on fasse d'effort de recherche particulier. Mais
dans de nombreuses situations (examen universitaire par exemple), il est au contraire
nécessaire de mettre en place des stratégies particulières de récupération, qui impliquent
une volonté et un effort de recherche. Dans ce type de situation, des processus de contrôle
attentionnel interviennent pour rechercher, sélectionner et vérifier les informations
récupérées. Moins l'environnement offre de support cognitif à la récupération et plus il est
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
49
nécessaire de mettre en place des stratégies de recherche contrôlées et efficaces. En
laboratoire, la mémoire épisodique est classiquement évaluée par les épreuves de rappel
libre, de rappel indicé, et de reconnaissance. Comme nous l'avons indiqué au début de ce
chapitre, le rappel libre est la tâche qui nécessite le plus les opérations de recherche
contrôlée, ensuite, vient le rappel indicé, et la tâche de reconnaissance est celle qui en
nécessite le moins.
Selon Craik (1986), les sujets âgés auraient des difficultés à mettre en œuvre
spontanément les stratégies efficaces de récupération, du fait d'une réduction de leurs
ressources de traitement. Cette conception implique que les différences liées à l'âge soient
importantes dans les tâches qui requièrent la mise en place spontanée des opérations
mentales appropriées, comme le rappel libre. Au contraire les effets de l'âge devraient être
moindres dans les tâches qui fournissent aux sujets une information susceptible de les
inciter à effectuer les opérations mentales efficaces, comme dans le rappel indicé et dans la
reconnaissance. Justement, comme nous l'avons déjà indiqué, de nombreuses études
montrent que l'effet de l'âge est plus important en rappel libre qu'en rappel indicé ou qu'en
reconnaissance (Craik & McDowd, 1987 ; Whiting & Smith, 1997).
Compte-tenu de notre étude précédente, qui montre que le déficit des personnes
âgées dans la mise en place de stratégies élaborées à l'encodage provient de la dégradation
du fonctionnement exécutif qui apparaît avec l'âge, nous pouvons penser que les difficultés
dans la mise en place de stratégies efficaces lors de la récupération s'expliquent également
par le déficit exécutif. C'est ce que nous avons testé dans l'étude ci-dessous :
Taconnat, L., Clarys, D., Vanneste, S., Bouazzaoui, B., & Isingrini, M. (2006c). Aging
and strategic retrieval in memory: The role of executive functions. Brain & Cognition.
64(1), 1-6.
Dans cette étude, nous avons manipulé la quantité d'indices fournis à la
récupération lors d'une tâche de rappel indicé. Ainsi, dans la situation avec moins d'indices,
les participants doivent mettre en œuvre plus spontanément des processus de recherche
contrôlée, et inversement pour la situation où il y a plus d'indices. Conformément à
l'hypothèse de Craik (1986), on peut alors s'attendre à ce que les participants âgés soient
plus pénalisés dans la situation avec moins d'indices. Dans cette étude, après
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
50
l'apprentissage de couples de mots, les sujets étaient soumis à une épreuve de rappel indicé
soit avec un support cognitif faible (les trois premières lettres du mot cible) soit avec un
support cognitif élevé (le mot indice et les trois premières lettres du mot cible). Nous avons
également inclus une mesure du fonctionnement exécutif (WCST) et une mesure de
l'intelligence fluide (matrices de Cattell) afin d'examiner la possibilité que ces fonctions
interviennent lors de la récupération.
Tableau 5. Proportion de variance expliquée de l'indice de baisse de performance, après
entrée du groupe d'âge, du nombre d'erreurs persévératives au WCST, du nombre de
réponses correctes au test de Cattell, du niveau d'éducation et du niveau de vocabulaire
Note. * p<.05 ; ***p<.001
Les résultats indiquent que l'effet de l'âge est plus important lorsque la quantité
d'indices fournis au rappel indicé est plus faible. Ceci signifie que les participants âgés
présentent plus de difficultés lorsque le support environnemental est moins important et
donc lorsqu'ils doivent mettre en œuvre spontanément des processus de recherche plus
stratégiques. Nous avons réalisé une analyse de régression en utilisant comme variable
dépendante le pourcentage de baisse de performance entraîné par la réduction du nombre
d'indice au rappel indicé. Celle-ci est présentée dans le Tableau 5. Elle montre que ce sont
les fonctions exécutives plus que l'intelligence fluide qui médiatisent les effets de l'âge sur
cette baisse de performance. Toutefois, l'intelligence fluide et les fonctions exécutives
correspondent sensiblement aux mêmes aptitudes cognitives. Ainsi, la difficulté des
personnes âgées à mettre en œuvre des processus contrôlés de récupération semble être la
conséquence de la dégradation du fonctionnement exécutif.
En conclusion, nous avons vu dans cette partie que les performances mnésiques
reposent sur la mise en place de stratégies efficaces, autant à l'encodage qu'à la récupération
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
51
et que spontanément, les personnes âgées ne s'engagent pas dans de telles stratégies,
probablement à cause d'un déficit de contrôle et de la diminution de leurs ressources de
traitement. Lorsque la consigne à l'encodage ou le support à la récupération les aide dans la
mise en place de ces stratégies, ils sont en mesure d'en bénéficier plus que les participants
jeunes. Les deux dernières études que nous avons présentées montrent que le déficit
exécutif qui apparaît au cours du vieillissement explique cette difficulté des personnes
âgées à l'égard des stratégies d'encodage et de récupération. Ainsi, le dysfonctionnement
exécutif lié au vieillissement apparaît comme un indicateur pertinent pour comprendre les
difficultés d'utilisation de stratégies de mémoire chez les personnes âgées. Dans la partie
suivante, nous nous intéresserons à un autre médiateur très important du vieillissement
mnésique, la vitesse de traitement, et nous verrons comment le fonctionnement exécutif
intervient lorsqu'il est mis en concurrence avec ce médiateur.
2.3- L'APPROCHE GLOBALE : LE RALENTISSEMENT DES TRAITEMENTS
La deuxième hypothèse globale forte du vieillissement cognitif concerne la
réduction de la vitesse de traitement des informations (Salthouse, 1996). La robustesse du
phénomène de ralentissement des traitements de l’information au cours du vieillissement a
conduit au développement de l’idée que ce facteur pourrait constituer une limite importante
pour le fonctionnement cognitif des personnes âgées (Birren, 1970 ; Salthouse, 1985). Les
études réalisées dans ce domaine indiquent que la vitesse globale de traitement est un
excellent médiateur de la relation entre l’âge et la cognition. Salthouse (1996) a proposé
une interprétation de ces données en considérant que la vitesse à laquelle le système
nerveux central traite les informations pourrait influencer non seulement la quantité, mais
aussi la qualité de la performance mnésique. Ainsi, les auteurs qui s’inscrivent dans cette
approche s’accordent sur le fait qu’une exécution plus lente des opérations cognitives
permet la réalisation de moins de traitements et probablement de traitements moins
efficaces. Le ralentissement des traitements pourrait affecter la performance de deux
manières. D’une part, les opérations pertinentes ne pourraient pas être toutes menées à leur
terme, et d’autre part, le produit d’un premier traitement ne serait plus accessible lorsqu’un
second traitement s’achève.
Dans ce contexte, l’objectif est de vérifier que la diminution de la vitesse de
traitement de l’information avec l’âge explique l’altération des performances mnésiques
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
52
chez les sujets âgés. Pour cela, des mesures directes de la vitesse de traitement sont en
général réalisées en plus des tâches classiques de mémoire. De nombreuses études ont
montré que le contrôle statistique de la vitesse de traitement entraîne une forte réduction et
souvent une disparition des différences liées à l’âge en mémoire (voir par exemple Bryan &
Luszcz, 1996 ; Fisk & Warr, 1996 ; Sliwinski & Buschke, 1997 ; Verhaeghen & Salthouse,
1997). Toutefois, comme nous l'avons vu dans la partie précédente, le déficit exécutif
apparaît comme étant un médiateur pertinent des effets de l'âge sur la mémoire. Aussi, il
nous a semblé utile de mettre en concurrence ces deux médiateurs potentiels dans une
même étude. En effet, si chaque hypothèse a fait l’objet de nombreux travaux spécifiques,
peu d’auteurs ont confronté ces deux approches au sein d’une même étude de manière à
déterminer leur poids respectif et leur complémentarité éventuelle. C'est ce qui a été réalisé
dans l'étude suivante :
Clarys, D., Souchay, C., Baudouin, A., Fay, S., Vanneste, S., Taconnat, L., &
Isingrini, M. (2007). Contributions des fonctions exécutives et de la vitesse de
traitement au vieillissement de la mémoire épisodique. L’Année Psychologique,107 (1),
15-38.
L’objectif de cette expérience est d’étudier les liens entre les déficits mnésiques liés
à l’âge, la vitesse de traitement et les fonctions exécutives pour préciser lequel des deux
facteurs explique le plus le déclin de la mémoire épisodique qui apparaît dans le
vieillissement. L'intérêt de cette expérience repose également sur l’utilisation de deux types
de tests de mémoire épisodique : un test expérimental de rappel de mots et un test de rappel
immédiat et différé d’histoires qui est plus proche des activités cognitives réalisées
quotidiennement. L’objectif est alors d’étudier une éventuelle implication différentielle de
la vitesse de traitement et des fonctions exécutives dans l’effet de l’âge sur ces deux
catégories de tests.
En plus des tâches de mémoire épisodique (rappel de mots et rappel immédiat et
différé d’histoires), les participants ont réalisé des épreuves de vitesse de traitement (test du
code, copie de chiffres, et comparaison de symbole), et des fonctions exécutives (WCST et
fluence verbale). Les résultats montrent qu'il existe un déficit lié à l’âge dans toutes les
tâches de mémoire, de vitesse, et des fonctions exécutives. Nous avons réalisé des analyses
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
53
de régression pour savoir si l’âge reste un prédicteur significatif de la mémoire épisodique
après que la vitesse de traitement et les fonctions exécutives aient été entrées dans
l’analyse. Les résultats de ces analyses sont présentés dans le Tableau 6. Elles indiquent
que le contrôle de la vitesse de traitement supprime la totalité de la variance liée à l’âge en
mémoire épisodique.
Ceci est observé autant pour la tâche expérimentale de rappel de mots que pour les
tâches de rappel immédiat et différé d’histoires. Au contraire, le contrôle des fonctions
exécutives ne réduit que peu cette variance. L’effet de l’âge sur les fonctions exécutives
disparaît également lorsque l’on contrôle la vitesse de traitement. Ces résultats indiquent
que l’effet de l’âge sur la mémoire épisodique et sur les fonctions exécutives provient
d’une réduction de la vitesse de traitement des informations, ce qui conforte clairement
l'hypothèse d'une réduction de la vitesse de traitement comme facteur explicatif du
vieillissement mnésique.
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
54
Tableau 6. Prédiction des
différentes mesures de
mémoire épisodique par le
groupe d’âge, la vitesse de
traitement, et les fonctions
exécutives.
Note. ** p < .01 ; *** p < .001 ; NS = Non Significatif ; %VA =
pourcentage de variance liée à l’âge
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
55
Toutefois, si notre étude comme la littérature montre la pertinence du
ralentissement des traitements comme médiateur du déclin mnésique lié à l'âge, des
discussions ont lieu dans la littérature concernant les mesures utilisées pour évaluer ce
ralentissement. Ainsi, le test du code de la WAIS-R (Wechsler, 1989) est classiquement
utilisé dans la littérature comme tâche évaluant la vitesse de traitement. C'est d'ailleurs
l'une des tâches de vitesse incluse dans notre étude précédente. Cette épreuve consiste à
transformer le plus rapidement possible une série de chiffres en symboles à partir d'une
règle de transformation inscrite. L’idée selon laquelle cette épreuve évalue la vitesse de
traitement s’appuie sur le fait qu’elle n’impliquerait à priori que des traitements de bas
niveaux. Cette idée ne repose cependant sur aucune donnée solide. Il y a au contraire de
bonnes raisons de penser que le code n’est pas simplement une mesure de bas niveaux de
traitement. En effet, dans cette tâche, la capacité des sujets à se souvenir des couples de
symboles et de chiffres peut déterminer le niveau de performance. Dans ce sens, Parkin et
Java (1999) ont montré que le code réduit les différences liées à l’âge dans les fonctions
exécutives, tandis qu’un autre test de vitesse, le Digit Cancellation test (DC; Bishop &
Curran, 1995), sollicitant faiblement la mémoire de travail, l’attention et la motricité, ne
réduit pas ces différences. Les auteurs en ont déduit que l’influence du code sur la
réduction des performances cognitives liées à l’âge repose davantage sur l’implication des
processus cognitifs de haut niveau impliqués dans cette tâche que sur sa composante
perceptive. Ceci nous a amené à faire l'hypothèse que l'épreuve du code pourrait faire
intervenir, au moins en partie, si ce n'est préférentiellement, les fonctions exécutives. Nous
avons examiné cette possibilité dans l'étude suivante :
Baudouin, A., Clarys, D., Vanneste, S., & Isingrini, M. (sous presse). Executive
functioning and processing speed in age-related differences in memory: Contribution
of a coding task. Brain & Cognition
L'objectif de cette étude était à nouveau d'examiner l'implication des fonctions
exécutives et de la vitesse de traitement dans le déficit lié à l'âge en mémoire épisodique.
La particularité de cette étude est que l'épreuve du code a été incluse mais traitée à part des
autres mesures de vitesse. La mémoire épisodique a été évaluée par une tâche de rappel
libre de mots. Les participants ont également été soumis à des tâches exécutives (WCST,
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
56
running span, empan d'opération), à des tâches de vitesse perceptive (comparaison de
lettres et comparaison de nombres) et donc à l'épreuve du code. Cette tâche a été introduite
pour tester s'il s'agit d'une épreuve plus médiatrice des effets de l'âge en mémoire que les
tâches de vitesse perceptive et des fonctions exécutives. Notre hypothèse est que cette
épreuve devrait être le meilleur médiateur du fait qu'elle pourrait reposer à la fois sur la
vitesse de traitement et sur les fonctions exécutives. Cette étude permet également
d'examiner les processus impliqués dans l'épreuve du code.
A l'aide d'analyses de régression, présentées dans le Tableau 7, nous avons pu
montrer que l'effet de l'âge sur le rappel libre s'explique plus par les fonctions exécutives
que par la vitesse de traitement. Les résultats montrent également que l'épreuve du code
implique de manière identique la vitesse perceptive et les fonctions exécutives. Cette
épreuve ne peut donc pas être considérée uniquement comme une épreuve de vitesse de
traitement. Plus précisément, ceci a été obtenu dans le groupe de participants âgés alors que
chez les jeunes, la vitesse seule semble expliquer la performance au code. Ces éléments
indiquent que, chez les participants âgés, la variation des performances au code dépend de
la vitesse et d'aspects stratégiques alors que chez les jeunes elle ne repose que sur la vitesse
de traitement. Au final, le code apparaît comme un meilleur médiateur des effets de l'âge
sur la mémoire que les autres tests de vitesse ou que les tests exécutifs, probablement du
fait que le code implique à la fois la vitesse et le fonctionnement exécutif.
Finalement, cette étude questionne sur le sens des résultats des travaux antérieurs
qui ont inclus l'épreuve du code en la considérant comme une mesure de la vitesse de
traitement. Par exemple, les résultats peuvent apparaître contradictoires avec ceux de notre
étude précédente, laquelle a mis en évidence le rôle prépondérant de la vitesse de
traitement plutôt que des fonctions exécutives dans l'effet de l'âge sur des tâches classiques
de mémoire épisodique. Toutefois, nous avions notamment inclus cette épreuve du code.
Aussi, si sur la base de ces nouveaux résultats, nous considérons que cette épreuve évalue
au moins en partie les fonctions exécutives, alors l'interprétation de nos données devient
toute différente et nos deux études apparaissent plus concordantes. Des études
complémentaires seront nécessaires pour valider le rôle respectif des fonctions exécutives
et de la vitesse de traitement. Pour cela, une démarche pertinente serait d'utiliser la
méthode quasi-expérimentale et de constituer des groupes de participants selon leur niveau
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
57
exécutif et leur rythme de traitement afin d'examiner les déficits de mémoire épisodique en
fonction de ces caractéristiques des différents groupes.
Tableau 7. Prédiction de la part de variance liée à l'âge en mémoire épisodique après
contrôle du niveau d'éducation, du fonctionnement exécutif, et de la vitesse de traitement
et du score au test du Code
Note. ** p < .01; *** p < .001. DSST = Test du Code ; % ARV explained = pourcentage
de variance liée à l'âge expliquée par les différents médiateurs testés.
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
58
En résumé, les différentes études réalisées pour tenter de comprendre les déficits de
mémoire épisodique évalués par les tâches classiques de rappel et de reconnaissance
montrent que les personnes âgées présentent des déficits pour la mise en place de stratégies
élaborées à l'encodage et de processus contrôlés de recherche à la récupération. Lorsque les
deux grandes hypothèses du vieillissement cognitif sont examinées, il apparaît que le
fonctionnement exécutif est déterminant pour expliquer ces difficultés et l'altération des
performances en mémoire épisodique. La vitesse de traitement ressort également, mais
plutôt comme un médiateur de second plan, du moins lorsqu'elle est évaluée à l'aide
d'épreuves qui impliquent très peu d'aspects stratégiques.
La mise en place de stratégies mnésiques implique de la part du participant une
analyse précise de la tâche qu'il doit réaliser et une certaine connaissance de ses capacités
mnésiques et des processus mnésiques qu'il pourrait mettre en œuvre pour augmenter ses
capacités de mémoire. L'utilisation des stratégies mnésiques repose donc directement sur la
métamémoire. Cet aspect sera développé dans la partie suivante.
III – METAMEMOIRE ET VIEILLISSEMENT
Nous avons tous été amenés à évaluer nos propres capacités de mémoire ou celles
d'autrui et à constater des inégalités de performances, d'une personne à une autre, d'un
domaine à un autre, d'une situation à une autre. Chacun sait également qu'il est possible de
mettre en place des stratégies pour augmenter la probabilité de se souvenir d'une
information importante et nous savons quelle stratégie s'avère être la plus efficace dans
quelle condition. Ces quelques éléments tirés du quotidien attestent qu'il existe, au niveau
individuel, une forme de conscience ou de connaissance du fonctionnement de la mémoire.
Qu'elle soit exprimée ou non, cette connaissance peut déboucher sur des activités
volontaires de contrôle et de régulation des opérations mentales associées à la
mémorisation. Ces opérations relèvent de ce qu'il est convenu de nommer la métacognition,
c'est-à-dire "la cognition sur la cognition". La métacognition restreinte aux activités et aux
états mentaux relatifs à la mémoire est appelée "métamémoire", c'est-à-dire la connaissance
que l'individu possède sur le fonctionnement de la mémoire en général et sur sa propre
mémoire en particulier.
Ce concept de métamémoire a été introduit par Flavell (1971) et regroupe à la fois
les connaissances (plus ou moins exactes) que chacun possède sur la mémoire en général
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
59
(par exemple, "les personnes âgées se souviennent moins bien que les plus jeunes", "la
répétition permet d’améliorer la mémorisation"), et sur la sienne en particulier ("j’ai une
bonne mémoire des visages", "je me souviens mal du nom des rues", ainsi que les processus
de contrôle et de régulation déployés au cours d’une tâche mnésique (vérifier le contenu de
sa mémoire, allouer un temps d’étude supplémentaire aux éléments mal mémorisés, etc.).
Selon Flavell (Flavell, 1979, 1981 ; Flavell & Wellman, 1977), les processus
métamnésiques jouent un rôle déterminant dans le développement de la mémoire. Il
propose un fractionnement de la métamémoire en deux sous-composantes : la sensibilité
métamnésique et les variables métamnésiques. La sensibilité correspond à la capacité de
l'individu à détecter les situations qui nécessitent l'utilisation de la mémoire et à choisir les
moyens les plus adaptés pour réaliser cette action. Les variables de la connaissance
renvoient à l’ensemble des facteurs susceptibles d’influencer la performance de mémoire.
L’effet de chaque variable est généralement évalué en termes qualitatifs selon son efficacité
relative sur la performance. Il existerait au moins trois types de variables : celles qui sont
liées à l'individu (connaissance de ses capacités, de celles d'autrui, etc.), celles qui sont
liées à la tâche (rappel vs reconnaissance, noms vs visages, etc.), et celles qui sont liées aux
stratégies (organisation, répétition, etc.). Flavell considère que la performance cognitive est
influencée par ces trois variables, lesquelles font partie des connaissances métacognitives
acquises par un individu comme le résultat d’une expérience et du développement.
Selon Nelson et Narens (1990) la métamémoire est conçue comme un système qui
possède deux caractéristiques principales. Tout d'abord, il se structure en au moins deux
niveaux de processus cognitifs : le niveau de l'objet (niveau mnésique) et le méta-niveau
(niveau métamnésique), qui contient lui-même un modèle imparfait du niveau de l'objet.
Ce modèle du niveau métacognitif contient à la fois une représentation du but à atteindre
pour l'activité en cours et une représentation du procédé par lequel le niveau métacognitif
peut utiliser les informations du niveau cognitif pour accomplir ce but. La seconde
caractéristique est qu'il existe une relation de dominance entre les deux niveaux qui
spécifie la direction du flux d'informations. Ceci permet de distinguer des mécanismes de
surveillance et des mécanismes de contrôle indépendants. Dans le premier cas,
l'information se déplace du niveau mnésique vers le niveau métamnésique alors que dans le
second, l'information se déplace dans l'autre sens. La surveillance indique que le niveau
métamnésique est informé de ce qui se passe au niveau mnésique, ce qui contribue à
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
60
modifier le modèle de la situation construit au sein du niveau métamnésique. Le contrôle
permet à l'individu de modifier les processus en œuvre au niveau mnésique. Ceci peut
consister à initier une action, poursuivre ou adapter cette action, ou la stopper. Il existe
donc une relation étroite entre la surveillance et le contrôle, la première influençant le
second et réciproquement.
L’évaluation de la métamémoire repose sur deux types de mesures (pour revue, voir
Cavanaugh & Perlmutter, 1982) qui se distinguent par la présence ou l’absence d’une
activité mnésique simultanée. Ainsi, il est possible d’évaluer la métamémoire à partir de
mesures indépendantes d'une activité mnésique et de mesures qui se déroulent au cours
d'une activité mnésique. Lorsque l’évaluation métamnésique n’est pas accompagnée d’une
tâche de mémoire, l’introspection est faite sur des tâches hypothétiques ou des expériences
personnelles. Ces mesures indépendantes peuvent être des questionnaires, des agendas, des
check lists, des interviews ou des techniques picturales. Les mesures simultanées sont
mises en place en présence de tâches d'apprentissage et de récupération d’informations. Les
outils d’évaluation sont principalement des jugements pour lesquels l’individu doit luimême apprécier, avant, après, ou pendant l’apprentissage d’une série d’items, la probabilité
d’un succès futur à un test de rappel et/ou de reconnaissance de ces items.
Les travaux que nous avons réalisés ont été centrés sur le processus de surveillance
décrit par Nelson et Narens (1990), lequel a été évalué par une mesure simultanée de
sentiment de savoir (FOK, pour "Feeling Of Knowing") dans trois études et également de
jugement d'apprentissage (JOL, pour "Judgment Of Learning") dans l'une de ces trois
études. Le principe général est de demander au participant d'estimer ses performances à une
tâche de mémoire en cours et ensuite de comparer cette estimation à la performance réelle.
La précision de la prédiction permet de savoir si le participant évalue correctement ses
capacités mnésiques. Le JOL est une prédiction de performance future qui a lieu pendant
ou après l’apprentissage et qui permet d’estimer le degré d’apprentissage de chaque item. Il
s’agit donc pour le sujet de prédire le rappel futur d’un item particulier. Le FOK consiste à
réaliser une prédiction de succès ou d'échec de reconnaissance de chaque item qui n'a pas
pu être récupéré lors d'une épreuve de rappel. Ceci renvoie donc au sentiment de savoir
qu'une information que l'on n'arrive pas à récupérer spontanément est disponible en
mémoire ou ne l'est pas. Le sentiment de savoir peut être évalué au cours d'une tâche de
mémoire sémantique et dans ce cas, il porte sur des connaissances générales acquises
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
61
depuis longtemps (par exemple, "Quelle est la monnaie en Algérie ?"). On parle alors de
FOK sémantique. Il peut également être évalué au cours d'une tâche de mémoire
épisodique et dans ce cas, il porte sur des informations spécifiques qui viennent d'être
encodées. On parle alors de FOK épisodique. Le protocole est le même pour les deux
systèmes de mémoire, si ce n'est que du fait de la différence de nature des informations,
une phase d'apprentissage d'une liste de couples de mots est proposée préalablement pour le
FOK épisodique. Ensuite, les deux types de FOK se composent des trois mêmes phases :
(1) test de rappel d'informations (générales ou épisodiques), (2) pour chaque item non
rappelé, estimation de la probabilité de reconnaissance ultérieure, et (3) reconnaissance de
l'ensemble des items cibles parmi des distracteurs.
Les paradigmes de JOL et de FOK permettent ensuite de calculer une corrélation
entre la prédiction de reconnaissance (en général il s'agit d'une prédiction de rappel pour le
JOL) et la performance réelle en reconnaissance (ou en rappel pour le JOL). Ainsi, pour le
FOK, en croisant les prédictions (oui/non) et la réalité de la reconnaissance (oui/non) on
obtient quatre possibilités : (a) items prédits être reconnus et effectivement reconnus, (b)
items prédits être reconnus mais non reconnus, (c) items prédits être non reconnus, mais
reconnus, et (d) items prédits être non reconnus et effectivement non reconnus. La même
chose est obtenue pour le JOL à partir du rappel. Avec ces éléments, il est alors possible de
calculer différents indices de précision. Dans nos travaux, nous nous sommes intéressés à
l'indice Gamma et à l'indice Hamann.
Le coefficient Gamma a été proposé par Nelson (1984) et représente la mesure la
plus classiquement utilisées dans la littérature. Il s'agit d'une corrélation non paramétrique
entre la prédiction et la reconnaissance. Cet indice se calcule en comparant la différence
entre les réponses concordantes (a et d) et les réponses discordantes (b et c) selon la
formule suivante : Gamma = (ad-bc)/(ad+bc).
Le coefficient Hamann (Romesburg, 1984) est recommandé par Schraw (1995)
pour pallier aux problèmes méthodologiques inhérents au calcul de l’indice Gamma (calcul
parfois impossible) et lorsque le nombre d’observations par individu est faible. Ce
coefficient correspond à la différence entre les proportions de réponses correctes et
incorrectes fournies par les sujets et se calcule selon la formule suivante : Hamann = (a+d)–
(b+c)/(a+d)+(b+c).
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
62
L'interprétation de ces deux indices est identique. Les scores à ces deux indices de
précision des jugements JOL et FOK sont compris entre –1 et +1. Une valeur positive
élevée correspond à une association forte entre la prédiction de jugement FOK ou JOL et
les performances réelles. Dans ce cas, le nombre de prédictions correctes est supérieur au
nombre de prédictions incorrectes et donc le jugement est précis. Une valeur proche de
zéro traduit une absence de relation entre la prédiction et la performance réelle. Enfin, une
valeur négative correspond à une relation inverse, le nombre de discordances étant
supérieur au nombre de concordances. Dans ce cas, on parlera d’imprécision du jugement
JOL ou FOK.
Les travaux que nous avons présentés sur les mesures classiques de mémoire
épisodique ont mis en avant l'importance des fonctions exécutives dans ces tâches. Il nous
a alors semblé pertinent d'examiner la question des liens entre le jugement de FOK et de
JOL et de leur relation avec le fonctionnement exécutif. Ceci a été réalisé dans l'article
suivant :
Souchay, C., Isingrini, M., Clarys, D., Taconnat, L., & Eustache, F. (2004). Executive
functioning and Judgment-of-learning versus Feeling-of-knowing in older adults.
Experimental Aging Research, 30, 47-62
Bien que Fernandez-Duque, Baird, et Posner (2000) aient suggéré que la
métacognition soit étroitement liée aux fonctions exécutives, peu d'études se sont
intéressées aux liens entre ces deux éléments. Ainsi, Souchay et al. (2000) ont mis en
évidence, chez un groupe de participants âgés, une corrélation significative entre la
précision du jugement au FOK épisodique et des mesures exécutives. Par ailleurs, certaines
données montrent que les patients avec des lésions frontales présentent une altération de la
précision métamnésique (Fernandez-Duque et al., 2000 ; Shimamura, 2000), notamment
lors d'un jugement de FOK épisodique (Janowsky, Shimamura & Squire, 1989). Toutefois,
certains résultats suggèrent que la précision métamnésique n'est pas systématiquement liée
au fonctionnement exécutif. Ainsi, la précision du FOK sémantique semble préservée chez
des patients cérébro-lésés frontaux (Janowsky et al., 1989) ou chez des patients dont la
pathologie est associée à des déficits exécutifs (Coutler, 1989). De ce fait, il semble que
toutes les mesures de métamémoire ne soient pas dépendantes des fonctions exécutives.
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
63
Ceci pose la question des relations entres les différents indices métamnésiques et donc des
processus qui sont évalués par chacun. Quelques études se sont intéressées à cette question
et montrent qu'il n'y a pas (Kelemen, Frost & Weawer, 2000) ou peu de corrélation
(Leonesio & Nelson, 1990) entre le jugement de FOK et de JOL. Ceci semble indiquer que
les compétences métacognitives sont multidimensionnelles et que ces jugements
correspondent à des processus métamnésiques différents.
L'objectif de cette étude est de montrer que le fonctionnement exécutif est impliqué
différemment dans les deux tâches de jugement. Ainsi, compte-tenu des travaux antérieurs,
nous pouvons postuler que le FOK épisodique est corrélé au fonctionnement exécutif, alors
que, du fait des faibles liens observés précédemment entre le FOK et le JOL, nous pouvons
penser que le JOL pourrait ne pas impliquer le fonctionnement exécutif. Nous avons réalisé
cette étude sur un groupe de participants âgés de manière à bénéficier de la plus grande
variabilité dans cette population. Les participants ont été évalués par un protocole de FOK
et un protocole de JOL. Nous avons également ajouté des mesures exécutives : le WCST et
un test de fluence verbale. Les résultats de l'analyse de corrélations partielles sont présentés
dans le Tableau 8.
Tableau 8. Corrélations partielles (après contrôle de l'âge) entre les mesures de
métamémoire et les mesures exécutives
Note. * p<.05 ; ** p < .01 ; *** p < .001.
Les résultats (non présentés dans ce tableau) montrent que les indices du FOK et
ceux du JOL ne sont pas corrélés. Par ailleurs, il existe une corrélation significative entre
les fonctions exécutives et la précision des jugements de FOK, alors que cette corrélation
n'apparaît pas pour les indices du JOL. Ces résultats confirment la littérature et suggèrent
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
64
d'une part que le FOK et le JOL évaluent des aspects différents de la métamémoire, et
d'autre part, que le fonctionnement exécutif est impliqué uniquement dans la précision du
jugement de FOK. La principale différence entre les deux jugements réside dans le fait que
les jugements JOL sont effectués uniquement sur la base de la présentation de l'indice
durant la phase d'étude alors que les jugements FOK sont réalisés après avoir tenté de
rappeler les mots cibles (au moment du test de rappel indicé). Ainsi, le JOL se base sur le
degré d'apprentissage d'une information et évalue la capacité du participant à prédire le
rappel d'une information qu'il vient d'apprendre. Il pourrait refléter la connaissance des
variables susceptibles d'influencer les performances et les croyances sur le fonctionnement
de la mémoire. Le FOK évalue la capacité du participant à prédire la reconnaissance d'une
information non directement accessible en mémoire lors du rappel. Il pourrait être basé
davantage sur un processus d'évaluation dépendant des processus de récupération et dans
lequel le produit de la récupération est utilisé pour évaluer la facilité d'un futur accès au
souvenir. Dans l'ensemble, ces observations suggèrent que les processus contrôlés de
récupération sont plus impliqués dans les jugements de FOK que dans les jugements de
JOL ce qui pourrait expliquer le lien entre le FOK et le fonctionnement exécutif ainsi que
l'absence de corrélation entre ces deux jugements.
Nous avons vu dans la partie précédente l'importance du déficit exécutif dans
l'explication de la difficulté des personnes âgées à utiliser des stratégies de mémoire
efficaces. Compte-tenu du résultat de cette dernière étude, qui met en évidence un lien
entre le FOK épisodique et le fonctionnement exécutif, il apparaît intéressant d'étudier la
possibilité que ce lien soit à l'origine d'un effet de l'âge sur le FOK. L'étude de l'effet du
vieillissement sur la métamémoire, et notamment sur les jugements de FOK est assez peu
développée. Plusieurs travaux indiquent que la précision des jugements de FOK
sémantique est identique chez les personnes jeunes et âgées (Bäckman & Storandt, 2000 ;
Marquié & Huet, 2000). Au contraire, Souchay et al. (2000), avec un jugement de FOK
épisodique, ont mis en évidence un effet significatif de l'âge sur la prédiction dans le sens
où les personnes âgées prédisent avec moins de précision que les jeunes leurs performances
mnésiques. Nous avons conduit une étude pour examiner le rôle du déficit exécutif et du
ralentissement des traitements dans l'explication de cet effet de l'âge sur le jugement de
FOK épisodique.
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
65
Perrotin, A., Isingrini, M., Souchay, C., Clarys, D., & Taconnat, L. (2006). Episodic
Feeling-of-Knowing Accuracy and Cued Recall in the Elderly: Evidence for Double
Dissociation
Involving
Executive
Functioning
and
Processing
Speed.
Acta
Psychologica, 122, 58-73.
L'objectif de cette étude est d'une part de confirmer l'effet du vieillissement sur le
jugement de FOK épisodique et d'autre part d'examiner la possibilité que le lien observé
dans l'étude précédente entre le FOK épisodique et le fonctionnement exécutif puisse
expliquer cet effet de l'âge. Comme nous l'avons vu dans la partie précédente sur les tâches
classiques de mémoire épisodique, deux grandes hypothèses générales sont proposées dans
la littérature pour expliquer le vieillissement cognitif. Aussi, dans cette étude, en plus de
nous intéresser à l'hypothèse exécutive, nous avons étudié la médiation possible des effets
du vieillissement par le ralentissement des traitements. A notre connaissance, aucune
n'étude n'a pris en compte la vitesse de traitement dans le cadre de l'effet de l'âge sur le
FOK épisodique. Ici, des participants jeunes et âgés ont été testés sur une tâche de FOK
épisodique, sur deux tests du fonctionnement exécutif (WCST et test de Stroop), et sur
deux épreuves de vitesse de traitement (copie de chiffres et comparaison de lettres).
Tableau 9. Corrélations entre le score de FOK, la proportion de réponses correctes en
rappel indicé, le fonctionnement exécutif et la vitesse de traitement.
Note. ** p < .01 ; *** p < .001. (1) Après contrôle de la vitesse de traitement ; (2) Après
contrôle du fonctionnement exécutif.
Les résultats mettent en évidence un effet significatif de l'âge sur la précision du
FOK épisodique et sur les mesures de vitesse de traitement et des fonctions exécutives. Les
corrélations partielles, présentées dans le Tableau 9, révèlent une double dissociation avec
une relation significative entre la précision du FOK épisodique et les fonctions exécutives
et sans lien entre le FOK et la vitesse de traitement, l'inverse étant observé pour le rappel
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
66
indicé. Enfin, des analyses de régression indiquent que lorsque l'on met en concurrence le
déficit exécutif et le ralentissement cognitif comme médiateurs potentiels de la baisse liée à
l'âge de la précision de la prédiction métamnésique, c'est le fonctionnement exécutif qui
ressort. Ainsi, cette étude confirme l'effet significatif du vieillissement sur le FOK
épisodique et l'intervention des fonctions exécutives dans la prédiction de la performance.
Par ailleurs, elle montre que c'est l'implication du fonctionnement exécutif, et le déficit lié
à l'âge dans ce domaine, qui est à l'origine de l'effet de l'âge sur le FOK épisodique.
Selon Koriat (1993), les jugements FOK dépendent d'une inférence basée sur l'accès
à la trace mnésique de l'information cible non récupérée. Ainsi, les jugements FOK sont
basés sur l'ensemble des informations liées à la cible rendues accessibles au cours de la
recherche de l'information cible en mémoire, c'est-à-dire accumulées lors de la phase de
récupération. Aussi, même si les participants ne parviennent pas à rappeler une information
cible, des informations liées à la cible sont examinées et donc activées lors de la recherche.
Ces informations dites partielles vont induire le jugement de FOK. C'est sur la base de ces
informations partielles que le participant va pouvoir estimer le fait que l'information cible
est présente en mémoire ou non et qu'elle pourra éventuellement être retrouvée
ultérieurement. Ainsi, la précision du FOK devrait être influencée par la qualité et la
facilité d'accès aux informations partielles récupérées en lien avec la cible. Dans une tâche
de FOK épisodique, l'information partielle liée à la cible regroupe les informations
contextuelles, les sentiments, la conscience de soi, ces éléments étant intégrés à la notion
de conscience autonoétique développée par Tulving (1985b) que nous avons présentée dans
le premier chapitre. L'hypothèse que nous avons testée dans une nouvelle étude est que
c'est la dégradation de la conscience autonoétique chez les personnes âgées (voir partie
suivante) qui entraîne la moins bonne précision des jugements de FOK épisodique chez ces
personnes. Au contraire, dans une tâche de FOK sémantique, nous pouvons penser que la
recherche de l'information cible va activer essentiellement des éléments présents dans les
connaissances générales des individus. Ces connaissances générales n'étant pas dégradées
avec le vieillissement, nous n'observons pas de différence liée à l'âge dans la précision des
jugements de FOK sémantique. Ces éléments ont été examinés dans l'article suivant :
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
67
Souchay, C., Moulin, C. J., Clarys, D., Taconnat, L., & Isingrini, M. (2007).
Diminished episodic memory awareness in older adults : Evidence from feeling of
knowing and recollection. Consciousness & Cognition. 16(4), 769-84.
L'objectif de cet article est d'une part de confirmer l'effet dissociatif du
vieillissement sur la version épisodique et sur la version sémantique du FOK.
Conformément aux travaux précédents, nous nous attendons à observer une réduction de la
précision du FOK épisodique chez les personnes âgées sans différence entre les deux
groupes pour le FOK sémantique. A notre connaissance ceci n'a jamais été réalisé avec la
même population, le même matériel, et une procédure similaire, ce que nous ferons pour
contrôler les éventuels effets de ces éléments. D'autre part, il s'agit d'examiner l'idée que le
jugement de FOK épisodique repose sur des éléments constitutifs de la conscience
autonoétique et que c'est parce que cette dernière est déficitaire chez les personnes âgées
qu'elles présentent une altération de leur jugement de FOK épisodique. Dans ce sens, une
expérience antérieure s'est intéressée à la relation entre les jugements de FOK épisodique et
les états de conscience associés à la reconnaissance, chez des adultes jeunes (Hicks &
Marsh, 2002). Pour cela, le paradigme R/K a été introduit lors de la phase de
reconnaissance d'une tâche de FOK épisodique. Ces auteurs ont montré que plus les
jugements de FOK sont précis, plus ils sont associés à des réponses R. Ces résultats
suggèrent que les jugements de FOK épisodique soient non seulement prédictifs des futures
performances de reconnaissance, mais aussi des états de conscience associés à cette
reconnaissance. Ceci pourrait indiquer que lors du rappel, même si le participant n'arrive
pas à retrouver l'information cible, il active suffisamment d'informations qui sont à la base
du sentiment de reviviscence ultérieur lors de la reconnaissance. La dégradation de ce
sentiment chez les personnes âgées pourrait alors expliquer la moins bonne précision liée à
l'âge du FOK.
Dans la première expérience, nous avons comparé un groupe de participants jeunes
et un groupe de participants âgés sur une tâche de jugements de FOK épisodique et sur une
tâche de jugements de FOK sémantique. La procédure appliquée aux deux tâches était
similaire et elles portaient sur le même matériel puisque les mêmes mots cibles sont
présentés dans les deux tâches de FOK. Les résultats confirment l'effet dissociatif du
vieillissement sur la précision du FOK en mémoire épisodique et en mémoire sémantique,
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
68
puisque le vieillissement altère la précision du FOK épisodique sans modifier celle du FOK
sémantique.
Dans la seconde expérience, nous avons mis en relation la précision du FOK
épisodique avec la proportion des réponses R et K. Nous avons inclus également des
participants jeunes et âgés (voir Tableau 10). Nous avons repris uniquement la tâche
précédente de FOK épisodique puisqu'elle s'est montrée sensible au vieillissement. Nous
avons ajouté une tâche indépendante de reconnaissance associée au paradigme R/K et
faisant suite à l'apprentissage d'une nouvelle liste de mots.
Tableau 10. Caractéristiques des participants et performances aux mesures de mémoire et
de métamémoire en fonctions du groupe d'âge (moyennes et écarts-types).
Les résultats sont présentés dans le Tableau 10. Ils confirment la dégradation de la
précision du FOK épisodique et la diminution des réponses R avec l'avancée en âge. Il
existe également une corrélation positive entre la précision du FOK et les réponses R. Ceci
indique que plus les participants prédisent pouvoir reconnaître un mot non rappelé plus ils
revivent le contexte d'encodage lors de la reconnaissance en se situant dans un état de
conscience autonoétique. A l'aide d'une analyse de régression, nous avons également
montré que lorsque l'on contrôle statistiquement le nombre de réponses R, l'effet de l'âge
sur la précision du FOK épisodique devient non significatif. Cette étude semble donc
montrer que l'altération de la précision du FOK épisodique chez les personnes âgées est la
conséquence de la difficulté, de ces personnes à récupérer des informations contextuelles
en lien avec l'item cible et sur lesquelles elles peuvent se baser pour les jugements de FOK.
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
69
Ceci conforte l'hypothèse de Koriat (1993) selon laquelle les jugements FOK sont basés sur
l'ensemble des informations liées à la cible rendues accessibles au cours de la recherche de
l'information cible en mémoire, et notamment les informations contextuelles lorsqu'il s'agit
du jugement de FOK en mémoire épisodique. Ceci met également en avant l'intérêt pour
l'étude des états de conscience associés à la récupération en mémoire dans le vieillissement,
qui fera l'objet de la partie suivante.
IV – ETATS DE CONSCIENCE ASSOCIES A LA RECUPERATION EN
MEMOIRE ET VIEILLISSEMENT
Nous avons vu dans le premier chapitre que les conceptions actuelles de la mémoire
s'intéressent aux liens avec l'état de conscience dans lequel l'individu se situe lorsqu'il
récupère une information en mémoire. C'est Tulving (1985b) qui a proposé la principale
distinction entre la conscience autonoétique et noétique et qui a mis en place le paradigme
R/K comme méthode d'évaluation de ces deux états de conscience. L'intérêt pour ces
concepts et cette méthodologie est donc assez récent, puisque les travaux se sont surtout
développés à partir des années 1990 et jusqu'à l'heure actuelle, notamment à travers les
travaux de Gardiner et ses collaborateurs (voir Gardiner & Richardson-klavehn, 2000). A
ce jour, un nombre considérable d’études utilisant cette méthodologie a permis d’observer
que la manipulation de certaines variables affecte différemment la proportion des réponses
R et K (pour revues, voir Clarys, 2001 ; Gardiner, 2008). Les données dans la littérature
sont actuellement en faveur de l'idée d’indépendance des processus sous-jacents aux
réponses R et K. Nous avons rédigé un premier article de synthèse, qui ne porte pas
spécifiquement sur le vieillissement :
Clarys, D. (2001). Psychologie de la mémoire humaine : de nouvelles avancées
théoriques et méthodologiques. L'Année Psychologique, 101, 495-519.
L’objectif de cette revue de question était de dresser un bilan, après une quinzaine
d’années d’étude sur les deux processus de récupération de l’information en mémoire.
Dans un premier temps, nous avons présenté les différentes conceptions théoriques qui
sous-tendent l’existence des deux processus de récupération. Ensuite, nous avons examiné
les procédures méthodologiques qui ont été proposées dans la littérature pour les
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
70
opérationnaliser : essentiellement le paradigme R/K et la Procédure de Dissociation des
Processus (PDP, Jacoby, 1991). Cet article a permis de montrer que la distinction entre les
deux processus de récupération de l'information en mémoire ou les deux états de
conscience semble particulièrement pertinente. Elle permet de rendre compte des
nombreuses dissociations expérimentales observées ainsi que des dissociations liées aux
particularités de certains groupes de sujets. Par exemple, elle permet d'expliquer l'effet
différentiel de l'âge entre le rappel et la reconnaissance. En effet, elle postule que la tâche
de reconnaissance fait intervenir des processus contrôlés ou conscients de recherche en
mémoire, similaires à ceux qui sous-tendent le rappel, et des processus plus automatiques
qui s'appuient sur un jugement de familiarité. Or, les travaux réalisés à l'aide des trois
méthodologies ont permis de montrer que la récupération contrôlée ou consciente est
sensible au vieillissement alors que la familiarité ne l'est pas. Les discussions qui se sont
engagées dans la littérature sur le plan théorique et méthodologique témoignent de
l'importance accordée à ces nouvelles techniques d'investigation des processus
automatiques et contrôlés ou des états de conscience.
L'étude de l'impact du vieillissement sur ces états de conscience est encore plus
récente. Ainsi, à l'heure actuelle, on compte environ trente-cinq articles portant sur cette
question. Les premiers articles ont été publiés en 1992 et au total sept publications
internationales ont eu lieu entre les années 1990 et 1999 et vingt-huit entre les années 2000
et 2009. Dans les parties précédentes nous avons déjà indiqué et confirmé par nos travaux
que l'effet du vieillissement est particulièrement marqué dans les tâches classiques de
mémoire épisodique (Old & Naveh-Benjamin, 2008). Par ailleurs, les travaux portant sur la
division de l'attention à l'encodage (Gardiner & Parkin, 1990), et sur la manipulation des
traitements lors de l'encodage (Gardiner, 1988 ; Gardiner Java, & Richarson-Klavehn, 1996
; Gardiner, Ramponi, & Richardson-Klavehn, 1999) indiquent que la conscience
autonoétique implique la mise en œuvre de traitements élaborés à l’encodage,et serait
coûteuse en attention, car elle nécessiterait la mise en place de traitements auto-initiés. Au
contraire, la conscience noétique serait peu, voir non dépendante des traitements élaborés à
l’encodage et de l’attention.
Appliquée à l'analyse du profil de vieillissement en mémoire épisodique, l'étude des
états de conscience conduit donc à l'hypothèse que l'âge s'accompagne d'une altération de la
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
71
conscience autonoétique et d'une préservation de la conscience noétique. Les travaux
réalisés a l'aide du paradigme R/K vont dans ce sens puisqu'il indiquent en général que les
sujets âgés, comparativement aux sujets jeunes, présentent un nombre réduit de réponses R
et un nombre équivalent ou plus important de réponses K (par exemple, Bastin, van der
Linden, Michel & Friedman, 2004 ; Bunce, 2003 ; Bunce & Macready, 2005 ; Clarys,
Bugaïska, Tapia, & Baudouin, 2009 ; Clarys, Isingrini, & Gana, 2002 ; Comblain,
D'Argembeau, van der Linden, & Aldenhoff, 2004 ; Parkin & Walter, 1992 ; Perfect &
Dasgupta, 1997 ; Perfect, Williams, & Anderton-Brown 1995 ; Lövden, Rönnlund, &
Nilson, 2002 ; Piolino, Desgranges, Clarys, Guillery-Girard, Taconnat, Isingrini, et al.,
2006 ; Prull, Dawes, Martin, Rosenberg, & Light, 2006).
Cet effet dissociatif du vieillissement étant relativement bien établi (voir Clarys &
Bugaïska, soumis, pour une discussion critique de ce point), les travaux actuels visent
plutôt à comprendre l'origine de cette dissociation, avec le même type d'approche que celles
que nous avons présentées dans les parties précédentes.
4.1- L'APPROCHE
GLOBALE
:
RALENTISSEMENT DES TRAITEMENTS ET DEFICITS
EXECUTIFS
Pour notre part, nous avons publié trois expériences successives visant à examiner
le rôle des facteurs explicatifs généraux dans l'effet de l'âge sur la conscience autonoétique.
Ces études sont présentées ci-dessous dans leur ordre chronologique. Le premier article est
le suivant :
Clarys, D., Isingrini, M., & Gana, K. (2002). Aging and episodic memory: Mediators
of age-related differences in remembering and knowing. Acta Psychologica, 109(3),
315-329.
Cette premier étude s'inscrit dans le cadre du modèle des ressources de traitement
(Hasher & Zacks, 1979, 1988 ; Salthouse, 1980, 1996 ; Welford, 1958). Ce modèle postule
que le vieillissement s'accompagne d'une réduction des ressources de traitement et que
celle-ci pourrait rendre compte des effets de l'âge pour un ensemble de tâches cognitives
dépendantes de ces ressources. Cette hypothèse tient son origine dans l’idée que le système
cognitif a des capacités limitées (Salthouse, 1985). Ceci signifie que le nombre d’éléments
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
72
susceptibles d’être traités simultanément est restreint et diminue avec l’âge. Cette
hypothèse, appliquée à la mémoire, suppose que la réduction des ressources de traitement
aurait pour conséquence, chez les personnes âgées, d’altérer leurs capacités à s’engager
dans des processus d’élaboration ou de recherche trop coûteux en attention. Salthouse
(1991) a défini les ressources de traitement à partir de trois facteurs : la capacité de la
mémoire de travail, la capacité d’inhibition (ou les ressources attentionnelles), et la vitesse
de traitement. Dans cette étude, nous nous sommes intéressés à la mémoire de travail et à la
vitesse de traitement. A partir des données de la littérature, nous avons proposé un
"modèle" explicatif de l'effet de l'âge sur la conscience autonoétique. Selon ce modèle, qui
a été testé dans le cadre d'une analyse structurale confirmatoire, le vieillissement
s'accompagne principalement d'une réduction de la vitesse de traitement, qui entraîne une
altération de la mémoire de travail, laquelle conduit à une dégradation de la conscience
autonoétique.
Nous avons comparé un groupe de sujets jeunes à un groupe de sujets âgés et à un
groupe de sujets très âgés. En plus des mesures permettant de distinguer les deux états de
conscience (paradigme R/K), les participants ont été soumis à plusieurs mesures pour
chacun des deux facteurs généraux. La vitesse de traitement a été évaluée par deux sous
tests de la WAIS-R (le Code et la Copie de chiffres) et par une épreuve de comparaison de
symboles. De plus, trois tests de mémoire de travail ont été inclus : l'empan alphabétique,
l'empan endroit de mots, et l'empan envers de mots. Les résultats indiquent qu'il existe une
diminution des réponses R au cours du vieillissement, et principalement chez les sujets les
plus âgés (plus de 70 ans). Au contraire, les réponses K ont tendance à progresser chez les
participants âgés, mais de manière non significative.
L'analyse confirmatoire conduite sur les données est présentées dans la Figure 4.
Elle montre que le facteur principal est la réduction de la vitesse de traitement qui,
entraînant une diminution des capacités de mémoire de travail, est à l'origine du déficit de
conscience autonoétique chez les personnes âgées. A l'inverse, cette analyse montre que la
conscience noétique n'est pas dépendante des ressources de traitement, et en conséquence,
qu'elle est préservée des effets de l'âge. Ceci est mis en évidence par le coefficient de
corrélation entre la mémoire de travail et les réponses Know, qui n'est pas significatif.
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
73
Figure4. Modèle structural représentant les relations entre l'âge, la vitesse de traitement, la
mémoire de travail, et les deux états de conscience. Pour chaque lien, le coefficient de
corrélation est présenté. DSymbol = test du Code ; SComp = test de comparaison de
symboles ; DCoping = test de copie de chiffres ; ASpan = empan alphabatique ; BSpan =
empan envers de mots ; WSpan = empan endroit de mots.
Cette première étude, qui met en avant le rôle de la réduction de la vitesse de
traitement liée à l'âge, a été confortée la même année par un travail de Lövden et al. (2002).
Ces auteurs ont inclus, en plus du paradigme R/K, deux mesures de vitesse de traitement
qui sont des sous-tests de la WAIS-R : une version modifiée du Code et les Cubes. Ils
montrent qu'il existe une corrélation significative entre le nombre de réponses R et l'indice
de vitesse de traitement, et une analyse de régression indique que la vitesse explique une
part importante de l'effet de l'âge sur la conscience autonoétique. Ces deux études
supportent très clairement l'hypothèse d'une réduction des ressources de traitements au
cours du vieillissement et indiquent que c'est principalement le ralentissement des
traitements qui est le facteur le plus important.
Comme nous l'avons vu dans les parties précédentes, différentes sources de données
conduisent à l'idée que le vieillissement s'accompagne également de déficits exécutifs (voir
West, 1996). Ces déficits constituent un deuxième champ important pour expliquer les
effets de l'âge sur la conscience autonoétique. Ainsi, plusieurs études se sont intéressées à
l'implication éventuelle de ce déficit exécutif dans la dégradation avec l'âge de la
conscience autonoétique. Les données apparaissent assez contrastées, probablement du fait
de différences méthodologiques et d'un manque de définition conceptuelle.
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
74
Certaines études ne montrent pas ou peu de lien entre le déficit exécutif et la
diminution de la conscience autonoétique. Ainsi, Perfect et Dasgupta (1997) ont inclus le
Wisconsin Card Sorting Test (WCST), le test de fluence verbale du FAS, un test
d'estimation cognitive, et un test de rotation de figures, en plus du paradigme R/K. Une
analyse de régression indique que mises à part quelques exceptions, l'effet de l'âge persiste
après contrôle des fonctions exécutives ou de l'habilité cognitive générale. L'étude de
Perfect et al. (1995) a été basée sur trois tests exécutifs similaires : le FAS, le WCST, et le
test de rotation de figures. Les résultats indiquent qu'il n'existe aucune corrélation entre ces
mesures exécutives et le nombre de réponses R, que ce soit chez les participants jeunes ou
âgés. Dans l'étude de Bastin & van der Linden (2003), les participants ont été soumis à
trois autres tests exécutifs : un test de fluence verbale, le test de Stroop, et le test de
Hayling. Il n'apparaît aucune corrélation entres les réponses R et ces mesures chez les
jeunes et seulement une corrélation marginalement significative avec le score au test de
Hayling (inhibition), chez les âgés, uniquement dans la condition où la reconnaissance est à
choix forcé. Prull et al. (2006) ont proposé différentes mesures exécutives et réalisent
ensuite une analyse factorielle qui permet de ne conserver que certaines mesures pour
élaborer un score exécutif (le WCST, le FAS, et le contrôle mental de la batterie mémoire
de Wechsler). Les données indiquent qu'il n'existe aucune corrélation entre cet indice
exécutif et les réponses R. Dans l'étude de Mc Cabe, Roediger, McDaniel et Balota (2009)
plusieurs mesures exécutives sont incluses : le WCST, le FAS, le calcul mental, le contrôle
mental, et l'empan de chiffres envers. Les auteurs créent ensuite un indice exécutif à partir
de ces tests. Les résultats ne mettent pas en évidence de corrélation entre le nombre de
réponses R et le score exécutif. Enfin, une autre étude récente (Peters & Daum, 2008) a été
basée sur plusieurs mesures de mémoire de travail (épreuves des cubes à l'endroit et à
l'envers, et empan de chiffres endroit et envers). Les résultats mettent en évidence des
corrélations entre les réponses R pour des mots concrets et les deux tests des cubes, alors
qu'il n'apparaît aucune corrélation avec la mémoire de travail pour des mots abstraits.
Au contraire, d'autres études semblent indiquer que la dégradation de la conscience
autonoétique au cours du vieillissement tient son origine dans le déficit exécutif lié à l'âge.
Parkin et Walter (1992) ont inclus le FAS, le test des figures emboîtées, et le WCST. Dans
la première expérience, ils observent une corrélation entre le nombre de réponses R et les
mesures du WCST, chez les participants âgés (lesquels sont très âgés), qui ne se retrouve
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
75
pas chez les jeunes. Dans la seconde expérience, cette même corrélation est de nouveau
observée, mais uniquement dans le groupe de sujets très âgés. Les auteurs n'observent pas
cette corrélation dans le groupe de participants âgés alors que la baisse du nombre de
réponses R est significative dans ce groupe. Bunce (2003) a également inclus différentes
mesures exécutives : le FAS, le test des différentes utilisations d'objet, un test de fluences
catégorielles, et un test de production alternée de noms d'animaux et de pays. Les auteurs
utilisent la médiane du score factoriel exécutif pour séparer chez les jeunes, âgés, et très
âgés, les participants ayant un fonctionnement exécutif plus élevé ou plus faible. Les
résultats montrent une interaction entre le groupe d'âge et le niveau de fonctionnement
exécutif indiquant que ce niveau n'a pas d'incidence sur les réponses R chez les jeunes et
âgés alors que les individus très âgés ayant un fonctionnement exécutif élevé produisent
plus de réponses R que les participants très âgés qui ont un fonctionnement exécutif faible.
A l'aide d'un indice de discrimination A' pour les réponses R, les auteurs montrent
également que, dans les trois groupes d'âge, les individus ayant un fonctionnement exécutif
élevé bénéficient de la possibilité de catégoriser les listes de mots. Ce bénéfice est
également observé dans le groupe de participants très âgés avec un faible fonctionnement
exécutif, mais ne se retrouve pas dans les deux autres groupes d'âge pour les participants
avec un faible niveau de fonctionnement exécutif. Enfin, des analyses de régression
montrent que les fonctions exécutives n'interviennent pas dans la production de réponses R
chez les jeunes et âgés, mais qu'elles interviennent chez les très âgés uniquement dans la
condition où la liste de mots est catégorisable (laquelle est la plus coûteuse sur le plan
cognitif du fait d'un faible support à l'encodage). Ces analyses révèlent également que, dans
la condition de liste non catégorisable, l'effet de l'âge sur les réponses R demeure après
contrôle de l'indice exécutif alors que pour la liste catégorisable, ce contrôle entraîne la
disparition de l'effet de l'âge sur les réponses R. Cette étude montre donc que le
fonctionnement exécutif intervient dans la diminution des réponses R avec l'âge et que
cette relation peut être modérée par le support cognitif fourni à l'encodage.
Si l'on se réfère aux deux facteurs généraux mis en avant dans la littérature comme
médiateurs potentiels du vieillissement cognitif, les études réalisées à ce stade avec le
paradigme R/K montrent la pertinence de la vitesse de traitement, alors que les résultats
sont contradictoires concernant les fonctions exécutives. Des auteurs ont souhaité éclaircir
cela et confronter, au sein de la même étude, ces deux facteurs. Ainsi, Bunce et Macready
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
76
(2005) ont inclus dans une même expérience des mesures exécutives (le FAS et le test
d'empan de chiffres à l'envers) et de vitesse de traitement (le Code et une tâche de temps de
réaction à choix). Les résultats indiquent que la vitesse de traitement, plutôt que les
fonctions exécutives, est à l'origine des effets de l'âge sur la conscience autonoétique.
Toutefois, les tâches exécutives utilisées dans cette étude (un test de fluidité verbale et un
test d'empan de chiffres à l'envers) ne sont pas très valides puisqu'elles sont parfois utilisées
pour évaluer d'autres fonctions (respectivement la mémoire sémantique et la mémoire de
travail) et ne sont pas toujours sensibles au vieillissement. D'ailleurs, dans l'étude de Parkin
et Walter (1992), le même test de fluidité verbale a été utilisé et aucune relation n'a pu être
établie avec la conscience autonoétique. D'autre part, dans l'étude de Bunce et Macready
(2005), comme dans les deux autres études (Clarys et al., 2002 ; Lövden et al., 2002) qui se
sont intéressées à la vitesse de traitement, celle-ci a été évaluée par le sous-test du Code de
la WAIS-R. Or, comme nous l'avons déjà vu précédemment, si ce test a longtemps été
utilisé comme tel, des discussions ont eu lieu dans la littérature indiquant qu'il implique
également les fonctions exécutives (par exemple voir Baudouin et al., sous presse ; Clarys
et al., 2007 ; Parkin & Java, 1999). Aussi, il nous a semblé pertinent de réaliser cette
nouvelle étude :
Bugaiska, A., Clarys, D., Jarry, C., Taconnat, L., Tapia, G., Vanneste, S., & Isingrini.
M. (2007). The effect of aging in recollective experience: The processing speed and
executive functioning hypothesis. Cousciousness & Cognition. 16(4), 797-808.
L'objectif de cette expérience est de confronter à nouveau ces deux facteurs dans
une même étude afin de clarifier l'implication éventuelle des fonctions exécutives par
rapport à la vitesse de traitement dans la dégradation de la conscience autonoétique au
cours du vieillissement. Pour cela nous avons utilisé des mesures classiques et mieux
définies sur le plan conceptuel. La vitesse de traitement a été évaluée à l'aide d'un test de
comparaison de lettres alors que les fonctions exécutives ont été évaluées par le WCST.
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
77
Tableau 11. Analyse de régression prédisant les réponses R à partir de l'âge, du
fonctionnement exécutif, et de la vitesse de traitement.
Les résultats de l'analyse de régression sont présentés dans le Tableau 11. Ils
montrent que ce sont les capacités exécutives plutôt que la vitesse de traitement qui
expliquent le mieux la dégradation de la conscience autonoétique que l'on observe dans le
vieillissement. Finalement, sur les quatre études qui ont inclus des mesures de vitesse de
traitement, trois d'entre elles montrent que c'est un facteur explicatif majeur (Bunce &
Macready, 2005 ; Clarys et al., 2002 ; Lövden et al., 2002), la dernière indiquant le
contraire (Bugaïska et al., 2007). La méthodologie mise en œuvre dans ces expériences
pourrait expliquer ces divergences. D'une part, dans les deux premières études (Clarys et
al., 2002 ; Lövden et al., 2002), les fonctions exécutives n'ont pas été évaluées bien que des
mesures de mémoire de travail aient été incluses dans notre première étude (Clarys et al.,
2002). D'autre part, comme nous l'avons déjà indiqué, dans les trois premières études, le
test du Code de la WAIS-R (Wechsler, 1989) a été utilisé comme tâche évaluant la vitesse
de traitement, ce qui est classique dans la littérature. Toutefois, nous venons de montrer
que le test du Code évalue au moins autant les fonctions exécutives que la vitesse de
traitement (Baudouin et al., sous presse). Si l'on s'accorde avec cette possibilité, alors les
résultats des trois premières études s'avèrent être parfaitement concordantes avec ceux de
l'étude que nous venons de présenter (Bugaïska et al., 2007), qui indiquent à l'aide de tests
plus pertinents que ce sont les capacités exécutives plutôt que la vitesse de traitement qui
expliquent la diminution de la conscience autonoétique dans le vieillissement. En nous
appuyant sur ces éléments, nous avons conduit une nouvelle expérience qui visait à
préciser le processus exécutif impliqué dans le déficit de conscience autonoétique lié à
l'âge.
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
78
Clarys, D., Bugaiska, A., Tapia, G., & Baudouin, A. (2009). Aging, Remembering, and
Executive Function. Memory, 17, 158-168.
A notre connaissance, aucune étude réalisée jusqu'à présent n'a analysé la nature
précise et l'organisation des fonctions exécutives impliquées dans les effets de l'âge sur la
conscience autonoétique. Or, récemment, Miyake, Friedman, Emerson, Witzki, Howerter,
et Wager (2000) ont proposé un modèle théorique du fonctionnement exécutif à partir
duquel ils ont élaboré des épreuves spécifiques. A l’aide d’une analyse structurale
confirmatoire, ces auteurs ont montré qu'il existe trois processus exécutifs relativement
indépendants et que chacun contribue, de façon plus ou moins importante, à déterminer la
variance aux tests exécutifs complexes. Les trois fonctions exécutives spécifiques sont la
flexibilité mentale, la mise à jour en mémoire de travail, et l'inhibition. La flexibilité
mentale correspond à la capacité à changer de tâche ou de stratégie mentale et à passer
ainsi d’une opération à une autre. Ce processus se traduit par le désengagement d’une tâche
qui n’est plus appropriée, pour s’engager activement dans une tâche plus adéquate à la
situation. La mise à jour concerne le contrôle et le codage de l’information entrant en
mémoire de travail, avec comme critère la pertinence de l’information pour la tâche en
cours. Elle permet le remplacement des items qui ne sont plus pertinents par d’autres qui le
sont davantage. L’inhibition concerne la capacité d’un individu à bloquer délibérément une
réponse dominante, automatique, qui s’impose à l’esprit. Chaque fonction peut être évaluée
par des épreuves spécifiques et il existe également des mesures dites "complexes", telles
que le WCST, qui font intervenir divers processus à la base du fonctionnement exécutif.
L'objectif de cette expérience est de déterminer si une fonction exécutive spécifique
est à l'origine de l'effet de l'âge sur la conscience autonoétique ou si au contraire
l'explication la plus pertinente provient de tâches exécutives plus complexes ce qui
montrerait l'implication de plusieurs processus exécutifs. Des participants jeunes et âgés
ont été évalués à l'aide du paradigme R/K et de mesures des fonctions exécutives
complexes et spécifiques. Les mesures exécutives sont le WCST (mesure complexe), le test
des nombres-lettres (flexibilité mentale), le 2-back test (mise à jour) et le test de Stroop
(inhibition).
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
79
Tableau 12. Analyse de régression prédisant les réponses R à partir de l'âge et des
mesures exécutives.
Note.WCST : Wisconsin Card Sorting Test ; SCWT: Test de Stroop ; * p<.05 ; ** p<.01 ;
*** p<.001
A l'aide d'une analyse de régression, présentée dans le Tableau 12, nous avons pu
confirmer le rôle des fonctions exécutives dans le déficit de conscience autonoétique lié à
l'âge. Celle-ci révèle que la mesure complexe qui était déterminante dans les études
antérieures n'apparaît plus comme telle lorsqu'elle est opposée aux mesures spécifiques. Au
contraire, c'est la réduction de la capacité de mise à jour en mémoire de travail qui explique
la diminution de la conscience autonoétique chez les participants âgés. L'inhibition et la
flexibilité mentale ne sont pas apparues comme des facteurs explicatifs de cette diminution.
C'est donc la capacité des sujets à actualiser le contenu des informations stockées
temporairement qui détermine la possibilité de récupérer consciemment l'ensemble du
contexte d'encodage. Le rôle de la mise à jour en mémoire de travail pourrait se situer
autant à l'encodage qu'à la récupération. Lors de l'encodage une plus grande mise à jour en
mémoire de travail doit permettre une meilleure association entre les informations cibles et
les détails contextuels, ce qui au moment de la récupération favorise la conscience
autonoétique. Lors de la récupération, la mise à jour en mémoire de travail pourrait faciliter
la réinstallation des liens établis à l'encodage entre les informations cibles et contextuelles
et la vérification des informations récupérées. Cette interprétation est parfaitement
compatible avec l'hypothèse du déficit d'association (Naveh-Benjamin, 2000) selon
laquelle les personnes âgées présenteraient une diminution de la capacité à former, encoder,
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
80
et récupérer les traits constitutifs d'une information. Ainsi, le vieillissement serait
principalement associé à une détérioration des processus d'association qui sont
responsables de l'intégration du contenu de l'information des items avec leur contexte ou
leur source. Dans ce sens, Old et Naveh-Benjamin (2008) ont réalisé une méta-analyse,
portant sur quatre-vingt dix études, qui montre que l'effet du vieillissement est plus
important sur la récupération des associations entre l'information cible et les informations
contextuelles que sur l'information cible elle-même. Dans la présentation des projets de
recherche, nous reviendrons sur ce point.
4.2- L'APPROCHE
ANALYTIQUE
:
STRATEGIES
D'ENCODAGE
ET
VALENCE
EMOTIONNELLE
En parallèle des études portant sur le rôle des facteurs généraux, nous avons
également conduit des travaux visant à mettre en avant d'autres facteurs susceptibles de
modérer les effets de l'âge sur la conscience autonoétique. A ce stade, nous nous sommes
intéressés aux stratégies d'encodage telles qu'elles ont été explorées sur les tâches
classiques de mémoire épisodique et au rôle du caractère émotionnel des informations.
Concernant les stratégies d'encodage, nous avons vu précédemment que lorsque les tâches
nécessitent de la part du participant une production explicite du matériel, les personnes
âgées arrivent à mettre en œuvre des traitements efficaces pour améliorer leur performance
aux tâches classiques.
Il nous a semblé que l’étude de la production d’un mot à l’encodage était
particulièrement intéressante dans le contexte des deux états de conscience. En effet,
comme nous l'avons vu, les travaux expérimentaux montrent que la conscience
autonoétique implique la mise en œuvre de traitements élaborés à l’encodage, et serait
coûteuse en attention, car elle nécessiterait la mise en place de traitements auto-initiés. Au
contraire, la conscience noétique serait peu, voir non dépendante des traitements élaborés à
l’encodage et de l’attention. Par conséquent, la production d’un mot cible associé
sémantiquement au mot inducteur devrait augmenter le nombre de réponses de type R sans
influencer le nombre de réponses K. Cette proposition a fait l’objet de plusieurs travaux qui
ont étudié l’effet de la production d’une information à l’encodage sur le paradigme R/K,
chez des adultes jeunes. Les différentes études menées ont montré un effet production
uniquement sur la conscience autonoétique, se traduisant par une augmentation des
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
81
réponses R (Gardiner, 1988 ; Gardiner et al., 1996, expérience 3 ; Gardiner et al., 1999,
expérience 2). Le fait de produire des mots à l’apprentissage à partir d’associés
sémantiques favorise donc les réponses de type R lors de la restitution, suggérant qu'un
traitement sémantique et actif permet la mise en place d'une trace mnésique plus forte et
plus durable, induisant la possibilité de revivre le contexte d'encodage. Dans l'étude
suivante, nous avons examiné simultanément l'effet de l'âge et l'effet production dans le
cadre du paradigme R/K.
Bugaïska, A., Clarys, D., Tapia, G., Taconnat, L., & Baudouin, A. (en révision). Aging
and Recollective experience: The effect of semantic generation effect versus selfreference effect at encoding. Aging, Neuropsychology & Cognition.
Deux études antérieures ont été réalisées dans le vieillissement dans lesquelles le
sujet est activement impliqué lors de l'encodage grâce à un protocole de production. Mc
Cabe et al. (2009) ont contrasté une condition de lecture de mots à une condition de
production de mots à partir d'anagrammes. Ils observent un effet significatif du type
d'encodage sur les réponses R, mais aucune interaction avec le groupe d'âge. Le bénéfice
lié à la production de mots à partir d'anagrammes est donc similaire quel que soit le groupe
d'âge. Dans une autre étude que nous avons déjà citée, Lövden et al. (2002) ont comparé
une situation dans laquelle les participants devaient soit simplement lire les mots soit
réaliser l'action définie par le mot. Les résultats mettent en évidence l'existence d'une
interaction qui se traduit par un effet de l'âge sur les réponses R moins prononcé dans la
condition action que dans la condition lecture, mais l'effet de l'âge est significatif dans les
deux conditions. Par ailleurs, des analyses complémentaires indiquent que cette interaction
pourrait s'expliquer par un effet plafond chez les participants jeunes. Il semble donc que
l'effet production ne permette pas aux personnes âgées de compenser, même partiellement,
leur déficit de conscience autonoétique, bien qu'elles bénéficient de cet effet. Ceci semble
indiquer que l'effet production n'est pas assez spécifique pour permettre aux personnes
âgées de revivre mentalement le contexte d'encodage, de manière identique aux
participants jeunes.
Dans cet article, nous rapportons le résultat de deux expériences. La première est
proche de celles de Lövden et al. (2002) et de Mc Cabe et al. (2009) et reprend les
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
82
protocoles d'effet production tels que nous les avons mis en place sur les tâches classiques
de mémoire épisodique. Lors de l'encodage, une situation de lecture a été comparée à une
situation de production de mots. Dans ce cas, le sujet est actif lors de l'encodage, mais cela
reste un encodage général et il n'est pas personnellement impliqué. Les résultats indiquent
que les sujets âgés bénéficient de l'effet production de manière identique aux sujets jeunes
pour augmenter la quantité de réponses R. Comme dans les deux études précédentes, il
n'apparaît pas d'interaction entre le type d'encodage réalisé et le groupe d'âge, l'effet de l'âge
sur les réponses R étant significatif pour les deux conditions d'encodage.
Dans une deuxième expérience, nous nous sommes intéressés à l'effet de référence à
soi. Cet effet (Rogers, Kuiper, & Kirker, 1977) se traduit par le fait qu'une information sera
mieux restituée si elle a été encodée en référence à un élément personnel. Nous avons
comparé une situation dans laquelle le sujet devait produire une définition générale du mot
présenté (Que signifie l'adjectif "honnête" ?) à une situation où il devait produire une
définition en référence à lui-même (En quoi l'adjectif "honnête" me caractérise-t-il ?).
Tableau 13. Moyennes et écarts-types pour le score global de reconnaissance et les
réponses R, K, et G, en fonction du groupe d'âge et du type d'encodage.
Young (n = 20)
Old (n = 20)
Definitio Self-reference Definition Self-reference
n
Hits
Overall recognition
.92 (.08)
.94 (.06)
.86 (.14)
.87 (.11)
Remember
.54 (.18)
.57 (.21)
.40 (.15)
.57 (.09)
Know
.34 (.15)
.35 (.20)
.42 (.17)
.28 (.13)
Guess
.04 (.05)
.02 (.03)
.04 (.04)
.02 (.03)
Les résultats montrent une interaction significative entre le type d'encodage réalisé
et le groupe d'âge, pour les réponses R. Celle-ci se traduit par l'existence d'une diminution
significative de la conscience autonoétique liée à l'âge dans la condition de définition
générale tandis que cet effet n'apparaît pas dans la condition de référence à soi. Il semble
donc que les personnes âgées bénéficient de l'encodage en référence à soi pour compenser
leur déficit de conscience autonoétique relativement aux jeunes.
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
83
Au final, si l'on étend la discussion à l'ensemble des travaux qui ont porté sur les
déficits de traitement à l'encodage, différents éléments apparaissent. Lorsque l'on demande
aux participants d'évaluer la facilité à générer une image mentale (Perfect et al., 1995) ou
que les participants sont placés dans une situation de production classique de mots
(Bugaïska et al, en révision, exp.1 ; Mc Cabe et al., 2009), il n'apparaît aucune interaction
avec l'âge. Il semble donc que la diminution de la conscience autonoétique ne provienne
pas d'un déficit dans les traitements généraux à l'encodage. En revanche, lorsque l'on
demande aux participants de simuler une action définie par un mot (Lövden et al., 2002),
ou de réaliser un encodage en référence à soi (Bugaïska et al, en révision, exp.2), ou que
l'on examine les stratégies (Perfect & Dasgupta, 1997) et la spécificité de l'encodage
(Mäntylä, 1993), les personnes âgées semblent favorisées. Par ailleurs, l'effet de concrétude
qui favorise la conscience autonoétique est moindre chez les personnes âgées (Peters &
Daum, 2008). Tout ceci nous amène à penser que c'est l'implication spécifique du self au
moment de l'encodage qui est déficitaire chez les personnes âgées relativement aux jeunes
et qui va ensuite conduire à une difficulté, chez les personnes âgées, à opérer un voyage
mental dans le temps passé. Cette implication du self est d'ailleurs directement sous-tendue
dans les travaux portant sur la valence émotionnelle des informations.
Plusieurs auteurs se sont intéressés au rôle de la valence émotionnelle des
informations dans le déficit de conscience autonoétique lié à l'âge. Nous savons que les
informations connotées émotionnellement sont mieux mémorisées que les informations
neutres (Buchanan & Adolphs, 2002). Par ailleurs, dans le cadre du vieillissement normal,
la théorie de la sélectivité socio-émotionnelle (Carstensen, 1993 ; Carstensen, Fung, &
Charles, 2003) prédit que les personnes âgées mémoriseraient mieux les informations en
accord avec leurs buts et motivations, si bien que le caractère émotionnel des informations
aurait plus d'importance. Plus précisément, les sujets âgés seraient plus attentifs et
retiendraient donc mieux les informations positives.
Dans le cadre du paradigme R/K, Comblain et al. (2004) ont étudié l'effet de la
valence émotionnelle à partir d'images (positives, négatives, neutres). Il apparaît une
interaction entre le groupe d'âge et la valence se traduisant par le fait que les jeunes
produisent plus de réponses R que les âgés pour des images positives et négatives, mais pas
pour des images neutres. La connotation semble donc profiter davantage aux participants
jeunes. Par ailleurs, en étudiant les justifications des réponses R, les auteurs montrent que
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
84
chez les sujets âgés ces réponses sont davantage basées sur un souvenir des réactions
émotionnelles alors que chez les jeunes elles tendent à être davantage basées sur un
souvenir des pensées personnelles. Kensinger, Piguet, Krendl et Corkin (2005) ont
également travaillé avec des images connotées (neutres et négatives) et ils se sont
intéressés à la position relative des éléments (centrale/périphérique) et ont manipulé
l'encodage (intentionnel/incident). Dans la condition avec un encodage incident, il
n'apparaît pas d'interaction avec le groupe d'âge, mais une interaction entre la valence
émotionnelle et la position : quel que soit le groupe d'âge, les participants produisent plus
de réponses R pour les éléments centraux négatifs plutôt que neutres, et pour les éléments
périphériques neutres plutôt que négatifs. En encodage intentionnel, les effets apparaissent
différemment selon le groupe d'âge. Chez les sujets jeunes, il y a davantage de réponses R
pour les éléments centraux négatifs plutôt que neutres et il n'existe pas d'effet de l'émotion
pour les éléments périphériques. Chez les âgés, il y a davantage de réponses R pour les
éléments centraux négatifs plutôt que neutres et aussi davantage de réponses R pour les
éléments périphériques neutres plutôt que négatifs. Toutefois, cette étude est incomplète
puisqu'elle n'inclus pas de matériel à connotation positive.
Concernant du matériel verbal, Kapucu, Rotello, Ready et Seidl, (2008) ont étudié
l'effet de la connotation à travers des mots positifs, neutres, et négatifs. Les résultats ne
montrent aucun effet de l'âge sur les réponses R et indiquent que les mots négatifs
entraînent plus de réponses R que les mots positifs ou neutres, pour lesquels les effets ne se
différencient pas. Enfin, Piguet, Connally, Krendl, Huot et Corkin (2008) se sont également
intéressés à cette question à travers un paradigme DRM appliqué à des mots positifs,
neutres, et négatifs. Les données pour les fausses alarmes montrent que la valence positive
a des effets opposés selon la nature des items distracteurs, chez les personnes âgées. Ainsi,
les personnes âgées présentent moins de fausses réponses R pour des leurres positifs sans
lien sémantique avec l'item cible, mais aussi plus de fausses alarmes R pour les mots
positifs liés sémantiquement avec la cible. Pour les réponses correctes, les auteurs
retrouvent un effet de l'âge sur les réponses R, mais aucun effet de la valence émotionnelle.
Nous avons également réalisé une étude sur l'impact de la valence émotionnelle des
mots dans le déficit de conscience autonoétique lié à l'âge.
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
85
Clarys, D., Bugaïska, A., Tapia, G., Gaultier, C., Kalenzaga, S. & Baudouin, A. (en
révision). Age-related changes in recollective experience and emotional memory.
Experimental Aging Research.
Les différents travaux réalisés avec du matériel émotionnel montrent soit que les
jeunes profitent plus du caractère émotionnel des informations que les personnes âgées
(Comblain et al., 2004), soit que les personnes âgées en bénéficient autant que les jeunes
(Kapucu et al., 2008 : Kensinger et al., 2005 ; Piguet et al., 2008). Par ailleurs, les deux
seules études réalisées avec du matériel verbal n'ont pas observé d'effet de l'âge sur la
conscience autonoétique (Kapucu et al., 2008) ou pas d'effet de la valence émotionnelle
(Piguet et al., 2008) ce qui n'est pas habituel et limite la possibilité d'examiner l'impact de
la valence émotionnelle sur cet effet de l'âge. Nous avons donc renouvelé ce type d'étude en
nous appuyant sur un protocole réalisé chez des adultes jeunes par des collègues anglais
(Dewhurst & Parry, 2000). La particularité de ce protocole est qu'il est scindé en deux
parties, ce qui évite d'induire des interférences liées à l'association des trois valences
émotionnelles. Ainsi, nous avons contrasté l'encodage de mots négatifs et neutres, d'une
part, et positifs et neutres, d'autre part. Pour le premier contraste, il apparaît un effet
significatif de l'âge sur les réponses R, plus important pour les mots négatifs que neutres.
Au contraire, pour le second contraste, les sujets âgés bénéficient autant que les jeunes de
la valence positive des mots de sorte que l'effet de l'âge sur les réponses R soit identique
pour les deux catégories de mots. Ces données font actuellement l'objet de traitements
complémentaires dans le cadre de la révision de cet article en fusionnant les trois valences
dans une même analyse et en traitant les indices de discrimination (A') et de biais de
réponse)s (B" issus de la théorie de la détection du signal et proposés par Snodgrass et
Corwin (1988).
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
86
1,00
Younge
0,90
Olde
0,80
0,70
0,60
0,50
0,40
0,30
Neutral
Positive
Negativ
Figure 5. Moyennes (et barres d'écarts-types) de l'indice A' pour les réponses R en fonction du
groupe d'âge et de la valence émotionnelle des mots.
Les premières analyses ont fait l'objet d'une communication orale au congrès de la
Société Française de Psychologie (Toulouse, juin 2009) et à l'European Congress of
Psychology (Oslo, juillet 2009). Elles confirment l'existence d'un effet de l'âge sur les
réponses correctes R et d'un effet de la valence émotionnelle dans le sens où les mots
négatifs entraînent plus de réponses R que les mots positifs qui eux-mêmes entraînent plus
de réponses R que les mots neutres. Il n'apparaît pas d'interaction entre ces deux variables.
Par ailleurs, les mêmes effets apparaissent sur les fausses alarmes. Ces effets similaires sur
les réponses correctes et les fausses alarmes R rendent nécessaire le calcul des deux
indices. Les données concernant l'indice de discrimination des réponses R sont présentées
dans la Figure 5. Les analyses réalisées sur ces données indiquent à nouveau qu'il existe un
effet de l'âge et aussi un effet de l'émotion, ainsi qu'une interaction. Celle-ci s'explique par
le fait que l'effet de l'émotion n'apparaisse que chez les personnes âgées. Celles-ci sont plus
pénalisées que les jeunes pour des mots positifs que négatifs. Pour l'indice qui évalue le
biais de réponse pour les réponses R, il apparaît également un effet de l'âge, un effet de
l'émotion, et une interaction entre les deux variables. Ainsi, les participants, quel que soit
leur âge adoptent une stratégie plus conservatrice (moins de réponses "oui") pour les mots
neutres que pour les mots positifs, ceux-ci entraînant une stratégie plus conservatrice que
les mots négatifs. L'effet de l'âge sur la stratégie de réponse est plus important pour les
mots positifs, les personnes âgées adoptant une stratégie d'autant plus libérale que les
jeunes qu'elles produisent des réponses R pour des mots positifs. Pour les réponses K, nous
n'observons aucun effet significatif.
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
87
En résumé, les travaux ayant porté sur la valence émotionnelle des informations
n'ont pas apporté d'éléments indiquant clairement que les personnes âgées pouvaient
profiter de la valence émotionnelle pour compenser leur déficit de conscience
autonoétique. Dans le meilleur des cas, elles bénéficient autant que les jeunes du caractère
émotionnel des informations pour augmenter la reviviscence du souvenir, mais dans
d'autres situations elles semblent pénalisées relativement aux jeunes. D'ailleurs, les
traitements complémentaires de notre étude montrent que les personnes âgées adoptent une
stratégie d'autant plus libérale que les jeunes dans la production des réponses R qu'elles ont
à traiter des mots positifs. Ceci les conduit à avoir une moins bonne capacité de
discrimination pour ces mots. Il semble donc que les mots positifs facilitent la mise en
place d'un état de conscience autonoétique chez les personnes âgées, aussi bien pour les
souvenirs vrais que pour les faux souvenirs. Ceci pourrait provenir de la tendance des
personnes âgées à favoriser les informations positives, telle qu'elle est décrite dans la
théorie de la sélectivité socio-émotionnelle (Charles et al., 2003). Ceci peut également
traduire un déficit de mémoire de source en lien avec une altération des mécanismes de
contrôle au moment de la reconnaissance.
Ces travaux sur les états de conscience dans le vieillissement normal ont tous été
conduits dans un cadre très expérimental à partir de listes de mots rigoureusement
sélectionnés. Toutefois, chacun expérimente régulièrement les états de conscience dans sa
vie quotidienne. Par exemple, il est fréquent pour un enseignant-chercheur de rencontrer
dans la rue des étudiants parmi les nombreux visages que nous croisons dans cet endroit.
Lorsqu'un étudiant est reconnu, soit il peut s'agir d'une connaissance générale du type "je
sais que c'est un étudiant de psychologie", soit il peut s'agir d'un souvenir plus spécifique
du type "je vois cet étudiant dans mon cours de Licence et il est venu me faire signer une
feuille de présence lors de la dernière séance". Ainsi, nous voyons le sens de nos travaux
de laboratoire par rapport à l'activité mnésique quotidienne. Afin d'explorer des aspects
mnésiques plus proches de la vie quotidienne, nous nous sommes intéressés à la mémoire
autobiographique dans le cadre d'une collaboration avec Pascale Piolino.
La mémoire autobiographique peut être définie comme un système mnésique dont
le "soi" est le sujet central de connaissance. C’est une mémoire à très long terme qui
emmagasine
les
souvenirs
personnels
d’un
individu,
émaillés
de
détail
phénoménologiques, accumulés depuis son plus jeune âge, à l’origine du sentiment
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
88
d’identité et de continuité (Piolino, Desgranges, & Eustache, 2000). Au sein des modèles
de la mémoire humaine, on a souvent associé la mémoire autobiographique à la mémoire
épisodique en référence à la définition de Tulving (1985a). Toutefois, les conceptions
structurales actuelles proposent de distinguer une composante sémantique personnelle
stockant la connaissance générale de son passé, et une composante épisodique, contenant
des événements personnels spécifiques situées dans le temps et l’espace que l’on peut
revivre mentalement (Conway, 2001, 2005). L'étude que nous avons réalisée a porté sur
l'impact du vieillissement sur les aspects phénoménologiques de la mémoire
autobiographique.
Piolino P., Desgranges B., Clarys D., Guillery-Girard B., Isingrini M., & Eustache F.
(2006). Autobiographical memory and sense of remembering in aging. Psychology &
Aging, 21, 510-525
Dans cette étude, nous avons examiné l'effet du vieillissement sur la mémoire
autobiographique à partir d'un échantillon très important (180 participants). Pour cela, nous
avons utilisé un test spécifique mis au point par Piolino et al. (2000) : le TEMPau (Test
Episodique de Mémoire du Passé autobiographique). Il s'agit d'un outil expérimental
sophistiqué basé sur la définition actuelle de la mémoire épisodique (Tulving, 2001). Il
permet d’évaluer la capacité à rappeler des événements autobiographiques épisodiques en
fonction de cinq périodes de vie. Ce test permet aussi d’évaluer l’état de conscience associé
à la récupération du souvenir et la perspective du soi (paradigme "acteur"/"spectateur",
Nigro & Neisser, 1983).
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
89
Figure 6. Proportions moyennes (et barres d'écarts-types) de réponses R en fonction du
groupe d'âge et du type d'information testée (factuelle, spatiale, temporelle) pour les
différentes périodes de vie.
Les résultats concernant les réponses R sont représentés dans la Figure 6.
L'ensemble des données de cette étude montre que la capacité de reviviscence de la source
d’encodage (conscience autonoétique) et la perspective d’acteur diminuent avec l’âge des
sujets et l’intervalle de rétention tandis que la conscience noétique et la perspective
d’observateur
augmentent.
Ces
données
confortent
l'idée
d'une
dissociation
épisodique/sémantique dans la mémoire autobiographique au cours du vieillissement.
Ainsi, ce résultat a clairement confirmé l’existence de processus de sémantisation liés à la
durée de l’intervalle de rétention et à l’âge des sujets. Toutefois, nous avons aussi mis en
évidence que des souvenirs anciens encodés notamment entre 18 et 30 ans (phénomène
connu sous le terme de pic de réminiscence) peuvent rester vivaces et épisodiques chez les
personnes âgées et leur garantir ainsi un maintien du sentiment d’identité et de continuité.
La part épisodique serait plus importante que la part sémantique pour les souvenirs récents
et inversement pour les souvenirs anciens. Ce processus de sémantisation augmente avec
l’âge des souvenirs et l’âge des sujets.
Cette étude sur des aspects mnésiques plus proches de la vie quotidienne montre
toute la pertinence des travaux que nous réalisons sur des aspects plus expérimentaux en
confirmant une dégradation de la conscience autonoétique, même pour des souvenirs
autobiographiques. Elle permet donc de penser que la difficulté des personnes âgées à
revivre des situations antérieures et à se projeter dans le futur est bien présente dans leur
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
90
quotidien et peut constituer une difficulté et avoir des incidences sur leur identité et leur
personnalité.
Comme nous l'avons vu précédemment, les travaux menés sur l'effet du
vieillissement sur les états de conscience ont débuté il y a maintenant plus de quinze années
et ils se sont multipliés ces dernières années. Aussi, nous avons jugé utile de proposer une
synthèse de la littérature et une réflexion critique sur ces travaux à travers un article qui
vient d'être soumis.
Clarys, D., & Bugaïska, A. (soumis). Etats de conscience associés à la récupération en
mémoire : une revue de littérature concernant les effets du vieillissement et les
facteurs explicatifs potentiels. L'Année Psychologique.
Cette revue de littérature reprend les différents éléments présentés dans cette partie.
Elle présente deux objectifs principaux : (1) proposer une synthèse des études traitant de
l'effet du vieillissement sur les états de conscience associés à la récupération d'une
information en mémoire et évalués à l'aide du paradigme R/K, et (2) apporter un éclairage
sur les facteurs explicatifs potentiels de ces effets de l'âge. Les résultats de cette synthèse
de la littérature montrent d'une part que le vieillissement s'accompagne en général, mais
pas systématiquement, d'une dégradation de la conscience autonoétique et d'une
préservation de la conscience noétique. D'autre part, trois facteurs explicatifs apparaissent
pertinents : (1) des difficultés d'encodage spécifique et en lien avec soi-même, (2) des
déficits attentionnels à l'encodage, et (3) des déficits exécutifs, notamment de mise à jour
en mémoire. Ces différents éléments ainsi que les limites méthodologiques de ces travaux
ont été discutés dans cet article. Ceci nous a amenés à nous poser la question des liens entre
les trois facteurs explicatifs qui ressortent afin de proposer une explication plus intégrée.
Nous avons proposé que la dégradation des fonctions exécutives et la diminution des
ressources attentionnelles qui accompagnent le vieillissement conduisent à un encodage
plus général et moins en lien avec le soi. Autrement dit, les participants âgés ont moins de
capacité pour opérer un voyage mental dans le temps et revivre leur propre passé du fait
que leur encodage ne soit pas assez précis et qu'ils ne relient pas les informations avec euxmêmes. Ce type d'encodage pourrait impliquer davantage d'attention et une mise à jour
Chapitre 2 : Vieillissement et mémoire
91
régulière des informations en mémoire, lesquelles sont déficitaires chez les participants
âgés.
En conclusion, l'examen approfondi de la littérature a mis en évidence des effets de
l'âge moins clairs que ce que l'on peut lire habituellement, avec quelques absences d'effet
sur la conscience autonoétique et des données encore plus contrastées concernant la
conscience noétique. Le fonctionnement exécutif et l'encodage en lien avec le soi
apparaissent comme des éléments déterminants dans la compréhension des effets de l'âge
sur la conscience autonoétique. L'implication des fonctions exécutives devra être confirmée
à travers des études s'appuyant sur des modèles théoriques récents et incluant davantage
d'épreuves et de participants, ainsi que par des études dans lesquelles les capacités
exécutives des sujets seront directement manipulées à l'encodage et/ou à la récupération.
Concernant le rôle du soi, les travaux futurs devront s'intéresser aux liens entre les
émotions et l'implication du soi lors de l'encodage afin de voir si les personnes âgées
peuvent bénéficier de la valence émotionnelle d'une information lorsqu'elle a été encodée
en lien avec le soi pour améliorer leur niveau de conscience autonoétique. Nous
reviendrons sur ces différents éléments dans les projets de recherche, après avoir présenté
nos travaux sur les troubles des états de conscience associés à la récupération en mémoire
dans le stress post-traumatique, dans le chapitre suivant.
92
CHAPITRE III :
LES TROUBLES DE LA MEMOIRE DANS LE
STRESS POST-TRAUMATIQUE
Chapitre 3 : Les troubles de la mémoire dans le stress post-traumatique
93
INTRODUCTION
Ce deuxième axe de recherche est né en 2003 à la suite de la volonté institutionnelle
et stratégique de rapprocher deux équipes (l'EA 3248 « Psychobiologie des Emotions » et
l’EA 2114 « Vieillissement et Développement Adulte ») de l’Université François Rabelais
de Tours. Ce projet original s’inscrit à l’intersection entre deux champs d’études
complémentaires : la psychiatrie clinique et la psychologie cognitive. L'intérêt de ce projet
est de rapprocher les données cliniques et scientifiques pour apporter une contribution à la
connaissance de la clinique post-traumatique. Il s'agit donc d'une collaboration nouvelle
impliquant notamment la Clinique Psychiatrique Universitaire du CHRU de Tours qui se
poursuit au-delà de la destinée des deux équipes de recherche. En effet, nous verrons dans
la suite de ce document que cet axe de recherche s'est avéré être très porteur alors que les
deux équipes ne se sont finalement pas rapprochées davantage puisqu'une partie de l'EA
2114 a rejoint l'ancien LACO de Poitiers pour former l'actuelle UMR 6234 CeRCA tandis
que l'EA 3248 a rejoint une équipe Inserm de Tours.
De nombreux évènements quotidiens peuvent être potentiellement traumatisants :
un accident de voiture, une nouvelle inattendue, une insulte, etc. Dans la plupart des cas et
pour la plupart des individus, ces évènements sont sans conséquences et n'entraînent aucun
traumatisme psychologique. Toutefois, dans d'autres situations ou chez d'autres personnes,
le vécu de l'un de ces évènements peut conduire à un état de stress post-traumatique (ESPT
ou PTSD pour "Post-Traumatic Stress Disorder"). Ceci indique que le caractère
traumatisant d'un évènement est relatif à l'individu et à son état psychologique au moment
de l'évènement. L'absence ou la présence de conséquences psychologiques suite au vécu
d'un évènement potentiellement traumatisant dépend de la résilience ou de vulnérabilité de
l'individu : son histoire personnelle, des facteurs culturels, des facteurs environnementaux
(familiaux ou sociaux) ou des facteurs génétiques (McFarlane, 1996). Un événement
traumatique est d’autant plus déclencheur de PTSD qu’il est sévère, de survenue soudaine,
prolongé, répété ou intentionnel (provoqué par quelqu’un d’autre), qu’il entraîne des
préjudices physiques ou psychiques pénibles, ou qu’il entraîne des préjudices à la
communauté du sujet ou aux systèmes de soutien. Les travaux scientifiques ont montré
qu'aucun événement traumatique ne produit un PTSD chez tous les individus qui y ont été
confrontés (Perry, Difede, Musngi, Frances, & Jacobsberg, 1992). De même, des
événements communs (chômage, accidents, divorce, maladie) peuvent entraîner le
Chapitre 3 : Les troubles de la mémoire dans le stress post-traumatique
94
développement d'un PTSD chez certains individus. Il apparaît donc que la perception d’un
événement comme traumatique par l'individu est presque aussi essentielle dans sa capacité
à induire des symptômes chez le sujet que son degré de sévérité. Par ailleurs la clinique
post-traumatique comporte d’autres troubles que le PTSD, tels que d’autres troubles
anxieux (agoraphobie, trouble panique, phobies simples), des troubles dissociatifs, des
troubles dépressifs et des troubles addictifs.
Les symptômes caractéristiques d’un PTSD sont la reviviscence de l’événement
traumatique, l’évitement de stimuli associés à l’événement, l’émoussement de la réactivité
générale ainsi qu’une hyperactivité neurovégétative. La symptomatologie se construit
autour de la répétition de l'évènement traumatique : aussi, la composante mnésique est-elle
centrale dans ce trouble. Le souvenir de l’évènement traumatique, ancré dans la mémoire
autobiographique de l'individu, entraîne des troubles de la conscience qui se manifestent
notamment par la présence d’épisodes dissociatifs. La confrontation soudaine avec le réel
de la mort qui s’impose à l'individu lors du vécu traumatique engendre des perturbations
émotionnelles qui s’expriment à travers les nombreux symptômes d’activation
neurovégétative du trouble. Aussi, le PTSD peut se résumer en un trouble qui affecte trois
fonctions normalement intégrées que sont la mémoire, la conscience et l’émotion. Dans ce
nouvel axe de recherche, nous essayons de mettre en évidence ces altérations
fonctionnelles en approchant les processus cognitifs qui les sous-tendent. L’idée sousjacente est que la mise en évidence de certains déficits ou biais cognitifs impliquant
l’intégration de ces trois fonctions devrait permettre de mieux comprendre les mécanismes
cognitifs impliqués dans l’apparition et le maintien des symptômes caractéristiques du
PTSD.
Après avoir présenté la clinique du PTSD et les critères diagnostics, nous nous
intéresserons aux troubles cognitifs et notamment mnésiques associés au PTSD, ce qui
nous conduira à présenter nos deux articles de synthèse sur la question ainsi que nos deux
articles expérimentaux portant sur les états de conscience associés à la récupération en
mémoire.
I – CLINIQUE DE L'ETAT DE STRESS POST-TRAUMATIQUE
L'origine du PTSD remonte à la fin du XIXe siècle. C'est le neuropsychiatre
allemand Herman Oppenheim qui, en identifiant "la névrose traumatique" au sujet des
Chapitre 3 : Les troubles de la mémoire dans le stress post-traumatique
95
conséquences psychologiques des accidents de chemin de fer, lui accorda son autonomie
nosographique, en 1888. La clinique psychotraumatique s'est ensuite développée avec la
psychiatrie de guerre dans le cadre des premières guerres du XXe siècle. Ainsi, les
militaires russes firent appel à des spécialistes au cours du conflit russo-japonais de 19041906. Les militaires anglais, français et américains firent de même au cours de la Première
Guerre Mondiale. Il en résulta l’identification d’un nombre très élevé de "névroses de
guerre". Les guerres du milieu du XXe siècle (Deuxième Guerre Mondiale 1939-1945,
Guerre du Vietnam 1964-1975) ont ensuite fortement influencé la psychiatrie de l’aprèsguerre et ont ramené l’attention sur la névrose de guerre. Ainsi, bien que la névrose
traumatique ait disparu des classifications après 1945, elle a été réintroduite en 1980 dans
la troisième édition du DSM (APA, 1980) sous le terme de Post-Traumatic Stress Disorder
(PTSD). Après que le PTSD ait été bien installé dans la nosographie psychiatrique, la
guerre du Golfe et des cas civils sont venus élargir le concept de PTSD, qui est maintenant
utilisé pour les victimes des catastrophes, d’actes terroristes, de violences dans la vie civile
et d’abus sexuels. Le PTSD est maintenant mieux identifié, sa prévalence variant autour de
14% (APA, 1994). Le concept de PTSD a trouvé une nouvelle légitimité en agrégeant une
population nouvelle et plus large.
Toutefois, si le terme de PTSD a rencontré un écho très favorable auprès des
psychiatres américains, puis dans la littérature internationale, certaines divergences
demeurent au niveau de sa traduction française. Il fut d’abord traduit par Etat de Stress
Post-Traumatique (ESPT). Puis le mot "trouble", traduisant mieux le mot "disorder", a
remplacé celui "d'état". Cette traduction initiale tend donc à être remplacée par celle de
"Trouble de Stress Post-Traumatique (TSPT)" ou plus largement par celle de "syndrome
psychotraumatique". Dans ce document, nous avons choisi d'utiliser le terme anglophone
usité dans la littérature internationale de "Post-Traumatic Stress Disorder" (PTSD), mais
dans nos publications francophones, nous avons été contraints d'utiliser une traduction
française.
Nous pouvons parler de PTSD en présence de symptômes caractéristiques et stables
apparus chez un individu au décours de son exposition, comme victime, comme acteur ou
comme témoin, à un ou plusieurs évènements traumatiques. L’établissement du diagnostic
de PTSD exige la présence de plusieurs éléments sur lesquels nous reviendrons ensuite : les
deux éléments du critère A (exposition à un évènement traumatique), au moins un des cinq
Chapitre 3 : Les troubles de la mémoire dans le stress post-traumatique
96
éléments du critère B (symptômes de reviviscence), trois des sept éléments du critère C
(évitement des stimuli évocateurs et émoussement de la réactivité générale) et deux des
cinq éléments du critère D (symptômes d'activation neurovégétative), plus la présence des
deux critères E (durée des troubles) et F (souffrance et perturbation entraînées) (APA,
1994). Les critères diagnostics extraits du DSM IV (APA, 1994) sont présentés dans le
Tableau 14.
Tableau 14. Critères diagnostiques du F43.1 [309.81] Trouble Etat de Stress Post
Traumatique du DSM-IV (APA, 1994). D'après Tapia (2007).
A Le sujet a été exposé à un événement traumatique dans lequel les 2 éléments suivants étaient présents:
1. Le sujet a vécu, a été témoin ou a été confronté à un événement ou à des évènements durant lesquels des
2.
B
1.
2.
3.
4.
5.
C
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
D
1.
2.
3.
4.
5.
E
F
individus ont pu mourir ou être très gravement blessés ou bien ont été menacés de mort ou de grave
blessure ou bien durant lesquels son intégrité physique ou celle d’autrui a pu être menacée
La réaction du sujet à l’événement s’est traduite par une peur intense, un sentiment d’impuissance ou
d’horreur.
L’événement traumatique est constamment revécu, de l’une (ou de plusieurs) des façons suivantes:
Souvenirs répétitifs et envahissants de l’événement provoquant un sentiment de détresse et comprenant
des images, des pensées ou des perceptions.
Rêves répétitifs de l’événement provoquant un sentiment de détresse.
N.B.: Chez les enfants, il peut y avoir des rêves effrayants sans contenu reconnaissable
Impression ou agissements soudains «comme si» l’événement traumatique allait se reproduire (incluant
le sentiment de revivre l’événement, des illusions, des hallucinations, et des épisodes dissociatifs
(flashback), y compris ceux qui surviennent au réveil ou au cours d’une intoxication).
Sentiment intense de détresse psychique lors de l’exposition à des indices internes ou externes évoquant
ou ressemblant à un aspect de l’événement traumatique en cause
Réactivité physiologique lors de l’exposition à des indices internes ou externes pouvant évoquer ou
ressembler à un aspect de l’événement traumatique en cause
Evitement persistant des stimulus associés au traumatisme et émoussement de la réactivité générale (ne
préexistant pas au traumatisme), comme en témoigne la présence d’au moins trois des manifestations
suivantes:
Efforts pour éviter les pensées, les sentiments ou les conversations associés au traumatisme
Efforts pour éviter les activités, les endroits ou les gens qui éveillent des souvenirs du traumatisme
Incapacité de se rappeler un aspect important du traumatisme
Réduction nette de l’intérêt pour des activités importantes ou bien réduction de la participation à ces
mêmes activités
Sentiment de détachement d’autrui ou bien de devenir étranger par rapport aux autres
Restriction des affects (p. ex., incapacité à éprouver des sentiments tendres)
Sentiment d’avenir «bouché» (p. ex., pense ne pas pouvoir faire carrière, se marier, avoir des enfants, ou
avoir un cours normal de la vie)
Présence de symptômes persistants traduisant une activation neurovégétative (ne préexistant pas au
traumatisme) comme en témoigne la présence d’au moins deux des manifestations suivantes:
Difficultés d’endormissement ou sommeil interrompu
Irritabilité ou accès de colère
Difficultés de concentration
Hypervigilance
Réaction de sursaut exagérée
La perturbation (symptômes des critères B, C et D) dure plus d’un mois
La perturbation entraîne une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement
social, professionnel ou dans d’autres domaines importants
Chapitre 3 : Les troubles de la mémoire dans le stress post-traumatique
97
Le critère A définit la notion d'évènement traumatique en indiquant qu'il s'agit d'un
évènement violent au cours duquel le sujet lui-même ou d’autres individus auraient pu
mourir ou être gravement blessés, ou au cours duquel leur vie ou leur intégrité physique ou
mentale a été menacée. De plus, cet évènement doit avoir donné lieu à un sentiment de
peur intense, d’horreur ou d’impuissance. L'intérêt de cette dernière version du DSM est
qu'au lieu de se centrer sur la seule sévérité de l’événement dit traumatique, comme dans
les versions antérieures, elle met en avant l'interaction entre l’exposition à un événement
traumatique (en réalité potentiellement traumatique) et la réaction subjective du sujet et sa
vulnérabilité face à cet événement. Ceci montre le rôle déterminant de la perception
subjective de la menace durant un événement potentiellement traumatique dans le
développement de symptômes post-traumatiques (Blanchard, Hickling, Mitnick, Taylor,
Loos, & Buckley, 1995 ; King, King, Foy, Keane, & Fairbank, 1999 ; Marmar, Weiss,
Metzger, Ronfeldt, Foreman, 1996).
Le critère B concerne les symptômes de reviviscence. Ces reviviscences surviennent
le plus souvent spontanément, sans cause apparente, de façon imprévisible, involontaire et
irrépressible. Elles se reproduisent de façon récurrente et provoquent à chaque fois une
angoisse intense souvent accompagnée de manifestations neurovégétatives (sueur, pâleur,
tachycardie…). Ces reviviscences peuvent se produire en réaction à un indice de
l’environnement faisant évoquer le traumatisme : par exemple le son d’une sirène
d’ambulance. Cependant, la survenue de la reviviscence n’est pas toujours suscitée par un
stimulus externe apparent mais par une évocation indirecte, non accessible à la conscience,
que le patient pourra toutefois éventuellement retrouver en récapitulant ses souvenirs
récents. Il s’agirait d’une mémoire implicite préservée pour des évènements spécifiques qui
ne sont pas rappelés consciemment (Schacter, 1999). Les réviviscences peuvent revêtir la
forme de souvenirs, de pensées, d’hallucinations ou d’illusions visuelles, auditives,
olfactives ou sensitives. Elles se manifestent souvent la nuit sous forme de cauchemars
reproduisant l’évènement traumatique avec la vivacité du réel, et selon le même
déroulement de scénario catastrophique. Il s’agit de cauchemars intensément vécus et pas
seulement contemplés donnant lieu à un réveil angoissé souvent accompagné de
tachycardie et de sueurs. Dans ce cas, le temps de latence pour retrouver le sommeil peut
être très important. On peut également observer des reviviscences "actives" de l’évènement
traumatique, fugaces ou durables. Le sujet peut alors ressentir une impression d’imminence
Chapitre 3 : Les troubles de la mémoire dans le stress post-traumatique
98
de danger et se comporter comme si l’évènement allait se reproduire ou se reproduisait
(sursaut, recroquevillement, fuite).
Les symptômes d’évitement et d’émoussement de la réactivité générale (critère C)
concernent le fait que les patients souffrant de PTSD mettent en place des stratégies
d’évitement pour limiter la souffrance en lien avec les rappels intrusifs et répétés de
l’évènement traumatique. Cet évitement peut être de trois types : cognitif, comportemental
et émotionnel. L’évitement cognitif correspond au fait que le sujet garde son esprit
constamment occupé par d’autres pensées. L’évitement émotionnel se manifeste par le fait
de penser à l’évènement traumatique d’une manière complètement déchargée d’émotion.
L’évitement comportemental se traduit par un effort pour éviter les lieux, les activités ou
les personnes rappelant le traumatisme. Les patients manifestent également une diminution
d’intérêt et d’investissement pour les activités quotidiennes et une impression d’avenir
bouché. Sur le plan affectif, ils rencontrent des difficultés à ressentir des émotions,
notamment positives, accompagnées de sensations de perte de plaisir. Ils se sentent
détachés d’autrui, incompris ou étrangers. Aussi, on retrouve dans ce syndrome un repli
comportemental allant de la marginalisation aux conduites addictives.
Le critère D correspond aux symptômes d’activation neurovégétative (ou
d'hyperexcitabilité). Il s'agit d'un état d’hypervigilance donnant lieu à une attitude
permanente d’alerte, comme si le patient redoutait d’être agressé à nouveau. Cet état donne
aussi lieu à des réactions de sursauts exagérés, en réponse aux bruits soudains (une
sonnerie de téléphone, un claquement de porte) et aux contacts inattendus (par exemple si
quelqu’un arrive derrière le patient sans qu'il ne l’ait vu venir). Il se manifeste par des
difficultés d’endormissement, une irritabilité caractérielle avec accès de colère, et des
difficultés de concentration.
Pour que le diagnostic de PTSD puisse être posé il faut que les symptômes notés
dans les critères B, C et D persistent depuis au moins un mois (critère E). Le DSM-IV
distingue deux formes évolutives du PTSD : une forme "aiguë" pour les PTSD dont les
symptômes durent moins de trois mois et une forme "chronique" pour ceux dont les
symptômes perdurent trois mois ou davantage. Enfin, tous les symptômes relevés dans un
PTSD doivent entraîner une souffrance psychique cliniquement significative, ou une
altération notable du fonctionnement social, dans les domaines professionnel, familial ou
autre (critère F).
Chapitre 3 : Les troubles de la mémoire dans le stress post-traumatique
99
L’événement traumatique que le patient subit constitue le facteur de risque le plus
important dans le développement d'un PTSD mais aussi dans le développement d’autres
troubles psychiatriques tels que des troubles anxieux, des troubles dépressifs, des troubles
de somatisation, des troubles de la personnalité, et des troubles dissociatifs (Karam,
Howard, Karam, Ashkar, Shaaya, Melhem, et al., 1998 ; Marshall, Schneier, Lin, Simpson,
Vermes, Liebowitz, 2000 ; Pelcovitz, Van der Kolk, Roth, Mandel, Kaplan, Resnick,
1996). La difficulté dans l'établissement du diagnostic et dans l'étude du PTSD réside
justement dans les nombreuses comorbidités associées à cette pathologie. Dans le DSM-IV,
le PTSD appartient au groupe des troubles anxieux et il y a un recouvrement partiel entre
son tableau clinique et ceux des autres troubles anxieux du groupe. Dans la réponse à la
situation stressante, l’anxiété généralisée serait aussi fréquente que le PTSD (MacFarlane
& Papay, 1992) et le trouble panique surviendrait dans 69 % des cas (Falsetti & Resnick,
1997). De même, l’évitement propre au PTSD fait qu'une grande partie de ces patients
remplissent aussi les critères diagnostiques de phobie sociale (72% d’une cohorte de
vétérans du Vietnam selon Orsillo, Weathers, Litz, Steinberg, Huska, & Keane, 1996). Des
plaintes somatiques (céphalées, dorsalgies, gastralgies) sont souvent exprimées par des
patients souffrant de PTSD (Andreski, Chilcoat, & Breslau, 1998). Des troubles
psychosomatiques proprement dits, avec lésion tissulaire (asthme, hypertension, dermatose,
diabète…) sont souvent retrouvés associés à un PTSD (Bouthillon, Crocq, & Julien, 1992).
De nombreux travaux ont également mis en évidence des troubles des conduites, qu’elles
soient suicidaires (Ferrada-Noli, Asberg, Ormstad, Lundin, & Sundbom, 1998) ou
addictives (Bremner, Southwick, Darnell, & Charney, 1996). Plus largement, l’enquête du
National Comorbidity Survey (Kessler, Sonnega, Bromet, Hughes, & Nelson, 1995) précise
que le taux de comorbidité du PTSD vie entière avec d’autres pathologies psychiatriques
est de l'ordre de 80%. En plus des troubles anxieux, le PTSD est fréquemment associé au
diagnostic de dépression et de dissociation.
D'ailleurs, on observe un recouvrement entre les critères diagnostics de PTSD et la
symptomatologie dépressive. En effet, la réduction nette des affects, la diminution de
l’intérêt pour des activités importantes et le sentiment de détachement d’autrui, que nous
avons mentionnés dans les critères C du DSM-IV du diagnostic du PTSD, témoignent
d’une nette tonalité dépressive (APA, 1994 ; Birmes, Hazane, Callahan, Sztulman, &
Schmitt, 1999 ; Kessler et al., 1995). Les symptômes dissociatifs tels que les états de
Chapitre 3 : Les troubles de la mémoire dans le stress post-traumatique
100
déréalisation ou de dépersonnalisation qui surviennent au cours des "flash-back" figurent
également parmi les critères diagnostiques du PTSD. Le diagnostic additionnel de " trouble
dissociatif " n’est porté que si ces symptômes surviennent hors de l’évolution de ce trouble.
Il est important de préciser que les troubles dissociatifs ne sont pas des phénomènes
survenant dans le cadre d’une personnalité délirante, les facteurs prédisposants étant liés à
un stress psychologique ou à un traumatisme psychique. D’après le DSM-IV, la
caractéristique essentielle des troubles dissociatifs est le clivage de fonctions normalement
intégrées telle que la conscience, la mémoire, l’identité ou la perception de
l’environnement.
En plus de la symptomatologie riche du PTSD, les nombreuses comorbidités qu'il
présente posent un problème important, notamment dans l'étude des troubles cognitifs
associés au PTSD. En effet, ces pathologies concomitantes sont susceptibles d’induire des
déficits cognitifs qu’il est nécessaire de distinguer de ceux dus spécifiquement au PTSD.
II – LES TROUBLES COGNITIFS GENERAUX DANS LE PTSD
Les patients souffrant de PTSD se plaignent systématiquement de problèmes de
mémoire et de concentration qui les handicapent au quotidien. La littérature sur les troubles
cognitifs dans le PTSD est conséquente et révèle l’importance des difficultés cognitives
que rencontrent ces sujets. De cette littérature semble émerger deux grands domaines
cognitifs déficitaires : les capacités de mémoire explicite et d’apprentissage, et les
fonctions attentionnelles et exécutives. Afin de faire le point sur ces données, nous avons
réalisé une revue critique de la littérature dans l'article suivant :
Tapia, G., Clarys, D., El-Hage, W, & Isingrini, M. (2007a). Les troubles cognitifs dans
le Post-Traumatic Stress Disorder (PTSD) : une revue de la littérature. L’Année
Psychologique, 107 (3).
L'objectif de cette revue de la littérature est de présenter une synthèse des études
consacrées aux conséquences du PTSD sur le fonctionnement de la mémoire et sur le
fonctionnement exécutif, et de développer une analyse critique des résultats obtenus
rendant compte des limites théoriques et méthodologiques auxquelles se heurte l’étude du
Chapitre 3 : Les troubles de la mémoire dans le stress post-traumatique
101
PTSD. Ceci nous a amenés à discuter des raisons susceptibles d’expliquer l’hétérogénéité
des résultats observés.
De nombreuses études ont examiné la mémoire à long terme dans le PTSD, dans
son versant explicite, mais une étude a comparé les aspects explicites et implicites. Ainsi,
des déficits en mémoire explicite ont été observés chez des sujets souffrant d’un PTSD en
l’absence de tout déficit en mémoire implicite (Golier, Yehuda, Lupien, Harvey, Grossman,
& Elkin, 2002). Ces données suggèrent que la mémoire explicite est spécifiquement altérée
dans le PTSD. D'ailleurs, la plupart des études qui ont porté uniquement sur la mémoire
explicite a révélé la présence de déficits dans cette forme de mémoire chez les sujets
souffrant de PTSD. Cependant, certains travaux n’ont pas retrouvé de déficit pour ce type
de mémoire (pour revue, voir Tapia et al., 2007a).
Parmi les études ayant observé des déficits, plusieurs ont révélé des difficultés à la
fois dans la rétention immédiate et différée des informations (Bremner, Randall, Scott,
Bronen, Seibyl, Southwick et al., 1995a ; Bremner, Randall, Scott, Capelli, Delaney,
McCarthy et al., 1995b ; Bremner, Randall, Scott, Vermetten, Staib, Bronen et al., 1997 ;
Bremner, Vermetten, Azfal, & Vythilingam, 2004 ; Gilbertson, Gurvits, Lasko, Orr, &
Pitman, 2001 ; Jenkins, Langlais, Delis, & Cohen 1998 ; Koso & Hansen, 2006 ;
Vasterling, Brailey, Constans, & Sutker, 1998 ; Winter & Irle, 2004 ; Yehuda, Golier,
Halligan, & Harvey 2004). D'autres travaux ont spécifiquement observé un déficit pour le
rappel différé plutôt que pour le rappel immédiat (Vasterling, Duke, Brailey, Constans,
Allain, Sutker et al., 2002 ; Jenkins, 1995). Aucune étude n’a mis en évidence une atteinte
spécifique du rappel immédiat, suggérant que les faibles performances mnésiques
observées sont plutôt dues à un déficit dans la rétention ou la récupération des informations
qu’à un déficit attentionnel lors de l’encodage.
Concernant les formes de mémoire verbale et visuelle de la mémoire explicite,
aucune étude n’a observé une atteinte simultanée des capacités de mémoire verbale et
visuelle. Par contre, des déficits en mémoire visuelle ont été observés en l’absence de
déficit en mémoire verbale (Stein, Kennedy, & Twamley, 2002), et à l’inverse des déficits
en mémoire verbale ont été observés en l’absence d’altération des capacités de mémoire
visuelle (Bremner et al., 1995b ; Gilbertson et al., 2001 ; Vasterling et al., 1998 ; Vasterling
et al., 2002). Ces données semblent montrer que dans le PTSD, les déficits en mémoire
verbale sont plus fréquemment observés que ceux en mémoire visuelle. Cependant, ce
Chapitre 3 : Les troubles de la mémoire dans le stress post-traumatique
102
constat traduit plutôt la fréquence avec laquelle ces deux tests sont utilisés dans les travaux
portant sur le PTSD qu’une véritable dissociation pour ces deux types de mémoire. Peu
d’études ont finalement évalué les capacités en mémoire visuelle dans le PTSD.
D'autres études, dans le PTSD, ont porté sur les troubles de la mémoire de travail.
Dans la plupart des cas, le test d’empan de chiffres (endroit et envers) a été utilisé pour
évaluer cette capacité de mémoire immédiate. Certains travaux ont mis en évidence des
déficits sur les deux composantes de ce test (El-Hage, Isingrini, Gaillard, & Belzung,
2006 ; Gilbertson et al., 2001 ; Jenkins, 1995 ; Koso & Hansen, 2006 ; Vasterling et al.,
1998 ; Vasterling et al., 2002 ). Toutefois, une étude n’a pas observé d’altération des
performances ni pour l’empan endroit ni pour l’empan envers (Stein et al., 2002), et une
autre étude a révélé une atteinte spécifique des performances pour l’empan de chiffres
envers, traduisant plutôt des problèmes relevant du centre exécutif de la mémoire de travail
que des difficultés attentionnelles lors de l’encodage (Jenkins, Langlais, Delis, & Cohen,
2000). Ceci va dans le sens des travaux que nous avons cités précédemment sur la mémoire
à long terme montrant que le déficit des patients PTSD porte plus sur le rappel différé que
sur le rappel immédiat (Vasterling et al., 2002 ; Jenkins, 1995), ce qui conforte l'idée que
l'encodage est préservé. Quelques études ont inclus des versions visuelles du test d’empan
de chiffres et ont également montré la présence de difficultés dans la manipulation mentale
des informations visuelles (El-Hage et al., 2006 ; Jenkins, 1995 ; Jenkins et al., 2000 ;
Vasterling et al., 1998), même si certains travaux ne confortent pas ce résultat (Koso &
Hansen, 2006 ; Vasterling et al., 2002). Ces données suggèrent que les patients souffrant de
PTSD semblent présenter une atteinte du centre exécutif de la mémoire de travail, laissant
supposer l’existence d’un dysfonctionnement exécutif.
Les travaux qui ont intégré des mesures exécutives apportent effectivement des
résultats très cohérents. Mis à part deux études (Twamley, Hami, & Stein, 2004 ;
Vasterling et al., 2002), toutes les autres s’accordent sur la présence d’un déficit exécutif
chez les patients souffrant de PTSD (Beckham, Crawford, & Feldman, 1998 ; Gilbertson et
al., 2001 ; Koso & Hansen, 2006 ; Jenkins et al., 2000 ; Sachinvala, von Scotti, McGuire,
Fairbanks, Bakst, McGuire et al. 2000 ; Stein et al., 2002 ; Vasterling et al., 1998). Ces
déficits ont été observés sur des tests exécutifs classiques et très variés évaluant les
différents aspects du fonctionnement exécutif tel que nous l'avons décrit dans le chapitre
précédent. Ces données, couplées avec celles en mémoire de travail, suggèrent l’existence
Chapitre 3 : Les troubles de la mémoire dans le stress post-traumatique
103
dans le PTSD d’une atteinte de la capacité à initier, contrôler et réguler la mise en place de
stratégies cognitives indispensables aux traitements de l’information. D'une manière
générale, cette revue de littérature montre que les fonctions mnésiques et exécutives sont
altérées dans le PTSD.
Toutefois, il existe de nombreuses divergences entre les résultats des différentes
études que nous avons analysées. Ainsi, nous avons pu constater les difficultés des travaux
antérieurs à mettre en évidence la présence de déficits cognitifs spécifiquement attribuables
au PTSD. Les déficits mnésiques et exécutifs ont été associés au PTSD en combinaison
avec d’autres facteurs confondants tels que la présence d’autres comorbidités, les
prédispositions intellectuelles, ou encore la part du vécu traumatique, qui affaiblissent la
validité des résultats obtenus. La présence de pathologies comorbides au PTSD constitue le
principal facteur à contrôler pour pouvoir écarter définitivement la contribution de
l’éventail comorbide dans les difficultés cognitives rencontrées par les patients souffrant de
PTSD.
Les données cliniques et l'analyse de la littérature sur les troubles cognitifs nous ont
amenés à nous intéresser aux états de conscience associés à la récupération en mémoire,
chez les patients souffrant de PTSD, ce qui à notre connaissance n'avais jamais été réalisé.
III – ETATS DE CONSCIENCE ET MEMOIRE DANS LE PTSD
L'objet de la collaboration avec Wissam El Hage (EA 3248 de Tours) était
principalement de pouvoir utiliser, chez des patients souffrant de PTSD, des méthodes
expérimentales originales d'évaluation de la mémoire dont nous avions montré la
pertinence et la fonctionnalité dans le vieillissement. L’intérêt d'évaluer l'état de conscience
associé à la récupération en mémoire dans l’étude du PTSD s’appuie sur l’hypothèse que,
d’une manière générale, les sujets souffrant de PTSD présentent une altération de
l’association entre mémoire et conscience. Ainsi, les processus dissociatifs de la conscience
associée à la mémoire, fréquemment observés chez les sujets souffrant de PTSD, devraient
se traduire par une difficulté générale à accéder à la remémoration consciente des souvenirs
(conscience autonoétique). Ceci a été testé dans l'expérience suivante conduite dans le
cadre de la thèse de Géraldine Tapia :
Chapitre 3 : Les troubles de la mémoire dans le stress post-traumatique
104
Tapia, G., Clarys, D., El-Hage, W., Belzung, C., & Isingrini, M. (2007b). PTSD
Psychiatric Patients Exhibit a Deficit in Remembering. Memory, 15 (2), 1-9.
Dans cette expérience, nous avons examiné les effets du PTSD sur les états de
conscience associés à la récupération en mémoire à travers le paradigme R/K. Le principal
objectif de cette étude est de montrer que les patients PTSD présentent un déficit en
mémoire épisodique se traduisant par un pattern R/K différent de celui des sujets
témoins avec une altération des réponses R et une préservation voire une augmentation des
réponses K. Le second objectif de cette étude est d’examiner la possible implication dans
ce résultat de l’anxiété, de la dépression, et de la dissociation puisque, comme nous l'avons
vu, ces pathologies sont très souvent associées au PTSD (Barrett, Green, Morris, Giles, &
Croft, 1996 ; Davidson & Foa, 1991; Keane & Kaloupeck, 1997 ; McFarlane & Papay,
1992).
Figure 7. Proportions moyennes (et barres d'écarts-types) de réponses R et K chez les
sujets contrôles et les patients PTSD.
Les résultats globaux (non présentés ici) montrent que les sujets souffrant de PTSD
effectuent autant de reconnaissances correctes que les sujets témoins, traduisant une
absence de déficit dans le processus de reconnaissance en mémoire chez le groupe PTSD.
Les données concernant le paradigme R/K sont présentées dans la Figure 7. Le principal
résultat de cette étude est l’effet dissociatif du PTSD sur les états de conscience : le groupe
de patients PTSD a produit moins de reconnaissances R mais davantage de reconnaissances
K que le groupe témoin, révélant un pattern R/K inversé chez ces patients. Le PTSD
Chapitre 3 : Les troubles de la mémoire dans le stress post-traumatique
105
entraîne donc une altération de la conscience autonoétique alors que la conscience noétique
reste préservée. Aucune différence de performances entre les deux groupes n’ayant été
observée sur le score global de reconnaissance, on ne peut pas attribuer l’altération de la
conscience autonoétique des patients PTSD à un déficit plus général du processus de
reconnaissance. Ce résultat révèle plutôt que la récupération en mémoire des patients PTSD
est basée préférentiellement sur l’état de conscience noétique, au détriment de la
conscience autonoétique. Ainsi, les patients PTSD compenseraient leur déficit de
conscience autonoétique en sollicitant davantage leur conscience noétique.
En accord avec la littérature de référence, nos résultats montrent que le PTSD est
associé à d’autres pathologies telles que l’anxiété, la dépression et la dissociation (El-Hage
et al., 2006 ; Shalev, Freedman, Peri, Brandes, Sahar, Orr et al., 1998). Après avoir
contrôlé leur rôle respectif dans le déficit de conscience autonoétique observé chez les
patients PTSD, seule l’anxiété-trait serait susceptible de restreindre ce résultat puisque
lorsque l’on contrôle l’anxiété-trait, l’effet du PTSD sur les réponses R disparaît.
En conclusion, notre étude montre que le PTSD est associé à un déficit dans la
remémoration consciente des informations en mémoire. Toutefois, la question de
l’implication de l’anxiété-trait dans les résultats observés demeure. Par ailleurs, les
résultats actuels ne nous permettent pas de nous positionner sur l’origine de ce déficit, à
savoir s’il est la conséquence du PTSD ou s'il constitue un facteur prédisposant à son
développement. En effet, comme nous l'avons du dans l'introduction de ce chapitre, tous les
individus ne développent pas un PTSD suite au vécu d'un évènement traumatique de même
nature. Ceci indique que le développement d'un PTSD dépend notamment de facteur de
protection ou de vulnérabilité. La question est donc de savoir si les troubles de conscience
autonoétique que nous avons mis en évidence chez les patients PTSD sont la conséquence
du PTSD ou s'ils en constituent un facteur de vulnérabilité. Il est très difficile de tester ces
possibilités. Pour cela, il faudrait évaluer le fonctionnement mnésique des individus avant
le vécu d'un évènement traumatique, par exemple dans des régions à fort risque sismique
ou de guerre, puis comparer les performances mnésiques de ceux qui développeront un
PTSD et de ceux qui n'en développeront pas. Une autre possibilité est de suivre les patients
au cours de la prise en charge afin de voir si la disparition des symptômes de PTSD
s'accompagne de la suppression des troubles de conscience autonoétique.
Chapitre 3 : Les troubles de la mémoire dans le stress post-traumatique
106
Dans cette première étude, nous avons fait le choix de travailler avec du matériel
tout venant, sans connotation particulière. Ceci nous permet de montrer que les troubles
mnésiques sont très conséquents et qu'ils vont au-delà des informations liées à l'évènement
traumatique. Toutefois, si la composante mnésique est centrale dans le PTSD, elle est
indissociable de la composante émotionnelle. En effet, le PTSD est un trouble anxieux qui
conduit à une réactivité émotionnelle accrue à tout ce qui serait susceptible de rappeler
l’événement, reflétant ainsi dans cette affection le lien étroit entre mémoire et émotion.
Selon certains chercheurs, les souvenirs émotionnels et plus encore les souvenirs
d’évènements traumatiques diffèrent fondamentalement des souvenirs d’évènements non
émotionnels (van der Kolk, 1994). Ainsi les études de traumatismes réellement vécus
indiquent que les souvenirs d’évènements traumatiques sur le plan émotionnel sont
généralement persistants et souvent relatés avec une exactitude impressionnante, mais
également qu’ils sont sujets au déclin et à la distorsion. Le principe général, développé
dans le premier chapitre, selon lequel les souvenirs sont des constructions mentales
transitoires dont dépend la complexité des éléments qui façonnent l’individu, vaut donc
particulièrement lorsque mémoire et émotion sont en intercation. Dans le PTSD, on peut
penser que les processus de récupération mis en jeu pour retrouver un souvenir émotionnel
ne sont pas les mêmes que ceux qui impliquent le recouvrement d’un souvenir non
émotionnel. Afin de faire le point sur les liens entre mémoire et émotion dans le PTSD, il
nous a semblé utile de rédiger une nouvelle revue de littérature.
Tapia, G., Clarys, D., Isingrini, M, & El-Hage, W. (2007c). Mémoire et émotion dans
le Trouble de Stress Post-Traumatique (TSPT). Canadian Psychology, 48, 106-119.
La composante émotionnelle est très présente dans la production et la persistance
des symptômes du PTSD. Ainsi, la mémoire et l'émotion exercent des influences
réciproques qui pourraient jouer un rôle dans l’apparition et le maintien des symptômes. Le
fait de préciser les interactions entre mémoire et émotion dans le PTSD peut alors
permettre de mieux comprendre les facteurs qui sont à l’origine de l’émergence et de la
persistance des symptômes cliniques qui accompagnent ce syndrome. Dans ce contexte, le
principal objectif de cette revue de littérature est de présenter une synthèse des travaux qui
ont étudié l’influence du facteur émotionnel sur le fonctionnement de la mémoire dans le
Chapitre 3 : Les troubles de la mémoire dans le stress post-traumatique
107
PTSD. Il s’agit de préciser, en nous appuyant sur les données issues d’études utilisant une
approche expérimentale, la façon dont s’articulent les processus mnésiques et émotionnels
dans le PTSD. Dans cet article, nous avons préalablement présenté les principales
méthodes qui sont utilisées pour étudier l’influence de l’émotion sur la mémoire. Nous
avons également porté un regard critique sur les études antérieures en discutant des
principaux biais méthodologiques, et nous avons proposé des pistes de recherche pour
progresser dans l’examen des mécanismes cognitifs qui sont à l’origine des symptômes
persistants du PTSD.
Pour étudier l'influence de l'émotion sur le fonctionnement de la mémoire, deux
techniques peuvent être distinguées : celle correspondant aux situations d’induction
émotionnelle et celle correspondant aux situations dans lesquelles la connotation
émotionnelle du matériel à encoder est manipulée. La technique d’induction émotionnelle
vise à provoquer chez le participant un état émotionnel différent de son humeur initiale.
Plus précisément, la démarche consiste à vérifier l’état initial de l’humeur du participant et,
par une procédure d’induction émotionnelle, à le modifier afin que chaque participant de
l’expérience soit placé dans l’état émotionnel souhaité, c’est-à-dire neutre, positif (ou
joyeux), ou négatif (ou déprimé). Dans la technique de manipulation de la connotation
émotionnelle du matériel, le participant se voit présenter des stimuli (mots ou images) qu’il
doit mémoriser, ces stimuli ayant été sélectionnée à partir de leur connotation a priori
(neutre, positive, ou négative). Selon les protocoles, ces deux techniques peuvent être
utilisées séparément ou simultanément. L’utilisation simultanée de ces techniques entraîne
un phénomène dit de congruence à l’humeur se traduisant par la tendance du participant à
mémoriser plus facilement un matériel dont la connotation émotionnelle est congruente
avec son propre état psychique plutôt qu’un matériel dont la connotation émotionnelle en
est éloignée (Bower, 1981).
Chez les patients PTSD, les études ne mettent généralement pas en jeu les situations
classiques de congruence à l’humeur, dans la mesure où le PTSD présente une origine
étiologique définie par le vécu d’un évènement traumatisant. Ainsi, la seule utilisation de
matériel ayant une sémantique proche du traumatisme vécu suffit pour permettre d’évaluer
le phénomène de congruence à l’humeur. Ces informations traumatiques étant plus proches
des souvenirs intrusifs et involontaires de l’évènement traumatique que de l’humeur des
participants souffrant de PTSD, le terme de "biais de mémoire" est préféré à celui "d’effet
Chapitre 3 : Les troubles de la mémoire dans le stress post-traumatique
108
de congruence à l’humeur" pour décrire ce phénomène. Cependant, l’hypothèse sousjacente reste la même : des informations à connotation traumatique, présentées avec
d’autres non connotées, doivent être mémorisées plus facilement compte tenu de leur
congruence avec les symptômes mnésiques de répétition qui accompagnent ce trouble.
Les travaux qui ont testé cette hypothèse se sont intéressés soit aux aspects
explicites soit aux aspects implicites de la mémoire. L'intérêt de cette distinction est qu'elle
repose sur le caractère automatique et spontané du processus mnésique ou au contraire sur
son caractère contrôlé et réfléchi. Ceci s'avère particulièrement intéressant dans le contexte
des liens entre mémoire et émotion dans le PTSD. En effet, nous pouvons penser que
l'aspect émotionnel des informations exerce une influence automatique sur la mémoire. Par
ailleurs, l'un de ses principaux symptômes est l'émergence de souvenirs intrusifs
automatiques. Ainsi, la distinction entre la mémoire implicite et explicite peut permettre de
mieux comprendre les mécanismes cognitifs à l'origine de ces symptômes.
Concernant la mémoire explicite, notre revue de littérature montre que,
spécifiquement chez les participants souffrant de PTSD, les informations à connotation
traumatique sont mieux rappelées que les informations neutres ou positives. Cette
observation conforte l’idée selon laquelle dans le PTSD, l’émotion suscitée par les
informations congruentes avec la symptomatologie du trouble entraîne un biais mnésique
se traduisant par un traitement préférentiel des informations liées au traumatisme. Si l’on
admet l’idée que ce biais est en lien avec la sensibilité accrue pour les stimuli menaçants
que présentent les participants souffrant de PTSD, il pourrait alors refléter le mécanisme
par lequel sont maintenus les symptômes mnésiques de répétition. Cependant, peu d’études
s’accordent sur la nature des mécanismes sous-jacents au biais de mémoire observé pour
les informations à connotation traumatique. En effet, même si de nombreux auteurs ont
avancé l’idée selon laquelle un biais attentionnel serait à l’origine de ce biais de mémoire,
le bilan des données dont nous disposons suggère que les quelques travaux qui ont cherché
à vérifier cette hypothèse n’ont pas abouti à des conclusions favorables.
Pour la mémoire implicite, cette revue de littérature a permis de mettre en évidence
un phénomène d’amorçage plus important pour les informations en lien direct avec le
traumatisme, spécifique aux participants souffrant de PTSD. Si l’on considère que le fait
d’accéder aux aspects non conscients de la mémoire relative aux informations traumatiques
modélise l’émergence des symptômes d’intrusion en mémoire associés au PTSD, ce
Chapitre 3 : Les troubles de la mémoire dans le stress post-traumatique
109
résultat permet de mieux comprendre l’apparition du phénomène mnésique intrusif de
répétition qui caractérise ce syndrome. Toutefois, ce biais de mémoire n'a pas été
systématiquement observé et semble plutôt apparaître lorsque les tâches implicites
impliquent au moins un traitement lexical et pas seulement perceptif. Il reste donc à
clarifier s’il est indispensable ou non qu’un traitement minimum de la signification des
informations traumatiques soit effectué pour qu’un biais implicite de mémoire apparaisse.
Même si ces résultats mettent en évidence l’intérêt d’étudier la nature des liens
entre mémoire et émotion dans le PTSD, les incohérences méthodologiques et théoriques
que comportent encore les travaux sont loin de nous permettre de proposer un modèle
cognitif clair qui intègrerait les facteurs impliqués dans l’apparition et le maintien des
symptômes mnésiques de répétition de ce syndrome. Ainsi, cette revue de littérature nous a
permis de discuter à nouveau du problème des comorbidités, mais aussi de biais
méthodologiques plus spécifiques à l'étude des liens entre mémoire et émotion. Ainsi, nous
pouvons facilement admettre que par rapport aux mots positifs et neutres, les mots
traumatiques présentent une cohésion sémantique plus importante compte tenu de leur
champ sémantique très restreint, Or, depuis les travaux de Deese (1958), nous savons que
la cohésion sémantique fournit un avantage mnésique significatif. Le second biais
méthodologique inhérent à l’utilisation des mots traumatiques est que ces mots sont plus
familiers pour les participants souffrant de PTSD que pour les participants sains, compte
tenu de l’expérience du vécu traumatique. Or, depuis les travaux de Reicher (1969), il est
bien établi que la familiarité favorise le processus de mémorisation. Ainsi, il est possible
que le traitement préférentiel des stimuli à connotation traumatique observé chez les
patients PTSD puisse s'expliquer soit par les comorbidités, soit par la plus grande cohésion
sémantique du matériel traumatique, soit parce que ces stimuli sont plus familiers pour les
patients PTSD que pour les sujets contrôles. Les travaux portant sur les liens entre
mémoire et émotion dans le PTSD sont encore peu nombreux, et des études
complémentaires limitant ces facteurs confondus sont nécessaires pour mieux comprendre
les mécanismes qui sont à l’origine du maintien des symptômes mnésiques de répétition et
de l’émergence des souvenirs intrusifs automatiques dans le PTSD.
Pour notre part, nous avons conduit une étude afin de préciser la nature du biais de
mémoire pour les informations connotées dans le PTSD en nous intéressant aux états de
conscience associés à la récupération en mémoire. Il s'agissait d'examiner la possibilité que
Chapitre 3 : Les troubles de la mémoire dans le stress post-traumatique
110
la connotation émotionnelle du matériel puisse modifier le déficit de conscience
autonoétique que nous avons mis en évidence dans l'expérience précédente (Tapia et al.,
2007b).
Tapia, G., Clarys, D., El-Hage, W., Bugaïska, A., Belzung, C., Isingrini, M., &
Coltheart, M. (en révision). Enhanced Remembering for Negative Information in
Posttraumatic Stress Disorder. Cognitive Neuropsychiatry.
A ce jour, aucune étude n'a été réalisée dans le cadre du paradigme R/K avec du
matériel émotionnel, chez des patients PTSD. L’ensemble des données recueillies avec ce
paradigme sur des groupes de participants sains montre classiquement une augmentation
des réponses R pour les stimuli à connotation émotionnelle par rapport aux stimuli neutres,
alors que cet effet n’est pas observé pour les réponses K (Dewhurst & Parry, 2000 ;
Kensinger & Corkin, 2003 ; Ochsner, 2000 ; Pernot-Marino, Danion & Heledin, 2004 ;
Sharot, Delgado & Phelps, 2004). De plus, les auteurs observent que les effets les plus
importants sont obtenus pour les stimuli à connotation négative (Dewhurst & Parry, 2000 ;
Ochsner, 2000). L’ajout d’une connotation émotionnelle et plus particulièrement d’une
connotation émotionnelle négative favoriserait donc, chez les participants sains, l’accès
conscient aux détails épisodiques du contexte d’encodage (conscience autonoétique).
Par ailleurs, nous venons de voir que d’une manière générale, les études qui ont
examiné l’influence du facteur émotionnel sur le fonctionnement de la mémoire explicite
dans le PTSD montrent que les informations à connotation traumatique sont mieux
rappelées que les informations neutres ou positives (pour revue, voir Tapia et al., 2007c).
Enfin, dans notre première étude, nous avons montré que les patients souffrant de PTSD
présentent une altération de la conscience autonoétique associée à une augmentation de la
conscience noétique (Tapia et al., 2007b). Il apparaît alors particulièrement intéressant de
vérifier si, chez ces patients, l’ajout d’une connotation émotionnelle congruente avec la
symptomatologie du trouble peut faciliter l’accès à la remémoration consciente des
souvenirs en mémoire épisodique. Afin d'examiner cette possibilité, nous avons manipulé
la connotation du matériel (positive, négative, neutre) dans le cadre du paradigme R/K
appliqué au PTSD. L'origine des traumatismes de nos patients étant variable, nous avons
choisi des mots négatifs plutôt que spécifiquement associé à un traumatisme, ce qui en plus
Chapitre 3 : Les troubles de la mémoire dans le stress post-traumatique
111
permet de réduire l'effet de la familiarité des mots traumatiques. L'objectif principal de
cette étude est de montrer que la connotation négative du matériel favorise encore plus
l’accès à la conscience autonoétique pour les patients PTSD que pour les sujets témoins.
En effet, l’hypersensibilité caractéristique de ces patients vis-à-vis des stimuli
potentiellement menaçants devrait entraîner un accès anormalement facilité à la conscience
autonoétique pour ce type d’information. En plus du groupe de sujets contrôles non
hospitalisés, nous avons inclus un deuxième groupe témoin de patients souffrant de
désordres anxieux et dépressifs, mais sans PTSD. Ceci nous permet de nous assurer que les
effets ne sont pas dus à une familiarité plus importante des patients PTSD relativement aux
contrôles sains à l'égard des stimuli négatifs et aussi de vérifier qu'il existe des effets
spécifiques aux patients PTSD. Les résultats sont présentés dans le Tableau 15.
Table 15. Moyennes et écarts-types pour les scores de reconnaissance et les réponses R, K,
F, et G, chez les patients PTSD, les patients anxio-dépressifs, et le groupe contrôle, en
fonction de la connotation émotionnelle des mots.
Responses
Valence
PTSD
AD
NC
Total
Remember
Know
Familiarity
Guess
Negative
0.76 (0.17)
0.65 (0.24)
0.58 (0.18)
Positive
0.77 (0.18)
0.60 (0.20)
0.66 (0.21)
Neutral
0.60 (0.28)
0.52 (0.24)
0.60 (0.15)
Negative
0.61 (0.21)
0.40 (0.30)
0.35 (0.29)
Positive
0.55 (0.24)
0.41 (0.28)
0.46 (0.31)
Neutral
0.18 (0.15)
0.31 (0.24)
0.33 (0.26)
Negative
0.14 (0.16)
0.23 (0.29)
0.24 (0.18)
Positive
0.22 (0.20)
0.18 (0.20)
0.23 (0.20)
Neutral
0.41 (0.20)
0.19 (0.22)
0.26 (0.20)
Negative
0.31 (0.40)
0.33 (0.34)
0.38 (0.28)
Positive
0.39 (0.43)
0.28 (0.28)
0.40 (0.35)
Neutral
0.53 (0.27)
0.28 (0.26)
0.35 (0.25)
Negative
0.004 (0.03)
0.019 (0.09)
-0.02(0.08)
Positive
0.00 (0.02)
0.01 (0.08)
0.03 (0.07)
Neutral
0.02 (0.05)
0.02 (0.05)
0.01 (0.12)
Note. AD : patients anxio-dépressifs, NC : sujets contrôles
Chapitre 3 : Les troubles de la mémoire dans le stress post-traumatique
112
Les résultats montrent principalement que la connotation négative du matériel
augmente la production de réponses R chez les patients PTSD comparés aux autres stimuli
mais également comparés aux deux autres groupes. Pour les réponses K, nous n'observons
aucun effet du groupe ou de l'émotion. Ceci semble indiquer que le déficit de conscience
autonoétique observé chez les patients PTSD pour des mots neutres dans notre première
étude (Tapia et al., 2007a) disparaît sous l’effet de la connotation négative des stimuli à
récupérer. Il apparaît même qu’en présence d’un matériel connoté négativement, un accès
anormalement facilité à la remémoration consciente du souvenir peut être observé,
spécifiquement chez les sujets souffrant de PTSD.
Deux explications peuvent être avancées pour comprendrece résultat. La première
est que chez les sujets souffrant de PTSD, les informations négatives subissent un
traitement plus intense dans la mesure où elles constituent des éléments externes
susceptibles de réveiller les souvenirs répétés et intrusifs du traumatisme (Williams,
Mathews, & MacLeod, 1996). Or, il est admis qu’une plus forte mobilisation attentionnelle
lors de l’encodage favorise l’accès à la remémoration consciente du souvenir (Ochsner,
2000). La seconde explication concerne le fait que, dans le PTSD, l’histoire traumatique
qui est à l’origine du trouble rend les informations négatives plus aisément assimilables à
des souvenirs personnels que d’autres types d’informations (McNally, 1995). Or, nous
avons montré dans nos travaux sur le vieillissement que le fait de pouvoir relier les
informations à mémoriser à des éléments de son histoire personnelle (effet de référence à
soi) favorise l’accès aux détails épisodiques relatifs à leur contexte d’apprentissage
(Bugaïska et al., en révision ; voir également, Fujita & Horiuchi, 2004). Ainsi, le biais de
remémoration consciente pour les informations à connotation négative observé dans le
PTSD pourrait refléter le mécanisme par lequel les stimuli anxiogènes activent les
souvenirs en lien avec le traumatisme.
En conclusion, ces premiers travaux sur les troubles de mémoire dans le PTSD nous
ont permis d'explorer les liens entre mémoire, conscience et émotion, ces trois éléments
étant fondamentaux dans la symptomatologie de ce trouble. Plus précisément, au-delà des
deux revues de littérature, nous avons pu mettre en évidence, chez les patients PTSD, un
déficit dans la remémoration consciente du souvenir associé à une augmentation des
reconnaissances impliquant la conscience noétique. Ce résultat suggère que, dans le PTSD,
Chapitre 3 : Les troubles de la mémoire dans le stress post-traumatique
113
le processus de reconnaissance fonctionne efficacement mais principalement sur le versant
noétique du souvenir. Nous pouvons alors penser que l’augmentation des reconnaissances
impliquant la conscience noétique ne serait que le reflet de l’accès limité à la composante
autonoétique du souvenir. Ces éléments contrastent avec les résultats de la situation dans
laquelle nous avons introduit la connotation émotionnelle. En effet, dans le cas d’une
connotation émotionnelle négative les patients PTSD présentent un accès anormalement
facilité à la conscience autonoétique. Ces premiers travaux montrent donc que le niveau de
conscience autonoétique est un indicateur particulièrement pertinent pour étudier les
troubles cognitifs dans le PTSD. L’étude simultanée des composantes émotionnelles et
mnésiques ou plus largement cognitives dans le PTSD est centrale pour comprendre la
dynamique de ce trouble. Ce n’est que par l’étude conjointe de ces deux fonctions intégrées
qu’il semble possible de comprendre l’ambivalence qu’existe dans le PTSD entre les
phénomènes d’amnésie et d’hypermnésie. La portée de ces premières données nous incite à
poursuivre ces travaux et des projets dans ce domaine seront présentés dans le chapitre
suivant.
114
CHAPITRE IV :
PERSPECTIVES DE RECHERCHE
Perspectives de recherche
115
Les travaux présentés dans les chapitres précédents, qu’ils concernent le
vieillissement normal ou le stress post-traumatique, ont porté essentiellement sur la
mémoire épisodique et particulièrement sur les états de conscience associés à la
récupération d'une information en mémoire. Les projets de recherche qui seront développés
dans ce chapitre s'appuient sur ces travaux antérieurs et portent uniquement sur les états de
conscience. Aussi, nous discuterons dans un premier temps de l'apport des travaux
antérieurs, et notamment des données obtenues avec le paradigme R/K, avant de présenter
les perspectives de recherche qui se baseront sur cette approche théorique et
méthodologique. Ce chapitre sera organisé en fonction des populations étudiées : personnes
âgées normales, patients Alzheimer, patients PTSD.
I – DISCUSSION DES TRAVAUX ANTERIEURS DANS LE VIEILLISSEMENT
NORMAL
Comme nous l'avons indiqué dans le second chapitre, le premier objectif de nos
travaux relatifs au vieillissement normal était de mettre en évidence des effets dissociatifs
de l'âge indiquant que le vieillissement s'accompagne de la dégradation de certaines
capacités mnésiques et de la préservation d'autres capacités mnésiques. Ainsi dans les deux
études consacrées à la distinction implicite/explicite, nous avons montré que la mémoire
est préservée chez les personnes âgées lorsqu'elle est évaluée de manière implicite, mais
qu'elle est nettement dégradée lors d'une évaluation explicite (Clarys et al., 2000 ; Fay et
al., 2005). Les travaux sur la métamémoire nous ont également permis de montrer que le
sentiment de savoir (FOK) est dégradé au cours du vieillissement lorsqu'il repose sur la
mémoire épisodique (Perrotin et al., 2006 ; Souchay et al., 2007) et qu'il est préservé
lorsqu'il repose sur la mémoire sémantique (Souchay et al., 2007). Dans le cadre de
l’analyse des états de conscience associés à la récupération en mémoire, nos travaux
indiquent que le vieillissement s'accompagne d'une dégradation de la conscience
autonoétique associée à un maintien ou à une progression de la conscience noétique
(Bugaïska et al., 2007, en révision ; Clarys et al., 2002, 2009, en révision ; Piolino et al.,
2006). Ceci a d'ailleurs été globalement confirmé par la revue de littérature que nous avons
rédigée (Clarys & Bugaïska, soumis). Il semble donc que les personnes âgées présentent
des difficultés pour revivre mentalement leur passé personnel et qu'elles récupèrent les
informations de manière plus générale, sur le mode du savoir.
Perspectives de recherche
116
Le second et principal objectif de nos travaux est de mettre en évidence les facteurs
explicatifs des altérations observées et la possibilité pour les personnes âgées de compenser
leurs déficits mnésiques en utilisant certaines stratégies cognitives particulièrement
efficaces. Pour cela, nous avons manipulé un certain nombre de variables qui agissent lors
de l'encodage ou de la récupération des informations, et nous avons également étudié
l'implication des facteurs généraux, non spécifiques à la mémoire. Dans ce domaine, les
deux grands facteurs qui apparaissent dans la littérature sont la réduction de la vitesse de
traitement et la dégradation du fonctionnement exécutif.
Dans le cadre de l’étude de la mémoire implicite, nous avons pu montrer que les
deux tâches utilisées impliqueraient des processus cognitifs différents, la tâche de
complètement de trigrammes étant supposée reposer davantage que la tâche de
complètement de fragments de mots sur des processus exécutifs (Clarys et al., 2000 ; Fay et
al., 2005). Bien que nous n'ayons pas obtenu l'effet de l'âge attendu sur la tâche de
complètements de trigrammes, nous pouvons penser que les travaux qui ont mis en
évidence un effet de l'âge dans cette épreuve pourraient avoir inclus des personnes âgées
présentant un déficit exécutif plus important que les personnes qui ont été incluses dans les
études qui n'ont pas observé un tel déficit, dont les nôtres. Concernant les tâches classiques
de mémoire épisodique, deux études montrent que la difficulté des personnes âgées dans la
mise en place de stratégies à l'encodage et à la récupération semble être la conséquence de
la dégradation du fonctionnement exécutif qui apparaît au cours du vieillissement
(Taconnat et al., 2006a, 2006b). Les deux études sur les tâches classiques de mémoire
épisodique qui visaient à confronter les deux médiateurs potentiels du vieillissement ont
apporté des résultats qui peuvent, a priori, paraître contradictoires. La première (Clarys et
al., 2007) indique que l'effet de l'âge sur une tâche expérimentale de rappel de mots et sur
les tâches de rappel immédiat et différé d'histoires provient de la réduction de la vitesse de
traitement, celle-ci expliquant aussi la dégradation du fonctionnement exécutif lié à l'âge.
La seconde (Baudouin et al., sous presse) montre que l'effet de l'âge sur le rappel libre
s'explique plus par les fonctions exécutives que par la vitesse de traitement. Mais, dans
cette dernière étude, nous avons également montré que, chez les participants âgés, l'épreuve
de vitesse du Code que nous avions utilisée dans la première étude implique autant le
fonctionnement exécutif que la vitesse de traitement. Nous retrouvons alors, comme dans
la première étude, que cette épreuve médiatise la performance en rappel libre, ce qui peut
Perspectives de recherche
117
s'expliquer par l'implication du fonctionnement exécutif. Pour la métamémoire, nous avons
aussi montré que le sentiment de savoir lié à la mémoire épisodique (FOK épisodique)
repose sur le fonctionnement exécutif (Souchay et al., 2004) et que c'est l'implication du
fonctionnement exécutif dans cette épreuve plus que la vitesse de traitement qui explique la
dégradation des capacités métamnésiques au cours de vieillissement (Perrotin et al., 2006).
Enfin, nos travaux sur les états de conscience associés à la récupération en mémoire
indiquent que là encore, c'est le déficit exécutif et notamment le déficit dans la capacité de
mise à jour des informations, plus que la vitesse de traitement, qui est à l'origine de
l'altération de la conscience autonoétique au cours du vieillissement (Bugaïska et al., 2007 ;
Clarys et al., 2009). Ainsi, quel que soit le domaine de la mémoire exploré (mémoire
implicite, métamémoire, mémoire épisodique classique, états de conscience), les fonctions
exécutives, plus que la vitesse de traitement apparaissent comme un élément explicatif
majeur.
Plusieurs études ont été conduites afin d'examiner des facteurs susceptibles de
moduler les effets du vieillissement. Dans la première étude (Taconnat et al., 2006a), nous
avons réussi à faire disparaître l'effet de l'âge sur les bonnes réponses et les fausses alarmes
dans une tâche classique de reconnaissance. Ceci a été obtenu en favorisant un encodage
distinctif des informations. Dans le cadre du paradigme R/K, une étude récente (Bugaïska
et al., en révision) montre que lorsque les informations sont encodées en référence à soi,
l'effet de l'âge sur la conscience autonoétique est supprimé. Enfin, dans notre dernière étude
sur les informations à valence émotionnelle, il apparaît au contraire que les personnes
âgées sont plus pénalisées lorsqu'elles ont à traiter des mots positifs (Clarys et al., en
révision). Ces résultats sont encore préliminaires et peu d'études dans ce domaine ont été
publiées, ce qui rend nécessaire la poursuite des travaux concernant le rôle des
informations émotionnelles.
De l'ensemble de ces travaux, il ressort donc que les capacités de contrôle et de
régulation des activités cognitives sont déficitaires chez les personnes âgées et que c'est
principalement cet élément qui entraîne des déficits mnésiques. Toutefois, il est possible
d'aider les personnes âgées à compenser leur déficit en adoptant des stratégies particulières.
C'est dans ce cadre que s'inscrivent les projets de recherche qui seront présentés à la suite et
qui portent uniquement sur les états de conscience associés à la récupération d'une
information en mémoire.
Perspectives de recherche
118
II – LES ETATS DE CONSCIENCE DANS LE VIEILLISSEMENT NORMAL
1.1-
ETATS DE CONSCIENCE, FONCTIONS EXECUTIVES ET VIEILLISSEMENT
Dans l'un de nos derniers articles, nous avons examiné la nature des fonctions
exécutives impliquées dans la dégradation de la conscience autonoétique liée à l'âge
(Clarys et al., 2009). Nous avons ainsi montré que c'est la capacité des individus à
actualiser le contenu des informations stockées temporairement qui détermine la possibilité
de revivre ensuite le contexte d'encodage. Cet élément ouvre des perspectives de recherche
intéressantes, à condition qu'il soit préalablement confirmé. En effet, notre étude comporte
quelques limites, la principale étant que chaque fonction exécutive spécifique n'a été
évaluée que par une tâche. Ainsi, nous ne pouvons pas exclure que l'implication de la tâche
de mise à jour dans le déficit de la conscience autonoétique lié à l'âge ne soit spécifique à
cette tâche, c'est-à-dire qu'il provienne d'une certaine proximité entre cette épreuve de mise
à jour et la tâche principale de reconnaissance. Pour écarter cette possibilité, il est alors
nécessaire de renouveler cette étude en incluant trois épreuves par fonction spécifique, ce
qui permet d'extraire le processus exécutif commun aux trois tâches. Avec davantage de
participants, il est également possible d'envisager une analyse structurale confirmatoire,
selon une démarche similaire à ce que nous avons déjà réalisé par le passé (Clarys et al.,
2002), pour valider les liens entre le fonctionnement exécutif et les états de conscience
dans le cadre du vieillissement normal.
Finalement, notre étude antérieure (Clarys et al., 2009) comme le projet qui vient
d'être développé ne font qu'établir des relations entre différentes mesures cognitives. Si ceci
constitue un apport scientifique indéniable, ce n'est pour autant pas suffisant, puisque cela
n'explique pas comment les fonctions exécutives interviennent dans le processus mnésique.
Ainsi, le rôle de la mise à jour en mémoire de travail pourrait se situer autant à l'encodage,
pour la création d'associations entre les informations cibles et les détails contextuels, qu'à
la récupération des informations, pour la réinstallation de ces associations. Ceci va dans le
sens de l'hypothèse du déficit d'association (Naveh-Benjamin, 2000 ; Old & NavehBenjamin, 2008), selon laquelle les personnes âgées présenteraient une détérioration des
processus d'association qui sont responsables de l'intégration du contenu de l'information
Perspectives de recherche
119
des items avec leur contexte ou leur source. Pour examiner l'implication de la mise à jour à
l'encodage et à la récupération des informations, il nous semble que l'approche
expérimentale s'impose. Il s'agit d'utiliser un protocole permettant de manipuler les
capacités de mise à jour lors de l'encodage et/ou lors de la récupération, chez des
participants jeunes et âgés. Si, comme le montre notre précédente étude (Clarys et al.,
2009), c'est l'altération, liée à l'âge, des capacités de mise à jour qui est à l'origine du déficit
de conscience autonoétique chez les personnes âgées, alors nous pouvons supposer que ces
participants devraient compenser au moins en partie leur déficit dans une situation où ils
doivent mettre à jour les informations. Ce projet pourra être réalisé dans le cadre d'une
nouvelle collaboration avec Marie-Laure Guillon (actuellement ATER à l'Université de
Reims), qui a réalisé ce type de protocole dans la schizophrénie (Grillon, Johnson, Krebs,
& Huron, 2008).
1.2-
ETATS DE CONSCIENCE, VIEILLISSEMENT ET ACTIVITE PHYSIQUE
Ce nouvel axe de recherche s'inscrit dans le cadre d'une collaboration avec des
collègues de Poitiers, Michel Audiffren, Cédric Albinet, Cédric Bouquet, Lucette
Toussaint, membres d'une équipe qui a été intégrée en 2008 à l'UMR 6234, l'équipe
"Attention et Contrôle (ATCO)". Cette équipe est spécialisée dans la compréhension des
processus sensori-moteurs et cognitifs impliqués dans la réalisation d'habiletés motrices.
Pour cela nous avons obtenu un financement grâce à l'appel d'offre "Longévité et
Vieillissement" et à l'appel d'offre des universités de Tours et de Poitiers. Cette
collaboration impliquera également Louis Bherer de l'Université du Quebec à Montréal
dans le cadre du post-doctorat qu'Aurélia Bugaïska réalisera dans son laboratoire grâce à un
financement du gouvernement canadien. L'intérêt de ce projet est donc d'établir une
nouvelle collaboration entre des chercheurs de secteurs différents, chacun bénéficiant d'une
expertise reconnue internationalement dans son domaine, et dont cet axe se situe à
l'interface. La mise en commun des compétences doit permettre de développer des travaux
dans un champ nouveau ou encore peu développé et qui semble porteur. L'aspect novateur
et prometteur de ce projet est d'étudier l'effet bénéfique de l'activité physique sur le
fonctionnement cognitif des personnes âgées. A terme, ce projet pourrait conduire à
l'élaboration d'un programme d'activités physiques ayant pour objet de ralentir les effets du
Perspectives de recherche
120
vieillissement sur le fonctionnement cognitif, et notamment sur la mémoire et les fonctions
exécutives, qui sont les plus affectées.
Pour cela, deux types d'études pourront être conduites : des études transversales et
des études interventionnelles. Les études transversales consistent à sélectionner des
groupes de participants jeunes et âgés selon leur niveau d’activité physique régulière, c'està-dire selon la propension des personnes âgées à accomplir des activités motrices dans leur
vie quotidienne (marche, bricolage, jardinage, etc.), définissant leur niveau de sédentarité.
L'idée est que d’une manière générale, une plus grande sédentarité est associée à un impact
plus fort du vieillissement. La sédentarité peut-être évaluée par des questionnaire
d’activités physiques et par des méthodes physiologiques objectives (actimètres, tests de
terrain pour estimer la consommation maximale d’oxygène). Les études interventionnelles
consistent à sélectionner des participants jeunes et âgés peu actifs dans leur vie
quotidienne, et à leur proposer un programme d'activités physiques adaptées pendant
plusieurs mois. Les tests cognitifs sont alors réalisés avant et après le programme
d'entraînement.
De nombreuses études transversales (Bunce & Murden, 2006 ; Woo & Sharps, 2003
; Themanson, Hillman, & Curtin, 2006) et interventionnelles (Bixby, Spalding, Haufler,
Deeny, Mahlow, Zimmerman, et al., 2007 ; Rikli & Edwards, 1991) menées chez l’homme
(voir, Boutcher, 2000, et Dustman, Emmerson, & Shearer, 1994, pour des revues de
littérature), ainsi que des études neurobiologiques menées chez l’animal (voir, Churchill,
Galvez, Colcombe, Swain, Kramer, & Greenough., 2002 ; Cotman, Berchtold, & Christie
2007, pour des revues de littérature), montrent que l’exercice chronique permet de ralentir
le déclin des fonctions cognitives au cours du vieillissement normal. Une méta-analyse sur
le sujet (Colcombe & Kramer, 2003) révèle que l’activité physique régulière améliore
sélectivement certaines fonctions cognitives, et plus particulièrement les tâches qui
impliquent les fonctions exécutives telles que la planification, la coordination, l’inhibition
et la mémoire de travail. En moyenne, l’entraînement physique permet d’augmenter les
performances cognitives des sujets, et plus spécifiquement les fonctions exécutives, de 0.5
écart-type, (Renaud & Bherer, 2005). L’entraînement physique de type aérobie apparaît
donc comme un modérateur du déclin lié à l’âge des fonctions exécutives. Une étude
spectaculaire réalisée par Colcombe, Erickson, Scalf, Kim, Prakash, McAuley et al. (2006)
montre qu’après 6 mois d’entraînement, une augmentation du volume du cerveau est
Perspectives de recherche
121
observée et notamment dans les régions cérébrales frontales, préfrontales et pariétales, les
mêmes régions qui déclinent en premier avec l’avancée en âge et qui sont responsables du
dysfonctionnement exécutif (Raz, 2000). Ces études apportent ainsi un support théorique et
empirique tout à fait pertinent pour expliquer le mécanisme qui lie la pratique d’activité
physique de type aérobie et l’amélioration du fonctionnement cognitif des personnes âgées,
et plus particulièrement celle des fonctions exécutives.
Peu d’études cependant ont porté de manière spécifique sur l’effet de l’entraînement
physique sur les capacités mnésiques, et elles rapportent des résultats contradictoires.
Ainsi, certaines montrent un effet positif de l’entraînement physique sur les performances
mnésiques de sujets âgés (Bunce & Murden, 2006 ; Etnier, Nowell, Landers, & Sibley,
2006), alors que d’autres ne l'observent pas (Blumenthal, Emery, Madden, Schniebolk et al.
1991 ; Madden, Blumenthal, Allen, & Emery 1989). Ces résultats contradictoires peuvent
s’expliquer par le fait que dans ces recherches, les auteurs n’ont pas utilisé des protocoles
d'évaluation de la mémoire permettant d’isoler finement les systèmes de mémoire
dépendants de l’intégrité des fonctions exécutives. Or, nos travaux antérieurs sur les états
de conscience associés à la récupération en mémoire montrent que le vieillissement
s'accompagne d'un déficit de conscience autonoétique qui est la conséquence de l'altération
des fonctions exécutives et particulièrement de la réduction de la capacité de mise à jour
des informations en mémoire (Bugaïska et al., 2007 ; Clarys et al., 2009).
En résumé, la littérature indique, d'une part, que l'activité physique semble avoir des
effets positifs sur les fonctions exécutives, et d'autre part que les fonctions exécutives sont
à l'origine du déficit de conscience autonoétique. Dans ce contexte, l’objectif principal de
ce projet est d’étudier les effets, dans le cadre du vieillissement, de l’activité physique
quotidienne et de l'entraînement physique de type aérobie sur les états de conscience
associés à la récupération d'une information en mémoire, et sur les tâches exécutives
spécifiques et complexes (mise à jour, inhibition, flexibilité). Ce projet se déclinera selon
des études transversales, qui consisteront à comparer des participants jeunes actifs et
sédentaires à des participants âgés également divisés en actifs et sédentaires, et des études
interventionnelles dans lesquelles des participants sédentaires se verront proposer un
programmes d'activités physiques aérobies. Dans leur ensemble, ces travaux doivent
permettre de montrer que les personnes âgées peuvent présenter un meilleur niveau de
conscience autonoétique grâce à l'activité physique, et ceci par l'intermédiaire de
Perspectives de recherche
122
l'amélioration du fonctionnement exécutif. Grâce à l'activité physique, les personnes âgées
pourraient opérer un voyage mental dans le temps afin de revivre leur propre passé, les
autorisant ainsi à avoir un sentiment de soi continu dans le temps subjectif, du passé
jusqu'au futur.
1.3-
ETATS DE CONSCIENCE, VIELLISSEMENT, EMOTION ET REFERENCE A SOI
Ce troisième axe de recherche s'inscrit directement dans la continuité de nos travaux
précédents et vise à explorer les facteurs susceptibles de moduler l'effet du vieillissement
sur la conscience autonoétique, notamment à partir des liens avec le soi. Différentes études
ont été réalisées afin d’apprécier l’effet de la connotation émotionnelle sur les
performances mnésiques des personnes âgées. D’une manière générale, il semble qu’avec
l’avancée en âge, un biais pour les mots positifs comparés aux mots négatifs et neutres soit
observé (Charles, Mather & Carstensen, 2003 ; Lockenhoff & Cartensen, 2007 ; Gruhn,
Scheibe & Baltes, 2007 ; Kapucu, Rotello, Ready & Seidl, 2008 ; Thomas & Hasher,
2006). Néanmoins, certaines études ont échoué à mettre un évidence un biais de mémoire
pour les items positifs (Comblain, et al., 2004 ; Denburg, Buchanan, Tranel, & Adolphs,
2003 ; Grady, Hongwanishkul, Keightley, Lee, & Hasher, 2007; Gruhn, Smith, & Baltes,
2005 ; Kensinger, Brierley, Medford, Growdon, & Corkin, 2002 ; Kensinger, Garoff-Eaton,
& Schacter, 2007). Dans l'étude que nous avons réalisée avec le paradigme R/K, et dont les
données sont en cours de traitement suite à une première expertise de l'article, nous avons
même montré que les personnes âgées présentent plus de difficultés pour revivre le
contexte d'encodage lorsqu'il s'agit de mots positifs (Clarys et al., en révision). Toutefois,
cette étude présente deux limites importantes qui nécessitent de la reproduire. En effet,
nous avons fait le choix d'utiliser un protocole mis en œuvre par des collègues anglais
(Dewhurst & Parry, 2000), mais ces auteurs n'ont pas contrôlé l'intensité émotionnelle
suscitée par les mots sélectionnés ainsi que leur cohésion sémantique. Or, la littérature
actuelle semble indiquer que ces deux paramètres sont presque aussi essentiels que la
valence émotionnelle (Talmi, Luk, McGarry, & Moscovitch, 2007). La première phase de
ce projet consistera donc à renouveler cette étude en cours de publication en sélectionnant
des mots connotés dont on aura contrôlé la cohésion sémantique et l'éveil émotionnel qu'ils
suscitent.
Perspectives de recherche
123
Par ailleurs, dans un autre travail en cours de publication (Bugaïska et al., en
révision), nous avons mis en évidence que les personnes âgées profitaient davantage que
les jeunes d’un encodage en référence à soi pour augmenter leur conscience autonoétique,
ce qui les amène dans cette condition à obtenir un niveau de conscience autonoétique
comparable à celui des sujets jeunes. Ceci peut s'expliquer par le fait qu’un item traité en
référence à soi est directement intégré à la structure des connaissances sur soi, élément
central et complexe de la cognition issu de la mémoire autobiographique. Ainsi relié au soi
du sujet, l’item jugé en référence à soi à l’encodage serait alors, au moment de sa
reconnaissance, accompagné d’une trace subjective permettant le souvenir de son contexte
d’encodage selon une perspective personnelle. Cet accent mis sur la dimension personnelle
lors de la phase d’encodage permettrait de créer un lien, au moment de la récupération,
entre le soi vivant celle-ci et le soi ayant vécu l’épisode au cours duquel l’item est apparu
pour la première fois. On peut alors penser que les adultes jeunes réalisent plus
spontanément ce type de lien avec le soi que les personnes âgées, ce qui explique que ces
dernières bénéficient plus que les jeunes de l'effet de référence à soi. Par ailleurs, cet effet
devrait être particulièrement conséquent en présence d'informations émotionnelles.
A ce jour, aucune étude n’a été réalisée en intégrant simultanément les facteurs âge,
encodage en référence à soi, et connotation émotionnelle du matériel pour apprécier leur
effet sur les deux états de conscience associés à la récupération mnésique. Notre projet
consiste donc à conduire ce type d'étude ce qui s'inscrit directement dans la continuité de
nos deux travaux récents sur l'effet de référence à soi (Bugaïska et al., en révision) et sur la
valence émotionnelle (Clarys et al., en révision). Cette nouvelle étude doit permettre de
préciser le rôle des informations émotionnelles dans l'effet de l'âge sur la conscience
autonoétique et d'examiner l’effet combiné de l’âge, de la référence à soi et de la
connotation émotionnelle des mots sur les états de conscience.
Si ce type de projet articulant la conscience de soi et la conscience autonoétique
nous semble pertinent dans le vieillissement normal, il nous semble qu'il l'est encore plus
dans la maladie d'Alzheimer, ce qui nous conduit à proposer des projets concernant cette
pathologie.
Perspectives de recherche
124
III – LES ETATS DE CONSCIENCE DANS LA MALADIE D'ALZHEIMER
La maladie d’Alzheimer est une pathologie neurodégénérative affectant
principalement les aires cérébrales du cortex associatif telles que les régions frontale,
temporale et pariétale (Buckner, Snyder, Shannon, LaRossa, Sachs, Fotenos et al., 2005 ;
Herholz, Salmon, Perani, Baron, Holthoff, Frolich et al., 2002 ; Salmon, Lespagnard,
Marique, Herhol, Perani, Holthoff et al., 2005a ; Salmon, Perani, Herholz, Marique, Kalbe,
Holthoff et al., 2005b). Ainsi, deux types de lésions la caractérisent sur le plan
neurophysiologique : les plaques séniles et la dégénérescence neurofibrillaire. Leur
présence associée et abondante définit la maladie et conduit à terme à une atrophie corticale
marquée. Sur le plan clinique, cette affection se traduit par un déclin progressif de la
fonction mnésique associé à une perturbation des autres fonctions cognitives dites
supérieures que sont le langage, le raisonnement ou encore la capacité de jugement. Les
troubles de la mémoire épisodique sont considérés comme initiaux et sont généralement
suffisamment sévères pour perturber la vie quotidienne du patient. Ces troubles
s’expriment en effet sous la forme de difficultés à se souvenir des évènements de l’actualité
récente ou d’oublis divers, comme par exemple la prise de médicament ou le paiement des
factures.
Il existe très peu d’études concernant l’évolution des états de conscience associés à
la récupération en mémoire au cours de la maladie d’Alzheimer. Dans une première étude,
assez ancienne, et incluant seulement douze participants par groupe, Dalla Barba (1997) a
montré que le nombre de réponses R produites par les malades Alzheimer était plus faible
que celui des sujets du groupe contrôle. Au contraire, le nombre de réponses K émises par
les patients était similaire à celui de ce dernier groupe. Ceci a également été rapporté par
Piolino Desgranges, Belliard, Matuszewski, Lalevée, De la Sayette et al. (2003), en
utilisant une tâche de mémoire autobiographique : les patients présentent des difficultés
pour revivre mentalement les évènements qui les ont concernés. Ce manque d'étude dans ce
domaine est assez paradoxal puisque la maladie d'Alzheimer entraîne une détérioration
progressive, continue et sans rémission des fonctions supérieures et les premiers signes
cliniques sont des troubles de mémoire (troubles de l'encodage, du stockage, et de la
récupération).
Ce projet vise à confirmer les résultats obtenus par Dalla Barba (1997), et à tester le
rôle de la conscience de soi et des émotions dans le déficit de conscience autonoétique. En
Perspectives de recherche
125
effet, un défaut d’actualisation des connaissances sur soi dans la maladie d'Alzheimer a
notamment été mis en évidence dans une étude récente (Rankin, Baldwin, Pace-Stavitsky,
Kramer, & Miller, 2005). Les auteurs montrent que lorsque l’on demande aux patients de
s’évaluer sur une liste d’adjectifs, le profil de personnalité qu’ils décrivent correspond à
leur personnalité pré-morbide. Ces résultats vont dans le sens d’une difficulté, chez les
malades Alzheimer, à mettre à jour les connaissances qu’ils ont d’eux-mêmes, et
notamment à prendre en compte les modifications de leur personnalité induites par la
maladie. Par ailleurs, dans le cadre de l'étude de l’anosognosie dans la maladie
d’Alzheimer, certains auteurs suggèrent que ce déficit d’actualisation de la conscience de
soi pourrait être lié à une composante exécutive (Agnew & Morris, 1998). Or, des troubles
exécutifs ont été mis en évidence dans la maladie d'Alzheimer, parfois même à un stade
précoce (Collette, Delrue, Van der Linden, & Salmon, 2001 ; Logie, Cocchini, Delia Sala,
& Baddeley, 2004, Baudic, Dalla Barba, Thibaudet, Smagghe, Remy, & Traykov, 2006).
Enfin, dans le vieillissement normal, nous venons de montrer que le déficit de conscience
autonoétique tient son origine dans le déficit de la fonction exécutive de mise à jour chez
les sujets âgés (Clarys et al., 2009).
L’ensemble de ces données conduit donc à l’idée qu’un déficit de mise à jour
pourrait aussi être à l'origine du déficit de conscience autonoétique observé chez les
patients Alzheimer. En effet, l’altération de cette fonction exécutive, qui refléterait la
composante exécutive intervenant dans l'anosognosie (Agnew & Morris, 1998), pourrait
être à l’origine du déficit d’actualisation des informations sur le soi, conduisant à un
trouble spécifique de mémoire épisodique, signe clinique caractéristique de la maladie.
Ainsi, dans ce projet, nous chercherons à savoir si la perte des connaissances sur soi induite
au cours de la maladie intervient dans les difficultés de mémoire rencontrées au quotidien
par les patients Alzheimer. L’hypothèse sous-jacente consiste à penser que, sans une
représentation de soi cohérente et pérenne, le patient se trouve dans l’incapacité d’inscrire
son histoire de vie dans un continuum de temps s’étendant du passé au futur, ce qui
pourrait intervenir dans l’effacement progressif des souvenirs du malade, même les plus
récents.
Concernant le rôle de l'émotion dans le déficit de mémoire épisodique des patients
Alzheimer, les travaux conduits avec des mesures classiques et globales de mémoire ont
apporté des résultats contradictoires. Certains travaux ont montré que les patients
Perspectives de recherche
126
Alzheimer reconnaissaient moins bien les images négatives (Abrisqueta-Gomez, Bueno,
Oliveira, & Bertolucci, 2002 ; Hamann, Monarch, & Goldstein, 2000 ; Kensinger et al.,
2002), les images positives (Kensinger et al., 2002), les mots positifs et négatifs et les
phrases négatives (Kensinger et al., 2002). D’autres, à l’opposé, ont montré que les images
positives (Hamann, Monarch, & Goldstein., 2000) et les récits négatifs étaient mieux
rappelés (Kazui, Mori, Hashimoto, Hirono, Imamura, Tanimukai et al., 2000). Ces
différences de résultats ont été imputées au fait que les échantillons étaient trop faibles et
que ces personnes n’étaient pas toutes au même stade de la maladie et donc n’avaient pas
toutes les mêmes lésions au niveau amygdalien. Or, les études en neuro-imagerie ont
permis de montrer une activation de l’amygdale lors de l’encodage d’une information
émotionnelle (Hamann, 2001 ; Mather, Canli, English, Whitfield, Wais, Ochsner et al.
2004 ; Maddock Garrett, & Buonocore, 2003). Cette structure étant préservée au début de
la maladie, l'objet de ce projet est d'examiner l’hypothèse que les patients Alzheimer
débutants pourraient bénéficier de l’effet des émotions sur la mémorisation. A ce jour,
aucune étude portant sur l'effet de la valence émotionnelle des informations n'a été réalisée
dans le cadre du paradigme R/K chez ces patients. Cet axe de recherche nouveau sur la
maladie d'Alzheimer fait l'objet de la thèse de Sandrine Kalenzaga.
IV – ETATS DE CONSCIENCE ET STRESS POST-TRAUMATIQUE
La mise en place de cette nouvelle collaboration avec Wissam El Hage s'est révélée
être très productive, puisqu'elle a déjà permis la publication de deux revues de littérature,
comblant ainsi un vide, et de deux articles expérimentaux avec des résultats très novateurs,
le deuxième étant sur le point d'être accepté pour publication. Ceci a été réalisé
essentiellement dans le cadre de l'encadrement de la thèse de Géraldine Tapia, mais les
travaux se poursuivent depuis sa soutenance et de nouveaux projets vont se mettre en
place. Sur le plan scientifique, plusieurs éléments ressortent de nos revues de littérature. Il
apparaît que les troubles cognitifs des patients PTSD concernent principalement la
mémoire explicite, la mémoire de travail, et les fonctions exécutives. Toutefois, concernant
la mémoire explicite, nous constatons que les informations à connotation traumatique sont
mieux rappelées, chez les participants souffrant de PTSD, que les informations neutres ou
positives traduisant ainsi un biais de mémoire pour ces éléments. Un phénomène similaire
Perspectives de recherche
127
est observé pour la mémoire implicite, puisque l'effet d’amorçage est plus important pour
les informations en lien direct avec le traumatisme, chez les patients PTSD.
Nos travaux expérimentaux sur les états de conscience associés à la récupération en
mémoire ont montré que les patients PTSD présentent un déficit dans la remémoration
consciente du souvenir. Au contraire, nous avons observé une augmentation simultanée des
reconnaissances impliquant la conscience noétique. Ce résultat suggère que dans le PTSD,
le processus de reconnaissance fonctionne efficacement mais principalement grâce au
versant noétique du souvenir. Cette observation pourrait suggérer que la composante
noétique du souvenir est particulièrement efficace chez les sujets souffrant de PTSD.
Cependant, au regard du déficit de conscience autonoétique observé dans le PTSD, il
semble plus logique de proposer que l’augmentation des reconnaissances impliquant la
conscience noétique ne soit que le reflet de l’accès limité à la composante autonoétique du
souvenir. Aussi, la conscience autonoétique dépendant du système de mémoire épisodique
(Tulving, 1995), on peut considérer le PTSD comme une pathologie altérant la conscience
que le sujet a de lui-même dans le temps.
Nous avons également montré qu'en présence d’une connotation émotionnelle
négative, les patients PTSD présentent un accès anormalement facilité à la remémoration
consciente du souvenir. Ceci pourrait traduire une vigilance particulière de ces patients à
l'égard des stimuli susceptibles de déclencher les souvenirs intrusifs du traumatisme. En
effet, les patients étant incapables d’interrompre la survenue angoissante de pensées
intrusives en lien avec le traumatisme, ils pourraient mettre en place des processus
d’évitement de tout indice se rapportant à cet évènement. Ceci pourrait les amener à porter
une attention particulière à l'égard de ces stimuli favorisant ensuite leur reviviscence.
Ainsi, il existerait un lien entre les intrusions en mémoire et l’état de conscience
autonoétique. En effet, la remémoration consciente associée au vécu d’un évènement
favorise sa répétition en mémoire, et plus un évènement est répété et plus cet évènement a
de chance d’être efficacement maintenu en mémoire. De plus, le ressenti émotionnel
intense vécu lors de l’évènement traumatique vient s’ajouter à cette réciprocité. L’état de
conscience autonoétique serait donc impliqué, en partie en tout cas, dans le maintien des
intrusions en mémoire. D’un coté, les souvenirs répétitifs du traumatisme surviendraient de
manière indirecte, soudaine et intrusive de par les connexions sémantiques non conscientes
qui s’y jouent. D’un autre côté, une fois le souvenir atteint, sa récupération serait
Perspectives de recherche
128
particulièrement consciente puisqu’elle s’accompagne de la reviviscence caractéristique de
l’état de conscience autonoétique. Finalement, cette idée suggère que le souvenir en lien
avec le traumatisme ne serait récupéré que de manière involontaire et indirecte mais qu'une
fois recouvré, il serait si vivace qu’il entraînerait une mémorisation accrue. Ces souvenirs
intrusifs sont centraux dans la problématique du PTSD, puisque ce sont eux qui plongent le
sujet souffrant de PTSD dans un état d’anxiété permanente. Aussi, comprendre les
mécanismes cognitifs impliqués dans l’apparition des pensées intrusives constitue un
véritable champ de recherche théorique qu’il est crucial de couvrir si l’on veut pouvoir
diminuer la fréquence de ces symptômes.
Un des moyens d’étudier l’impact des pensées intrusives dans les troubles cognitifs
est d’induire artificiellement un état émotionnel (négatif ou positif), les pensées intrusives
variant avec l’humeur des sujets (Seibert & Ellis, 1991). Des études chez les sujets sains
ont en effet montré que les sujets soumis à une induction négative ou positive rapportaient
davantage de pensées intrusives que les sujets non induits (Ellis, Moore, Varner, Ottaway,
& Becker, 1997 ; Ellis, Thomas, McFarland, & Lane, 1985 ; Seibert & Ellis, 1991). Selon
Ellis & Ashbrook (1988), lors de l’induction d’un état émotionnel, l’augmentation du
nombre de pensées intrusives mobiliserait des ressources attentionnelles qui feraient alors
défaut pour la réalisation de la tâche en cours.
La conscience autonoétique impliquant des ressources attentionnelles lors de
l'encodage (voir Clarys, 2001), nous pouvons penser que le déficit de conscience
autonoétique que nous avons précédemment observé chez les patients PTSD (Tapia et al.,
2007b) pourrait provenir du fait que ces patients présentent de manière récurrente, des
pensées intrusives. Notre projet consiste donc à soumettre un groupe de patient PTSD et un
groupe témoin à une situation d'induction neutre et négative avant le paradigme R/K pour
montrer que la conscience autonoétique est spécifiquement perturbée sous induction
émotionnelle négative. Toutefois, les patients PTSD étant constamment envahis par de
nombreuses pensées intrusives, ils ont pu, avec le temps, développer des stratégies
adaptatives permettant d’y faire face. Si tel est le cas, l'induction négative pourrait ne pas
avoir d'incidence chez ces patients alors que l'incidence pourrait être forte chez les sujets
témoins qui ne sont pas familiers de ces phénomènes intrusifs.
Par ailleurs, dans la deuxième étude que nous avons réalisée, nous avons montré
qu'en présence d’une connotation émotionnelle négative, les patients PTSD présentent un
Perspectives de recherche
129
accès anormalement facilité à la remémoration consciente du souvenir. Nous avons
interprété ce résultat comme étant la conséquence de la vigilance particulière des patients
PTSD à l'égard des stimuli qui pourraient potentiellement déclencher l’apparition de
souvenirs traumatiques (stimuli anxiogènes). Les patients pourraient donc focaliser
davantage leur attention sur ces stimuli et en conséquence présenter des difficultés pour les
inhiber. Pour tester cette possibilité, l'épreuve du Stroop émotionnel apparaît
particulièrement pertinente. A la différence du Stroop "classique", dans cette épreuve les
noms de couleurs sont remplacés par des mots connotés. Les résultats des études ayant
manipulé la connotation émotionnelle des mots dans la tâche du Stroop montrent que les
sujets souffrant de PTSD mettent davantage de temps pour dénommer la couleur des mots
en lien avec le traumatisme que celle des mots positifs ou neutres (pour revue, McNally,
1998). Les auteurs s’accordent pour interpréter ce temps supplémentaire comme le résultat
d’un biais attentionnel envers le matériel anxiogène, qui rend irrépressible son traitement.
L’explication communément admise est que ce déficit d’inhibition est produit par le même
processus qui entraîne les intrusions irrépressibles du souvenir traumatique (McNally,
1998). Un point reste cependant moins clair, c’est de savoir si ce délai dans la
dénomination des couleurs provient effectivement d’un déficit d’inhibition (la signification
des mots liés au traumatisme est particulièrement difficile à enrayer) ou s’il n’est que le
reflet d’une plus grande accessibilité pour les mots liés au traumatisme (McNally, 1998).
Il nous semble que pour avancer sur cette question, une démarche pertinente est
d'induire un état émotionnel particulier et de soumettre les patients PTSD à une tâche de
Stroop classique. A notre connaissance, ce type d'étude n'a jamais été réalisé. Notre projet
consiste donc à déclencher des pensées intrusives (induction négative) et à tester le
processus d'inhibition sans utiliser du matériel connoté ou traumatique afin d’éliminer la
possibilité que ce soit le niveau élevé d’activation de ces informations qui entraîne le biais
attentionnel. Afin d'avoir une base de comparaison, ce projet inclura également une tâche
de Stroop émotionnel (avec des mots connotés ou traumatiques). Un groupe de patients
PTSD et un groupe de sujets témoins seront donc soumis à une situation d'induction
négative avant de passer la tâche habituelle de Stroop et la tâche du Stroop émotionnel. De
manière à vérifier que l'effet de l'induction passe par l'augmentation des pensées intrusives,
nous tenterons d'évaluer leur nombre dans les différentes conditions. Il sera alors possible
d'étudier leur relation avec les déficits d'inhibition.
Perspectives de recherche
130
L'idée sous-jacente à ces projets est qu'il existe un lien entre les déficits d'inhibition
et les troubles de conscience autonoétique qui pourrait être la conséquence d'un biais
attentionnel pour les stimuli anxiogènes et/ou d'un déficit d'inhibition des pensées
intrusives, les deux phénomènes pouvant s'alimenter l'un et l'autre. Une autre piste pour
explorer ces liens est de mettre en place une étude qui permettrait d'examiner au sein d'un
même protocole l'implication du mécanisme d'inhibition dans l'accès à la conscience
autonoétique en fonction de la valence du matériel. Pour cela, il nous semble que la tâche
d'oubli dirigé associée au paradigme R/K et la tâche d'amorçage négatif également associée
au paradigme R/K sont particulièrement adaptées. En effet, ces deux épreuves sont
classiquement utilisées dans la littérature pour évaluer les capacités d'inhibition, en
particulier en lien avec la mémoire. Le principe de la tâche d'oubli dirigé est de présenter
des items un à un et d'indiquer au sujet seulement après chaque item s'il doit le mémoriser
ou l'oublier. Ensuite, on demande au sujet de rappeler tous les mots à mémoriser, puis de
rappeler l'ensemble des mots. Chez les sujets sains on observe une meilleure restitution des
mots à mémoriser que des mots à oublier. Ceci est appelé l'effet d'oubli dirigé. Les mots à
oublier qui sont restitués traduisent des déficits d'inhibition mnésique.
Dans une tâche d'amorçage négatif, le sujet doit dénommer à chaque essai un
stimulus parmi deux, l'un étant le distracteur, l'autre la cible, ceci étant défini par leur
emplacement ou leur couleur par exemple. Si à l'essai suivant, l'item précédemment
distracteur devient la cible, on constate un ralentissement du temps mis par le sujet pour le
dénommer ou une augmentation du nombre d'erreurs. Cet effet est appelé l'effet d'amorçage
négatif. Il est expliqué en considérant l'existence d'un processus attentionnel inhibiteur.
Ainsi, au premier essai, le stimulus ayant un statut de distracteur fait l'objet d'un processus
d'inhibition active. Lorsqu'à l'essai suivant, ce stimulus devient la cible, un temps
supplémentaire est nécessaire afin de surmonter le résidu d'inhibition lié à l'essai précédent.
La situation d'amorçage est comparée à une situation contrôle dans laquelle ni la cible, ni le
distracteur ne sont répétés.
Notre projet consiste à utiliser ces deux épreuves d'inhibition à partir de mots
connotés et à les compléter par une tâche de reconnaissance avec le paradigme R/K, chez
des patients PTSD et des sujets contrôles. Ceci permettra d'explorer directement les
troubles d'inhibition des patients PTSD pour les mots négatifs ou traumatiques et
l'incidence de ces troubles sur la conscience autonoétique.
Perspectives de recherche
131
A terme, ces projets, qui visent à clarifier les liens entre les troubles de conscience
autonoétique, l'inhibition, et les pensées intrusives dans un contexte émotionnel pourraient
fournir de nouvelles orientations thérapeutiques. En effet, compte tenu de la
symptomatologie du trouble et notamment des phénomènes d’intrusions qui le
caractérisent, on peut penser que ce défaut d’inhibition est à l'origine de la récurrence de ce
phénomène. Aussi, on pourrait imaginer que parallèlement à l’évolution positive de la
récupération de la fonction d’inhibition sur le plan cognitif, on pourrait assister à une
diminution du symptôme le plus récurent du PTSD que représentent les intrusions
mnésiques.
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