COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL
DE NANTES
N° 16NT01135
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Mme Laurence BLANCHET
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M. Mony
Rapporteur
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M. Durup de Baleine
Rapporteur public
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Audience du 18 novembre 2016
Lecture du 5 décembre 2016
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C
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La Cour administrative d'appel de Nantes
5ème chambre
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme Blanchet a demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler l’arrêté en date
du 3 février 2011 par lequel le président de Brest Métropole Océane a accordé à la société Iroise
Promotion une autorisation de construire portant sur l’édification d’un immeuble d’habitat
collectif de neuf logements et l’arrêté en date du 17 avril 2013 portant permis de construire
modificatif de ce projet.
Par un jugement n°1101323-1303761 du 5 février 2016, le tribunal administratif de
Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1 avril 2016, complétée par un mémoire enregistré le 17
octobre 2016, Mme Blanchet, représentée par Me Vallantin, demande à la cour, dans le dernier
état de ses écritures :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 février 2016 ;
2°) d’annuler les autorisations de construire délivrées les 3 février 2011, 17 avril 2013,
5 octobre 2015 et 20 novembre 2015 à la société Iroise Promotion par Brest Métropole Océane ;
3°) de mettre 3 000 euros à la charge de Brest Métropole Océane au titre de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative.
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Mme Blanchet soutient que :
- c’est à tort que le tribunal administratif a jugé que l’avis de l’Architecte des Bâtiments
de France (ABF) avait pu rendre un avis favorable à la demande de permis de démolir, l’avis
ayant été rendu sans que l’ABF n’ait un dossier complet en sa possession, et cet avis ne précisant
pas formellement qu’il était favorable au permis de démolir ;
- le dossier de demande de permis de construire n’était pas suffisant pour permettre une
instruction sérieuse du dossier, alors même que le projet situé se trouve situé dans une zone de
protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) ;
- les prescriptions réglementaires de la ZPPAUP n’ont pas été respectées, en particulier
ses articles 2, 6, 7 et 9 et 7 ;
- le projet litigieux méconnaît les dispositions de l’article UA 9 du règlement du plan
d'occupation des sols communal ;
- le projet litigieux méconnaît les dispositions de l’article R. 431-13 du code de
l'urbanisme ;
- le projet litigieux méconnaît les dispositions de l’article UA 6 du plan d'occupation des
sols communal ;
- le projet litigieux méconnaît les dispositions de l’article UA 13 du plan d'occupation
des sols communal ;
- le projet litigieux méconnaît les dispositions de l’article R. 111-21 du code de
l'urbanisme et de l’article UA 11 du règlement du plan d'occupation des sols communal.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2016, complété par un mémoire
enregistré le 19 octobre 2016, la société Iroise Promotion et la communauté urbaine Brest
Métropole Océane, représentées par la Selarl Le Roy, Gourvennec et Prieur concluent au rejet de
la requête et à ce qu’une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme Blanchet en
application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Iroise Promotion et BMO font valoir qu’aucun des moyens d’annulation
soulevés par Mme Blanchet n’est fondé.
L’instruction a été close au 21 octobre 2016, date d’émission d’une ordonnance prise en
application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice
administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
- le rapport de M. Mony,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- et les observations de Me Halna du Fretay, substituant Me Vallantin, représentant
Mme Blanchet, et de Me Quantin, représentant Brest Métropole Océane et la société Iroise
Promotion.
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1. Considérant que Mme Blanchet relève appel du jugement en date du 5 février 2016
par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses recours en annulation des arrêtés du
président de Brest Métropole océane (BMO) des 3 février 2011 et 17 avril 2013 portant
respectivement permis de construire et de démolir et permis de construire modificatif au profit de
la société Iroise Promotion en vue de l’édification d’un immeuble d’habitat collectif ;
Sur l’étendue du litige :
2. Considérant que Mme Blanchet demande à la cour, dans le récapitulatif de ses
conclusions, l’annulation des arrêtés en date des 5 octobre et 17 novembre 2015 portant permis
de construire modificatifs au profit de la société Iroise Promotion ; que de telles conclusions,
nouvelles en appel, sont, par suite, irrecevables et doivent être rejetées ;
Sur la légalité de l’arrêté du 3 février 2011 :
3. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 451-1 du code de
l’urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : « Lorsque la démolition est nécessaire à une
opération de construction ou d'aménagement, la demande de permis de construire ou
d'aménager peut porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement. Dans
ce cas, le permis de construire ou le permis d'aménager autorise la démolition. » ; qu’aux termes
de l’article R. 421-28 de ce même code, dans sa rédaction applicable à l’espèce : « Doivent en
outre être précédés d'un permis de démolir les travaux ayant pour objet de démolir ou de rendre
inutilisable tout ou partie d'une construction : (…) c) Située dans le champ de visibilité d'un
monument historique défini à l'article L. 621-30-1 du code du patrimoine ou dans une zone de
protection du patrimoine architectural, urbain et paysager créée en application de l'article L.
642-1 du code du patrimoine ; (…) » ; qu’aux termes du point 2 des dispositions générales du
règlement de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) du
centre-ville de Brest : « (…) l’avis conforme de l’architecte des bâtiments de France concerne
tous les travaux sur la totalité des surfaces incluses dans le périmètre de la Z.P.P.A.U.P.(…) » ;
qu’aux termes du point 3 des dispositions générales de ce même règlement : « (…) le permis de
démolir est soumis à l’avis conforme de l’architecte des bâtiments de France » ;
4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’Architecte des Bâtiments de
France (ABF) a été saisi le 8 novembre 2010 d’une demande d’avis portant sur le projet en
litige ; qu’il ressort des mêmes pièces que la demande présentée par le pétitionnaire, la société
Iroise Promotion, faisait expressément mention de ce que le projet d’édification d’un immeuble
d’habitat collectif devait être précédé de la démolition de la construction présente sur le terrain
d’assiette du projet ; que le dossier du pétitionnaire comportait à la fois une demande de permis
de construire et une demande de permis de démolir ; que, même si l’avis de l’ABF ne fait
effectivement mention dans son en-tête que de la seule demande de permis de construire, il ne
peut toutefois être regardé autrement que comme portant sur l’ensemble des autorisations
sollicitées ; que cet avis, qui date du 2 novembre 2010, même si le dossier du pétitionnaire a
ensuite été complété par des pièces qui ont été produites le 17 décembre 2010, soit après que
l’ABF a rendu son avis, doit lui-même être regardé comme ayant été rendu au vu d’un dossier
suffisamment complet, comportant notamment une notice explicative du projet, un
photomontage d’insertion et des éléments de localisation de celui-ci, ainsi que des photos de son
environnement proche, de tels documents permettant d’apprécier de manière suffisamment
précise l’impact du projet sur son environnement ; que le moyen tiré du caractère irrégulier de
l’avis émis par l’ABF au sujet du projet litigieux ne peut ainsi qu’être écarté en ses différentes
branches ;
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5. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article R. 431-10 du code de
l'urbanisme : « Le projet architectural comprend également : a) Le plan des façades et des
toitures ; lorsque le projet a pour effet de modifier les façades ou les toitures d'un bâtiment
existant, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / b) Un plan en coupe précisant
l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour
effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / c) Un
document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux
constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et
du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement
dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin
n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés
sur le plan de situation et le plan de masse » ;
6. Considérant que si Mme Blanchet reproche au document graphique d’insertion de ne
pas faire figurer sa propre maison, sise au 8 de la rue Bougainville, directement voisine du projet
en litige, il ressort des pièces du dossier que celui-ci comporte plusieurs éléments, notamment
des photographies de l’environnement proche, où la maison de Mme Blanchet est visible,
permettant d’apprécier les caractéristiques essentielles de cette construction, en particulier son
volume, lequel apparaît assez proche de celui de l’autre maison également mitoyenne du projet,
située au 12 de la rue de Bougainville ; que le document de photomontage qui figure au dossier
de demande de permis de construire, qui fait apparaître cette dernière construction, permet ainsi
d’apprécier de manière suffisamment réaliste l’impact du projet sur l’environnement bâti
voisin, ; que la différence de hauteur entre le projet litigieux et la maison de Mme Blanchet,
laquelle n’est pas excessive compte tenu de la hauteur d’autres constructions proches, pouvait
sans difficulté particulière se déduire des photographies figurant par ailleurs au dossier ; que la
circonstance particulière que le projet soit situé dans le périmètre d’une ZPPAUP ne faisait en
tout état de cause pas obstacle à la possibilité offerte au service instructeur ou à l’Architecte des
Bâtiments de France d’instruire, même en l’absence de certaines pièces, un dossier d’autorisation
d’urbanisme, dès lors que ces manquants ne faisaient pas obstacle à la vérification de la
conformité du projet aux règles que ces autorités sont chargées de faire appliquer ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 2 des dispositions générales
du règlement de la ZPPAUP du centre ville de Brest : « (…) Tout projet de nature à porter
atteinte à l’intérêt et à la qualité des lieux au sein de la ZPPAUP peut être refusé ou faire l’objet
de prescriptions particulières (…) » ;
8. Considérant que le projet litigieux prend la forme d’un immeuble d’habitat collectif
de six niveaux assorti d’une toiture en terrasse, situé à l’alignement de la rue, de volume simple,
comportant une façade en béton de ton clair assortie de parements en béton lazuré et menuiseries
en aluminium gris foncé ; qu’il se situe au sein d’un îlot qui, même s’il est en partie constitué de
maisons individuelles du XIXe siècle ou de la première partie du XXème siècle, comporte déjà
lui-même plusieurs immeubles d’habitat collectif récents, d’un gabarit très proche de celui du
projet litigieux et ne présente pas ainsi un habitat homogène ; que si la maison de Mme Blanchet
est effectivement identifiée au sein du quartier Kerigonan comme un « immeuble urbain à faible
ornementation », un tel classement en tant que bâtiment appartenant à une « typologie
architecturale particulière », selon les termes mêmes des dispositions générales du règlement de
la ZPPAUP, se borne à identifier des « constructions représentatives du patrimoine architectural
brestois dont la conservation est recommandée, cependant leur démolition peut être autorisée si
elle ne crée pas une situation urbaine dévalorisant la qualité de l’environnement bâti et naturel » ;
qu’il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux, lequel a fait l’objet d’un avis favorable
de l’ABF, présente des caractéristiques architecturales qui sont en cohérence avec les
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prescriptions réglementaires de la ZPPAUP relatives à l’aspect extérieur des constructions
neuves ; qu’il ne ressort pas, en revanche, des pièces du dossier que ce même projet se situerait
en rupture avec l’environnement bâti de la rue Bougainville ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes de l’article 6 des prescriptions
règlementaires du règlement de la ZPPAUP : « Toute extension, surélévation ou construction
neuve sera réglée sur la hauteur des constructions les plus proches (à l’exception des
constructions existantes dont la hauteur serait trop élevée ou trop basse par rapport à celle des
constructions du secteur (…) » ;
10. Considérant qu’il ressort des dispositions précitées que celles-ci n’imposent
nullement aux constructions nouvelles d’aligner leur hauteur sur celle des seules constructions
qui leur sont immédiatement voisines mais de prendre en compte l’ensemble des constructions
proches du secteur ; qu’il ressort des pièces du dossier que, si les maisons situées aux numéros 8
et 12 de la rue Bougainville sont de format R + 2 + combles, plusieurs bâtiments voisins de ces
maisons sont eux même de type R + 5 ; que le secteur considéré ne présente pas ainsi
d’homogénéité en ce qui concerne la hauteur des constructions qui s’y trouvent implantées ; que
le projet litigieux, lui-même de format R + 5, quoique plus haut que les constructions voisines,
n’apparaît nullement en rupture par rapport à celles-ci, ainsi qu’en attestent d’ailleurs les vues
des pignons Est et Ouest, où se trouvent reportées les gabarits des constructions immédiatement
voisines, qui figurent au dossier du permis ; que le moyen tiré de la méconnaissance des règles
des hauteurs des constructions du règlement de la ZPPAUP ne peut ainsi qu’être écarté ;
11. Considérant, en cinquième lieu, que Mme Blanchet soutient que le projet litigieux
méconnaît les prescriptions réglementaires posées par le c de l’article 7 du règlement de la
ZPPAUP relatives à l’aspect extérieur des constructions neuves, en ce qu’il ne reprend pas les
dimensions de l’ancienne construction, qu’il ne respecte pas la cohérence volumétrique des
constructions voisines, qu’il ne respecte pas les règles de hauteur et qu’il utilise des matériaux et
des couleurs non autorisées ;
12. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, d’une part, et contrairement à ce
que soutient Mme Blanchet, les dispositions précitées n’imposent nullement au projet litigieux
de reprendre à l’identique les dimensions de l’ancienne construction qui se trouvait
précédemment implantée sur place, mais uniquement de tenir compte de l’architecture des
constructions voisines, notamment en ce qui concerne leur volume, les matériaux et les couleurs
à employer, de façon à assurer une cohérence d’ensemble du bâti ;
13. Considérant, d’autre part, qu’il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce
que soutient également Mme Blanchet, les différents éléments de la façade Nord ne seront pas
peints en rouge, le projet se limitant à souligner d’un trait d’une telle couleur les différents
niveaux de la construction ; que la présence sur la façade Nord d’éléments se situant légèrement
en saillie, sur une profondeur d’environ 80 centimètres, n’est pas expressément prohibée par
l’article 7 ; qu’il en va de même de l’usage du béton, l’utilisation du granit appareillé étant
seulement recommandée dans les sites sensibles de la ZPPAUP identifiés comme « point fort de
composition architecturale et urbaine », ce qui n’est pas le cas de la rue Bougainville ; que la
teinte naturelle du bardage bois prévu par le projet ne concerne que la façade Sud du projet, non
visible de la rue mais uniquement du cœur d’îlot ; que, comme indiqué aux points 8 et 10, le
projet litigieux se situe en cohérence volumétrique avec les constructions déjà présentes dans
cette rue et présente une hauteur qui, quoi que supérieure à celle des constructions
immédiatement voisines, n’est pas en rupture avec celle des constructions du secteur ; que le
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