Sociologie historique de l’Etat ouvrages : - Pierre Rosenvallond : L’Etat en France de 1789 à nos jours - Ouvrage plus ancien : Alain Touraine : produire la société. Il évoque la question de l’historicité. - François Ewald : L’Etat providence - Problématique de l’Etat dans les sociétés non occidentales : Bertrand Badie L’Etat importé 4 objectifs du cours : 1. nous allons saisir et étudier la ou les dynamiques du fait étatique : autrement dit quand et comment l’Etat apparaît-il comme une réalité 2. on va essayer de saisir les spécificités locales 3. on va essayer d’approcher la sociologie historique de l’Etat et égt la sociologie historique du politique 4. on va essayer d’exploiter ces grilles d’analyses et méthode pour étudier l’étude de l’Etat en action. Question : Pourquoi dans un pays comme la France c’est l’Etat qui produit la société ? Pourquoi dans un autre pays comme les Etats-Unis, l’Etat a été construit et produit par la société civile ? Introduction : Qu’est-ce qu’un Etat et comment le définir ? Il n’est pas possible de donner de l’Etat une définition homogène, selon que l’on se place du côté du droit public ou du point de vue de la sociologie politique ou de la science politique. Pour le Droit public, plus spécifiquement le Droit constitutionnel, l’Etat se définit de manière matérielle, cad par ses éléments constitutifs : - un territoire - une population fixée sur ce territoire - la capacité donnée à cette personne morale d’édicter et de faire respecter des normes sur ce territoire : cad un gouvernement Il existe aussi un critère distinctif particulier de ces 3 éléments, qui permet de différencier l’Etat de tout autre groupement qui exerce une coercition ou une autorité sur les individus sur un territoire donné. C’est le critère de la souveraineté, cad l’exclusivité de l’exercice de cette autorité sur le territoire et la reconnaissance de cette autorité. Donc cela exclue les groupements de type tribal… Mais le critère de la souveraineté pose pb, il est nécessaire mais pas suffisant : - d’abord en ce qui concerne l’effectivité de cette souveraineté : la souveraineté s’acquiert une fois que l’édifice étatique se construit et ne s’acquière pas de facto. Autrement dit, pour disposer d’une souveraineté, l’Etat doit exister d’abord et agir, pour être par la suite reconnu par les « pères » ( les autres Etats ). - Il faut ajouter la permanence dans le temps de l’exercice de cette souveraineté. Ainsi, un Etat peut disposer de tous les attributs mais peut ne pas exercer effectivement sa souveraineté, cad que la capacité à étendre sur un territoire donné son autorité et sa souveraineté est défaillante, voir inexistante. En contre exemple, certains groupements qui sont des quasi Etats disposent des attributs mais ne disposent pas de la souveraineté car celle-ci n’est pas reconnue par les autres Etats : cas actuel du Kosovo, et les territoires palestiniens administrés par l’Autorité palestinienne. Dès lors, les critères matériels ainsi que la notion de souveraineté ne suffisent pas à définir l’Etat de façon satisfaisante. Concernant la sociologie politique : définition de Max Weber « l’Etat est une entreprise politique de caractère institutionnel, lorsque et tant que sa direction administrative revendique avec succès dans l’application des règlements, le monopole de la contrainte physique légitime. » C’est sous cette forme que la conception wébérienne de l’Etat s’est imposée dans les sciences sociales. Pour Max Weber, l’Etat est un groupement de domination politique. Qu’est-ce qu’un groupement de domination politique ? « nous dirons d’un groupement de domination, qu’il est groupement politique lorsque et tant que son existence et la validité de ses règlements sont garantis de façon continue à l’intérieur d’un territoire géographique déterminable par l’application de la menace d’une contrainte physique de la part de la direction administrative ». De ces deux définitions on peut tirer ce qui caractérise un Etat : 1. il s’agit d’une entreprise politique : cad que le but poursuivi est le caractère politique qui a besoin d’un construit institutionnel 2. cette structure exerce de façon continue une activité de domination Les deux termes de cette équation permettent d’introduire une nuance forte entre les Etats et les autres formes de groupements. Autrement dit, pour Max Weber, le terme entreprise signifie une activité continue assumée par une direction administrative agissant en finalité. C'est-à-dire que l’Etat s’inscrit dans une durée et dans des limites temporelles qui ne s’appliquent pas aux appareils de domination de type personnel, qui peuvent exister et qui disparaissent à la disparition du Chef. Cad que l’institutionnalisation est la marque spécifique de l’Etat. D’autre part, l’Etat a non seulement à sa disposition les moyens de la force, mais il se construit sur le consentement des gouvernés à l’exercice de la domination. Domination : chance pour un ordre de rencontrer la docilité C’est en cela que l’Etat est une entreprise politique de caractère institutionnel. Du pt de vue de la recherche, si on cherche une méthode d’analyse, au lieu de se focaliser sur tous les groupements, sous prétexte qu’ils pourraient être de nature politique ou de nature étatique, on cherchera à étudier les formes d’institutionnalisation. Cad l’apparition de structures, d’appareils administratifs plus ou moins différenciés qui vont enraciner dans le temps les pratiques administratives, coercitives…C’est ainsi que Max Weber, usant de sa méthode de l’idéal type met en évidence un processus d’institutionnalisation qui part d’un type originel : l’Etat patrimonial, et qui aboutit à l’Etat bureaucratique, construit sur une forme de domination légale rationnelle. Dans cette forme de domination, la règle borne l’activité des gouvernants et garantie les droits des gouvernés. Dans le cadre de ce type particulier d’Etat bureaucratique, l’application de la règle ou des règlements encadre la violence légitime qui devient « une violence finalisée ». il s’agit d’une violence par le Droit que les Etats exercent de façon exclusive dans l’espace de leurs souverainetés. C’est cette violence légitime qui définit l’Etat et qui constitue le cœur de son origine. C’est en fait la construction du cadre d’exercice de la violence légitime, ainsi que la construction des institutions qui portent cette violence légitime. Ces deux processus permettent d’analyser, d’étudier l’émergence de l’Etat. C'est ainsi qu'apparaît un centre politique qui se différencie progressivement par tâches depuis celles d'exécution jusqu'aux tâches d'édiction des normes. CHAPITRE 1: La genèse de l’Etat Si l'on reste dans le modèle de l'Etat patrimonial et de l'évolution dynamique on s'aperçoit que cette dynamique s'applique essentiellement aux expériences occidentales à partir de la chute de l'empire romain et de l'ambition de la société féodale. C'est à partir de ce modèle originel de l'Etat patrimonial qu'on obtient un terrain empirique intéressant pour tester le modèle de Weber. Section 1: Le modèle de l'Etat patrimonial L'Etat comme mode d'organisation et d'exercice du pouvoir politique est apparu dans un cadre précis et délimité, dans le cadre de la société féodale qui apparaît progressivement en Europe de l'ouest entre le VIème et le IXème siècle. Cet Etat patrimonial concentre en son sein toutes les dynamiques sociales, économiques et politiques qui donneront naissance à l'Etat moderne. Cet Etat va apparaître progressivement sur l'espace laissé vacant par la chute de l'empire romain cad vers 476. Cette tendance à la fragmentation laisse apparaître des royaumes plus ou moins stables et vastes. Le morcellement de l'empire laisse apparaître des expériences particulières et des évolutions différenciées, qu'il s'agisse de l'Angleterre ou du territoire français. C'est principalement dans ces deux territoires ( France et GB ) qu'un processus lent et long se met en place qui aboutira progressivement à l'organisation sociale et politique féodale. Ce système féodal permettait de répondre à un double ensemble de nécessités pratiques dans un contexte technique et matériel contraignant. Il s'agit essentiellement : - d'assurer le contrôle du territoire pour le défendre contre les menaces extérieures et contre les troubles intérieurs - et de garantir en même temps le prélèvement des ressources. Ce système politique et militaire prend racine dans une société féodale dotée d'une organisation particulière qu'on peut résumer en 4 caractéristiques: 1. le contraste entre d'une part le caractère centralisé et pyramidal du pouvoir et la fragmentation du territoire (fiefs) 2. la faible différenciation des fonctions d'une société ou le fief est à la fois unité politique mais aussi unité économique (de production). La possession et le contrôle de ce territoire permettent d'une part la disponibilité des ressources militaires mais aussi la construction d'une puissance économique. 3. La patrimonialité des fiefs et des territoires. La société féodale se caractérise essentiellement par la faible continuité des groupements de domination politique. Ces groupements apparaissent ou disparaissent au gré des conquêtes et des défaites. Cette patrimonialité tend aussi à vider de sa substance le serment de vassalité. 4. La faiblesse initiale du pouvoir royal ou central. Ainsi en France par exemple le pouvoir réel du roi ne représente en réalité le pouvoir d'un seigneur parmi tant d'autres cad que ce pouvoir ne dépasse pas le domaine royal, un fief qu'il tient par la conquête, l'héritage ou le mariage. Les ressources économiques tirées de ce territoire constituent un des moyens d'entretien de la force militaire. Théoriquement, l'ensemble des autres fragments du territoire se doit d'entretenir le pouvoir central. Cette société féodale prend place dans un monde spécifique marqué par une économie agraire et donc faiblement monétarisée. Ce sont en même temps des sociétés qui sont marquées par le poids de l'Eglise chrétienne : c'est justement l'Eglise qui constitue un lien culturel fort qui contrebalance la fragmentation politique. Contrairement à l'espace politique, l'Eglise était une bureaucratie bien ordonnée, fortement centralisée, un modèle bureaucratique dans lequel on trouve une pyramide ordonnée des pouvoirs et un maillage des territoires. Cette structure quasi bureaucratique dispose de ressources propres tirées de territoires plus ou moins contrôlés. Ce sont la les deux ferments du caractère spécifique du rapport au politique dans l'Europe occidentale: - il s'agit d'une part de la fragmentation du pouvoir - et d'autre part de la multiplicité des unités politiques conjuguées avec les conditions économiques et sociales qui vont faire de la possession de la terre la source de la puissance. L'Eglise et l'Etat fragmenté vont conduire à un processus particulier que met en évidence Norbert Elias, celui de la différenciation de l'Etat cad l'apparition de structures politiques spécialisées cad que le territoire sera monopolisé progressivement par un centre ou on verra apparaître en son sein d'une part des fonctions politiques, militaires et économiques cad capacité à prélever les taxes et impôts. La dynamique de l'Etat conduit à partir de la société féodale à la constitution progressive d'un double monopole sur un territoire qui va être élargi progressivement d'une part le monopole de la violence et d'autre part le monopole fiscal. Ces deux processus se nourrissent l'un de l'autre, autrement dit, le prélèvement fiscal permet de renforcer l'emprise sur le territoire en même temps que l'entretien d'une force armée. Mais la véritable révolution sera la monétarisation progressive de l'économie qui va permettre progressivement l'abandon des fiefs et la rémunération de la force armée. Cet entretien de la force armée accélère progressivement le monopole de la violence et accélère l'accroissement de la puissance militaire qui en retour accélère la puissance économique et financière. Mais la société féodale est marquée par une lutte incessante entre les différentes unités politiques qui va conduire progressivement à la réduction de leur nombre d'ou la tendance progressive à l'unification. Ce processus d'unification s'engage autour du 11/12ème siècle, notamment à travers l'expérience du contrôle et de l'extension du domaine royale de Philippe 1er et de Louis VI. Ce sont progressivement des règles nouvelles qui permettent l'unification des territoires comme par exemple celle de la primogéniture. Une autre forme d'unification consistait en la promotion de territoires en vassaux directs du roi. Ces processus d'unification interdisent progressivement aux différents territoires d'évoluer vers des Etats ou quasi Etats. Comme dans la dynamique que met en évidence Elias, à mesure que le territoire s'unifie, le nombre de familles diminue mais la puissance des familles augmente corrélativement. Ainsi, au début du 14 ème il ne restait plus que 5 unités en compétition cad capables de prétendre à une hégémonie: roi de France, roi d'Angleterre, duc de Bourgogne, duc de Bretagne et le comte de Flandre : - La guerre de 100 Ans va mettre un terme au jeu anglais sur le continent. - L'échec de Charles le Téméraire à conquérir la Lorraine signe la fin de l'expansion bourguignonne, - Le duché de Bretagne disparaît après le mariage d'Anne de Bretagne avec Charles VIII. Mais à mesure que la puissance de la famille régnante augmente, la compétition tend à se déplacer et à se dérouler au coeur même de la famille royale. L'objectif dans ce cadre n'est plus de prendre le pouvoir mais de l'influencer ce qui progressivement amène l'apparition de fonctions différenciées à l'intérieur du système politique central. La dynamique féodale selon Elias aboutit de façon inéluctable à un monopole de la domination mais il ne s'agit pas d'un processus déterministe car en effet les tendances à la fragmentation auraient pu l'emporter. Ce modèle dépend en effet des aires géopolitiques et culturelles, il n'est pas universel. L'analyse de Elias est intéressante pour un espace bien particulier, le monde occidental. Par ailleurs Elias démontre qu'il n'y avait pas un déterminisme cad que la part du hasard dans l'apparition des formes étatiques et d'autorité n'étaient pas négligeables. Elias pensait en réalité que les processus de monopole et les processus de différenciation politique à l'intérieur du pouvoir central ont été déterminés largement par des contextes et circonstances particulières. Ainsi, une famille régnante aurait pu comme dans le cas de la France échouer dans son entreprise de construire une hégémonie. Elias pensait que rien au départ ne permettait de parier sur les chances de la famille royale de France. A mesure que s'étend l'hégémonie territoriale, l'appareil étatique se développe surtout à partir du 15 ème siècle avec l'apparition d'armées permanentes et de structures administratives, de conseils du roi. Elias a souligné le rôle central de la compétition militaire dans la naissance et le développement de l'Etat moderne. L'Etat apparaît comme une nécessité de guerre qu'il s'agisse de la guerre civile ou non. C'est la structure guerrière et l'organisation militaire qui précède et préfigure l'Etat moderne. Mais cette dynamique avait besoin de la création de taxes et d'impôts, d'une administration du prélèvement de la gestion du trésor et avait besoin du développement d'arsenaux. Toutes ces entreprises orientées vers la conduite de la guerre amènent le développement de l'Etat. Au cours du XVI – XVII ème siècle, cette analyse demeure dominante, cette étude fondée sur la construction d'un monopole de la violence a conduit Charles Tilly à analyser la formation de l'Etat moderne en Europe occidentale comme une conséquence directe de l'exercice de la coercition et de la préparation de la guerre. Mais les conditions initiales cad la construction et la pérennisation des institutions grâce à la construction de moyens de guerre va se doubler d'une deuxième dynamique, celle de l'autonomisation du politique. C'est ce processus qui différencie les sociétés sans Etats des sociétés à Etat. - Dans les premières, le pouvoir politique est diffus, chacun des membres de la société peut l'exercer - en revanche, dans les sociétés à Etat, il y a une autonomie du politique, une spécialisation cad qu'il existe des organes dont le rôle est de dire la norme et de l'exécuter. Mais cet organe est différencié du reste de la société. Le processus de différenciation du centre politique s'accompagne d'un processus d'autonomisation de l'Etat. La politique échappe progressivement au pouvoir religieux, conquiert et se voit reconnaître une autonomie et une légitimité propre. Elle s'incarne désormais dans des institutions qui lui sont propres, en même temps que faiblit l'emprise patrimoniale du politique. C'est cette autonomisation du politique qui explique jusqu'à un certain point l'autonomie et l'indépendance du centre politique à l'égard des force sociales et des intérêts sociaux. Le politique est alors désormais doté d'un espace propre et spécifique. La modernité politique occidentale s'est construite donc sur une rupture fondamentale du politique et du religieux. Cette autonomie fut déterminante parce que comme le dit Bertrand Badie, elle va préparer progressivement les fondements du libéralisme économique et de la “démocratie”. C'est ainsi que cette dynamique qui n'apparaît pas dans d'autres espaces explique le caractère artificiel des construits étatiques dans des espaces non occidentaux. Dans le cas de l'étude des systèmes occidentaux, la rupture décisive constitue le point à partir duquel l'autonomie du politique s'accroît. L'explication de Badie selon laquelle ces ruptures ne se sont pas produites pour des raisons “religieuses” ne résiste pas à l'examen. Ainsi, dans des espaces occidentaux, on peut trouver des situations ou la différenciation du politique, son autonomie, n'est pas complète (Europe orientale) : Dans cette région, l'Eglise s'est développée dans un cadre politique particulier qui lui a été hostile face auquel elle a essayé de préserver son pouvoir sans mettre en péril son existence. Elle s'impose comme religion dominante à partir du IVème siècle et va jouer progressivement le rôle de contrepoids et doit faire face à l'effondrement des structures politiques. Cette Eglise n'était pas contrainte de se fondre dans un cadre politique auquel elle n'aurait pas les moyens de s'opposer. Dès lors elle va se développer en une structure organisationnelle centralisée et hiérarchisée, elle devient en quelque sorte une ressource symbolique en même temps qu'une ressource politique qui va pallier à la carence du politique jusqu'à se substituer à lui. Sa légitimité va concurrencer progressivement la légitimité du pouvoir politique défaillant. Contrairement à l'ouest, l'opposition des deux pôles qui se neutralisent, favorise l'autonomie du politique alors qu’en // à l'est l'Eglise apparaît très tôt comme la seule force sociale ( presque politique) organisée d'ou la faiblesse de la différenciation et de l'autonomie du politique. Dans la confrontation des deux pôles, le pôle qui reste va imposer sa structure à la société dans le monde oriental. Dans le monde arabo musulman, prégnance du pouvoir religieux qui surplombe le pouvoir temporel et l'influence. L'Eglise et l'espace politique délimitent alors leurs champs respectifs, accélérant par la même la construction d'un espace politique propre. C'est cette autonomie qui est à la source de la construction de l'Etat moderne occidental. Du pt de vue de l’Etat, ce n’est que progressivement qu’émerge une forme de domination nouvelle qui va faire que l’Etat n’est ni la chose de l’aristocratie et encore moins un groupe particulier entre les mains d’une caste ou d’une classe. S’enclenche alors un processus de dépatrimonialisation de l’Etat. dépatrimonialisation de l’Etat et autonomisation du politique : parmi les formes de domination traditionnelle, Max Weber identifie deux grandes catégories selon que le détenteur du pouvoir s’appuie ou non sur une structure administrative personnelle. Ces deux catégories de domination se caractérisent par 3 formes de patrimonialismes : 1. un patrimonialisme traditionnel 2. un patrimonialisme personnel 3. un patrimonialisme adossé à une structure administrative Dans les deux premiers cas, la tradition limite l’exercice du pouvoir. Dans le troisième cas, il y a une séparation entre la personne du détenteur du pouvoir et la fonction. Autrement dit, la disparition du titulaire de la charge ne transforme pas l’équilibre général de la fonction, celle-ci perdure. C’est le passage des deux premières formes à la 3ème qui marque le début d’une autonomie du pouvoir politique. Cette autonomie s’acquière par rapport aux différents groupes et par rapport à toutes les influences qui traversent la société. Pour Weber comme pour Elias, l’Etat sous sa forme institutionnalisée développe une logique et un intérêt qui lui est propre. Dès lors apparaissent des notions comme l’intérêt public, des notions de bien public ou des notions de raison d’Etat, cad une logique spécifique propre qui dépasse la stature ou les fonctions de direction. Pour Elias, c’est un processus propre à l’Europe qui amène la séparation entre la personne et la fonction. Ce processus est induit par une dynamique particulière. En effet, l’économie européenne au lendemain de la Renaissance amène l’apparition d’une nouvelle classe qui progressivement va détenir le pouvoir économique. Elle va contre balancer ou équilibrer le pouvoir de l’aristocratie. C’est la concurrence entre les 2, cad entre la bourgeoisie et l’aristocratie qui va accélérer la transformation du rôle de l’Etat. Toujours pour Elias, l’Etat devient progressivement l’arbitre entre ces 2 pôles. Il agit de telle sorte que aucune des deux forces ne l’emporte et c’est ce rôle d’équilibre qui prépare l’Etat bureaucratique. 1. C’est l’étape entre la fonction et la personne : domination de forme coutumière, traditionnelle ou charismatique. Autrement dit, l’action politique est liée à une personne et moins à une fonction. 2. Cela va entraîner une première séparation : l’Etat n’exerce pas directement le rôle de distribution à l’intérieur de la société. 3. Troisième étape : ce sont les rôle de commandement qui vont être adaptées à des règles. L’exercice du pouvoir est adossé à une règle impersonnelle et permanente. L’apparition de l’Etat bureaucratique marque le passage d’une domination traditionnelle et charismatique à une domination légale rationnelle. Section 3 : L’Etat bureaucratique Pour Max Weber, la bureaucratie constitue à la fois une réalité historique mais aussi un type idéal. Comme réalité historique, la bureaucratie ne se déploie qu’au tournant du XIXXXe siècle. Celle-ci n’est saisissable qu’à travers la domination légale rationnelle et peut être illustré à travers l’accroissement sans précédent de l’intervention de l’Etat. I. La notion de domination légale rationnelle Chez Weber la domination peut s’analyser ds une double perspective : 1. d’abord il s’agit d’un processus : les bureaucraties apparaissent lorsque le pouvoir politique prend une forme d’autonomie. C’est aussi un processus de rationalisation qui parcourt l’ensemble de la société, qu’on observe dans les institutions de l’Etat mais aussi ds les églises, les entreprises… 2. Mais la bureaucratie au sens politique du terme est la pierre angulaire et l’agent de la domination légale rationnelle. Cette forme de domination est fondée sur la compétence des agents, ainsi que sur la légalité des règlements et leur caractère impersonnel. Ainsi pour Weber, la direction administrative de type bureaucratique peut être caractérisée par un ensemble de traits qui sont articulés les uns aux autres et qui définissent les conditions d’exercice des fonctions des agents du pouvoir. Ainsi dc dans la domination légale rationnelle : - les fonctionnaires sont d’abord personnellement libres - Ils sont responsables en vertu de leur compétence, - ils sont révocables - et leurs décisions n’ont pas d’incidence sur leur statut. Ces fonctionnaires sont inscrits dans une hiérarchie, leur statut sont marqués par une division rationnelle des tâches et par une spécialisation poussée. Ils sont recrutés sur la base de la compétence et de la qualification. Ils bénéficient d’une immunité. Leur carrière est marquée par un certain nombre de jalons d’avancement en fonction d’une appréciation hiérarchique ; Ainsi, dans le modèle bureaucratique moderne, l’intérêt de l’Etat consiste en la disponibilité d’un corps d’agents compétents. La bureaucratie constitue alors la forme la plus élaborée de la rationalisation de l’exercice du pouvoir. Cette forme de domination substitue selon max Weber la compétence, l’efficacité et la prévisibilité des administrations par les experts à l’action aléatoire d’une administration où les agents ne tireraient leur légitimité que de l’arbitraire de l’autorité qui les nomment. Cela signifie que la bureaucratie, au sens propre du terme, s’adosse à un pouvoir des experts et au premier chef ceux qui dominent et détiennent l’expertise de la Loi. Le modèle que construit Max Weber est un modèle tiré de son expérience des administrations européennes de la fin du XIXe siècle. Durant cette période, les administrations publiques vont connaître une croissance et une rationalisation de leur forme d’action ; ceci n’a été possible qu’à travers une très forte augmentation de l’intervention de l’Etat qui entraîne une forte croissance de l’administration. II. Intervention de l’Etat et croissance de l’administration Historiquement, la bureaucratisation de l’appareil d’Etat, l’essor du nombre d’administrations va se développer à partir de la 2nde moitié du 19e siècle. Le nombre de fonctionnaires civils va doubler à partir de 1850 et ce ds la plupart des pays européens. En France, le nbre de fonctionnaires passe de 200 000 en 1850 à 500 000 en 1900. Cf Catherine Delorme et Christian André : entre 1870 et 1980 la courbe des prélèvements va aller plus vite que la courbe des interventions de l’Etat. Ceci s’explique parce que les fonctionnaires des impôts ont augmenté. Les deux ou trois grandes fonctions publiques qui vont augmenter le plus sont l’imposition/prélèvement, l’éducation puis l’administration militaire. Autrement dit ce sont les fonctions de gestion et de soutien qui forment le socle de la bureaucratie. Par ailleurs, la logique organisationnelle de la bureaucratie gagne l’ensemble de la bureaucratie même si elle ne s’accompagne pas partout d’une même augmentation du nombre de fonctionnaires. Ainsi en France, ce sont les fonctionnaires de l’instruction publique qui vont voir leur nombre augmenter de façon spectaculaire. Il s’agit là d’une expression particulière de politique publique. Ailleurs ce sont d’autres catégories qui augmentent mais globalement l’intervention de l’Etat amène une autre modification des formes de bureaucratie, suscite l’apparition de nouvelles fonctions ( fonction de contrôle de budget et de légalité ). Ceci suscite une lourde réflexion sur le périmètre d’intervention de l’Etat à la fin du XIXe siècle : en 1891 « L’Etat moderne et ses frictions » de Pierre Leroy Beaulieu. Il initie une tradition de réflexion qui va rester dans le paysage intellectuel sur la réflexion de l’Etat. Ces études auront de l’importance pendant l’entre deux guerres. Par la suite Pierre Rosenvallon reprendra le flambeau. Chapitre 2 : Histoire et figure Jusqu’à présent nous avons envisagé ces formes étatiques dans l’espace occidental. Les Etats modernes à partir de la seconde moitié du 19e siècle vont agir sur les sociétés selon des logiques propres et des modèles d’interventions particuliers. Il existerait donc des styles d’interventions nationaux, il existe deux types qui expliquent par ailleurs des modèles nationaux de politique publique. Ces deux modèles sont : 1. le modèle paradigmatique 2. le modèle syntagmatique Section 1 : la modèle paradigmatique Dans ce modèle, l’Etat est producteur et organisateur de la société selon un ensemble de principes et en fonction d’objectifs clairement énoncés qui donnent lieu à des débats et à des affrontements voir des ruptures historiques majeures. Par exemple en France on peut citer le cas de la laïcité. L’Etat est producteur de la société selon une succession de figures et d’objectifs. A. Comment l’Etat est-il producteur de la société ? 3 ouvrages : - Alain Touraine « Production de la société » - Rosenvallond « l’Etat en France de 1789 à nos jours » - Michel Foucault « surveiller et punir » Nous sommes au cœur de la théorie actionnaliste dont l’un des représentants est Alain Tourraine. Pour lui, l’Etat en tant qu’acteur social fixe des objectifs qui vont orienter de façon substantielle l’action des groupes et des individus. Dès lors, des relations vont émerger entre d’une part les acteurs, et d’autres part entre les institutions et les acteurs sociaux. Ces relations vont dépendre d’un corps de valeurs. Dans le système paradigmatique, l’Etat est producteur de ces valeurs et il en est en mm temps le garant. Exemple : la Justice sociale, l’équité, la solidarité, l’égalité des chances. En fonction de ces valeurs, l’Etat va fixer un certain nombre de règles, produire des normes et fixer constitutionnellement des objectifs : exemple, le droit au travail. L’Etat construit une hiérarchie des valeurs qui se déduit des principes fondamentaux organisateurs du social et qui vont se traduire par des politiques sectorielles, par les définitions d’objectifs et par la sélection des moyens. Exemple : la politique de santé. Principe fondamental qui fait passer la maladie d’un statut d’état individuel au statut de facteur de risque politique. Il s’agit d’un tout. L’Etat va définir des formes de rapports sociaux à instaurer entre les individus dans le cadre de la santé. Il y a une solidarité du fort au faible ( statut de la vieillesse par ex ) du valide envers l’invalide…cela se fait par le prélèvement et l’impôt. Se pose alors une question : comment se définissent et comment évoluent ces principes organisateurs de la société ? B. L’évolution des principes organisateurs de la société Les différents principes organisateurs ne sont pas figés, ils évoluent de façon complexe et multiforme. Il n’y a pas de schéma univoque entre d’une part les principes organisateurs et les visions qu’ont les acteurs sociaux de l’action de l’Etat. Ces schémas, ces principes, se transforment au contact des réalités sociales. La question de la solidarité par exemple va se transformer tout au long du XXe siècle, même si elle reste un principe général fondateur de la société, elle s’est transformée au gré des rapports de la société et de l’Etat. Ce schéma n’est pas un construit récent. Il a fait l’objet d’analyses, d’études et de recherches en sciences politiques et en sciences sociales. Il illustre un projet de recherche chez nombre de penseurs qui ont essayé de résoudre la question du rapport entre idées et actions. Cette méthode est celle de Karl marx. Mais chez Karl Marx et ses suivants, on s’est posé la question du rapport entre l’émergence des idées et des actions. Dans certaines disciplines d’analyse des politiques publiques, depuis longtemps on a été confronté à la question de l’étude des principes organisateurs, à partir desquels vont se déduire l’ensemble des programmes et des politiques publiques. Cad pour poser une question très simple, qu’est-ce qui fait qu’un Etat construise un projet public particulier ? Exemple de la nouvelle loi LRU ( responsabilité des universités ) quelle a été la philosophie générale du gouvernement ? Qu’est-ce qui fait qu’un Etat construit des programmes publics ? Deux postures : 1. la posture de Dobry : pour lui l’évolution des principes organisateurs et l’offre de programme ne survient qu’au moment des crises. C’est là que les principes organisateurs se transforment. Cf question des basculements. Tout change au moment des grandes césures : nouvelle politique, nouveau personnel politique.. 2. la posture des longues continuités : thèse de Rosenvallon et de Castel. Les tenants de cette thèse pensent qu’en réalité les principes organisateurs des sociétés se superposent, se sédimentent. C'est-à-dire que dans un pays, dans une société, les logiques d’organisation, même lorsqu’elles ne sont plus supportées par des programmes, travaillent les mémoires collectives et encadrent les conduites. Il y a une routine de l’action qui s’instaure. Rosenvallon va démontrer que la France est une série de 4 figures des rapports de l’Etat et de la société : - 1ère figure : l’Etat réducteur des incertitudes - 2ème figure : le Léviathan démocratique - 3ème figure : l’Etat producteur des solidarités - 4ème figure : l’Etat éducateur économique et industriel de la nation Selon Rosenvallon, dans chacun des rapports de l’Etat à la société depuis 1789, on retrouve ces 4 figures, ou la logique interne de ces rapports réapparaît. 1). l’Etat réducteur des incertitudes : production de la sécurité publique ( mais égt politique sanitaire…). C’est une figure centrale qui va évoluer dans le temps. Dc lutte contre les insécurités en général ( économique, judiciaire…). C’est une figure ancienne qui apparaît au moment de l’apparition de l’état comme gérant des conduites individuelles. 2). le Léviathan démocratique naît au moment où on construit le statut d’électeurs et de l’élu. Les droits donnés aux individus vont permettre d’encadrer les moyens donnés au législateur. 3). l’Etat producteur des solidarités : naît au moment des grandes crises éco ; lorsque l’individu tombe dans l’indigence crée de l’insécurité. 4). l’Etat éducateur économique et industriel de la nation : au sortir de la révolution nous héritons d’un capitalisme sans capitaux. Dc l’Etat va devenir fournisseur de capitaux. Il va intervenir dans l’économie. Ces figures se sédimentent, se succèdent et se combinent. On va prendre deux rapports particuliers : Dans le cadre de l’Etat éducateur éco et industriel de la Nation : il s’agit d’une figure particulière, d’un condensé des rapports entre l’Etat et la société. C’est le colbertisme qui donne à cette première figure une illustration. Colbertisme : en référence à Colbert. Chaque fois que l’on met en place des infrastructures notamment industrielles. Le colbertisme tel qu’il émerge était une adaptation du mercantilisme à la situation de la France. Ce courant va imprimer une forme particulière aux rapports entre l’Etat et la société dans deux domaines particuliers : - dans la création de la valeur industrie et commerce, - mais aussi dans la construction et la protection des industries stratégiques nationales. Cette figure ne disparaît pas et va se conjuguer, se combiner avec d’autres formes d’intervention de l’Etat qui sont de 3 types : « faire » ; « faire-faire » ; « ne pas faire ». Faire = l’Etat investit et devient producteur ; Faire-faire : l’Etat va déléguer à des opérateurs privés la prise en charge de fonctions qu’il estime stratégiques mais qui ressortent davantage d’un jeu du marché ; « ne pas faire » cela signifie que l’Etat, pour des raisons de sécurité économiques s’interdit d’intervenir, car il est en même temps le garant de la fluidité et de la transparence des marchés. Le Léviathan démocratique : l’Etat s’impose en France par la construction d’une société de citoyens mais en même temps par la création et la protection d’un statut de l’électeur. le droit de l’électeur constitue un moment particulier de travail sur la société. Le vote s’impose non pas comme une exigence mais comme un outil de l’Etat pour empêcher que les querelles politiques ne dégénèrent en une explosion générale. C’est un moyen de pacification interne de la société. Question : peut-on pourtant postuler à l’idée que l’Etat peut parce que la société l’exigerait s’autolimiter ? Il y a une thèse répandue aujourd’hui selon laquelle les Etats démocratiques modernes, seraient dans une situation particulière. Les sociétés sur lesquels ils ont agit, leur adressent des demandes contradictoires. D’une part, des demandes d’interventions nouvelles mais au nom de la même efficacité on demande au même Etat de ne plus intervenir et de céder une partie de leurs prérogatives, de les abandonner. Parallèlement, des tendances à un double évidement des Etats est constaté. Cad qu’une partie de leurs prérogatives sont cédées à des autorités supra nationales ou à des structures infra nationales. Autrement dit, les bureaucraties sont dans un contexte nouveau, les citoyens demandent une nouvelle forme de prise en charge, mais de l’autre côté on demande moins. Dc on est dans une double logique. Ces mouvements remettent-ils en question le modèle d’Etat bureaucratique tel qu’il émerge au XIXe siècle ? Autrement dit, est-ce que l’Etat bureaucratique moderne tel qu’il émerge à la fin du XIXe siècle, ainsi que l’ensemble des rapports tissés ac la société, tend à disparaître ou à se transformer ? Est-ce que cette thèse de l’évidement est effective et réel ? On peut démontrer que cette thèse est partiellement fausse, et ce sur deux plans : 1. sur un plan strictement économique 2. sur un plan strictement sécuritaire Les figures tirées du livre de Pierre Rosenvallon se succèdent dans l’histoire et peuvent expliquer l’histoire de France. Cad que l’Etat moderne va agir sous l’angle de chacune des trois figures, même en situation ou l’Etat voit son rôle se restreindre. Donc dans les situations de récession de l’Etat. Le modèle paradigmatique à savoir celui de l’Etat constructeur de la société, même s’il se rénove, garde en trace certains moyens d’interventions typique des trois figures. Exemple : en matière de solidarité. Comment expliquer que ce qui a été la figure de la sécurité ne disparaît pas ? La société est déterminée selon un programme général, mais le fait que l’Etat réduise ses interventions ne fait pas que la sécurité, la solidarité…changent. L’Etat protecteur ou l’Etat instituteur des mouvements sociaux perdure et reste un des aspects de ce modèle paradigmatique. Section 2 : le modèle syntagmatique Contrairement au premier modèle, ici c’est la société qui se donne ou produit un Etat. Elle se donne un Etat en fonction d’un certain nombre de principes directeurs, cad des lois, des normes, en cours à l’intérieur d’une société. Ainsi, dans une société où l’objectif est par exemple la préservation de la liberté individuelle contre l’ingérence de l’Etat, on construira un cadre qui limite les droits de l’Etat. Dans ce modèle, la société, les sociétés précèdent l’Etat. Des notions comme intérêt général, ou bien public, ne se conçoivent qu’en seconde étape, après avoir assurée la liberté des individus. Nous sommes dans une société d’individus qui se donnent des institutions limitées. L’intérêt général a des limites, cad une sorte de limitation de ce qu’on pourrait appelé la sphère d’intérêt général. A. les limites de l’intérêt général On retrouve dans l’allégorie de Smith : la notion de main invisible, cad que c’est par la confrontation des intérêts particuliers qu’émerge l’intérêt général. John Rawls dans la théorie de la Justice : l’intérêt général n’existe que dans la mesure ou à un moment donné les hommes appelés à coopérer de façon désintéressée vont créer un corps de règles minimales encadrant l’espace commun. La construction de ces règles communes se fait à un moment particulier, un moment où les individus choisissent d’ignorer les spécificités, en jetant un voile d’ignorance sur leurs spécificités. Ils vont donner alors des universaux, qu’ils vont s’employer ensuite à les préciser ou à les contester. Pour quelqu’un comme Robert Nozick, la position de Rawls est extrémiste : l’Etat pour lui n’est qu’une « agence de protection », voir même l’Etat peut être remplacé par une agence privée de protection. Pour Nozick, l’intérêt général se ramène de fait, à la capacité de l’Etat « veilleur de nuit » ( Etat minimum ) à monopoliser la violence et non à agir sur la société. Nous sommes ici donc en présence de projets politiques où le caractère extérieur « l’extranéité de l’Etat » constitue une condition nécessaire à l’épanouissement des libertés individuelles. L’objectif est de fonder un Etat minimal, même si en réalité il s’agit d’une fiction. En effet, les tenants de l’Etat minimal n’ont pas été capables de définir avec précision son périmètre. D’ailleurs, évoquer l’Etat minimal se ramène chez certains à la question du coût d’entretien de cet Etat. Or il a été démontré que les coûts d’entretien de l’Etat minimal augmentent y compris pendant les périodes ou son rôle se restreint. Certains courants à l’intérieur de la philosophie politique outre atlantique se sont intéressés à la philosophie de l’Etat minimum. Ces courants pensent que chaque individus est dépositaire d’une partie des intérêts de la communauté et que en réalisant ses objectifs, ses desseins propres, chaque individu contribue à la préservation de cet espace commun, qui est régie par le droit mais qui ne peut pas faire l’objet d’ingérence et encore moins d’une politique particulière. On ne croit pas que la société est un amalgame d’individus. B. Une société d’individus On se situe dans le prolongement des thèses de Jérémie Bentham et des courants qui depuis longtemps essayent de relativiser la part du collectif dans les grands mouvements sociaux. Ces courants pensent que toute structure, toute institution n’est pas obligatoirement l’aboutissement d’un processus réfléchit mais il s’agit de la résultante d’un jeu coopératif qui permet de faire cohabiter les stratégies particulières. Ainsi, le marché mais aussi les relations entre les groupes et les individus, les institutions politiques ne sont pas des construites à priori mais la résultante de jeux et d’interactions contradictoires et parfois même opposés. Rapportée à l’analyse du rôle, de l’action de l’Etat, ces interventions de l’Etat ne sont que le résultat de nécessités stratégiques que les différents acteurs vont mettre en œuvre et qui seront traduites par un programme d’action ou par une politique. La guerre par exemple deviendrait donc un reflet d’une demande de groupes ou de structures. Dans le cadre de ce modèle, ce sont les concurrences entre les stratégies relatives qui définissent et qui font émerger les actions politiques, et non pas des desseins préétablis. Dans le modèle syntagmatique, les porteurs de projet, ceux qui sont capable d’imposer leur volonté seront ceux qui feront agir les autorités politiques. Hayek approfondira les visions de Bentham et d’Adam Smith : pour Frederick Von Hayek, les construits institutionnels ne sont pas des structures mise en place à priori mais ils doivent être envisagés comme des nécessités stratégiques que créent les individus et les groupes au moindre coût possible pour prendre en charge leurs problèmes et préoccupations. Dans le cadre de ce modèle, l’action de l’Etat n’est pas envisagée comme la résultante d’une action réfléchie, préétablie, mais elle serait plutôt la résultante d’une forme de concurrence entre les entrepreneurs politiques, cad des individus dont l’objectif est de mettre en œuvre des programmes, de satisfaire des demandes, et de capter pour eux même des profits. Il peut s’agir de profits économiques, mais égt de soutiens politiques. Il existe dc un marché politique. Donc la société en tant que telle, n’a pas de consistance, en réalité il ne s’agit que d’une collection d’individus. Pour conclure sur ce chapitre, ces modèles et ces trajectoires doivent être analysées à l’aune d’expériences nationales spécifiques qui s’inscrivent dans des supports territoriaux et qu’on doit analyser sous un angle particulier pour chaque expérience nationale. Chapitre 3 : Trajectoires étatiques Tous les Etats répondent à une description commune, celle de l’existence d’un centre spécialisé différencié et autonome. Mais la différenciation et l’autonomie, ainsi que les formes institutionnelles connaissent des degrés, car chaque système politique apparaît comme le produit d’une histoire singulière. On peut d’ailleurs parler de trajectoire particulière, non plus en fonction du rapport à la société, mais on parle de trajectoire particulière en fonction des formes étatiques et en fonction de la capacité des Etats à construire, à se doter d’institutions. Badie et Birnbaum : Sociologie de l’Etat La typologie de Badie et Birnbaum distingue Etats forts et Etats faibles. La notion d’Etat fort ou d’Etat faible dans la typologie ne recouvre pas les aspects matériels quant à l’exercice de l’autorité. Elle renvoie à l’autonomie du pouvoir politique par rapport à la société et par rapport aux forces et aux intérêts sociaux. La notion de force ou de faiblesse s’apprécie à travers l’étendue des domaines et des objets de l’intervention étatique. Autrement dit, Badie et Birnbaum se sont intéressés à la sociologie de l’Etat en mesurant le degré d’autonomie dont bénéficie l’Etat dans la gestion de ses domaines d’intervention. Autrement dit, la force ou la faiblesse s’apprécie à travers les domaines d’intervention à travers le degré d’autonomie par rapport aux intérêts organisés. Comme la montré Max Weber, la force de l’Etat moderne se mesure à l’aune de la capacité de la bureaucratie à gérer, à produire les normes et à organiser les intérêts. Le développement de cet appareil bureaucratique reflète la plus ou moins grande autonomie de l’Etat et sa capacité à se défaire du jeu des intérêts. Toujours selon Weber, historiquement le développement de la bureaucratie reflète l’expansion des domaines d’intervention de l’Etat. La bureaucratie permet et reflète l’intervention régulatrice de l’Etat. C’est cette bureaucratie qui joue le rôle d’arbitre pour apaiser les tensions traversant la société. C’est vers cet arbitre que les groupes sociaux font appels. Donc l’appareil étatique sera moins étendu et moins indépendant des forces et des intérêts sociaux, alors l’intervention de l’Etat apparaîtra comme une intrusion parfois nécessaire, mais toujours menaçante dans une société civile a qui est reconnue une capacité d’auto régulation. Dc pour Weber un Etat faible est celui qui laissera une marge de manœuvre à la société civile. A contrario, cette intervention pourra être freinée lorsqu’elle apparaît comme un obstacle à la rencontre et à la libre confrontation des intérêts particuliers. De cette confrontation doit sortir l’intérêt général. Cette typologie de l’Etat en fonction de son degré d’autonomie se fonde sur une définition particulière de l’Etat. « Un Etat est un système de rôles institutionnalisés, fonctionnant de manière permanente, seul détenteur légitime de l’usage de la force, contrôlant le territoire sur lequel il exerce sa souveraineté, exerçant un pouvoir de tutelle sur les plus lointaines des provinces, défendant aussi les frontières, une machine politico-administrative, mise en œuvre par des fonctionnaires, recrutés de manière impersonnelle sur des critères méritocratiques. » ( voir p.173 faire gaffe pour l’examen ). C’est une définition qui se rapproche bcp de ce que aurait pu écrire Weber, mais définition restrictive car elle ne confère la qualité d’Etat qu’à certaines expériences notamment la France et la Prusse. Il s’agit de différencier et de faire ressortir ce qui tient de l’Etat et des centres politiques. Pour eux un Etat renvoie à la question de l’autonomie et de la capacité d’intervention. Un Etat ne s’apprécie qu’à travers sa forte autonomie et sa forte capacité d’intervenir. En revanche, le centre politique s’apprécie par son degré de centralisation. Le plus ou moins grand degré de centralisation peut être saisi par des éléments juridiques ou constitutionnels. Ils vont identifier 3 types de centralisation : - Etats fédéraux - Etats régionalisés - Etats unitaires On peut avoir des Etats décentralisés avec forte ou faible répartition des compétences. Donc pour Badie et Birnbaum, les formes juridiques constituent un premier biais sur lequel on peut apprécier le degré d’autonomie de l’Etat mais il s’agit d’un critère partiel. Ce qu’il faut en plus c’est une inscription territoriale des structures de gestion des politiques et des infrastructures. Cela rejoint alors les études de Rokkam et Urwin dans « The politics of territorial identity ». Pour eux la force ou la faiblesse d’un Etat est facile à appréhender. A l’intérieur de la communauté savante, la distinction entre Etats forts et Etats faibles repose sur deux critères interdépendants : 1. premier critère : le développement de la structure interne de l’Etat 2. second critère : la force ou la faiblesse s’apprécient en fonction du degré d’autonomie des structures administratives et politiques par rapport à l’environnement social. Pourquoi y a-t-il indépendance entre ces 2 critères ? Il y a interdépendance car on estime que le degré d’autonomie de l’Etat par rapport à son environnement social, dépend de la structure interne. Celle-ci peut être étudiée, évaluée à travers 4 aspects : 1. 2. 3. 4. le degré de centralisation territoriale ( Etat unitaire, fédéral, régional ) le degré de concentration fonctionnel ( degré de séparation des pouvoirs ) le degré de spécialisation, de professionnalisation des agents le degré de cohérence interne à l’appareil étatique ( est-ce qu’il y a ou pas coordination ou pas entre les différents ministères ? ) Si on prend ces 4 critères on pourra dire qu’un Etat sera d’autant plus fort par rapport à la société, que le système organisationnel qui le compose sera non seulement plus autonome mais aussi plus centralisé, plus concentré, et doté de capacités d’intervention plus spécialisées. Donc si on croise les éléments constitutifs de l’Etat d’un côté et qu’on croise ceux qui sont constitutifs du centre politique, on obtient 4 types idéaux d’Etat fort ou faible et de centres politiques : 1. l’existence d’un Etat et d’un centre en même temps, cad qu’il y a une forte capacité à insérer le territoire dans un maillage de pouvoir, mais d’un autre côté il y a la possibilité de tolérer des spécificités. Exemple : loi de décentralisation de 1982 2. un Etat mais sans centre politique identifiable : l’exemple type est l’Italie avec une forte régionalisation 3. un centre politique mais sans Etat, cad sans la capacité à imposer sa force et à homogénéiser un espace selon une logique unique ( Etats-Unis et grande Bretagne ) 4. ni centre ni Etat : la Suisse Enfin, si on croise les notions d’Etat fort/Etat faible d’une part, et les modèles paradigmatique/syntagmatique, on peut alors mettre en évidence deux types idéaux de trajectoire des rapports entre l’Etat et la société : 1. On trouve d’une part les sociétés où l’Etat tente de régenter le système social en se dotant d’une forte bureaucratie ( l’Etat est producteur de la société, du territoire ). Ces Etats forts sont dotés d’une forte bureaucratie ( France et Prusse ). 2. On trouve d’autre part des sociétés où l’organisation, le maillage social, la densité de la société civile a rendu inutile l’apparition d’un Etat fort ( archétype des EtatsUnis ). Les différences entre les 2 expériences sont dues essentiellement aux conditions historiques de construction des Etats, celles-ci sont la résultante de facteurs multiples comme le rapport à la religion, mais aussi aux ressources. Section 1 : ressources et construction de l’Etat Elias ou Rokkan pensent que la capacité de résistance des groupes ou des centres politiques qu’il a eu à affronter. Ces auteurs montrent que les efforts déployés par les centres politiques seront d’autant plus forts et soutenus que les périphéries auxquelles ils tentent de s’imposer sont elles aussi puissantes et attachées à leur indépendance. Plus ces résistances seront fortes, plus difficiles et plus longues sera le processus d’unification d’un territoire et plus difficile sera l’apparition d’un centre spécifique. Tous remarquent que l’appareil de contrôle territorial, militaire sera d’autant plus fort que la lutte aura été âpre et difficile. A titre d’illustration, Badie et Birnbaum évoquent les résistances rencontrées par la France et par l’Espagne pour unifier leur territoire. C’est ce qui va imposer un Etat fort, doté de moyens de centralisation pr rendre irréversible l’unification. Aux Etats-Unis où l’unification a rencontré peu d’obstacles, l’Etat n’a pas eu besoin de moyens considérables, pour maintenir un territoire et l’agrandir. Comparativement, les EU auront déployé moins d’effort par rapport à leur poids par rapport aux efforts qui furent déployés par la France. La force des résistances qu’un Etat rencontre jusqu’à un certain point détermine sa trajectoire et sa forme ultérieure. En revanche, un Etat qui va rencontrer une très forte résistance mais dans lequel le centre diffusant va réussir à opposer sa volonté aux autres structures sera vraisemblablement un Etat centralisé fort. Par ailleurs, la force et la capacité de développement de l’Etat est fonction de la répartition des ressources dans l’espace, elle est fonction de la répartition sur un territoire donné de la richesse, mais là aussi les trajectoire des Etats vont dépendre de deux variables : 1. D’abord la présence de périphéries culturellement hétérogènes et suffisamment puissantes pour opposer à l’entreprise de domination des moyens militaires ou autres, peut conduire à une forte centralisation, et à une intervention extrêmement poussée dont l’objectif est d’intégrer les périphéries. 2. Si la périphérie dispose de moyens/ressources ou dispose d’une situation qui lui permet de contrebalancer la force du centre dominant, elle peut alors imposer des arrangements, cad une intégration conditionnée par l’octroi de libertés ou de degrés d’autonomie ( reconnaissance par ex des spécificités linguistiques ). Ce type d’intégration par négociation ou par reconnaissance de spécificités, s’observe essentiellement dans des espaces où cohabitent des puissances de dimensions comparables qui aspirent toutes à exercer une hégémonie sur le même espace. Cette situation, cad l’intégration par négociation prévaut lorsque aucun centre ne peut l’emporter de façon nette et définitive sur l’ensemble des autres. Nous sommes alors en présence d’un espace de type « polycéphale » où il ne subsiste plus que deux voies possibles, soit une unification acceptée et concertée, soit l’absorption par un centre fort et limitrophe. Il existe des cas historiques : par exemple la Belgique, ce qui rassemble c’est surtout ne pas se faire absorber ni par les néerlandais ni par les allemands. Dans le cas d’une unification ou d’une entente sans qu’il y ai un centre dominant, il n’y a pas de standardisation. Il y aura donc une union négociée, qui va ménager les particularismes locaux et permettre une plus forte autonomie des composantes. Par exemple avec le fédéralisme canadien, l’objectif était de doter les composantes d’une autonomie, pour rendre insignifiante toute tentation de sécession. Mais l’apparition de ces centres politiques va dépendre des ressources dont ils disposeront. Ainsi que le montre Charles Tilly dans « Contrainte et Capital dans la formation de l’Europe : 990 – 1990 » , c’est à la fois le jeu de la contrainte et du capital qui éclaire l’apparition de l’Etat. Ainsi, d’un côté la capacité du centre politique à mobiliser les moyens de la force permet tout à la fois l’expansion et le contrôle du territoire. En même temps de façon concomitante, l’accès au capital s’accroît lorsqu’un Etat parvient à homogénéiser son espace et à le pacifier, ce qui renforce encore son expansion. Donc il y a une relation dialectique entre la contrainte et le Capital. Du dosage de ces deux piliers vont naître des expériences étatiques différenciées. Charles Tilly montre que dans le cas de l’Europe, on trouve 3 trajectoires en fonction de la part de contrainte et de la part de Capital : 1. à l’Ouest ( RU, France, Belgique ) : une économie urbaine prospère qui va contrôler la formation d’Etats nations 2. à l’Est ( aux confins de l’est de l’Europe orthodoxe ) : une économie rurale engendrant des systèmes étatiques autoritaires. 3. Au centre : un réseau de micro Etats sans territoires périphériques. Cet espace médian sera disputé par l’est et par l’ouest. Ces trois organisations politiques, économiques et territoriales illustrent 3 types de figures ou 3 parcours : 1. le parcours de la « contrainte capitalisée » : c’est là où les économies urbaines vont contrôler la construction de l’Etat nation 2. le parcours de la forte concentration en Capital : l’Etat s’impose pour garder les ressources. 3. le parcours à forte concentration de la contrainte : l’Etat fort s’impose pour unifier le territoire à défaut d’avoir une unification volontaire. Section 2 : Expérience : Etat fort, Etat faible : comparaison France/Etats-Unis La notion d’Etat fort/faible s’apprécie dans la relation avec la société civile. L’opposition entre ces deux caps peut être saisie à travers la comparaison des formes institutionnelles et à travers les modes de fonctionnement. Ainsi en France, le développement de l’Etat a conduit au renforcement de ses modes de légitimation par le contrôle des moyens et des processus de socialisation. Exemple à travers l’Ecole. Cela conduit au renforcement de la légitimité de l’Etat, à travers son arbitrage cad sa capacité à pacifier les rapports sociaux, à travers ses services, à travers les ressources et bien sûr à travers sa capacité à produire le futur. En revanche, aux Etats-Unis, l’Etat a vu son rôle et son développement restreint sauf dans des situations très particulières comme au lendemain de la Sécession. La situation des Etats-Unis tient au fait que ce pays n’ayant pas connu une expérience comparable au passé féodal de l’Europe, l’Etat n’a pas eu à s’imposer contre des velléités d’indépendance, contre des résistances, autrement dit plus des territoires nouveaux étaient adjoints au pôle central, plus l’Etat s’enrichissait. L’Etat aux Etats-Unis s’impose très facilement. La société américaine s’est construite par autorégulation. C’est une société qui présente un fort caractère contractuel, elle s’est organisée essentiellement en dehors de l’action de l’Etat. Pendant un siècle, entre la guerre d’indépendance et la fin de la conquête territoriale, une partie du territoire a échappé de façon continue à l’autorité de l’Etat. Le caractère mouvant de la frontière a empêché l’Etat central à dominer de façon pérenne et forte l’espace occupé. L’objectif était de s’imposer aux Etats limitrophes. Cette carence de l’Etat va amener de façon automatique, une auto organisation des communautés. C’est cette image mythique de l’auto organisation des communautés qui s’impose comme antithèse à l’Etat fort, d’où le concept de self government. Les autorités politiques ne disposent comme légitimité que celle qui procède du fait que la communauté lui délègue sa sécurité et lui confère le droit de la gérer. Par ailleurs, la société américaine, selon un modèle particulier, par un groupe initial auto organisé sous l’égide de l’autorité d’une religion majoritairement méfiant vis-à-vis des formes d’autorités, majoritairement protestant. Ce groupe donne à la société américaine sa marque de méfiance vis-à-vis de l’autorité. Cette vision du politique va se combiner avec le libéralisme économique naissant, justement rétif à toute forme d’intervention des autorités politiques. La combinaison de ces deux visions achève de donner à la société américaine son rapport à l’Etat : Weber « l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme ». la société américaine ne s’organise donc pas à partir d’un Etat mais à partir d’élites. Cette élite occupe une place importante, dès le départ son influence sera forte notamment lors de la rédaction de la Constitution américaine. Son pouvoir sera fort lorsqu’il aura été question d’organiser le débat politique dans la cité. L’indicateur ici est le statut et la capacité de mobilisation et l’audience des partis politiques américains. Si on s’en tient aux analyses de l’ouvrage de Birnbaum de Politique Comparée, aux EtatsUnis, l’économique va envahir le politique et va empêcher toute autonomie. Le personnel politique se recrutera exclusivement dans les milieux d’affaires et ce contrairement à la France. Il y a aux Etats-Unis une forte perméabilité aux influences du monde économique. Tous ces facteurs : rapport au religieux, à l’Etat, à l’économie, au personnel politique, expliquent la faiblesse de l’Etat qui se traduit par un faible développement de l’Etat central. En 1999, il y avait 2,7 millions de fonctionnaires fédéraux aux Etats-Unis pour 290 millions d’habitants. En France, on a 5,5 millions de fonctionnaires. Donc aux Etats-Unis, faible développement de la bureaucratie et de l’administration fédérale. Cette faiblesse peut s’expliquer par le fait que nombre de fonctions sont prises en charges par les Etats fédérés, cad les échelons locaux. La comparaison avec la France laisse entrevoir que les 2 trajectoires s’expliquent par le fait que la confrontation entre un Etat fort, un centre diffusant et une périphérie à été plus violente en France, amenant l’Etat a construire et à structurer une administration dont le principal objectif est de manier un territoire, de le contrôler, afin de rendre irréversible la tendance à l’unification. Dans une étape ultime, l’Etat va mettre sur pied une structure administrative dont l’objectif est de produire et de gérer la société. Section 3 : les limites de l’universalité du fait étatique Cours de Mr Mezzaros Introduction générale : l’Etat et la société civile Débat entre l’Etat et l’église la société civile séparée de l’Etat l’Etat régulateur de la société civile l’Etat contre la société civile La société totalitaire : fusion du parti Etat et de la société civile 1ère partie : Qu’existait-il avant l’Etat moderne ? La société contre l’Etat Formule de Weber : le monopole de la violence physique légitime Les sociétés sans Etat 2ème partie : l’Etat nation forme moderne de l’Etat la conception française de l’Etat chez De Gaulle la conception communiste de l’Etat la sociologie historique de l’Etat nation européen la nation, le parti et la culture Conclusion : critique générale de la sociologie historique de l’Etat L’Etat n’est pas une forme aboutie, elle est en devenir : mutations contextuelles, structurelles, historiques… INTRODUCTION De Aristote à Rousseau, le terme Etat signifie société civile. A partir de Rousseau, l’Etat va se décliner sous des appellations distinctes, qui vont se manifester par des concepts. Michel Foucault remettra le concept d’Etat au sens classique en cause. Hegel va finalement fixer les bases intellectuelles du socialisme, qui occupera tout le XXe siècle. Ce sera notamment l’idée de parti-Etat qui va précisément incarner le socialisme à partir de Lénine et de Staline. L’entreprise de Marx et Engels, ainsi que Lénine et Staline est de créer une société nouvelle qui va passé par une transformation des institutions. La chute du mur de Berlin va mettre un terme à cet conception de Parti Etat et va initier une entreprise nouvelle. C’est à ce moment là que la sociologie politique reprend sa place car il va falloir repenser cette définition de l’Etat a partir du socialisme. A partir de Max Weber on a une réflexion importante sur le rapport Etat-église. Cette spécificité remonte en réalité à St Augustin qui fut le premier à illustrer l’opposition de 2 types de pouvoirs, l’un temporel, l’un spirituel. Pour cela il convient de revenir à l’époque antique et à la grèce antique : la stabilité de l’Etat pour les grecs repose sur la loi. La cité quant à elle renvoyait à un ensemble de citoyens qui se réunissaient autour de lois communes. Elles étaient écrites et permettaient à un ensemble de citoyens de se retrouver sur un pied d’égalité. L’Etat grec est donc un Etat de droit. Il apparaît toujours que la loi constitue le pivot. L’autorité n’est pas celle de la force, comme on e retrouvera chez Bodin et Hobbes, mais l’autorité est exercée par l’efficacité de la loi. Dans la cité grecque, l’autorité est incarnée par l’efficacité de la loi. Cette conception de la cité grecque va s’opposer à celle où l’Etat est considéré comme tout puissant car il a recours à la force brute. Chez Durkheim dans l’Allemagne au dessus de tout, il explique que la première guerre mondiale a été causée par la vision d’un Etat tout puissant. L’Etat c’est d’abord une continuité, une régularité. Sa stabilité est la condition même de son existence. Cette stabilité se trouve dans l’étymologie même du mot Etat : stare = perdurer. C’est un Etat de permanence qui permet d’assurer au citoyen sa sécurité. En France, plusieurs termes : en général l’Etat est traduit par le grec polis c'est-à-dire renvoie à la cité. En latin l’Etat renvoie à Imperium qui traduit l’idée d’Empire, de pouvoir mais aussi de Dominium, idée de soumission à un maître, ou encore chez les grecs de civitas donc toujours référence à la cité. Chez les grecs : conoima politike = société civile. En latin, il y a une expression que l’Etat recouvre comme synonyme : La Respublika cad la chose publique. En réalité, le mot Etat s’est imposé tardivement, puisque c’est au 18ème puis au 19ème siècle qu’on le retrouve. On peut constater que Tocqueville et Montesquieu n’utilisent pas le terme Etat dans leurs ouvrages. Tocqueville utilise les termes d’autorité politique ou d’institution politique, mais également d’ordre social. Il n’utilise pas le terme Etat car il a peur de la confusion ac les états de l’époque comme le tiers état par exemple. En fin de compte, au Moyen âge, l’état désigne des corporations, des groupes de métiers. En Allemagne : staat = Etat mais aussi celui de stand = état ou groupe, cad corporations. En Italien : dans Le Prince, le terme stato est déjà utilisé par Machiavel, c’est lui qui fonde la science politique moderne. Sinon il utilise dans le Prince des termes purement latins, qui s’inscrivent dans l’héritage de l’empire romain : l’Imperium et le Dominium. L’Empire romain c’est l’héritage des cités-état grecques. On estime que l’héritage grec vient de la Macédoine, qu’il a été transporté sur les rives étrusques puis cet héritage a pénétré les européens. Donc avec Machiavel et les précurseurs de la sociologie apparaît l’idée que l’Etat est une forme politique spéciale et particulière, on parle même d’œuvre d’art car elle s’est façonnée à travers l’histoire. C’est une production consciente et réfléchie, fruit du logos grec. Si on revient à l’époque médiévale, pendant l’époque féodale, l’Etat est absent. Le mot employé est le status qui signifie une façon d’être, un statut dans la société. Cela rejoint le terme d’état comme corporation. C’est à partir du 12ème siècle que le terme va s’élargir et revêtir la pluralité que l’on connaît aujourd’hui. L’absence du mot Etat ne signifie pas l’absence du concept. On peut prendre comme exemple la papauté : elle va revendiqué tout au long du Moyen âge la plenitudo potestatis à savoir la plénitude du pouvoir. C’est donc un grand essor politique et juridique qui va se produire à partir du 12ème siècle, et la pensée médiévale va progressivement intégrer le terme d’Etat. En réalité, elle va plutôt le retrouver. On va progressivement retrouver ce concept et le réactualiser. Réactualiser la polis, la societa civilis grec ou encore la Respublika. A cet époque là l’Etat n’est pas encore réellement pensé comme une forme politique. Si on prend les auteurs scholastiques comme St thomas d’acquin ils emploient les termes de civitatis ou de communauté politique. Dans la traduction du Traité de Gilles de Rome au 13ème siècle on trouve mentionné le terme d’estat de roi. Et donc progressivement à partir de Gilles de Rome, on va avoir l’utilisation de plus en plus fréquente du terme estat pour désigner la puissance politique organisée par les lois. C’est finalement Jean Bodin qui va marquer le pas avec son concept de souveraineté. Ce qu’il conceptualise par là c’est l’Etat territorial juridique. Proche ancêtre de notre Etat moderne. Cet Etat territorial juridique chez Bodin c’est la République : les Six livres de la république. Nécessaire distinction entre Etat et gouvernement : Chez Machiavel déjà, stato va désigner une réalité plus large que les formes de gouvernement. Machiavel contourne ce pb purement philosophique en considérant l’Etat comme une notion bcp plus large que le gouvernement. Mais cette distinction entre l’Etat et le gouvernement pose toujours pb. Est-ce qu’un changement de constitution signifie qu’un nouvel Etat est né ? En tout cas les terminologies impliquent des réflexions très profondes. Par exemple la distinction que les anglais et les américains font du government = traduction de l’Etat français. Donc il y a là des enjeux majeurs qui se jouent terminologiquement. L’Etat français est l’Etat unitaire caractérisé par sa centralisation, sa dimension jacobine. En Américain par exemple, le terme administration désigne le pouvoir exécutif. Par exemple la réforme du government proposée par l’administration Clinton, en français cela donnerait la réforme de l’Etat proposée par le gouvernement. Pour revenir au grec, le concept de polis renvoie à la cité mais aussi à la police cad à la force publique. Cela renvoie également à la notion de counonia politike. Ces deux termes ont été traduites de manière erronées. En latin la counonia politike renvoie à la société civile. La société civile entre dans la langue française au 16e siècle. Précisément, elle est introduite dans une traduction de Melenchton ( disciple de Luther ). Elle trouve un écho chez Saint Augustin : la société terestra. Alors que chez Gilles de Rome la societa civilis signifie communauté de gens. Comparativement chez Spinoza, societa civilis signifie l’Imperium dc l’Etat. Chez Rousseau la société civile renvoie égt à l’Etat. Chez Durkhein, la société renvoie au peuple ou à la nation. Dans les années 1970, les critiques qui vont être formulées contre les partis Etats des Etats totalitaires, étaient basées sur la dénonciation de la fusion entre l’Etat et la société civile. Mais en même temps, les opposants dans les démocraties populaires, surtout en Pologne, qui ont précisément été identifiés par rapport à la lutte qu’ils menaient pour le droit et la liberté ont été associés à la société civile. La libération de la société civile, de même que tous ce qui relève de l’affirmation des droits de l’homme et des libertés. A l’ouest, on a des courants de sociologie de l’Etat qui prennent en compte la force ou la faiblesse de la société civile. Ouvrage phare : Badie et birnbaum Sociologie de l’Etat. Toutes les doctrines de l’autogestion qui ont été développé en France, cad tout ce qui permet au citoyen de se réaproprier la gestion politique et de s’autogérer dans la société. Le grand défenseur de cela c’était Michel Rocard, inspiré par des ouvrages comme ceux de Rosanvallon. Ce sont les débuts de la politique libérale qui revendique l’Etat libéral minimal. La conception libérale de la société civile est propre à l’occident, propre à l’ouest de l’Europe pendant la guerre froide. La vie sociale et économique est organisée autour de la société civile selon une logique qui est associative. L’Etat n’a rien a voir avec cette autogestion de la société civile. L’expression de société civile revêt bien souvent l’idée d’opposition à la société politique. Elle peut parfois même aller jusqu’à la remise en cause d’une classe d’élite qui ne répondrait pas aux attentes de la population. C’est un thème développé par le FN en France qui se revendiquait de la société civile contre l’élite politique. On dénonce la façon dont la classe politique monopolise le pouvoir, en particulier avec le soutien de la presse et des médias. L’histoire de la notion de société civile dans les années 80 en occident est moins importante qu’elle ne l’est à l’Est. Précisément parce que la société civile va apparaître comme triomphante des régimes totalitaires. Idée que c’est la société civile qui dans les années 90 a vaincu les partis Etats. En même temps elle va en l’absence de cet Etat régulateur favoriser les logiques communautaires. C’est l’appartenance à une certaine communauté, ethnique, culturelle, qui va triompher sur l’ancienne vision grecque de la citoyenneté politique des individus. Malgré les différents sens et les différentes acceptions du concept de société civile permet de mieux comprendre et de mieux théoriser l’Etat. 5 définitions principales de l’Etat : 1. celle d’Aristote : la société civile est une communauté et c’est une communauté politique, elle est distincte de la famille, mais égt distincte de l’ethnos ( le peuple ). Le peuple est un mode d’organisation inférieur, c’est le mode d’organisation des barbares. Chez Aristote cela renvoie à l’idée d’inachèvement, d’incomplet alors que l’homme est un animal social et politique. 2. le sens proposé par St Augustin : opposition entre cité terrestre et cité de Dieu. Ce que va avancer comme idée majeure St Augustin c’est que toutes les sociétés politiques ne se valent pas. Il y en a une supérieure aux autre : c’est celle qui permettre d’assurer la paix et en même temps qui va permettre de contrôler les passions. Cette forme politique supérieure aux autres c’est la République. La distinction de St Augustin est d’ordre mystique et pas institutionnel, il propose une séparation entre la société terrestre et la cité de Dieu. Et en fin de compte, l’augustinisme depuis le Moyen âge va identifier systématiquement la société terrestre à l’Etat. La problématique qui a été soulevée par Augustin est toujours d’actualité parce que l’Eglise catholique revendique toujours son autorité spirituelle sur la société civile. 3. celle de Hobbes : la société civile chez Hobbes est opposée à l’Etat de nature. C’est le transfert de la liberté de chaque individu à un souverain qui marque le pacte social. Même logique chez Locke. Le passage à la société civile chez hobbes permet de mettre fin à la guerre de tous contre tous. L’idée chez Hobbes c’est de justifier précisément la naissance du Léviathan et va permettre de mettre en place un pouvoir politique tout puissant. Mais que ce pouvoir politique tout puissant n’a pas comme finalité de priver les hommes de leur liberté. L’Etat n’a pas comme finalité d’anihiler les individus mais de garantir leur sécurité. chez Rousseau, la société civile est égt opposé à l’état de nature, mais cependant l’homme à l’état de nature est un état de grâce. Le passage à l’état civil chez Rousseau marque la perte de l’innocence et donc une dégradation de sa condition. 4. Chez Hegel il y a une distinction claire entre Etat et société civile. La société civile c’est le lieu où les hommes vont chercher à satisfaire leurs besoins fondamentaux mais dans un cadre policier, c'est-à-dire en ayant conscience d’une contrainte qui est exercée au dessus de la société civile. La société civile chez Hegel c’est aussi le lieu où existent des corporations. Sans ces corporations la société civile reviendrait à l’état de nature. Finalement Hegel fonde l’Etat de droit. C’est l’Etat de Droit qui permet à la société civile d’exister. 5. Chez Marx on est dans la continuité de Hegel. Il va renverser la conception hégélienne de la société civile. C’est la société civile qui prime sur l’Etat. Pourquoi ? parce que l’économie politique se réalise par la société civile. Marx propose une analyse historique de cette différenciation entre la société civile et l’Etat. A la fin de la théorie de Marx, l’Etat meurt, on a rompu cette dialectique historique, et l’aboutissement de l’égalité des classes. Cela doit se manifester par la dictature du prolétariat qui devra mener la lutte finale, on aboutira à une société civile réconciliée. 1). La cité de Dieu chez Saint Augustin C’est un texte qui va servir de justification à la coupure institutionnelle entre l’église et l’Etat. Cette division sera prégnante chez les auteurs médiévaux. St Augustin voulait légitimer la prétention de l’église à dominer l’Etat. Division entre la « Jérusalem céleste » et la Babylone terrestre ». C’est ce dualisme que va combattre Karl Marx. La problématique que pose St Augustin, va permettre de comprendre tout le développement politique de l’occident. La théocratie n’a jamais été réalisée en occident, tout simplement parce que le pouvoir politique était trop fort. Finalement la distinction entre Etat et église renvoie in fine à deux formes de domination distinctes. L’une politique, celle de l’Etat, l’autre hiérocratique, celle de l’église. Hiérocratique = gouvernement par un corps ordonné. Cette tentative de domination et cette lutte domination politique et hiérocratique va marquer toute l’histoire de l’Europe. St Augustin fait l’apologie de la cité de Dieu qu’il va qualifier de République Sainte où les hommes s’aimeront les uns les autres et où ils aimeront Dieu. Dieu commandera les élus. 2). La doctrine de Saint Thomas d’Acquin Elle est tjs présente actuellement. Toute la doctrine de l’église catholique actuelle est fondée sur la doctrine thomiste cad la relecture de Aristote. Idée que les principaux biens communs de l’humanité doivent être préservés, à savoir la liberté et les droits des individus. au niveau international, toutes les actions menées par Jean Paul 2 dans les démocraties populaires étaient pour le respect des individus, car la fin ultime de l’homme est en Dieu et si on viole les droits de l’homme on viole par la même la loi divine. La doctrine de Saint Thomas d’Acquin renvoie à la légitimité de l’Etat. Mais cette légitimité de l’Etat est subordonnée à l’Eglise. C’est la soumission du temporel au spirituel. Toutes ces questions sont développées de manière complexe à l’époque médiévale. Historique : le plus connu des conflits : la querelle des investitures entre la papauté et les empereurs germaniques. En l’occurrence, elle a été principalement initiée par Henri IV et le pape Grégoire VII. Grégoire VII va interdire à l’Empereur et au souverain d’effectuer les investitures. Henri IV dépose le Pape par le Concile de Louance. En rétorsion, le Pape excommunie l’Empereur. Donc le pouvoir politique n’a plus de légitimité, mais d’un autre côté le pape n’a plus de protection. Henri IV s’excuse auprès du Pape, statu quo. Mais une fois l’excommunion levée, Henri IV dépose à nouveau le Pape mais cette fois ci avec la force armée, ce qui pousse le pape à fuir. Finalement le contexte dans lequel va être pensé cette séparation est lié à des considérations historiques. Comment la légitimité peut être donnée de manière permanente à l’Etat pour qu’il assure sa permanence ? Autre épisode : opposition entre Boniface VIII et Philipe Le Bel, c’est la dernière fois que l’Eglise aura la volonté d’asseoir sa domination sur le pouvoir politique ( 13-14eme siècle ). Cela amène à la plus grande division : installation de la papauté française à Avignon et d’un autre pape à Rome. Ce qui va mettre un terme aux prétentions de l’Eglise c’est la monarchie française qui va affirmer son autonomie dans l’ensemble européen. C’est la monarchie absolue en France qui est assurée avec la plénitude du monarque. C’est à partir de l’affirmation de la monarchie française qu’on va voir l’émergence de l’Etat moderne. On entre alors dans une période de restructuration de l’Etat mais aussi de construction d’un appareil d’Etat. Le premier élément sera le développement d’une armée. Cette armée va être soumise à une autorité centrale, à une autorité politique. Donc cela marque la fin du mercenariat. Pour avoir une armée sous une autorité centrale, il faut la payer et donc on met en France une fiscalité. Cette fiscalité est contrôlée par l’Etat souverain. Il va y avoir parallèlement le développement d’une église transnationale qui va entraîner toute une série de conflits en Europe. Au 19e siècle, volonté de l’Eglise de dominer le système scolaire qui va impliquer un conflit profond avec l’Etat. Cela va être progressivement l’avènement d’une loi en 1905 qui mettra un terme aux conflits, loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat qui institue l’Etat français comme Etat laïque. Partout où on va avoir des églises locales qui vont se constituer, à partir de là on va avoir des conflits très importants entre l’Etat et l’église. Cela institue des doubles loyautés. Par exemple, en Angleterre, le Roi est le fondateur de l’Eglise et en même temps le Chef politique. Dans les Etats où on a une domination catholique on voit émerger des courants anti religieux. On ne peut pas négliger que l’Eglise est un acteur des Relations Internationales. Donc cette église peut prendre le pas sur les Etats, comme se fut le cas de Jean Paul II pendant la guerre froide. Le dualisme de St Augustin montre quand même une suprématie du pouvoir temporel sur le pouvoir spirituel. cf « rendez à César ce qui est à César » paroles de Jésus. La logique de St Augustin est celle du Christ, cette séparation n’est pas là pour renverser l’ordre établi mais pour instituer un ordre plus juste. Il ne parle pas de théocratie, le politique doit être à sa place et le religieux à la sienne. 3). Etat et église chez Weber La domination peut être analysée à partir de l’obéissance. Obéissance à une autorité dont on reconnaît la validité Donc concept de légitimité. 1). Cette validité est d’abord la reconnaissance de la validité à commander. Chez Weber ce sont les idéaux types de la domination. Ils sont à la base de la légitimité ( charismatique, traditionnelle ou rationnelle ). 2). Cette validité peut également être la fonction de distribution des biens : les biens liés à la violence, les biens liés au religieux. Il existe donc deux types de domination chez Weber en fonction de la distribution des biens : une domination politique, une domination hiérocratique. La définition de l’Etat va d’abord rendre compte du caractère protéiforme de l’Etat. Avant la conception d’Etat était spécifique à Machiavel, elle était essentiellement politique et militaire. Avec Botero on a un apport l’Etat est aussi économique. Donc chez Weber, Etat protéiforme qui se caractérise par la violence. Mais il précise qu’il existe d’autres formes politiques ( tribus, clans…) qui ont aussi pour spécificité la violence. Le port de l’arme signifie la possibilité de régler des différents. Ac Weber on voit l’apparition d’une idée centrale ce n’est pas fondamentalement le monopole de la violence légitime qui existait déjà auparavant, mais c’est cette monopolisation sur un territoire et un espace donné. Cf Economie et Société p.17 : plusieurs termes importants : Légitimité : il faut qu’il y est continuité, l’exercice du pouvoir est continu sur un territoire géographique déterminable. La direction administrative : renvoie à la bureaucratie qui est la technicisation de la politique. Lorsque cette direction administrative devient institutionnalisée elle va exercer la contrainte physique légitime. La contrainte : il y a une donnée constante, la lutte (au moins pour le pouvoir). Caractériser l’Etat par le monopole de le violence légitime sur un territoire c’est le définir par un moyens spécifique. L’autorité politique poursuit des activités multiples : le ravitaillement, l’hygiène…dc l’état n’a pas un seul et unique but. Il est protéiforme, il a une multitude de fonctions. La violence n’est pas une fin à laquelle l’Etat doit répondre. Un Etat ayant pr seule fin la violence se dénaturerait. La violence n’est qu’un moyen parmi d’autres. La définition que Weber fait de la politique va exclure tout ce qui n’est pas fait par l’Etat. Weber va émettre une remarque d’ordre terminologique. Il met en garde sur l’utilisation du terme politique. Pour lui politique au sens sociologique signifie institution spécialisée, cad liée à l’activité étatique. Alors que dans le sens ordinaire la politique signifie une orientation. Ce sont les mêmes termes en français et en allemand. Mais en anglais on a des termes qui permettent de distinguer une action qui renvoie à la lutte pour le pouvoir : politics et l’action organisée en vue d’une orientation : policy cad des mesures, des moyens que l’on va employer en vue d’atteindre une finalité. La séparation entre ces deux significations peut être complexifiée si on introduit là dedans l’Etat en tant que tel. En sociologie politique moderne, la notion de politique renvoie aux finances publiques par ex dc des mesures précises. Dc on différencie bien politique étatique/gouvernementale et la société civile déterminée par différents types d’actions orientées vers des fins particulières. Chez Weber, l’intérêt de sa sociologie est de s’intéresser à la politique étatique. Cela va renvoyer à la notion de contrôle. L’Etat est une organisation politique à caractère institutionnel que l’on pourrait égt nommé entreprise politique de caractère institutionnel. Le terme entreprise est important car renvoie à l’idée de rationalité, d’activité rationnelle continue. L’Etat chez Weber n’est pas une association libre mais une organisation contraignante qui a une emprise sur les individus. DC l’Etat ne peut pas être assimilé au concept d’entreprise au sens éco car elle serait libre. Autre raison l’entreprise éco vise à acquérir des biens, alors que les moyens de l’Etat ou de l’entreprise politique sont l’usage de la violence dc on est dans le réalisme politique. Dc il évacue un aspect en disant que ce n’est pas ac une lecture éco de la société que l’on peut comprendre l’originalité de l’Etat, d’où la différence ac Marx. Pr Weber, l’originalité de l’Etat se mesure par rapport à l’église. Weber met finalement face à face, en « contraposition » deux grandes institutions : l’église et l’Etat qui se st et qui continuent à se disputer le contrôle de l’Occident. C’est cette opposition qui permet de déterminer la spécificité de l’Etat : la lutte pour la domination et le monopole sut certains territoires. L’une et l’autre de ces deux institutions vont chercher à utiliser les moyens spécifiques de l’autre pour atteindre ses propres fins. L’église et l’Etat sont des institutions qui tendent à la domination. L’Eglise a bel et bien une organisation territorialisée, elle existe sur les territoires, au niveau international, et égt par un Etat : le vatican. Elle existe spacialement et pas seulement spirituellement. Dans le monde moderne, cette prétention à la domination s’est amenuisée, ce n’est plus la même que pendant la période féodale. Mais elle continue quand même d’exercer sa domination sur des individus. Mais elle a des frontières spirituelles, on n’y renter pas comme ça. L’Etat de son côté veut exercer son contrôle sur tout ceux qui sont sur son territoire ou qui veulent y entrer, donc cette fois les frontières sont physiques. Même si l’église a un rôle politique limité, son influence à l’intérieur de l’Etat peut quand même compter. Exemple : travail des églises locales dans les démocraties populaires : cf Solidarnosc en Pologne. Il y avait un relais qui avait été donné à ses églises locales par le Vatican qui a joué dans le soutien des groupes révolutionnaires. Les anciennes républiques de la fédération yougoslave ont été soutenues dans leur combat pr l’autonomie par le Vatican. Dans certains cas de figure, c’est le Vatican lui-même en tant qu’Etat qui s’est investi dans les territoires : cf en Pologne c’est Jean Paul 2 qui est intervenu directement pour soutenir les mouvements. Cette église en tant qu’acteur est aussi relayée par des partis politiques : cf partis démocrates chrétiens en Europe. Les relations entre les sphères politiques et religieuses ne sont pas les mêmes en fonction des zones culturelles. Tout simplement parce que les notions de sacré et de mystique n’ont pas la même portée. Dans les Etats hiérarchiques traditionnels du Proche Orient en Asie, on trouve 3 formes de principautés qui vont définir 3 types de relations entre Rois et prêtres : En Sumer, le Roi est à la fois le grand prêtre : le bien être du royaume va reposer sur des forces magiques. Les autres prêtres ne seront que ses assistants. Le Roi figure conventionnelle, il est à la fois religieux et formel, il n’a pas de dimension magique. Ce sont les prêtres qui auront cette fonction. Le Roi aura à la fois des prêtres pour s’occuper de ses affaires ac l’au delà et des ministres pour s’occuper des affaires terrestres. A Bali le Roi est le centre magique et religieux du monde, et les ministres seront des envoyés. Dans ce cas de figure, il n’est pas pontife ( comme dans le premier cas ). En Occident on n’a jamais eu cette tendance à la théocratie. Le Roi n’a jamais été un gd prêtre. Exemple : Charlemagne qui se fait sacré Empereur par le Pape et va se présenter comme gd défenseur de la chrétienté, mais à aucun moment il ne pense s’accaparer la sacralité, il reste dans sa dimension politique. Il y a déjà une stratégie de couronnement pour faire face aux Empereurs byzantins qui se considéraient comme les empereurs uniques de la chrétienté. Or le fait qu’il se fasse couronné empereur par le Pape, il y a désormais un nouvelle forme de chrétienté. Il y a une manifestation très forte de cette opposition entre Bysance et le reste de l‘Empire romain d’occident dans la querelle des iconoclastes. Elle commence ac Léon 3 et se finit avec Théodora au 9ème siècle. Il y a une idéologie de l’Empire Byzantin dans lequel l’Empereur joue un rôle central, il est autocrate : sa légitimité/souveraineté politique dépend de son rôle religieux. Lorsqu’il y avait des règles de cérémonies, elles étaient à la fois politiques et religieuses, la bureaucratie était politique et religieuse. L’Empereur autocrate se présente comme le représentant du Christ. Léon 3 a voulus substituer son culte à celui de dieu, il va chercher à monopoliser le capital symbolique à des fins politiques. Il fait détruire des images du Christ, il les remplace par celle de rois. Mais en même temps accentuation du culte du christ et à sa victoire sur la croix. Autre interprétation : elle tend à supposer que Léon 3 et ses successeurs vont finalement chercher le support de factions de pop opposées aux images. L’Empereur byzantin avait besoin de ce soutien pour lutter contre le développement des pop musulmanes. Il y avait opposition entre les iconoclastes et les iconodouzes. Les iconoclastes étaient contre les images et étaient localisés à la périphérie de l’Empire. A la périphérie de l’Empire, les images n’avaient pas de valeur spirituelle, mais au contraire au sein de l’Empire byzantin hérité de la Grèce antique les images avaient une forte valeur spirituelle. Mais pour Léon 3 qui était originaire de la périphérie, les images avaient nécessairement une connotation négative car relevant de l’idolâtrie. Donc chez Weber vision binaire, mais difficulté à avoir une dimension analytique du fait de cette séparation. La fracture civilisationelle Occident/Orient se produit au 11eme siècle ac le Schisme d’Occident qui remonte ac cette querelle iconoclaste. 4). La réforme protestante La réforme protestante a entraîné l’affirmation de l’autonomie de l’Etat par rapport au religieux. C’est à la fois une affirmation et une non intervention. La réforme protestante est la rupture des églises locales avec l’église universelle. A partir de ce moment là il n’y aura plus même l’idée d’une théocratie en Occident. Pourtant on va avoir des tentatives locales de mettre en place des systèmes théocratiques comme par exemple Calvin à Génève. Et il va y avoir en mm temps un rapprochement entre les élites politiques et les élites religieuses. Les conséquences de cette rupture : Le clergé n’est plus relié à une bureaucratie internationale : c’est évident car il n’y a pas de Vatican protestant. Dc on s’oriente vers le localisme. Le clergé va prêcher dans des langues régionales, dc il n’est plus coupé de la pop. La distance entre le clergé et l’Etat aura tendance à se réduire. Les individus ne vont plus avoir à se revendiqué d’une double loyauté politique et religieuse. C’est la société civile qui se réconcilie en quelque sorte. Parce qu’à partir du moment où elle n’est plus soumise à un seul, elle va avoir la capacité de s’organiser. Aussi bien le calvinisme que le luthérianisme vont porter un message politique très fort. La réforme a produit la société civile et elle lui a donné sa pleine légitimité. Luther est opposé à l’esprit d’accumulation, il condamne les mouvements sociaux qui veulent s’attaquer à la propriété. Donc il ne faut pas voir Calvin et Luther comme étant en opposition à l’Etat. Ils veulent valoriser ce qui est utile, ce qui est bien pour l’intérêt général, dc ce sont des choses qui sont rationnelles. Ils vont prôner la rationalité des actions. Les fondamentalistes s’opposeront à cette conception car ils se revendiquent de la distinction entre cité de Dieu et cité terrestre. Pour Luther c’est la raison qui doit se mettre au service de la vie dans la société civile. Michel Foucault va analyser deux sources à partir desquelles il étudiera les sociétés pastorales : 1. Machiavel : le peuple est un agent stratégique pour le Prince. 2. Luther : il affirme la primauté du royaume de Dieu mais il refuse toute confusion des 2 royaumes. Donc d’un côté l’Etat au sens strict et de l’autre idée de la société civile unie qui s’organise. A partir de là va émerger l’idée de gouvernement pastoral à partir de ces 2 sources. 5). L’Etat pastoral de Michel Foucault Michel Foucault se place face à la politique machiavélienne, celle de la virtu. A partir du 18e siècle, on voit apparaître le gouvernement pastoral qui est le fonctionnement de l’Etat en lui-même, dc différent du gouvernement par le Prince. Michel Foucault a d’abord cherché à opposé ces deux conceptions : - La première : la relation de pouvoir est tourné vers un Etat souverain qui sera centralisé - La seconde est tournée vers les individus, la société civile et la manière dont elle est dirigée de manière continue et permanente. On appelle pastorale ce pouvoir que Michel Foucault va appelé individualisateur. Cf Le Débat n°41 On l’appelle pastorale en référence au pasteur qui s’occupe de son troupeau. Le pasteur va s’occuper de chacun et soigner chacun pris individuellement. Ce pouvoir ne cherche pas spécialement à posséder une force pour imposer sa domination. Finalement l’objectif de ce pouvoir pastoral est de trouver les meilleures recettes pour gouverner. Cette distinction renvoie à deux modèles étatiques : - Un modèle juridique du pouvoir : contrôle et administration de la société civile - Un modèle stratégique Ces deux modèles coexistent déjà avant le développement des états modernes. 1. Exemple la monarchie absolue : assujettissement des individus au monarque ( dc modèle souverain et stratégique ). Le but était de limiter la fragmentation du pouvoir, dc garantir l’unité, le principe de souveraineté était un principe unificateur. Pour exercer ce principe unificateur, l’Etat a monopolisé les fonctions de justice et de violence. Mais on se rend compte paradoxalement que l’Etat d’ancien régime correspond aussi au premier modèle : on a juridicisé cette souveraineté. Le droit a été le mode de manifestation de la souveraineté auprès du peuple et donc a permis son acceptation par les lois. La monarchie absolu est un modèle stratégique qui a fonctionné ac des mécanismes juridiques. 2. Le second gd évènement : la Révolution française. C’est l’ensemble des conditions de la vie politique qui vont changer. Elles vont changer parce que l’espèce humaine va devenir un enjeu de stratégie politique. Les droits de l’homme et du citoyen vont permettre cette évolution. Cette mutation va entraîner des transformations politiques majeures en terme de pouvoir. Au pouvoir étatique souverain qui était basé sur le prélèvement et la violence, va progressivement se substituer un pouvoir qui fonctionne sur le droit, sur la loi. Progressivement, là où on avait le châtiment on va avoir une normalisation par rapport au Droit et on va avoir un pouvoir qui va déborder les appareils d’état. L’Etat va être débordé. Cela se manifeste par la technicisation. La normalisation passe par la technique. Pour Foucault la raison d’Etat va se développer avec la notion de savoir politique. Dc formation nécessaire à un nouveau type de savoir. Le Prince machiavélien avait pour principal atout l’habilité militaire. Le Prince machiavélien devait éliminer les rivaux par la ruse et la force. Il devait manifester son courage et aussi sa cruauté. Alors qu’avec l’avènement du gouvernement pastoral on voit émerger quelque chose de nouveau. Le gouvernement pastoral n’est possible que s’il dispose d’un savoir du gouvernement. Il ne peut fonctionner que s’il est lui-même apte à comprendre. C’est la statistique d’Etat, l’arithmétique d’Etat qui naît à ce moment là. L’idée étant d’agir rationnellement pour la population. C’est donc renforcer non pas le gouvernement du Prince mais renforcer le bon gouvernement. C’est à ce moment là qu’émerge la police : ce sont des techniques de gouvernement qui reposent sur un savoir qu’on les techniciens. = politique publique. En Allemagne, la police est déjà le lieu d’un enseignement à l’université « Polizei Wissenshaft » = science de l’administration. Au 18e siècle on a un Traité de police qui énumère 11 domaines que l’Etat doit garantir : la religion, la moralité, la santé, les approvisionnements, les routes, la sécurité publique, les arts libéraux, le commerce, les fabriques, les domestiques et hommes de peine, les pauvres. Cela rappelle les ministères. Dans cette liste on ne prend pas en compte tout ce qui relève de la violence, qui relève de l’Etat monarchique souverain qui s’est formé pendant la féodalité. A l’époque sont du domaine de l’Etat monarchique centralisé : la force armée, le contrôle de la justice et en même temps ces deux domaines sont irrigués par une fiscalité qui dépend de l’Etat souverain. Ceci au nom de la raison d’Etat, on avait voulu garder ces 3 attributs. Mais on a développé tout un tas de nouveaux secteurs d’activités très spécifiques. Finalement l’Etat pastoral ne se préoccupera pas de la vérité dogmatique de la religieux ( si on regarde le premier domaine ) mais la moralité et les risques d’instabilité qu’elle peut engendrer. + préoccupation quant à l’état sanitaire, la question de l’alimentation. Second paradoxe : le gouvernement pastoral a pr objectif de rendre les gens heureux, notamment en leur procurant une vie meilleure. Mais d’un autre côté, il faut que le développement individuel des personnes dans la société civile favorise le développement de l’Etat. L’Etat moderne dès sa naissance est double : il est à la fois individualisant ( il va favoriser le développement de l’individu ) mais d’un autre côté il va être totalitaire. Pourquoi ? Parce que l’Etat totalitaire ne s’inscrit pas dans une logique de rationalisation ou d’un autre type. En réalité, l’Etat totalitaire ne vise pas à individualiser le pouvoir mais en réalité pour pouvoir mieux le contrôler. Ce sont des phases d’épuration : l’objectif de l’Etat totalitaire est d’épurer la société en évacuant les éléments qui pourraient gêner. Le but et la finalité de l’Etat totalitaire est la reconstruction de l’Etat sur de nouvelles bases. L’Etat qui se construit dans la période classique n’est pas défini par son essence. On ne peut pas rattacher la naissance de l’Etat moderne à quelque chose qui lui serait fondamental. Il va se définir à travers ses pratiques et à chaque pratique va répondre des rationalités différentes. Ces pratiques là vont s’incarner dans le principe majeur de gouvernabilité : effort systématisé d’agir sur la société civile. Alors que les systèmes totalitaires vont introduire un système différent d’organisation. Ils introduisent un changement de registre. Ce n’est pas un changement de régime mais de registre par lequel on mène la politique. L’Etat libéral correspond lui au développement de programmes qui visent à organiser la société civile. Et en même temps on a une distinction fondamentale qui s’impose : la violence comme survit de l’Etat et de l’autre côté la police comme administration politique de la vie, et qui permettent à l’Etat de fonctionner sur un mode dual, à savoir la souveraineté et d’un autre côté la gouvernabilité. La souveraineté attrait à la survie de l’Etat. Les régimes totalitaires quant à eux n’intègrent qu’un élément structurant : la violence organisée, dirigée contre la population. La spécificité de l’Etat totalitaire est d’avoir ériger au cœur de la vie politique le principe d’extermination. Finalement l’Etat pastoral renvoie à l’Etat providence. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans un grand nombre de pays européens notamment en Allemagne on voit des techniques de gestion sociale qui se met en place, en France mise en place de la Sécurité sociale en 1945. Toutes les techniques néo keynésienne après les 30 glorieuses auront pr but de répartir les revenus dans la société. Au contraire le choc pétrolier de 1973 a entraîné un repli de l’Etat. La loi sur la décentralisation en 1982 est le transfert aux CT d’un certain nombre de compétence dc là encore repli de l’Etat. Le but était d’assurer la meilleure gestion financière des ressources. Autre exemple de retrait de l’Etat des politiques éco : en Angleterre sous Thatcher et aux EU sous Reagan. Mais ce retrait de l’Etat ne va pas remettre en cause les fonctions pastorales de l’Etat. Après la crise de 73, la France va obliger la rationalisation des dépenses et cela sans remettre en cause les acquis sociaux. On a toujours et de manière continue ce rôle protecteur de l’Etat. Pdt la crise de 73 mise en œuvre de politique publique en ce qui concerne les seuil de pauvreté, aide aux chômeur, mise en place du RMI…En 1993-94 la grande réforme de Clinton sur le système de protection sociale. Donc l’Etat est tiraillé entre ces deux tensions : la souveraineté et la gouvernabilité cad aspect tourné vers les pratiques en vue de la société civile et de son bien être. Ce sont finalement deux pôles de l’exercice du pouvoir. 6). Hegel Il introduit deux idées principales : l’Etat est régulateur de la société civile La société civile est l’intermédiaire entre la famille et l’Etat. Même si c’est le précurseur de la conception marxiste et léniniste de l’Etat, il aura pourtant une conception libérale. C’est une conception philosophique et juridique. On a longtemps considéré que l’Etat hégélien préfigure l’Etat totalitaire mais c’est faux. Pourtant il se place dans une logique opposée à celle de Lénine et Marx. Pourquoi est-ce qu’on a pensé que la théorie de Hegel préfigurait à l’Etat totalitaire ? Parce que selon lui l’Etat devait réaliser la raison dans l’histoire. Or ce n’est pas forcément contre l’individu. Certes l’Etat hégélien est centralisé. Mais L’Etat hégélien ne nie pas les individus et leurs droits. Pour caricaturer, Hegel se situe plus du côté de Benjamin Constant, que du côté de Lénine. La théorie hégélienne va permettre pour le philosophe de déterminer les principes de l’Etat libéral. L’Etat pour Hegel c’est l’organisation des organisations. Dans cette organisation suprême il y a diverses composantes qui sont la famille, l’église par exemple qui sont des organisations placées sous l’autorité de l’Etat. L’Etat ne va pas absorber l’individu en son sein. Problématique : comment est-ce qu’on peut garantir l’existence individuelle, cad les individus en tant qu’ils sont des subjectivités libres ( non uniformisés ) et conserver l’organisation cohérente de la structure sociale, cad de l’Etat ? La société civile chez Hegel a une fonction importante : c’est un lieu de tension entre l’individu et la totalité. Hegel nous dit que c’est aussi un lieu où cette tension est posée, mai c’est aussi un lieu où on va parvenir à résoudre cette tension. La société civile c’est l’endroit où l’intérêt égoïste de l’individu va pouvoir s’affirmer. Mais c’est aussi le lieu où l’individu va pouvoir prendre conscience qu’il est intégré à la société. Cette société civile est donc incorporé dans une organisation plus importante, qui jouera un rôle de police, à savoir l’Etat. Pour Hegel il y a une antériorité de l’Etat par rapport à la société civile. Cette antériorité est logique et chronologique. Il faut rappeler qu’il est un philosophe de l’Histoire. Pour lui il y a deux institutions antérieure à la société civile : la famille et l’Etat. Il donne un exemple : dans la Rome antique où il y a un état et des familles mais pas de société civile. L’Etat va être la condition d’existence de la société civile. Sans l’Etat la société civile s’autodétruirait. L’Etat va introduire l’universel. Il s’inscrit dans la logique de Hobbes, à savoir que dans l’Etat de nature on est au niveau des individualités, mais le passage à l’état civil va dépasser les intérêts égoïstes. Par rapport à la famille, la société civile va introduire quelque chose de nouveau : c’est la libération du carcan qu’est la conception patriarcale de la famille. Donc une certaine émancipation des individus. Donc la société civile va déchirer les liens familiaux, mais paradoxalement elle va égt aliéner les individus entre eux. Le pb c’est que la réalisation des individus émancipés du cadre familial va désormais passer par les autres. Donc double phénomène : d’un côté libération de la famille patriarcale, mais égt aliénation par rapport aux autres du fait d’une plus grande mobilité sociale qui passe par le contact ac les autres. Donc la conception de la famille chez Hegel est inorganique, c’est le terroir paternel, qui permettait la subsistance. La rupture qui va s’imposer lors du passage à la société civile est déjà d’ordre économique. On se tourne vers l’extérieur pour subsister. Les frontières vont muter : avant le domaine, le lopin de terre puis passage à la ville… donc l’individu est pris dans un système : le besoin et le travail. Formule de Hegel : « la famille patriarcale se déchire car l’individu devient le fils de la société civile. » Le dépassement de la famille est lié à des transformations économiques et sociales. Dc pour Hegel on passe du sol au social. Donc on passe d’une conception géopolitique à une conception politique et économique. On passe au niveau des sciences de la géographie à la science politique. Ce qui incarnait l’autorité ( le père ) va se transformer en personnalité juridique. Finalement le citoyen bourgeois va trouver dans la société civile un terreau pour réaliser ses intérêts égoïstes : la possibilité d’échanger et de commercer lui permettra de s’enrichir. Par la suite, le bourgeois citoyen va atteindre une libération supérieure : Il se rend compte qu’il peut dépasser sa condition initiale par la culture. La culture va lui permettre de se libérer aussi bien concernant sa naissance, ses origines, et cette liberté passera par le travail. Dans le système de besoin et de travail, l’homme arrive à se satisfaire par l’interaction, l’interdépendance. Cela signifie que chaque personne privée ( dc on considère déjà qu’on est dans un système juridique organisé ) pour satisfaire ses intérêts a besoin des autres personnes privées. Il y a une multiplicité de besoins à satisfaire ( pas seulement manger et dormir ), il y a autant de besoins à satisfaire qu’il y a d’individus. la satisfaction de cette multiplicité d’intérêt va se satisfaire dans la division du travail. Le raffinement de la société civile qui parvient à son émancipation va se manifester à travers les arts et les techniques. En parallèle de sa réflexion philosophique et théorique, il trouvera le second volet de sa théorie chez les économistes : Smith, Ricardo et JB Say. Il va aller puiser à la source ce qui va permettre de faire la différence entre les classes sociales. A partir de là il va constater que dans la société civile qui apparaît, l’accumulation des richesses va entraîner systématiquement le développement de la pauvreté. L’accumulation des richesses va donner naissance à une nouvelle classe sociale : la « populace » ( le prolétariat chez Marx ). Dc chez Hegel on n’a pas l’idée d’une harmonie sociale. C’est même là que Hegel se sépare des penseurs utilitaristes : l’idée d’une harmonie sociale qui serait la conséquence d’une logique économique basée sur la satisfaction des besoins ne correspond pas à la vision hégélienne. La société de Hegel est le lieu des antagonistes. Il y a des intérêts contradictoires, et les individus vont lutter pour satisfaire leurs intérêts. La solution selon Hegel sera politique : c’est la question de l’état de nature. Dans la société civile, le droit et la police ne sont pas accidentels. Ce sont des impératifs catégoriques. Si les individus avaient comme seul et unique volonté que de satisfaire leurs intérêts, ce serait la guerre de tous contre tous, l’atomisme individualiste. Donc la société civile selon Hegel doit comporter des mécanismes. Ils sont institutionnels et auront comme objectif de préserver la paix civile, la stabilité. Ce sera notamment le rôle de la justice : elle aura pr fonction de protéger les individus eux-mêmes et leur propriété privée. Mais en mm temps Hegel se montre prudent ac la justice, car selon lui c’est un concept trop abstrait. Le droit est le mécanisme institutionnalisé qui va permettre de garantir le bien être de l’individu. Dc inversion, le bien être de l’individu va devenir un droit. Il faut donc permettre la réalisation de ce droit dans la société. Tel est le rôle de la police, cad l’administration, la régulation qui est de réaliser ce droit fondamental. C’est la logique de la régulation sociale. Elle passe par gouvernabilité ( cf Foucault ) cad le développement de techniques pour gouverner. Donc finalement l’objectif est d’éviter la fragmentation atomique de la société. Il faut dc recourir à une organisation de type corporatiste, cad une organisation par métiers. Hegel va souligner 2 classes où cette organisation par corporation est particulière : - La paysannerie : en lien ac la terre, elle a un mode de vie familial. Par conséquent elle assure aux individus une stabilité, dc pas de nécessité de structuration/ organisation. - La bureaucratie : cf selon Weber c’est la classe universelle. Sa fonction est déjà vouée à l’universel, dc ils se reconnaissent tous. - En revanche dans la classe industrielle il y aura besoin d’une structure en corporations car il faut éviter l’atomisme. Ces corporations seront les syndicats. Ces corporations doivent être anti concurrentielle, elles doivent empêcher la concurrence. 1. La principale tâche que la société civile aura à accomplir sera d’assurer la sûreté : la liberté des individus, leur protection et la protection de leur propriété privée. Et donc pour réaliser ces 3 points elle doit tendre à l’intérêt général. C’est le caractère universel que va souligner Hegel dans la société civile. Pour Hegel lorsque la société civile tend vers l’universel elle trouve son accomplissement dans l’organisation supérieure qu’est l’Etat. L’Etat a pour mission de préserver cette tendance à l’universel et de préserver la légalité. Naissance de l’esprit corporatiste, qui va se transformer dans « l’esprit de l’Etat ». 2. L’Etat n’est pas un supplément de la société civile il est au cœur, il est enraciné dans la société civile. C’est lui qui va permettre le passage de l’intérêt particulier à l’intérêt universel, du multiple à l’unité. En l’absence de cadre législatif, les corporations ne pourraient pas fonctionner puisqu’elles entreraient en concurrence les unes avec les autres. 3. Le patriotisme du citoyen : c’est un patriotisme qui n’a rien a voir ac le nationalisme. C’est tout simplement de dire que l’Etat lui permet d’exister. Parce que c’est l’Etat qui règle les affaires générales, le citoyen bourgeois ne s’en préoccupe pas, il ne s’occupe que de son intérêt particulier. L’Etat va donc empêcher toute forme de concurrence. L’Etat va ainsi empêcher la guerre civile, les révolutions…au contraire chez Marx, c’est l’Etat qui appel à la guerre civile et qui affirme la lutte des classes. Il faut aussi souligner que le bourgeois hégélien est lié à l’Etat par un lien civique. Pourquoi ? parce que chez Hegel ce n’est pas un lien d’appartenance ethnique ou culturelle, c’est une appartenance civique. Cela signifie que le bourgeois adhère à l’Etat car celui-ci lui donne une dimension d’universalité des conditions de vie de type universel. L’Etat est réglé intérieurement par les familles mais aussi par la mécanique des corporations. En sachant que celui-ci est contrôlé par les fonctionnaires et c’est eux qui donneront son caractère universel à l’Etat. Dc pour Hegel l’Etat un système auto gouverné, avec une commande centrale. 4. L’Etat ne se comprend que de l’extérieur, l’Etat doit fonctionner avec d’autres Etats. C’est la guerre étrangère. C’est la destination finale de l’Etat, l’Etat est voué à la guerre ac d’autres Etats ; Donc l’Etat est voué à cette interaction ac d’autres Etats mais il est nécessairement voué à la satisfaction individuelle. D’où le paradoxe : il doit sacrifier des citoyens dans la guerre, mais il doit aussi leur garantir le bien être. 7). Marx L’idée sous jacente à toute la théorie marxiste part d’une critique de Hegel. Il estime que Hegel a eu tort de vouloir résoudre le problème de la société civile en atomes sociaux par l’existence de corporations. Il a voulu réconcilier l’Etat et la société civile. Hegel aurait utilisé une « ruse de la raison ». C’est à partir d’une critique de Hegel que Marx va renverser l’Etat hégélien : - La société civile va avoir pour infrastructure l’Etat. - La société civile va être encadrée par le droit et par l’idéologie. - La croyance en l’existence première de l’Etat est une illusion. L’illustration typique va être celle de la révolution française ; L’émancipation politique de l’homme n’est pas l’émancipation par l’Etat et dans l’Etat, mais cette libération passe par la révolution qui conduira à la disparition de l’Etat luimême. L’humanité réconciliée : stade ultime de l’humanité lorsqu’il n’existe plus d’institutions politiques. 1. L’Etat naît par la scission de la société civile. Il remonte jusqu’au communisme primitif. A cette époque, l’économie et le politique sont fusionnés, cad que l’Etat et la société civile sont confondus l’un l’autre. A cette époque, le droit de propriété privée n’existe pas. Dans l’antiquité ou les tribus germanique on a le droit de possession, cad que la tribu va être propriétaire de tous les biens. Le progrès de la propriété va permettre le passage des biens meubles aux biens immeubles. 2. seconde phase : c’est avec le capitalisme que la propriété des moyens de production va apparaître. Marx constate qu’à cette époque la politique sera de moins en moins importante, l’économie prend le dessus dans la société. On voit alors apparaître une sphère politique autonome distinct de la société civile : c’est la naissance de l’Etat. On comprend alors que Pour Marx, à l’opposé de Hegel, l’Etat naît de la société civile. 3. Cette sphère politique va dc prendre son autonomie par rapport à la société civile. C’est comme si la société civile avait perdue une part d’elle-même. Toutes les transformations sociales et économiques vont confirmer cette séparation. Progressive indépendance mais pas totale de l’Etat vis-à-vis de la société civile, et c’est pourquoi Marx lui donne un rôle mineur. DC Au départ de l’Histoire, l’Etat est encore fusionné avec la société civile mais c’est un Etat propriétaire. Mais Avec l’apogée du capitalisme c’est l’inverse qui se produit, l’Etat devient propriété des propriétaires ( achetable en bourse ). Marx va voir cette réalité historique émerger : la force/violence d’Etat a été le moyen pour lui de s’imposer et d’empêcher la société civile de reprendre son pouvoir. L’Etat est en train d’accélérer l’Histoire. A partir du 17e siècle, accélération de la transition car l’Etat va tenter de monopoliser le pouvoir. « la force est l’accoucheuse de toute vieille société au travail, la force est un agent économique ». La force ( l’Etat ) aurait permis à la société d’accoucher d’elle-même. Dc permet le passage de la féodalité au capitalisme. Cela va se traduire par l’industrialisation et par l’émergence de la société civile moderne, cad la société civile bourgeoise. Marx entend par là la société où les modes de production vont être monopolisés. Dans la phase du capitalisme, l’Etat ne va plus jouer qu’un rôle indirect. La première conclusion c’est que l’Etat à l’âge capitaliste va être un instrument de la classe dominante. L’Etat va servir les intérêts de la bourgeoisie, sous couvert de l’intérêt général. 4. Paradoxe : l’Etat devient un appareil au service des intérêts de la bourgeoisie. Au départ l’Etat avait un rôle économique général, mais désormais en servant les seuls intérêts de la bourgeoisie il devient l’appareil de la bourgeoisie. L’Etat qui devait être régulateur des intérêts ( cf Hegel ) était un Etat représentatif, mais il n’est plus le garant de l’intérêt général. Ce qui va permettre de résoudre ce paradoxe : ce sera le droit. Le droit va être utilisé pour masquer le fait que l’état ne régule plus l’intérêt général, cela va masquer les intérêts particuliers que l’Etat défend. Dc Marx voit la suppression de la superstructure juridique qui n’est que supercherie. Le Droit est la solution que va utiliser l’Etat en ce qui concerne le conflit entre les classes. 5. De plus l’Etat devient l’appareil par lequel la bourgeoisie va se protéger par rapport à la montée du prolétariat. L’armée et la police vont être les moyens de contrer la montée de l’opposition contre la bourgeoisie. L’Etat représentatif bourgeois va vite se transformer en dictature militaire. Marx va alors proposer une typologie de l’Etat, car le développement du capitalisme va se faire différemment dans chaque pays. Les degrés de clivage dans la société civile sont différents selon les pays. C’est à partir de cette base là que Marx va faire sa typologie chronologique des formations sociales existantes, selon le degré de différenciation de l’Etat par rapport à la société civile. Cette division et l’avancée de l’Etat est essentiellement due à l’économie. L’Amérique du Nord : c’est un système original. L’Etat n’a aucun rôle économique alors que le capitalisme s’est déjà développé. Il y a une bonne répartition : un Etat faible économiquement mais fort politiquement, et une société civile qui remplie le rôle éco. Mais l’Amérique du nord n’a jamais connu d’époque féodale, elle n’a jamais connu d’éparpillement du pouvoir. L’Histoire dans le cadre de ce pays a le mieux accompli son rôle, elle a accompagné le parcours de l’Etat. La distinction entre Etat et société civile s’est produite et chacun vont tenter de réaliser ce pourquoi elles existent. En Angleterre et en France : l’Etat n’aura pas que des buts politiques. La féodalité a pesé sur la société civile et dc a retardé cette distinction entre Etat et société civile. Pour la Prusse : situation encore plus confuse. D’abord dans les années 1870, l’Etat prussien n’est pas purement éco ni politique. Marx et Engels vont souligné que la Prusse offre une combinaison unique et originale : les formes politiques issues de la féodalité sont travaillées par la modernité qui arrive. Marx le décrit ainsi « il n’est rien d’autre qu’un despotisme militaire à charpente bureaucratique placé sous la protection policière, enjolivé par des fioritures parlementaires, avec des éléments féodaux » en parlant de l’Etat prussien. Pour ces pays civilisés, ils ont tous comme socle commun le développement de la bourgeoisie. Le capitalisme va être pleinement développé et affranchi du moyen âge très rapidement. Or l’Allemagne va être caractérisée par une arriération, car elle a connu une fausse révolution : la réforme de Luther. La France pr Marx sera plus avancée politiquement mais aura tjs des retards au niveau de son développement économique. La Révolution française entraîne une accélération de l’histoire française. L’Angleterre est considérablement développée économiquement, du fait de sa révolution industrielle. La Russie : en Russie il n’existe pas de société civile moderne, dc il ne la classe pas dans les pays civilisés. L’Etat y joue un rôle économique majeur. Ce que va faire l’Etat russe c’est qu’il va favoriser le développement du capitalisme de manière hermétique. Marx voit alors émerger « la vermine capitaliste » qui va accumuler pour elle-même sans entrer dans l’interdépendance. « cette serre chaude » ce système hermétique va entraîner la saigner de la paysannerie. La paysannerie russe va être stérilisée, on va empêcher son développement au profit de la capitaliste. Cela entraînera la création de structures éco originales. L’exploitation va se développer, il n’y a pas de réciprocité ni d’interdépendance. On a un rapport direct entre classes sociales et pas d’Etat pour réguler les relations. C’est pourquoi la Russie sera le laboratoire de la révolution. On va favoriser l’enrichissement des capitalistes, notamment étranger dc c’est l’Etat qui est responsable de cette exploitation. Certains ont vu dans cette forme politique originale une forme de communisme primitif. Ce décalage avec la société civile émerge au 19 e siècle mais l’Etat de Poutine actuel poursuite cette tradition. Pour faire un récapitulatif des révolutions européennes : - La révolution française = révolution bourgeoise, une classe en remplace une autre. Mais c’est mensonger car on fait passer l’intérêt particulier sous le masque de l’intérêt général. - La révolution communiste est la révolution d’une classe sociale : le prolétariat qui doit parvenir à l’universel. Idée de la restauration de l’Un, cad de l’essence de l’universalité humaine. C’est la fin des aliénations, c’est la liberté retrouvée. Phase de transition entre le capitalisme et le socialisme, puis du socialisme au communisme : cela doit aboutir à la mort de l’Etat qui se manifeste par deux facteurs principaux : la fin de la lutte des classes, et la division totale du travail dans la société civile. 8). De Marx à Lénine : le dépassement de l’Etat. Suite à la Révolution d’Octobre 1917 : L’Etat va tout d’abord se réclamer marxiste révolutionnaire et entamer la réforme des institutions jusqu’à la disparition de l’Etat. En effet, l’Etat va dépérir rapidemment mais pas au profit de la société civile, mais au profit du Parti. A la veille de la révolution de 1917, Lénine propose deux thèses sur l’Etat : La mise sur pied du régime après la révolution : principes d’idéologie et d’organisation. Mais le régime communiste ne verra jamais l’accomplissement de cette phase. Lénine va désigner l’Etat comme un appareil de violence. Cet appareil de violence sera au service du prolétariat. Lénine va chercher à voir comment l’Etat va asseoir sa légitimité politique. Il s’inspire des autres modèles européens. Avant la première guerre mondiale, le modèle allemand est celui de la fusion du politique et de l’économique. L’Etat est le détenteur de la violence, canal de l’idéologie et régulateur de l’économie. D’où la mise en place de « l’économie de guerre généralisée » cad la mobilisation générale de l’éco au service de la guerre. Cela montre la supériorité de l’Europe par rapport à la Russie. Dc la Russie cherchera à fusionner l’Etat et l’éco. Lénine prend conscience que pour développer technologiquement un Etat, il est nécessaire d’avoir une main d’œuvre et dc d’entrer dans la logique capitaliste. Or il condamne le capitalisme. D’où le paradoxe : si on veut le développement éco et technologique, on doit recourir au capitalisme mais il condamne idéologiquement le capitalisme. D’où la ruse : Lénine va fermer l’idée de la révolution internationale pour asseoir son autorité. Il va utiliser les techniques de l’Ouest au service du contrôle de la société civile russe. C’est la société tsariste qui va être modifiée par les techniques de gouvernance empruntée par Lénine à L’Ouest pour contrôler la société civile, notamment par la surveillance. Dc on emprunte des techniques de gouvernabilité qui sont d’origine capitaliste. On peut donc atteindre la dictature du prolétariat par ses techniques capitalistes de gouvernabilité à la condition que ce soit une dictature du parti unique. L’idée centrale du léninisme sera que l’Etat est une usine. Le Parti ne doit pas être divisé autour de question secondaire. Et pour cela il y a une technique particulière : l’épuration de la vieille société. Chez Lénine c’est le parti qui doit épurer la vieille société tsariste, mais pour que cette épuration soit efficace il faut que le parti unique soit purgé lui-même auparavant. En 1921, on a la fin définitive de la révolution bolchevique et de la guerre civile entre les blancs et les rouges. Par la même, Lénine constate que les menaces extérieures sont en train de décroître. Lénine fait voter par le 10ème congrès du PC l’abolition du système des tendances. Tous les opposants à la révolution sont considérés comme des ennemis, dc début du système d’épuration. D’ailleurs Staline reprendra cela plus tard lorsqu’il assimilera les trotskystes à des hitlériens. Le Parti est considéré comme l’institution des institutions. Toutes les décisions vont être prises au sein du PCUS. Va s’installer progressivement à partit de 1921 une logique de discrimination qui s’articule sur le duo d’ami/ennemi. Cette discrimination va conduire à la fin des débats politiques et elle va progressivement se propager dans toute la société civile cad dans toutes les sphères de la vie sociale. La société russe va être progressivement en proie à des dysfonctionnements très importants. ………………………….. Le pb et les dysfonctionnements viennent du fait que plus personne n’ose parler et dc le Parti peut prendre toutes les décisions. Etant donné qu’il n’y a pas d’information fiable, les décisions vont être prises dans l’ignorance de la réalité et les élites vont eux même renvoyer des infos fausses pour montrer qu’ils ont bien accomplis les consignes, les impératifs ont bien été accomplis et que les objectifs sont atteints alors que c’est impossible d’appliquer dans une telle situation sociale. Dans ce type de système si on voulait signaler une déviance, révéler une défaillance du système c’était s’exposer soi même. C’était par conséquent risquer sa propre vie : soit internement, soit exécution. Donc un système en décalage ac la société civile se met en place. Concernant l’hygiène sociale/ la purge : en 1918 est ouvert le premier camp de concentration ( GULAG ) sur la demande de Lénine. Au départ la volonté de Lénine n’est pas d’épurer la société civile, ce n’est pas non plus l’assimilation de la politique de guerre. En réalité l’objectif de Lénine s’inscrit dans une opération sociologique et politique. C’est le passage de la politique de guerre à l’hygiène sociale. Lénine va stigmatiser certains groupes sociaux, comme étant des éléments nuisibles et parasitaires. Ce sont des insectes dont la dangerosité ne tient pas nécessairement de leur part à une volonté malveillante. En fin de compte l’idée qu’à Lénine c’est que ce sont des nuisibles naturellement. Ils n’ont eux-mêmes même pas conscience qu’ils sont nuisibles au régime. Dc il y a une naturalisation du social par Lénine. Cette naturalisation considère que certains groupes sont dangereux tout simplement parce qu’ils existent, et donc ils doivent être éradiqués de la société. Dc systématisation de la violence. Dans un premier temps on a une virulence qui est moindre par rapport à ces groupes : ils vont être internés, écartés…exclus du corps social. C’est ce qui sera inscrit dans la première constitution soviétique de 1918 « Déclaration du droit des peuple travailleur et opprimé ». le premier type d’exclusion est qu’il va priver le bourgeois de toute forme de citoyenneté . Certains russes vont être chassés de leur pays. Cas plus violent : nettoyage de la terre russe. Cela viser certaines catégories sociales : les bourgeois, les intellectuels, les koulaks ( paysans aisés. Cette politique d’épuration massive dans sa forme la plus extrême passera par l’anéantissement physique. Cette première campagne d’extermination va surtout toucher les koulaks. Cette campagne sera de courte durée car Lénine craint une nouvelle guerre civile. Lénine meurt en 1924 et dès 1929 Staline reprend cette politique de purge. C’est la période de collectivisation forcée. Toute la partie droite du parti bolchevique est purgée à son tour en 1929. Cf Hannah Arendt et Aron voient la période de la grande terreur se développer à parti des années 30. Ils vont caractériser le régime soviétique de totalitaire à partir des années 30. Or, tous les traits du régime totalitaire sont déjà présent à partir du moment où Lénine arrive au pouvoir. Lorsqu’en 1921 Lénine lance la NEP, l’interprétation que l’on peut en donner est la rupture ac la guerre. On peut penser que le communisme de guerre s’arrête. Le communisme de guerre qui était basé sur la réquisition va s’arrêter en 1921 au profit d’un retour partiel à l’économie de marché. Mais ce qui va prendre le pas sur cette normalisation économique cela va être la répression politique et la terreur policière sur la population. Donc la répression continue a s’exercer sur la société. En 1921, Lénine ne voyait pas d’autre alternative a continuer de maintenir la pression car selon lui le socle du régime n’était pas encore assez solide. Donc deux genres de terreurs : la terreur blanche ( fascistes ) et la terreur rouge ( communiste ). Pour Lénine la terreur blanche est incarnée par Mussolini. Dc il fait une sorte de symétrie entre les deux types de terreurs. Cela va lui permettre de dresser une classe contre une autre classe. Lors de la 3ème Internationale ( le Kominterm ) l’assimilation va rester très forte entre bolchevisme et fascisme. Entre 1923 et 1929, période des grands procès et des grandes purges, mise en place du NKVD ( police politique ). Autre manifestation du système totalitaire : lorsque le Parti se confond avec la société. Cf référence à Mussolini et à son idée d’Etat total. Le cycle de l’Histoire qui sera ouvert en 1917 va se perpétrer sur cette modalité jusqu’à 1991. la dernière phase c’est lorsque Gorbatchev lui-même va dénoncer le totalitarisme du régime. Dc l’URSS va imploser car la Perestroïka ne pouvait pas s’effectuer car il n’était possible que de revenir à 1917. Or la dictature du Parti unique n’était plus possible dc c’est la fin du monopole. D’où le putsch de Eltsine et la chute complète du bloc soviétique. Donc de 1917 à 1991 on a une période de l’Histoire fermée sur elle-même. Concernant la notion de totalitarisme : notion très critiquée ; C’est une notion de sociologie politique qui est critiquée car elle ne peut pas se limiter à être un pure concept car c’est aussi une logique de mobilisation. Dc en réalité le totalitarisme renvoie à un concept scientifique mais aussi à une idéologie. On a la l’assimilation a deux types de régimes : l’un fasciste, l’autre communiste. Kautsky : théoricien et homme politique, secrétaire d’Engels dc proche du marxisme originel et c’est lui qui éditera le Capital de Marx. Mais c’est aussi lui qui s’oppose à Lénine en écrivant « Terrorisme et communisme » en 1918. Ainsi, la notion de totalitarisme va trouver un écho particulier chez les sociologues démocrates. Trotski également va se désolidariser de cette politique. Il aurait préféré continuer le communisme de guerre et exporter le communisme. C’est dans un contexte particulier que Kautsky et Trotski vont utiliser le terme totalitarisme : 1941 : Pacte germano soviétique. pour Trotski c’est une trahison. A partir de la guerre froide, on voit une réactivation de la notion de totalitarisme pour déterminer le type de régime qui était pratiqué en URSS. Travaux conduits aux EU : de nombreux opposants ont émigrer aux EU. Des chercheurs vont développer des études concernant le totalitarisme. Parmi eux Karl Friedrich « les régimes totalitaires ou les autocraties » + ouvrage d’Enzo Traverso « le totalitarisme : le XXe siècle en débat ». Au niveau des philosophes : Arendt et Aron : « les origines du totalitarisme » ( 1951) et Raymond Aron « Démocratie et totalitarisme ». En France, cette pensée sur le totalitarisme va être confortée par deux événements majeurs : 1. la perte de prestige de L’URSS après la publication de « l’Archipel du Goulag Alexandre Soljenitsyne mais également du fait de l’émergence de la Chine comme agent important et la perte d’influence de l’URSS lors de la guerre de Corée. Symbole : refus de poignée de main de Mao face à Khroutchev. Mao considère que la vrai révolution communiste s’est faite en Chine. 2. l’invasion de l’Afghanistan en 1979 A ce moment là un autre auteur majeur : Lezsel Kolakowski. Dans les années 1960, on est dans un contexte idéologique et politique. En Pologne on voit naître des mouvements contestataires autour des syndicats. Il y a un travail de fond sur la conception unitaire de Marx. Finalement on arrive à cette conclusion qui était déjà inscrite dans la pensée marxiste : caractère unitaire, fusion entre l’Etat et la société civile. Kolakowski : l’un des plus gd spécialiste du Marxisme. Etude en trois volumes : naissance, évolution et effondrement du marxisme. D’après Kolakowski le système stalinien est avant tout un système politique, où tous les rapports sociaux sont de nature étatique. L’Etat est omnipotent, l’individu est un atome, il se retrouve isolé. Claude Lefort parlera de « l’égocratie » : c’est un philosophe français qui a spécifiquement parlé de la question totalitariste. Il va développer sa réflexion sur la notion de totalitarisme dans les années 60-70. Il va développer la démocratie en la mettant en rapport ac le totalitarisme. Il explique la démocratie par le totalitarisme. C’est le dernier qui a eu une vraie pensée de la démocratie. L’idée qu’il développe est que la démocratie est un lieu vide. Par « lieu vide » il entend un lieu perfectible, qui n’est pas encore réalisé. La Démocratie est à construire, parce que dans la démocratie il y a des opinions sans cesse divergentes.