Document de base stratégie des matières premières et sécurité de l

Dachorganisation der Suisse KMU
Organisation faîtière des PME suisses
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Umbrella organization of Swiss SME
suisser Gewerbeverband Union suisse des arts et métiers Unione svizzera delle arti e mestieri
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Stratégie des matières premières et sécurité de l'approvisionnement
Sommaire
Pour que la place économique suisse puisse faire face à la concurrence internationale et que ses
PME, en particulier, puissent défendre et améliorer leur position dans la chaîne mondiale de création
de valeur, il est nécessaire qu'une stratégie suisse des matières premières se fonde sur les postulats
suivants:
principe institutionnel: l'approvisionnement en matières premières est essentiellement la tâche de
l'économie ;
la Confédération crée les conditions préalables permettant cet approvisionnement ;
l'objectif suprême de la stratégie suisse des matières premières doit être la sécurité de l'approvi-
sionnement du pays ;
il n'est pas nécessaire de créer de nouveaux instruments, mais ceux qui existent déjà (politique
extérieure, énergétique, économique et sécuritaire) doivent être mieux coordonnés et axés sur la
défense des intérêts de la Suisse.
Structure du présent document:
I. Situation sur les marchés
I.1 Rôle moteur des marchés internationaux
I.2 Besoins croissants
I.3 Situation en Suisse
II. Stratégie des matières premières et sécurité de l'approvisionnement
I. Situation sur les marchés
Les matières premières sont, pour une économie basée sur les hautes technologies et se trouvant
dans les premiers rangs de la concurrence mondiale, un élément primordial. Tant les métaux indus-
triels classiques, comme le fer, l'acier et l'aluminium, que les matières premières plus modernes,
comme le niobium, le palladium, le tungstène ou le groupe des métaux rares, sont de plus en plus
demandés sur les marchés internationaux et, par conséquent, se raréfient. Le maintien de la Suisse
dans le peloton de tête dépendra dans une large mesure de la capacité de son économie à se procu-
rer ces matières premières.
Avec la nouvelle mouture de la stratégie énergétique suisse (tournant énergétique et stratégie énergé-
tique 2050), certains aspects auxquels on avait accordé moins d'importance ces dernières années
reviennent au premier plan, notamment notre dépendance de l'étranger en ce qui concerne l'importa-
tion d'agents énergétiques, l'accroissement de l'efficacité dans l'exploitation des ressources, l'impor-
tance des changements touchant les marchés mondiaux ainsi que les rapports géostratégiques. Dans
une optique interdisciplinaire, la stratégie des matières premières et la stratégie énergétique sont
complémentaires. Elles mobilisent en outre des ressources relevant typiquement de la politique exté-
rieure, de la politique économique et des politiques de la formation, de la recherche et de la sécurité.
Par ailleurs, les stratégies de l'énergie et des matières premières ont également des dimensions so-
ciopolitiques. La planète compte toujours plus d'habitants ayant accès à un niveau de vie élevé. Les
marchés émergents s'adaptent aux standards de vie européens et américains, et la lutte contre la
pauvreté obtient des succès, comme c'est le cas en Asie et en Amérique latine. Ces nouvelles sont
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positives et, comme il a été prouvé, une lutte efficace contre la pauvreté a des effets positifs sur le
plan social et au niveau économique. Mais cette évolution a aussi pour conséquence qu'il faut – selon
la forme d'approvisionnement en usage – toujours plus de matières premières en termes absolus et
par habitant. La raréfaction relative des matières premières et des formes d'énergie primaire risque,
dans le pire des cas, d'aboutir à des luttes sociales et à des conflits sérieux qui, sans être forcément
manifestes, sont d'ores et déjà latents. En tout cas, ils conduisent à des déplacements géopolitiques,
comme ce fut déjà le cas au cours de ces derniers siècles. Dans le meilleur des cas, une transforma-
tion des processus de production, une efficacité accrue dans l'utilisation des ressources et des bonds
technologiques apporteront une solution géopolitique et sociopolitique à ce "problème de répartition".
Une stratégie d'avenir ne saurait toutefois se borner à prévoir le meilleur des cas; elle doit aussi anti-
ciper des situations moins favorables.
Le présent document a pour but de formuler des postulats concrets en vue d'une stratégie suisse des
matières premières. Au terme d'une brève analyse du marché des matières premières et du contexte
politique, il présente les bases d'une stratégie dans ce domaine et en tire quelques postulats pour une
politique suisse active.
I.1 Rôle moteur des marchés internationaux
La dépendance technique à l'égard d'une matière première donnée n'est pas, du point de vue politico-
économique, un problème extraordinaire pour autant qu'il existe des marchés de matières premières,
qu'ils fonctionnent (c.-à-d. soient organisés en mode concurrentiel) et que la formation des prix ne soit
pas faussée par des oligopoles. Dans un tel contexte, une forte hausse des prix sur le marché mon-
dial est la conséquence d'une raréfaction effective ou probable de ces matières premières. Pour l'éco-
nomie, cela peut avoir des effets extrêmement fâcheux, en particulier lorsque la hausse de prix sur-
vient très soudainement. Toutefois, comme la hausse du cours mondial touche indistinctement tous
les acheteurs industriels, cela n'entrave en rien la compétitivité internationale d'une entreprise donnée.
Dans une telle situation, le prix joue son rôle essentiel d'indicateur de pénurie.
La place économique suisse se trouve toutefois confrontée à un réel problème si la formation du prix
sur les marchés des matières premières ne se fait pas sur un mode concurrentiel. Par exemple, des
oligopoles de la branche peuvent faire monter les prix artificiellement. Dans ce cas, les entreprises
doivent prévoir, pour les matières premières dont elles ont besoin, des frais d'acquisition plus élevés
qu'elles n'auraient à le faire dans des conditions de concurrence. Il peut arriver que les coûts d'acqui-
sition soient tels que l'entreprise se trouve devant l'impossibilité d'avoir une production rentable. Du
point de vue politico-économique, il s'ensuit une distorsion dans l'allocation des ressources.
Dans le pire des cas, les mécanismes du marché deviennent totalement inopérants, à tel point qu'il
n'est même physiquement plus possible de se procurer les matières premières recherchées. Pour
l'exprimer en termes économiques, cela signifie que, quelle que soit sa capacité de paiement, l'entre-
prise ne peut plus se procurer sur le marché la quantité de matières premières dont elle a besoin, car
elles sont devenues trop rares. C'est ce qui peut arriver lorsque de grands acheteurs écument les
marchés ou que de grands producteurs décident de ne plus vendre certaines matières premières sur
le marché mondial. On peut citer à cet égard des exemples frappants: le refus de la Russie de fournir
du pétrole et du gaz à l'Europe dans la seconde moitié des années 2000; ou encore l'interdiction pro-
noncée par la Chine d'exporter des métaux des terres rares.
Pour ce qui est de la disponibilité future, l'évolution du rapport entre réserves et consommation des
diverses matières premières au fil du temps indique qu'il n'y a pas lieu de s'attendre, à moyen terme, à
des problèmes mondiaux de disponibilité physique, c.-à-d. à des phénomènes concrets de pénurie. Il
faut toutefois tenir compte du fait qu'une part importante des réserves mondiales de métaux et d'hy-
drocarbures (pétrole et gaz naturel) se trouvent dans des régions politiquement sensibles. Si l'on veut
pouvoir maintenir l'équilibre actuel entre les réserves et la consommation de matières premières, et
assurer la disponibilité de gisements pour l'avenir, il est nécessaire de déployer des efforts continus
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d'innovation et d'exploration, mais également de mettre en œuvre une politique propre à garantir un
suivi de leur extraction à l'échelle mondiale.
Du côté de l'offre, un aspect important est ce que l'on appelle la disponibilité technique, déterminée à
moyen terme par les capacités d'exploration et d'extraction disponibles. Sur ce point, le comportement
des investisseurs, notamment des multinationales, consiste à n'investir dans des installations nou-
velles que si le coût de l'investissement – aux termes d'une comparaison portant sur l'ensemble de la
branche – se situe dans le tiers inférieur des coûts et, ainsi, à éjecter du marché les producteurs dont
les coûts sont élevés. Il en résulte, partout dans le monde, une tendance à améliorer le coût moyen,
avec les effets qui s'ensuivent sur la tendance des prix à long terme. Au cours des dernières décen-
nies, cette tendance a été à l'origine d'une focalisation sur les minerais les plus riches et sur les plus
grands gisements, ce qui a entraîné des concentrations régionales et globales et, par le fait même,
des concentrations d'entreprises.
Sur les marchés mondiaux des matières premières minérales, une mutation structurelle commence à
se produire: l'ancienne "règle générale" – voulant que 20% de l'humanité, en Europe, aux Etats-Unis
et au Japon, consomment plus de 80% de la production de matières premières – n'est plus de mise à
l'heure actuelle. Maintenant que l'Inde, la Chine populaire et d'autres pays émergents très peuplés
sont intégrés à l'économie mondiale, plus de la moitié de la population mondiale participe aujourd'hui
à la demande de matières premières. La demande mondiale en matières premières se trouve donc au
début d'une nouvelle courbe de croissance: environ 40% de la demande mondiale sont d'ores et déjà
le fait de la Chine, tant en ce qui concerne l'acier brut que les métaux non ferreux.
Pour résumer, on constate aujourd'hui une raréfaction des matières premières du côté de l'offre,
même si – physiquement parlant – les gisements sont suffisants. Trois raisons à cela: tout d'abord, on
préfère exploiter les sites d'exploration les moins coûteux; ensuite, la répartition des gisements est
inégale et privilégie certains pays en leur assurant une position géostratégique favorable, qui déter-
mine également l'utilisation des ressources; enfin, au niveau mondial, la logistique se heurte de plus
en plus à des difficultés techniques en matière de sécurité.
La carte ci-après illustre la répartition des gisements de matières premières (BMLS 2011):
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Canada
Cobalt
Rép. dém. du Congo
Cobalt Chine
Antimoine
US
A
Beryllium Tantale Beryllium
Mexique Fluorine Rwanda Tantale Fluorine
Brésil Niobium Afrique du Sud MGP* Gallium
Tantale Graphite
Inde Graphite Russie MGP* Germanium
Japon Indium Indium
Magnésium
Terres rares
MGP* = Métaux du groupe platine Tungstène
I.2 Besoins croissants
Si l'on considère le monde dans son ensemble, on constate une répartition très inégale entre gise-
ments et consommation des matières premières fossiles, d'une bonne part des matières premières
métalliques ainsi que des minéraux industriels. Le continent européen est tributaire des importations
de nombreuses matières premières, mais il ne prend conscience de cette dépendance que lorsque les
prix sont en hausse ou que surviennent des conflits géopolitiques.
En même temps, les entreprises suisses participant au commerce mondial des matières premières
ont toujours plus de peine à s'assurer l'accès aux gisements. La cause n'en est pas tellement que le
potentiel de matières premières est limité; cela tient plutôt au contexte, qu'il soit d'ordre politique, éco-
logique, logistique ou juridique. Pour l'économie suisse, il est devenu de plus en plus difficile d'avoir
accès aux matières premières dans des pays tiers en raison de distorsions de marché (le protection-
nisme en Chine, en Inde, au Brésil et en Russie), d'oligopoles (p. ex. trois trusts contrôlent 75% du
commerce mondial de minerai de fer) ou de structures politiquement instables (60% des réserves
stratégiques mondiales de matières premières se trouvent dans des pays où la situation politique,
économique et sociale est pour le moins confuse (ce que le jargon militaire anglo-saxon désigne par
les termes semi-permissive situation).
Par ailleurs, la disponibilité de gisements a diminué de façon continue en Europe et en Suisse ces
années passées. Cette évolution tient essentiellement à l'absence de planification politique dans ce
domaine, mais également à des difficultés de planification au niveau géostratégique et au fait que
certaines normes du droit spatial et environnemental sont devenues plus strictes.
Ces dernières années s'est produite sur les marchés mondiaux des matières premières une mutation
structurelle remarquable. Maintenant que l'Inde, la Chine populaire et les marchés d'autres pays
émergents très peuplés sont intégrés à l'économie mondiale, plus de la moitié de la population mon-
diale participe à la demande en matières premières. La demande mondiale se trouve ainsi au début
d'une nouvelle courbe de croissance et il faut s'attendre à voir doubler les besoins mondiaux en ma-
tières premières d'ici à 2030.
De nombreux pays ont, par conséquent, développé leur propre stratégie pour assurer leur approvi-
sionnement en matières premières. C'est le cas notamment de la Chine: l'Empire du Milieu vise à re-
courir davantage à ses ressources internes pour assurer son propre approvisionnement et à mettre
sur pied une industrie compétitive dans le domaine des matières premières. Au titre des ressources
venant de l'extérieur, la Chine encourage en outre l'acquisition systématique de droits d'usage et de
licences ainsi que des droits lui permettant de se doter de bases logistiques.
I.3 Situation en Suisse
Pour la Suisse, la sécurité de l'approvisionnement est un sujet particulièrement important. Pays sans
accès à la mer, siège d'entreprises et de branches déployant leurs activités dans le monde entier, elle
est largement tributaire d'une structure internationale sûre en matière d'approvisionnement. Haute-
ment spécialisées dans des productions destinées à des micromarchés, les PME suisses occupent
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une place particulière dans la chaîne mondiale de création de valeur, et lorsque cette chaîne est inter-
rompue quelque part, elles en éprouvent immédiatement les effets. Le pétrole, le gaz naturel et prati-
quement toutes les substances de base de la production pharmaceutique et agrochimique, par
exemple, doivent être achetés à raison de 100% à l'étranger, les produits médicaux finis à raison de
70% et les denrées alimentaires de 40%. C'est ainsi que la Suisse importe chaque jour plus de
100'000 tonnes de matières premières, d'agents énergétiques, de denrées alimentaires et fourragères
ainsi que de produits industriels finis et semi-finis.
La stratégie suisse des matières premières a déjà fait l'objet de discussions au Parlement en 2008 et
en 2011. Il s'agissait alors essentiellement de la question suivante: quelles possibilités le Conseil fédé-
ral voit-il de renforcer la sécurité de l'approvisionnement en matières premières, en particulier pour les
petites et moyennes entreprises? Est-il concevable de constituer, par exemple au sein du Secrétariat
d'Etat à l'économie, une task force chargée de la sécurité des matières premières? De nouveaux ac-
cords de libre-échange ou des accords économiques spécifiques pourraient-ils faciliter l'accès aux
matières premières? Le Conseil fédéral pourrait-il envisager de lier l'aide au développement à la four-
niture de matières premières? Le Conseil fédéral a mis en garde contre le fait d'axer de manière unila-
térale les relations internationales de la Suisse sur les exigences d'une politique des matières pre-
mières. L'Exécutif fédéral déconseille également de coupler l'aide au développement avec la politique
des affaires économiques extérieures.
Il faut par ailleurs se demander si la politisation des rapports économiques ne recèle pas un aussi
grand danger pour la Suisse. Les prémisses usuelles de l'aide au développement doivent aussi être
remises en question à cet égard, car l'aide au développement est toujours destinée à des fins déter-
minées (ne fût-ce qu'à l'objectif du "développement" – une définition que la Suisse allègue, et non le
pays preneur).
La figure ci-après illustre les flux de matières par habitant que la Suisse a enregistrés sur une période
de quinze ans (comparaison entre les chiffres de 1990 et de 2006), selon les données de l'Office fédé-
ral de la statistique (2008):
Selon la même statistique, la Suisse délocalise de plus en plus sa production de matières premières à
l'étranger:
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