Prise de position - Dipendenze Svizzera

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Prise de position d’Addiction Info Suisse sur la révision totale de la
Loi sur l’alcool (LAlc)
Appréciation générale du projet de loi
La révision totale de la Loi sur l’alcool offre une opportunité unique de traiter la
consommation d’alcool en tant que préoccupation de santé publique. C’est aussi l’occasion
de créer une base légale d’avenir, qui intègre les acquis de la science et de la pratique tant
au niveau des effets et des conséquences de la consommation d’alcool que de l’efficacité
des mesures de la politique en matière d’alcool
Addiction Info Suisse estime que le présent projet de loi ne le fait malheureusement pas
suffisamment. Nous regrettons infiniment que ledit projet ne tienne pas compte des
enseignements scientifiques relatifs aux conséquences sanitaires et sociales de la
consommation d’alcool et à l’efficacité des mesures structurelles en la matière. Le projet de
loi fait également fi des recommandations de la "Stratégie alcool" de l’Organisation mondiale
de la santé (OMS). Il semble au contraire que les principes de la liberté du commerce
prédominent dans ce projet de loi face aux intérêts de la santé publique.
Addiction Info Suisse regrette que ce projet n’engage pas plus fortement la responsabilité
des acteurs sociaux de tous les domaines concernés, afin de contribuer à réduire l’impact de
la problématique alcool. La consommation problématique d’alcool touche en effet tous les
groupes et toutes les couches de la population; elle n’est pas un problème qui se règle
seulement au niveau individuel mais constitue un thème central de santé publique. Aussi estce une tâche de l’Etat et donc du législateur de protéger la collectivité des effets nocifs de
cette consommation. En ce sens, les mesures structurelles y relatives doivent bénéficier d’un
ancrage légal.
Quelques exemples:
 Certaines mesures tarifaires telles que l’adaptation du taux d’imposition des
spiritueux au renchérissement et l’imposition des boissons alcooliques en fonction de
leur teneur en alcool peuvent être très facilement mises en œuvre et sont des
mesures dont l’efficacité est largement éprouvée dans la littérature scientifique: pour
contribuer à éviter ou diminuer la consommation problématique d’alcool. Or de telles
mesures ne figurent dans aucun des deux projets de lois présentés.
 De même regrettons-nous l’absence de restrictions plus étendues dans le domaine
de la publicité pour l’alcool et du sponsoring. L’influence de la publicité sur le
comportement des jeunes consommateurs est largement confirmée par nombre
d’études scientifiques. Quant au sponsoring de manifestations sportives et
culturelles, il a un effet très marqué sur le public cible des jeunes. La corrélation
positive entre alcool et sport créée par le sponsoring est donc des plus
problématiques du point de vue sanitaire.
1
 Il est également très regrettable que la remise à bas prix de boissons alcooliques ne
se voit qu’à peine restreinte, restant encore possible – hormis quelques brefs
créneaux horaires – pour la bière et le vin. Et ce alors qu’il est scientifiquement
démontré qu’actions et promotions augmentent la consommation d’alcool – en
particulier de la part des jeunes consommateurs – et favorisent l’ivresse ponctuelle.
Nous jugeons positivement l’harmonisation des mesures préventives existantes propres à
améliorer la protection de la jeunesse. Le projet de loi manque cependant de cohérence à
cet égard, certaines mesures très efficaces n’étant pas prises en considération alors que
seul un paquet global de mesures peut générer des conditions nouvelles à même
d’engendrer un changement durable.
Nous apprécions que les cantons continuent de disposer d’une marge de manœuvre pour
des activités dans le domaine de la politique de l’alcool.
Enfin, la distinction entre loi sur l’alcool et loi sur l’imposition des spiritueux mérite d’être
saluée. Néanmoins, la perspective santé publique ne doit pas être négligée, y compris lors
de la fixation des taux d’imposition.
2
Remarques sur la Loi sur l’alcool
Rapport explicatif: Chapitre 2.1.1 Evolution du marché et chapitre 2.1.2 De la
consommation au plaisir de consommer
Le Rapport explicatif énumère, en page 7, quelques unes des conséquences négatives de la
consommation d’alcool. L’accent y est avant tout mis sur les effets sanitaires que l’on peut
mesurer et diagnostiquer ainsi que sur les préoccupations politiques liées à la sécurité. Par
contre, il n’est pas fait mention, ou trop peu, des souffrances indirectes ou immatérielles
causées notamment par la consommation d’alcool au sein de la famille, ainsi que des
violences liées à l’alcool. C’est ainsi qu’on estime à quelque 100'000 le nombre d’enfants et
adolescents grandissant dans des familles connaissant des problèmes d’alcool. Or il est
scientifiquement avéré que ces enfants et adolescents non seulement souffrent de cette
situation difficile mais présentent aussi un risque fortement accru de développer plus tard
eux-mêmes une dépendance à l’alcool ou d’autres troubles psychiques. De même est-il
avéré que nombre de violences sont liées à la consommation d’alcool et que, de surcroît, les
victimes de violences en font souvent subir à leur tour.
Compte tenu de ces faits amplement démontrés et des importants effets négatifs de la
consommation d’alcool sur la société, l’affirmation du chapitre 2.1.2 selon laquelle la grande
majorité de la population consomme uniquement pour le plaisir minimise la réalité et ne tient
pas suffisamment compte de la complexité de cette thématique. L’alcool n’est pas un bien de
consommation ordinaire mais une substance psychoactive; ce n’est pas simplement un
produit d’agrément mais clairement aussi un produit engendrant la dépendance doté d’un
fort potentiel de nocivité et indiscutablement dangereux tant pour la personne qui en
consomme que pour des tiers. Il est prouvé que la consommation abusive d’alcool est
largement répandue en Suisse et a des conséquences négatives pour celles et ceux qui en
consomment comme pour leur entourage et l’ensemble de la société. Aussi la consommation
d’alcool est-elle à tous égards un thème de santé publique et doit-elle aussi être envisagée
de ce point de vue là.
Il serait donc souhaitable et approprié de substituer à l’actuel chapitre 2.1.2 un chapitre à
part, exposant de manière détaillée les conséquences sociales de la consommation d’alcool.
Commentaires sur les différents articles
Art. 1. But
La "gestion responsable des boissons alcooliques" telle que formulée dans cet article ne
rend compte, comme souligné dans notre appréciation générale, que des aspects relevant
de la responsabilité individuelle. Pour protéger la société des conséquences de la
consommation problématique d’alcool, tous les acteurs sociaux sont invités à assumer leurs
responsabilités. C’est ce que permettent entre autres les mesures de régulation du marché
de l’alcool prévues par la présente loi (réduction de l’accessibilité, restrictions de vente,
fixation des prix, limitation de la publicité et du sponsoring). Le but de la loi étant la protection
de la santé publique.
3
Vouloir uniquement réduire les dommages dus à l’alcool est fondamentalement insuffisant.
La prévention représente un autre aspect très important, qui consiste à éviter la
consommation problématique ou ses dommages indirects.
Enfin, il convient de supprimer la lettre c. Une loi oblige par définition tous les acteurs
concernés à respecter les mesures et dispositions qu’elle contient. Une indication,
respectivement une invitation à agir de manière responsable ne saurait donc suffire. Les
expériences de divers pays européens montrent que l’industrie de l’alcool est volontiers
disposée à établir, sur une base volontaire, ses propres réglementations – par exemple dans
le domaine de la publicité pour l’alcool – mais qu’elle ne se montre nullement conséquente
quant au respect de ces soi-disant "codes of conduct". Ce qui est d’autant plus
problématique qu’il n’existe aucun moyen légal de sanctionner les violations desdits "codes"
ou d’en exiger1 le respect. Comme le Rapport explicatif l’établit fort à propos, la sauvegarde
de la santé publique est une tâche incombant à l’Etat. Il est par conséquent de la plus haute
importance d’inscrire dans la loi des mesures claires et de ne pas s’en remettre au bon
vouloir d’acteurs guidés par des intérêts mercantiles.
Modifications proposées:
Al. 1
La présente loi a pour but la régulation du marché de l’alcool, avec pour objectif la
protection de la santé publique
Abs. 2
Elle vise à:
a) éviter et réduire la consommation problématique d’alcool;
b) éviter et réduire les dommages que la consommation problématique d’alcool peut
causer à la santé des consommateurs ou à celle d’autres personnes.
Art. 2 Définitions
Addiction Info Suisse salue l’introduction et la définition claire, dans la version française, de
la notion de "boissons alcooliques" (lit. a).
A la lettre f, "achats fictifs", inadéquat, doit être abandonné et remplacé par un autre terme.
Modification proposée:
f)
Achats tests: Achats effectués par des adolescents n'ayant pas encore l'âge
légal prévu par la loi, dans le but de vérifier le respect les mesures de protection de la
jeunesse.
1
Communiqué de presse de la Deutsche Hauptstelle für Suchtfragen du 12 août 2010: Muschi, Ficken und
Arschgeweih: Deutscher Werberat versagt!
http://www.dhs.de/makeit/cms/cms_upload/dhs/dhs_pressemitteilung_deutscher_werberat_versagt.pdf
4
Art. 3 et 4, Publicité pour les spiritueux et publicité pour les autres boissons
alcooliques
Compte tenu des résultats de la recherche scientifique, qui démontrent l’influence de la
publicité pour l’alcool sur le comportement des consommateurs, traiter différemment les
diverses boissons alcooliques, comme le prévoit le projet de loi, est incompréhensible et
encore moins défendable. Nombreuses sont les études qui prouvent en effet qu’un début
précoce de consommation accroît la probabilité de développer, à l’âge adulte, une
consommation problématique d’alcool2. Une prévention efficace, basée sur les acquis
scientifiques, implique de limiter de manière identique, quelles que soient les boissons
alcooliques, les possibilités d’en faire la publicité.
La réglementation actuelle, qui ne restreint guère la publicité pour la bière et le vin ainsi que
le sponsoring de manifestations sportives et culturelles, a pour effet de permettre que les
jeunes soient constamment confrontés à la publicité pour l’alcool (particulièrement la bière)
au travers de canaux divers (télévision, cinéma, affiches, manifestations sportives, festivals,
journaux gratuits). La publicité pour la bière, notamment, est truffée d’éléments de type
Lifestyle, associant des situations de consommation à des expériences sociales positives,
expériences auxquelles ne peuvent qu’aspirer tant les jeunes que les adultes. L’interdiction
de représenter des consommateurs de moins de 18 ans n’est nullement suffisante, les
jeunes prenant volontiers le monde des adultes pour modèle et adoptant donc aussi leurs
modes de consommation et leur style de vie.
Les prescriptions interdisant la publicité pour la bière et le vin lors de manifestations
auxquelles participent surtout des personnes de moins de 18 ans ne tiennent pas compte de
la situation actuelle. Festivals et manifestations sportives sont très appréciées des jeunes, y
compris des moins de 18 ans. Passe-t-on en revue les sponsors principaux des grands
festivals suisses de musique qu’on constatera que les producteurs de bière y figurent sans
exception au premier rang, recherchant de plus la faveur du public avec des concours divers.
Une protection plus efficace de la jeunesse ne peut dès lors être pratiquée qu’à condition de
passer d’une publicité de type Lifestyle à une publicité objective ayant directement trait au
produit et d’interdire le sponsoring de certaines manifestations par les producteurs d’alcool.
2
Anderson, P. (et al.) (2009). Impact of alcohol advertising and media exposure on adolescent alcohol use. A
systematic review of longitudinal studies. In : Alcohol and Alcoholism, 44, 229-43.
British Medical Association (2009). Under the influence. The damaging effect of alcohol marketing on young
people. http://www.bma.org.uk/images/undertheinfluence_tcm41-190062.pdf
Jernigan, D.H. (2006). The extent of global alcohol marketing and its impact on youth. A paper prepared for the
World Health Organization. Washington, DC : Center on Alcohol Marketing and Youth.
Rehm, Jürgen (2004). Werbung und Alkoholkonsum. Wissenschaftliche Grundlagen und Konsequenzen für
politische Massnahmen. Zürich : ISF.
Science Group of the European Alcohol and Health Forum (2009). Does marketing communication impact on
the volume and patterns of consumption of alcoholic beverages, especially by young people ? A review of
longitudinal studies.
Smith, L; Foxcroft, D. (2009). The effect of alcohol advertising and marketing on drinking behaviour in young
people. A systematic review. In: BMC Public Health 9:51.
5
Afin d’assurer une prévention cohérente et efficace, Addiction Info Suisse demande que la
publicité pour les boissons spiritueuses et toutes les autres boissons alcooliques soit
réglementée dans un seul et même article et soit soumise aux mêmes restrictions.
Nous proposons les modifications suivantes à l’art. 3:
Le terme spiritueux est partout remplacé par boissons alcooliques.
De plus, la publicité doit être interdite:
- sur le domaine public
- sur le domaine privé lorsqu’elle visible depuis le domaine public.
L’art. 4 doit être supprimé.
Art. 5 Autorisation d’exercer le commerce de détail
Addiction Info Suisse tient à saluer expressément le fait que la vente de boissons alcooliques
soit subordonnée à autorisation. Cela montre clairement que l’alcool n’est pas un bien de
consommation ordinaire et que la vente de boissons alcooliques requiert un commerce
responsable.
Art. 6 Commerce de détail
Diverses raisons plaident en faveur du rejet de la vente de boissons alcooliques au moyen
de distributeurs automatiques. D’une part, la libéralisation des heures d’ouverture des
restaurants et commerces de détail permet d’acquérir à presque toute heure des boissons
alcooliques. De plus, l’exigence de distributeurs automatiques "surveillés" fait fi de la réalité
puisqu’en ce cas le personnel "responsable" peut tout aussi bien vendre directement l’alcool
en question, rendant inutile de tels distributeurs. Enfin, seul un personnel dûment formé,
informé des dispositions relatives à la protection de la jeunesse et soutenu en conséquence
par sa hiérarchie devrait être habilité, aux fins d’une protection efficace et durable de la
jeunesse, à remettre des boissons alcooliques.
Nous proposons les modifications suivantes à l’art. 6:
Al. 1, lit. a
Suppression des mots "non surveillés"
Al. 1, lit. b
La distribution d’échantillons doit être, par principe, interdite.
Art. 7 Octroi d’avantages
Nombre d’études attestent de ce qu’actions et promotions augmentent la consommation
d’alcool, en particulier de la part de jeunes consommateurs, et favorisent l’ivresse ponctuelle.
Ce qui comporte des risques pour la santé, et cela que les boissons remises soient des
spiritueux, de la bière ou du vin. D’un point de vue de santé publique, il conviendrait donc
d’exclure les offres d’appel ainsi que la remise à bas prix tant de spiritueux que de toute
autre boisson alcoolique.
6
Plusieurs cantons ont déjà introduit des réglementations allant en ce sens. C’est ainsi que le
canton de Berne a ancré dans sa nouvelle loi sur l’hôtellerie et la restauration l’interdiction
des manifestations proposant de l’alcool à volonté ("All-you-can-drink").
Nous proposons les modifications suivantes (italiques) à l’art. 7:
Abs. 1
Le commerce de détail de boisons alcooliques impliquant des cadeaux ou d’autres
avantages tendant à séduire le consommateur est interdit.
Abs. 2
supprimé
Art. 8 Restrictions concernant la remise de boissons alcooliques dans le commerce
de détail
Nous saluons l’ancrage de l’interdiction de cession prévue à l’art. 8, al.2 du projet de loi. En
effet les points de vente ne sont pas seuls à contribuer– en ne respectant pas l’interdiction
de remise d’alcool à des mineurs – à ce que des jeunes de moins de 16 ans obtiennent sans
problème des boissons alcooliques. Souvent ce sont des camarades ou amis plus âgés, des
parents ou d’autres tiers qui les leur remettent. La précision selon laquelle ces cessions ont
pour but de contourner l’âge légal de remise nous paraît par ailleurs judicieuse.
Art. 9 Achats tests
Addiction Info Suisse salue le fait d’ancrer dans la loi la possibilité d’effectuer des achats
tests et de lever ainsi les doutes de certains cantons quant à la légalité de ces achats tests.
C’est là en effet l’un des rares moyens de contrôler l’application de la protection de la
jeunesse. Un récent rapport3 montre que la répétition d’achats tests a pour effet de diminuer
le nombre de violations des dispositions légales. Il reste cependant nécessaire de poursuivre
les efforts engagés.
Pour ce qui est de sanctionner les personnes fautives, la prudence s’impose. Les achats
tests ne doivent pas d’abord conduire à punir le personnel de vente mais doit aussi
permettre d’engager la responsabilité de leurs supérieurs, et ce y compris jusqu’au retrait de
leur autorisation de vendre de l’alcool. Les propositions de mesures, telles que décrites dans
"Achats tests d’alcool – un guide pratique" 4 récemment paru, fournissent une information
des plus judicieuses à cet égard.
Art. 10 Prix couvrant les frais
L’introduction de prix couvrant les frais pour toutes les boissons alcooliques est une mesure
bienvenue. La loi ne règle cependant qu’insuffisamment le mode de calcul, offrant une trop
grande marge de manœuvre pour que l’on puisse espérer une réelle efficacité de cette
mesure. Quant aux éventuelles dérogations, leur réglementation laisse également le champ
trop libre aux possibilités de contourner cette mesure.
3
Straccia, Claudia (et al.) (2009). Regard sur les achats-tests en Suisse de 2000 à 2008 Résumé du rapport
2008. Villars-sur-Glâne: FERARIHS.
4
Régie fédérale des alcools, (2010): Achats tests d’alcool – Un guide pratique, Berne, pp.11-12
7
Cette mesure ne permettra pas, isolément, d’obtenir une réduction de la consommation
problématique. C’est pourquoi Addiction Info Suisse demande des mesures
complémentaires en matière de formation des prix, afin d’éviter et de réduire efficacement la
consommation problématique d’alcool (-> voir p. 10f)
Nous proposons la modification suivante à l’art. 10:
Al. 4, lit. b
supprimé.
Art. 11 Obligation d’offrir des boissons sans alcool
Addiction Info Suisse accueille avec satisfaction l’extension de l’article "sirop" à l’ensemble
de la Suisse et l’harmonisation subséquente de cette disposition.
Les boissons bon marché vendues dans le commerce de détail sont avant tout achetées et
consommées par les jeunes et les consommateurs problématiques. Aussi Addiction Info
Suisse demande-t-elle l’introduction d’une réglementation identique dans le commerce de
détail, afin d’éviter des offres à très bas prix et d’empêcher que l’on puisse y acheter des
boissons alcooliques moins cher, à quantité égale, que les eaux minérales et boissons
sucrées. De cette façon, restauration et commerce de détail se verront soumis aux mêmes
dispositions légales.
Art. 12
Cet article est bienvenu. Néanmoins, des subsides doivent pouvoir être attribués non
seulement en vue de limiter la consommation problématique d’alcool, mais aussi pour
soutenir des projets de prévention. De plus, des institutions actives dans ce domaine doivent
aussi être soutenues.
Etant donné, comme on peut le lire dans le Rapport explicatif, que c’est à la Confédération
qu’il incombe de s’inquiéter de la santé publique, Addiction Info Suisse ne comprend pas
pour quelle raison l’octroi de subside devrait être facultatif. La formulation "peut accorder ..."
doit donc être modifiée en conséquence.
Nous proposons les modifications suivantes (en italiques) à l’art. 12:
Afin d’éviter et de réduire la consommation problématique d’alcool, la Confédération accorde des
subsides pour soutenir des organisations, des projets et des activités nationaux ou suprarégionaux.
Art. 13
Les mesures de régulation du marché des boissons alcooliques arrêtées dans la présente loi
doivent être coordonnées et contrôlées par une autorité compétente spécialement désignée
à cet effet. Sont prédestinées à ce rôle les unités d’organisation chargées jusqu’ici, au sein
de la Régie fédérale des alcools, de la publicité et du commerce.
8
Quant à tous les aspects sanitaires et préventifs relatifs à l’alcool, ils relèvent aujourd’hui
déjà de la compétence de la section Alcool et Tabac de l’Office fédéral de la santé publique.
La nouvelle loi sur l’alcool étant plus fortement axée sur la politique de la santé, une
collaboration plus étroite entre ces deux entités est indubitablement importante et opportune.
On ne voit par contre pas pourquoi leurs compétences respectives devraient être réglées
dans le corps même de la loi. La répartition détaillée des tâches ainsi que la coordination et
la coopération entre ces deux instances n’a pas à faire l’objet d’un article de loi.
Conséquemment, l’art. 13 doit être supprimé.
Art. 23 Inobservation des prescriptions relatives à la publicité et au commerce de
détail
Les infractions à l’encontre des limitations de la publicité (réglées à l’al. 1, lit. a) doivent être
punies d’une amende. Cela doit être valable pour toutes les boissons alcooliques, et donc
tant pour l’art. 3 que pour l’art. 4, si ce dernier n'est pas regroupé avec l'art.3, tel que nous le
demandons précédemment.
Remarques complémentaires
Limitation des horaires de vente à certaines heures
Du fait de la libéralisation des heures d’ouverture des magasins et de la suppression de la
clause du besoin, il est possible presque partout et en tout temps d’obtenir de l’alcool, ce qui
en favorise la consommation problématique. Il y a donc là, du point de vue de la santé
publique, une claire nécessité d’action.
La limitation des heures d’ouvertures des commerces agit avant tout sur la consommation de
personnes ne disposant d’aucune réserve d’alcool, soit qu’elles n’en aient pas les moyens,
soit qu’elles ne l’aient pas prévu à l’avance. De telles mesures peuvent contribuer à
améliorer la sécurité et l’ordre public. De bons exemples en sont l’interdiction de vendre de
l’alcool dans les gares CFF après 22 heures ainsi que l’interdiction faite, dans le canton de
Genève, à tous les magasins, stations-service et autres Take-aways de vendre de l’alcool
entre 21 heures et 7 heures, ainsi que d’en vendre "sur la rue".
 Addiction Info Suisse réclame une interdiction limitée de la vente de boissons
alcooliques dans le commerce de détail entre 22 heures à 7 heures.
 Il serait également souhaitable d’introduire une "heure blanche" dans la restauration,
soit un laps de temps durant lequel il n’est plus servi d’alcool, par exemple dans les
discothèques, clubs et autres bars de nuit à partir de 4 heures du matin.
9
Restrictions des lieux de vente
Le risque existe, en certaines occasions, que surviennent des problèmes dus à l’alcool,
relevant avant tout de la politique de sécurité. Les manifestations sportives tels que matchs
de football ou de hockey débouchent fréquemment, dans leurs alentours, sur des
débordements violents et des bagarres de spectateurs alcoolisés et enclins à la violence.
Cette problématique préoccupe aussi les directions cantonales de police et associations
sportives qui ont mis sur pied il y a peu une table ronde à ce sujet.
L’interdiction en vigueur de vendre de l’alcool sur les aires de repos des autoroutes –
mesures qui a pour but de réduire le risque d’accidents de la route dus à l’alcool – est un bon
exemple de limitation locale de vente.
 Addiction Info Suisse demande une base légale permettant d’interdire la vente
d’alcool à certaines heures et à certains endroits lorsqu’existe un risque accru de
violence liée à l’alcool ou d’autres problèmes.
Mesures de formation des prix
L’accessibilité des boissons alcooliques s’est fortement accrue en Suisse comme dans les
autres pays européens5. Alors que le pouvoir d’achat de la population a augmenté, le prix
des boissons alcooliques a plus fortement diminué que celui des denrées alimentaires. Les
faibles prix de l’alcool ont notamment pour cause les impôts sur l’alcool qui, en tant que
composante fixe de leur prix, n’ont pas été adaptés à l’inflation et ont donc, en réalité, reculé.
Les mesures de formation des prix sont reconnues comme étant un moyen efficace
d’endiguer la consommation (problématique) d’alcool. Selon la théorie économique de l’offre
et de la demande, on peut aussi en déduire, dans le cas de l’alcool, que plus le prix des
boissons alcooliques est élevé, moins il en est consommé. Cette corrélation, soit l’élasticité
du prix des boissons alcooliques, est largement démontrée. Le recul de la consommation
peut toutefois varier en fonction de la boisson, du groupe de population et du pays
concernés. Il est cependant établi que les consommateurs d’alcool buvant plus souvent et de
plus grosses quantités privilégient les alcools bon marché.
Dans le cas des boissons alcooliques, une augmentation du prix a, selon la mesure prise,
des effets variables sur les différents groupes de consommateurs. C’est ainsi que, dans la
restauration, une hausse du prix des boissons alcooliques bon marché entraîne avant tout
un recul de la consommation chez les 18-24 ans, alors que l’introduction d’un prix minimal
influence d’abord la consommation des consommateurs problématiques. Raison pour
laquelle les études scientifiques6 récentes tiennent de plus en plus compte de l’hétérogénéité
5
Rabinovich, L. (et al.) (2009). The affordability of alcoholic beverages in the European Union. Understanding the
link between alcohol affordability, consumption and harms. Cambridge : Rand Europe.
6
Meier, Petra Sylvia ; Purshouse, Robin ; Brennan, Alan (2010). Policy options for alcohol price regulation: the
importance of modelling population heterogeneity. In : Addiction : 2010, 105, p 383 – 393.
Purshouse, Robin C. ; Meier, Petra S. ; Brennan, Alan ; Taylor, Karl B. ; Rafia, Rachid (2010). Estimated effect
of alcohol pricing policies on health and health economic outcomes in England : an epidemiological model. In :
Lancet 375(9723):1355-1364.
Wagenaar, A.C. ; Salois, M.J. ; Komro, K.A. (2009). Effects of beverage alcohol price and tax levels on drinking :
a meta-analysis of 1003 estimates from 112 studies. In : Addiction : 2009, 104, p. 179-190.
10
des groupes de consommateurs, hétérogénéité qu’elles étudient en rapport avec diverses
mesures de formation des prix.
Un recul de la consommation devrait aussi entraîner un recul des problèmes liés à l’alcool.
C’est ainsi que l’augmentation du prix des boissons alcooliques s’accompagne d’une
diminution des accidents (p.ex. dans la circulation routière, en particulier de la part de
nouveaux conducteurs) et des maladies dus à l’alcool (cirrhose du foie, blessures, maladies
sexuellement transmissibles, etc.), ainsi que des violences liées à l’alcool.
Se fondant sur les plus récentes études scientifiques, Addiction Info Suisse est convaincue
qu’une combinaison de diverses mesures de formation des prix est nécessaire pour abaisser
la consommation (problématique) d’alcool et, par là aussi, réduire efficacement les maladies
et autres problèmes dus à l’alcool. Certaines de ces mesures, telles que les prix couvrant les
frais, l’interdiction d’offrir des avantages ainsi que l’article "sirop", figurent déjà dans le projet
de loi. Addiction Info Suisse suggère d’introduire de surcroît une taxe d’incitation et
d’augmenter les impôts sur les boissons alcooliques au niveau le plus récent de l’inflation et
de l’indice du coût de la vie et de les y adapter ensuite régulièrement.
Des augmentations du prix des boissons alcooliques n’ont pas uniquement un effet préventif
sur le comportement de consommation, mais sont aussi bienvenues d’un point de vue
économique. La tendance à vendre la bière à très bas prix engendre une guerre des prix
ruineuse et n’agit guère de manière positive, à long terme, sur la qualité des produits ainsi
que sur la diversité des brasseries indigènes.
Taxe d’incitation
Une taxe d’incitation ne sert pas en premier lieu à générer des recettes, mais à engendrer
une modification de comportement chez les consommateurs. Compte tenu de leurs effets
nocifs sur la santé publique, les boissons alcooliques se prêtent tout particulièrement à la
perception d’une telle taxe, en tant que mesure de politique de santé publique.
Une variante judicieuse consisterait à percevoir une taxe d’incitation liée à la teneur en alcool
des boissons. C’est une mesure juridiquement applicable et qui peut être mise en œuvre
rapidement.
Augmentation de l’impôt (-> voir les remarques à ce sujet page suivante)
11
Remarques sur la Loi sur l’imposition des spiritueux (Limpspi)
Rapport explicatif, chapitre 2.3 L’alcool en tant que bien de consommation
Tant le titre du chapitre que la phrase introductive sont inadaptés à la problématique de la
consommation d’alcool. En effet, l’alcool n’est pas un bien de consommation ordinaire, ni
une simple denrée d’agrément, mais indubitablement un psychotrope pouvant engendrer la
dépendance, potentiellement nocif et incontestablement dangereux tant pour les personnes
qui en consomment que pour des tiers.
Remarques sur les différents articles
Art. 2
Principes
Addiction Info Suisse tient à saluer expressément le fait qu’il soit tenu compte, lors de la
fixation du taux d’imposition des boissons alcooliques, de la protection de la santé publique.
C’est là une base essentielle à l’appui des articles 15 et 16 du présent projet de loi
(->cf. remarques ci-dessous).
Art. 15
Taux d’imposition
L’accessibilité des boissons alcooliques s’est fortement accrue en Suisse comme dans les
autres pays européens7. Alors que le pouvoir d’achat de la population a augmenté, le prix
des boissons alcooliques a plus fortement diminué que celui des denrées alimentaires. Le
faible prix de l’alcool a notamment pour cause les impôts sur l’alcool qui, en tant que
composante fixe de leur prix, n’ont pas été adaptés à l’inflation et ont donc, en réalité, reculé.
En ce sens, la nouvelle loi sur l’imposition des spiritueux constitue une bonne occasion de
recalculer le niveau des impôts sur l’alcool et d’adapter au renchérissement un niveau
d’imposition fixé en 1999 et jamais modifié depuis lors.
La perception d’impôts sur l’alcool ne doit pas être envisagée sous un angle purement fiscal,
dans la mesure où elle constitue aussi un important instrument de protection de la santé
publique, dont l’Etat se doit de se soucier. La hausse des impôts et la hausse du prix de
l’alcool qui s’ensuivra permettront d’obtenir un recul de la consommation. De surcroît, les
recettes fiscales qui en découleront pourront être engagées de manière ciblée dans le
financement de mesures préventives.
L’abaissement de l’impôt sur les spiritueux intervenu en 1999 a engendré non seulement une
chute dramatique de leur prix et, de ce fait, une augmentation de leur consommation, mais a
également entraîné des modifications radicales du marché suisse de l’alcool, la production
indigène ne cessant de connaître depuis lors un recul net et constant.
7
Rabinovich, L. (et al.) (2009). The affordability of alcoholic beverages in the European Union.
Understanding the link between alcohol affordability, consumption and harms. Cambridge : Rand
Europe.
12
Addiction Info Suisse réclame donc une hausse du taux d’imposition, conforme à l’esprit de
l’art. 2, al.2, qui précise qu’il doit être tenu compte des exigences de la protection de la santé
lors de la fixation du taux d’impôt.
Nous proposons la modification suivante (en italiques) à l’article 15:

Al. 1
L’impôt est de 32 francs par litre d’alcool pur.
Art. 16 Adaptation au renchérissement
Afin d’éviter que le prix des boissons alcooliques ne baisse comparativement plus que celui
des denrées alimentaires, leur taux d’imposition doit constamment être adapté à l’évolution
du coût de la vie en Suisse. Cette adaptation ne doit pas être facultative ou soumise à un
quelconque bon vouloir, mais doit intervenir de manière impérative et conformément aux
critères fixés dans la loi (hausse des prix ou indice national des prix à la consommation de x
pourcents).
La formulation „peut adapter“ figurant dans le présent projet de loi doit donc être supprimée.
Pour respecter l’esprit de l’art. 2, al. 2 qui précise qu’il est tenu compte des exigences de la
protection de la santé lors de la fixation de l’impôt, Addiction Info Suisse réclame une
adaptation régulière et raisonnable du taux d’imposition.
Nous proposons la modification (en italiques) suivante à l’art. 16:
Al. 1
Le Conseil fédéral adapte les taux de l’impôt au renchérissement si l’indice suisse des
prix à la consommation a augmenté de 5% depuis l’entrée en vigueur de la présente loi ou depuis la
dernière adaptation.
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