PCRM Un autre regard sur le futur La 7ème Journée du CRM pharmaceutique a souligné les avancées de la relation client dans la branche du médicament. Une branche où le marketing produit domine cependant encore. L RAFI MARDACHTI, DIRECTEUR ASSOCIÉ D’UNIVERSAL MEDICA 64 PHARMACEUTIQUES - DÉCEMBRE 2007 a gestion de la relation client – ou Customer relation management (CRM) – s’impose au fil des années aux industriels du médicament. Mais elle ne semble pas (encore) avoir pris le pas sur un marketing résolument orienté « produit » selon une culture bien établie dans les rangs des laboratoires. Pourtant, en bout de chaîne le prescripteur n’est certainement plus aujourd’hui le seul « client » des entreprises pharmaceutiques, sur lequel ces dernières devraient focaliser tous leurs efforts, moyens et attentions. Car depuis 1999, date du feu vert à la substitution donnée aux pharmaciens d’officine, ces derniers, particulièrement choyés par les fabricants de génériques, intéressent davantage des producteurs de princeps. Les nouvelles missions qui seront confiées à l’avenir à ces mêmes officinaux (voir notre dossier page 21), en feront à coup sûr des « clients » que les laboratoires devront intégrer dans leur stratégie CRM. Au même titre que les patients, entendus les malades et leurs associations, avec lesquels les industriels de la pharma entretiennent désormais des relations régulières dans le champ de multiples pathologies, sur leur Web, voire dans le cadre d’objectifs partagés de santé publique. Le débat qui a cours depuis plusieurs mois sur la question de l’accompagnement thérapeutique des malades, en vue d’une meilleure observance des traitements qui leur sont délivrés, témoigne à l’évidence que des relations nouvelles s’instaureront à l’avenir entre les deux univers. Troisième « client » objet d’attention particulière, l’hôpital s’inscrit également dans le CRM pharma. Mais pour affiner cette dernière relation, il faudra encore que l’univers hospitalier innove dans la gestion même du médicament, dans sa logistique de distribution, qui, pour l’heure, sont conduites selon des modèles historiquement obsolètes, sinon peu efficients, de l’avis même des intéressés. L’industrie a mangé son pain blanc Si l’industrie pharmaceutique semble avoir mangé son pain blanc et vit Partenaires Industrie pour l’heure un présent tourmenté, avec une pression croissante des autorités réglementaires sur ses produits, comme sur leur prix, et une rentabilité décroissante de ses taux de rentabilité, comme de sa recherche, son avenir semble plus prometteur. C’est du moins l’avis de l’organisateur de la 7ème Journée PCRM, la société de conseil, de service et d’études Universal Médica, spécialisée de longue date dans la gestion de la relation client en Santé-Pharmacie. Car en 2020, selon les prévisions les plus pessimistes, le marché mondial du médicament aura doublé pour atteindre 930 milliards de dollars. La même année, 700 millions de personnes vivant dans le monde auront plus de 65 ans et les besoins seront, à leur égard, considérables. « Aujourd’hui, sur cinq personnes de plus de 75 ans, quatre prennent quotidiennement un médicament – 36 % d’entre elles prennent au moins quatre médicaments », rappelle Rafi Mardachti, directeur associé de la société de conseil. « Ce marché croissant du 3ème âge augmentera les besoins en médicaments en multipliant les demandes en thérapie pour les malades chroniques ». Vers une réorganisation des prescriptions D’autres moteurs de croissance devraient également favoriser la relance du secteur, dont les défis de santé publique qui s’imposent à la communauté internationale (résistance aux anti-infectieux, risques accrus de pandémies, réchauffement climatique...) ou encore la montée en puissance de la médecine préventive qui devrait faire exploser le marché de la vaccination (à 42 milliards de dollars en 2015 contre 5,5 en 2006). Le marché du médicament devrait également fortement évoluer sous l’influence des payeurs (Sécu, mutuelles, assurances, entreprises et patient) dont les rôles évolueront dans le système de santé, comme de celle des prestataires de soins confrontés à de nouvelles donnes et missions (émergence de l’OTC, orientation de plus en plus hospitalière des nouvelles molécules, montée en puissance de nouvelles structures de soins). « La place de la médecine libérale sera de plus en plus remise en cause dans nos systèmes de soins et l’industrie amenée à réfléchir sur la réorganisation des prescriptions », ajoute Rafi Mardachti. Aussi sur un marché de plus en plus segmenté, où les biotechs et les vaccins tiendront le haut du pavé tandis que les génériques comme l’OTC transformeront profondément les habitudes de prescriptions, le mix marketing devra s’adapter à chaque segment. L’avenir est prometteur, plaide l’organisateur du PCRM, pour peu cependant que les industriels du médicament mettent en place « une vraie politique de gestion et de conduite du changement pour assurer l’avenir ».n Jean Jacques Cristofari Didier Cochet Le CRM pharma se développe, mais encore trop lentement « Les contraintes sont fortes sur l’ensemble de la chaîne de valeur de la pharma », explique Xavier Rutina, directeur Life Sciences & Healthcare chez Oracle. Des contraintes qui affectent toutes les étapes de la vie du médicament, de la validation des produits candidats, – pour lesquels il faut réduire le « time to market » mais aussi les coûts de développement –, à leur commercialisation jusqu’à l’expiration de leur brevet. De nouveaux modèles de gestion de la chaîne du médicament se sont ainsi imposés à travers le monde, avec pour tendance de fond une quête permanente de la rentabilité. Cette nécessité du changement se traduit par des actions et des challenges nouveaux à tous les stades de l’entreprise. Une plateforme stratégique Dans ce contexte, le CRM s’est imposé comme une « plateforme stratégique qui offre un véritable avantage compétitif quand il est mis en œuvre », souligne le directeur. Si nombre de laboratoires sont en phase d’optimisation des outils CRM – tels Novartis, GSK, AstraZeneca, Pfizer, Boehringer Ingelheim ou encore Roche et Janssen –, la culture du CRM n’a pas réellement traversé l’ensemble des métiers et départements des entreprises de la branche. « Si l’on veut que cela marche, il faut que le CRM se transforme en un projet d’entreprise avec une implication forte de la direction générale en vue de fédérer et de motiver les équipes autour d’un projet commun : le client », a souligné Didier Cochet, de la direction Partenariats, services et innovation chez Sanofi-Aventis France. Pour ce dernier, le CRM est un projet de management plus qu’un chantier informatique, du fait de la nécessité de gérer des projets en transversal. « Il y a beaucoup de métiers – ventes, call center, marketing et médical – à l’interface de ce CRM e il faut les faire fonctionner en transversal », ajoute-t-il. « L’implication du marketing est cruciale dans cette démarche. L’un des enjeux est d’impliquer fortement le marketing et qu’il développe un peu plus une approche client ». Si l’enjeu est bien de passer d’une approche produit à une approche client pour le marketing du laboratoire, de partager et formaliser la connaissance clients terrain pour les ventes – et au-delà de développer une relation gagnant-gagnant entre le marketing et les ventes –, les résistances demeurent encore tenaces à l’égard de ce que d’autres en leur temps, tels James Champy et Michael Hammer, ont qualifié de nécessaire « réenginiering » de l’entreprise. Car plus qu’une méthode, le CRM est surtout un état d’esprit. n Jean Jacques Cristofari 65 DÉCEMBRE 2007 - PHARMACEUTIQUES