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positives et, comme il a été prouvé, une lutte efficace contre la pauvreté a des effets positifs sur le
plan social et au niveau économique. Mais cette évolution a aussi pour conséquence qu'il faut – selon
la forme d'approvisionnement en usage – toujours plus de matières premières en termes absolus et
par habitant. La raréfaction relative des matières premières et des formes d'énergie primaire risque,
dans le pire des cas, d'aboutir à des luttes sociales et à des conflits sérieux qui, sans être forcément
manifestes, sont d'ores et déjà latents. En tout cas, ils conduisent à des déplacements géopolitiques,
comme ce fut déjà le cas au cours de ces derniers siècles. Dans le meilleur des cas, une transforma-
tion des processus de production, une efficacité accrue dans l'utilisation des ressources et des bonds
technologiques apporteront une solution géopolitique et sociopolitique à ce "problème de répartition".
Une stratégie d'avenir ne saurait toutefois se borner à prévoir le meilleur des cas; elle doit aussi anti-
ciper des situations moins favorables.
Le présent document a pour but de formuler des postulats concrets en vue d'une stratégie suisse des
matières premières. Au terme d'une brève analyse du marché des matières premières et du contexte
politique, il présente les bases d'une stratégie dans ce domaine et en tire quelques postulats pour une
politique suisse active.
I.1 Rôle moteur des marchés internationaux
La dépendance technique à l'égard d'une matière première donnée n'est pas, du point de vue politico-
économique, un problème extraordinaire pour autant qu'il existe des marchés de matières premières,
qu'ils fonctionnent (c.-à-d. soient organisés en mode concurrentiel) et que la formation des prix ne soit
pas faussée par des oligopoles. Dans un tel contexte, une forte hausse des prix sur le marché mon-
dial est la conséquence d'une raréfaction effective ou probable de ces matières premières. Pour l'éco-
nomie, cela peut avoir des effets extrêmement fâcheux, en particulier lorsque la hausse de prix sur-
vient très soudainement. Toutefois, comme la hausse du cours mondial touche indistinctement tous
les acheteurs industriels, cela n'entrave en rien la compétitivité internationale d'une entreprise donnée.
Dans une telle situation, le prix joue son rôle essentiel d'indicateur de pénurie.
La place économique suisse se trouve toutefois confrontée à un réel problème si la formation du prix
sur les marchés des matières premières ne se fait pas sur un mode concurrentiel. Par exemple, des
oligopoles de la branche peuvent faire monter les prix artificiellement. Dans ce cas, les entreprises
doivent prévoir, pour les matières premières dont elles ont besoin, des frais d'acquisition plus élevés
qu'elles n'auraient à le faire dans des conditions de concurrence. Il peut arriver que les coûts d'acqui-
sition soient tels que l'entreprise se trouve devant l'impossibilité d'avoir une production rentable. Du
point de vue politico-économique, il s'ensuit une distorsion dans l'allocation des ressources.
Dans le pire des cas, les mécanismes du marché deviennent totalement inopérants, à tel point qu'il
n'est même physiquement plus possible de se procurer les matières premières recherchées. Pour
l'exprimer en termes économiques, cela signifie que, quelle que soit sa capacité de paiement, l'entre-
prise ne peut plus se procurer sur le marché la quantité de matières premières dont elle a besoin, car
elles sont devenues trop rares. C'est ce qui peut arriver lorsque de grands acheteurs écument les
marchés ou que de grands producteurs décident de ne plus vendre certaines matières premières sur
le marché mondial. On peut citer à cet égard des exemples frappants: le refus de la Russie de fournir
du pétrole et du gaz à l'Europe dans la seconde moitié des années 2000; ou encore l'interdiction pro-
noncée par la Chine d'exporter des métaux des terres rares.
Pour ce qui est de la disponibilité future, l'évolution du rapport entre réserves et consommation des
diverses matières premières au fil du temps indique qu'il n'y a pas lieu de s'attendre, à moyen terme, à
des problèmes mondiaux de disponibilité physique, c.-à-d. à des phénomènes concrets de pénurie. Il
faut toutefois tenir compte du fait qu'une part importante des réserves mondiales de métaux et d'hy-
drocarbures (pétrole et gaz naturel) se trouvent dans des régions politiquement sensibles. Si l'on veut
pouvoir maintenir l'équilibre actuel entre les réserves et la consommation de matières premières, et
assurer la disponibilité de gisements pour l'avenir, il est nécessaire de déployer des efforts continus