L`économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma

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L’économie des abonnements
à entrées illimitées au cinéma
Avril 2008
Cette étude à été réalisée par :
U+me
Eric Marti
71 boulevard Gouvion-Saint-Cyr - 75017 Paris
Centre national de la cinématographie
Direction des études, des statistiques et de la prospective
Benoît Danard
12 rue de Lübeck 75784 Paris Cedex 16
Tél. : 01.44.34.38.26 - Fax : 01.44.34.34.55
www.cnc.fr
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
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Sommaire
OBJECTIFS ET METHODOLOGIE .........................................................................................4
SYNTHESE ..............................................................................................................................5
I.
ENJEUX ET PARADOXES DES ABONNEMENTS ILLIMITES .......................................8
1) UNE FORMULE MODERNE, INNOVANTE ET ATTRACTIVE .......................................................8
a) La logique du flux positif..............................................................................................8
b) La conséquence sur la part de marché ......................................................................9
2) LE SUCCES COMMERCIAL GENERE UN REVENU DECROISSANT ..........................................10
3) L’ENJEU DE LA 4EME ENTREE ET DE LA DIVERSITE DE L’OFFRE ............................................17
4) LES « BIORYTHMES » DES ABONNEMENTS ILLIMITES ........................................................18
II. LA PLACE DES CARTES CHEZ LES EMETTEURS.....................................................20
1) L’EVOLUTION DU MODELE ECONOMIQUE...........................................................................20
a) Rappel historique ......................................................................................................20
b) Les chiffres clés des abonnements illimités en 2006 ................................................23
2) LES FRAIS DE GESTION ET L’IMPACT DE LA GARANTIE .......................................................26
a) Les frais de gestion ...................................................................................................27
b) Les charges liées aux cinémas adhérents ................................................................28
3) LE COMPORTEMENT DES ABONNES ILLIMITES .....................................................................32
4) DES OPTIONS POUR AUGMENTER LA RENTABILITE ..............................................................33
a) Par la hausse du revenu par entrée ..........................................................................33
b) Par la baisse des coûts .............................................................................................34
c) Par l’élargissement de la base d’abonnés.................................................................35
III.
EMETTEURS ET EXPLOITANTS ADHERENTS ........................................................38
1) RAPPORT CONTRACTUEL ET COMPTABLE ........................................................................40
2) LES EXPLOITANTS GARANTIS : PEU DE RISQUE, PEU D’ENTREES MAIS UN IMPACT REEL ......41
a) Le montant facturé.......................................................................................................42
b) La double adhésion .....................................................................................................43
3) EXPLOITANTS NON GARANTIS : LES MOTIVATIONS D’UNE EXPOSITION A UN RISQUE FORT ...44
IV.
L’IMPORTANCE DES ABONNEMENTS POUR LES ACTEURS DU MARCHE ........46
1) DES CONVICTIONS DISTINCTES CHEZ LES EMETTEURS .....................................................46
a) UGC en promoteur de la formule ..............................................................................46
b) Europalaces entre contrainte et développement de l’offre ........................................47
2) INTERET OU NECESSITE POUR LES EXPLOITANTS ADHERENTS ..........................................47
a) Proximité et nécessité : les indépendants parisiens..................................................47
b) Complémentarité et intérêt partagé : MK2 ................................................................47
3) L’ENJEU POUR LES DISTRIBUTEURS .................................................................................48
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
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Objectifs et méthodologie
Huit ans après leur lancement en France, les formules d’abonnement à entrées illimitées au
cinéma font désormais partie du panorama des tarifs auxquels les spectateurs sont habitués.
Toutefois, l’année 2007 aura été marquée par de nombreux changements les concernant :
modification importante des alliances à Paris avec la décision de MK2 d’abandonner la
formule LE PASS, gérée avec Europalaces pour adhérer à la formule proposée par UGC,
réorganisation du GIE Le Pass et « intégration » nationale des formules des cinémas
Europalaces (« Le Pass » et « Ciné à Volonté »), lancement d’une formule pour deux
spectateurs par UGC (« UGC Illimité 2 ») et augmentation du prix de l’abonnement mensuel
« UGC Illimité 1 » (de 18 € à 19,80 €). L’année 2007 avait aussi débuté par une vive
polémique sur le « prix de référence », suite à la proposition faite par UGC aux distributeurs
de baisser ce critère essentiel pour l’économie de ces formules.
Face à ces évolutions, le Centre national de la cinématographie a engagé un large
programme d’études sur ces formules. Dans ce cadre, il a confié à l’institut U+me, la
réalisation d’une étude sur les équilibres économiques et les rapports de force en présence
sur ce marché. Cette étude analyse l’économie de ces formules et les relations financières
entre, d’une part, exploitants-émetteurs d’offres de type illimité et exploitants-adhérents,
qu’ils bénéficient ou non du dispositif de garantie mis en place par la loi, et d’autre part entre
exploitants et distributeurs.
Cette étude, réalisée entre novembre 2007 et mars 2008, s’inscrit dans la continuité de
l’analyse du modèle économique de ces abonnements, initialement réalisée en 2002 par
l’institut U+me pour le CNC. Elle tient compte de l’ensemble des travaux menés par le CNC
depuis cette date, notamment les études entreprises au quatrième trimestre 2007. Elle
s’appuie en grande partie sur des entretiens avec les responsables en charge de ces
formules d’abonnement chez les deux émetteurs, sur les données partielles communiquées
par ces derniers, ainsi que sur des entretiens avec des exploitants adhérents à l’une ou
l’autre des formules. Certaines analyses présentées dans cette étude s’appuient également
sur des données rendues publiques par les émetteurs. A partir de ces données, des
simulations ont été établies afin d’évaluer les équilibres du marché. Certains écarts peuvent
toutefois exister avec d’autres publications ou études compte tenu de cette diversité de
sources et des différences de périmètres pouvant exister entre elles.
L’étude met en perspective le développement économique des formules d’abonnement. Elle
en évalue le niveau de maturité, en analyse les enjeux, les avantages ainsi que les éventuels
dangers pour le marché. Enfin, elle examine l’importance relative qu’ont ces formules pour
les différents acteurs du marché du cinéma.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
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Synthèse
Le Centre national de la cinématographie a engagé à l’automne 2007, un programme
d’études sur les formules d’abonnement à entrées illimitées au cinéma. Dans ce cadre, il a
confié à l’institut U+me, la réalisation d’une étude sur les équilibres économiques et les
rapports de force en présence sur ce marché. Cette étude analyse l’économie de ces
formules et les relations financières entre, d’une part exploitants-émetteurs d’offres illimitées
et exploitants-adhérents, et d’autre part entre exploitants et distributeurs.
Les abonnements : des enjeux multiples
Lancées avec succès en 2000, les formules d’abonnement à entrées illimitées au cinéma
apparaissent comme une véritable innovation commerciale du secteur du cinéma. Elles ont
un impact sur le taux de fréquentation des établissements qui les acceptent, plus
particulièrement sur le taux d’occupation par fauteuil. De plus, elles fidélisent le public et
modifient les parts de marché des exploitants dans leur zone d’attraction.
Ces formules permettent de satisfaire l’appétit de cinéma des abonnés. Puisque le film est
un « bien d’expérience », et que ce n’est qu’une fois « consommé » qu’il acquiert sa véritable
valeur pour le consommateur, c’est en multipliant les expériences que le consommateur peut
atteindre un niveau élevé de satisfaction, « d’utilité » au sens économique. Plus le spectateur
ira au cinéma, plus il pourra atteindre un niveau d’utilité élevé à budget constant.
Il s’agit également de créer un effet d’entraînement sur les spectateurs non abonnés. La
satisfaction des abonnés doit inciter d’autres spectateurs à aller au cinéma. C’est le
phénomène du bouche à oreille positif, premier facteur de succès pour un film, comme pour
tous les biens d’expérience pour lesquels la décision du consommateur repose sur la
« caution » d’un pair. Par ailleurs, le cinéma étant une activité de groupe, l’abonné fidélisé
attirera les autres spectateurs qui l’accompagnent vers le cinéma qui accepte la formule
d’abonnement. Ainsi, l’abonné génère des entrées additionnelles pour l’exploitant émetteur,
au tarif habituel - plein ou réduit - de la séance. Enfin, selon l’un des émetteurs, l’offre
d’abonnement lui permet d’augmenter ses autres tarifs, notamment le tarif plein, et donc
d’accroître sa marge commerciale sur les autres spectateurs, notamment sur ceux qui
accompagnent un abonné. Cette logique n’est pas partagée : l’autre émetteur considère que
l’existence de cet abonnement « fixe » un repère pour le tarif réduit qui freine ou limite la
dynamique possible de sa grille tarifaire.
Le succès des abonnements génère un revenu décroissant
Le paradoxe du modèle économique de ces formules réside dans le fait que les plus
économiquement intéressés par l’abonnement illimité sont les spectateurs « assidus », qui
vont au moins une fois par semaine au cinéma. Ils sont quasi certains de pouvoir amortir leur
abonnement s’ils concentrent leur fréquentation sur des établissements adhérents à cette
formule d’abonnement. Les estimations établies à partir des données recueillies auprès des
émetteurs font apparaître une consommation moyenne des abonnés de 3,55 entrées par
mois en 2006, soit nettement supérieure à la moyenne de fréquentation des « assidus ».
Compte tenu de leur rythme de fréquentation très élevé, les « assidus » constituent une
composante essentielle du chiffre d’affaires et de la marge des exploitants. S’il s’abonne à
une formule « illimitée », le spectateur « assidu» ne contribue plus qu’au chiffre d’affaires de
l’exploitant par le montant fixe de l’abonnement mensuel, alors que la marge commerciale
diminue avec l’accroissement de son rythme de fréquentation. Il est alors possible que
l’équation économique traditionnelle de la répartition de la recette guichet s’inverse. Si le
spectateur optimise son abonnement, concrètement s’il va quatre fois au cinéma par mois, le
revenu par entrée de l’exploitant peut être inférieur à celui du distributeur.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
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La réalité économique des formules
Les revenus générés par les abonnements à entrées illimitées peuvent être évalués en
tenant compte des seules charges associées directement aux entrées réalisées, mais aussi
en tenant compte des frais de gestion spécifiques associés à ces formules, ou bien encore
en intégrant l’impact de la garantie mise en place en faveur des cinémas-adhérents. Selon
l’approche adoptée, la réalité économique de ces formules est sensiblement différente pour
les émetteurs.
A partir des données recueillies et si l’on ne tient compte que des entrées, hors frais de
gestion et hors garantie, la fréquentation moyenne est très légèrement inférieure au seuil qui
détermine le point d’équilibre pour les deux opérateurs. Sur l’ensemble du marché, la
fréquentation moyenne de 3,55 entrées par mois se situe légèrement en deçà du point
d’équilibre de 3,59 entrées par mois. Les formules d’abonnement à entrées illimitées
génèrent donc un revenu brut, avant frais de gestion et paiement de la garantie, suffisant
pour que la part exploitant soit supérieure à la part distributeur. Sur l’année 2006, le revenu
par entrée réalisé avec un abonnement « illimité » est de l’ordre de 5,09 € TTC soit un prix
très proche mais légèrement supérieur au prix de référence de 5,03 €. Il semble alors que,
hors frais de gestion et hors garantie, les abonnements illimités soient rentables, se situant
très légèrement au dessus du « point d’équilibre » qui assure une rémunération égale entre
l’exploitant et le distributeur. En revanche, la prise en compte, dans le calcul de la rentabilité
de ces formules, des frais de gestion et/ou du coût de la garantie versée aux adhérents
implique que le revenu par entrée des émetteurs se situe en dessous du prix de référence,
donc sous le point d’équilibre.
Les pistes d’amélioration de la rentabilité
Compte tenu de la fréquence d’utilisation élevée des abonnements, du prix de référence, des
frais de gestion et du coût de la garantie, les émetteurs se trouvent dans une situation tout à
fait inhabituelle où leur rémunération par entrée est inférieure à celle des ayants droit. Afin
de rétablir leur marge commerciale et de retrouver une rémunération égale ou supérieure à
celle du distributeur, les émetteurs peuvent tenter de modifier l’équilibre économique, en
jouant sur les recettes ou en modifiant le périmètre des charges.
Toutefois, la hausse du prix de l’abonnement se heurte à un redoutable « effet de cisaille »
lié à un effet d’élasticité-prix très défavorable. En effet, elle se traduit par l’éviction rapide des
abonnés ayant une faible fréquence d’utilisation. Seuls restent les abonnés à forte fréquence
d’utilisation, c’est-à-dire ceux pour lesquels l’émetteur se trouve sous le point d’équilibre.
Une solution possible consiste à augmenter la marge réalisée sur le reste du public. Il s’agit
d’une part, d’inciter les assidus à s’abonner pour les fidéliser et bénéficier de l’effet de flux
positif. L’émetteur compte alors sur l’effet d’entraînement de ces abonnés sur le reste du
public, et augmente les tarifs pour celui-ci. L’avantage tarifaire offert par l’abonnement est tel
qu’il justifie un tarif plus élevé pour les autres spectateurs. Ces derniers représentant
toujours la majorité du public et des entrées, la marge commerciale peut donc être
reconstituée voire augmentée. Une autre solution consiste à réduire les coûts de gestion
mais compte tenu du nombre limité d’abonnés (moins de 300 000 toutes formules
confondues), il semble difficile de jouer sur ce paramètre. Une autre piste consiste à baisser
le prix de référence de l’émetteur, mais une telle solution se heurte à l’opposition des
distributeurs et des ayants droit, ou encore à baisser le prix de référence des cinémas
adhérents, mais cela n’a qu’une conséquence à la marge dans le fonctionnement des
formules au regard du poids des entrées « garanties » au sein de l’ensemble des entréescartes. Une dernière solution consiste à miser sur une baisse du niveau moyen de
consommation des abonnés. Cette solution suppose d’élargir la base des abonnés à des
spectateurs à plus faible rythme de fréquentation. Les émetteurs mettent en œuvre cette
stratégie soit en ayant une politique de recrutement agressive et d’envergure, soit en
étendant géographiquement ces formules, soit en lançant de nouvelles formules comme
l’offre « à deux ».
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
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Des formules qui profitent aux films à combinaison réduite
Les informations fournies par les émetteurs montrent que pour un film à combinaison réduite
ou à faible nombre d’entrées, la proportion des entrées « abonnement illimité » dans un
circuit est en moyenne 3 à 4 fois supérieure à celle des entrées pour un film ayant une large
combinaison et/ou un grand succès de fréquentation. Par ailleurs, les deux formules
peuvent, au total, représenter plus de la moitié des entrées annuelles d’un distributeur sur
Paris, soit plus du double du poids moyen de ces formules sur l’ensemble de la fréquentation
de cette zone. Le revenu de nombreux distributeurs modestes dépend en grande partie des
entrées réalisées avec ces abonnements, qui favorisent tout autant la curiosité du spectateur
que la diversité de la programmation.
Une économie dépendante du rythme de fréquentation
L’économie des formules repose principalement sur le comportement des spectateurs
« assidus », à savoir ceux qui orientent le marché, qui sont incités par ces formules à
maintenir leur rythme de fréquentation élevé, voire à l’accroître encore. Cette incitation se
traduit par une prime à la fréquentation que l’émetteur paye seul, directement sur sa marge
commerciale. Il semble toutefois que le modèle économique initial ait été calibré pour un
public moins soucieux de l’amortissement de son abonnement et par conséquent moins
assidu. Pour favoriser une promesse attractive et sécuriser les ayants droit, le modèle est
fixé sur des paramètres qui s’avèrent finalement favorables aux distributeurs. L’introduction
de la possibilité pour d’autres exploitants d’adopter une ou les deux formules tout en
bénéficiant d’une garantie de revenu qui les protège a contribué, par ailleurs, à modifier le
modèle économique de ces formules.
Exploitants garantis : peu de risque, peu d’entrées mais un impact réel
La situation des exploitants « Garantis » offre relativement peu de surprises. Le risque
économique lié à la mise en place de l’abonnement illimité est quasi nul. Le revenu est en
effet garanti par l’émetteur et la seule charge portée par l’exploitant adhérent est celle des
frais de gestion. Ces derniers sont égaux à 5 % de sa recette hors taxe « abonnement
illimité » pour UGC Illimité et limités à 10 % de la valeur des entrées réalisées par les
abonnements dans l’établissement adhérent pour Le Pass, ce qui semble dans les deux cas
inférieur aux frais réels.
Si le total des entrées réalisées chez les adhérents garantis ne représente qu’environ 4 % du
total des entrées de ces abonnements, le mécanisme de la garantie a cependant un impact
réel sur le résultat économique pour les émetteurs, dont le revenu net par entrée après
paiement de cette garantie est sensiblement inférieur au point d’équilibre.
Exploitants non garantis
D’une manière générale, les exploitants non garantis portent un risque important et ont peu
de recours contre les émetteurs. L’adhérent partage en effet pleinement le risque
économique lié à la commercialisation et à l’utilisation des abonnements à entrées illimitées.
Son revenu est égal à la part des recettes d’abonnements rapportée aux entrées réalisées
dans son ou ses établissements par rapport au nombre total d’entrées réalisées par les
abonnements.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
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I.
Enjeux et paradoxes des abonnements illimités
Les formules d’abonnements à entrées illimitées permettent au spectateur de voir autant de
films qu’il le souhaite, d’assister à autant de séances qu’il le veut, dans certains
établissements cinématographiques, en payant une somme forfaitaire mensuelle, dans le
cadre d’un abonnement d’une durée minimale d’un an.
1) Une formule moderne, innovante et attractive
Lancées avec succès en 2000, les formules d’abonnement à entrées illimitées au cinéma
apparaissent alors comme une véritable innovation commerciale du secteur, témoignage
d’un dynamisme et d’une volonté d’adapter la tarification et la consommation à un nouveau
siècle et aux nouveaux équipements que sont les multiplexes apparus en France sept ans
plus tôt.
Elles présentent tous les traits de la modernité pour le consommateur :
- Un support physique symbolique de son époque ; l’équivalent de la carte de crédit, de
téléphone, etc.
- Un élément identitaire : le spectateur est identifié, son statut de consommateur individuel
est mis en valeur ;
- Un mode de paiement pratique et distant : le prélèvement bancaire mensuel ;
- Une consommation illimitée pour un prix forfaitaire ;
- Une promesse immédiatement explicite : « autant que vous le voulez ! »
- Des services concrets et pratiques : réservation et retrait des places aux bornes
automatiques installées dans les halls des cinémas.
Pour l’émetteur de l’offre, cette formule constitue en premier lieu un puissant outil de
fidélisation de son public. Deux critères de gestion sont alors déterminants pour l’exploitant
qui propose une telle offre commerciale. D’une part, le taux de fréquentation de son
établissement cinématographique ou encore le taux d’occupation par fauteuil et d’autre part,
la fidélisation du public et la part de marché qui en découle.
a)
La logique du flux positif
En proposant une formule « illimitée », l’émetteur cherche clairement à créer un flux positif.
En créant une « obligation » pour le spectateur, qui souhaitera naturellement optimiser sa
dépense (assimilable à une épargne mensuelle ne pouvant être consommée qu’en allant au
cinéma), l’objectif est de dynamiser la fréquentation.
Il s’agit de créer un moteur ayant plusieurs ressorts.
D’une part, il convient de satisfaire l’appétit de cinéma du spectateur-abonné. Puisque le film
est un « bien d’expérience », et que ce n’est qu’une fois « consommé » qu’il acquiert sa
véritable valeur pour le consommateur (« ça c’est un bon film ! », « une comédie
franchement hilarante », ou « un suspense haletant »). C’est en multipliant les expériences
que le consommateur peut atteindre un niveau élevé de satisfaction, « d’utilité » au sens
économique. Plus il ira au cinéma, plus il pourra atteindre un niveau d’utilité élevé.
La formule illimitée propose donc au spectateur d’augmenter son niveau d’utilité à budget
constant. Le résultat attendu est ainsi l’augmentation de la consommation individuelle de
l’abonné.
D’autre part, il s’agit de créer un effet d’entraînement sur les spectateurs non-abonnés. Ce
second ressort fonctionne à deux niveaux : d’une part, la satisfaction du spectateur abonné
doit inciter les autres spectateurs potentiels à aller au cinéma. C’est le phénomène du
bouche à oreille positif, premier facteur de succès pour un film, comme pour tous les biens
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
8
d’expérience pour lesquels la décision du consommateur repose sur la « caution » d’un pair.
D’autre part, le cinéma étant une activité de groupe, l’abonné fidélisé attirera les autres
spectateurs qui l’accompagnent vers le cinéma (le circuit) qui accepte la formule
d’abonnement. L’abonné crée donc des entrées additionnelles pour l’exploitant émetteur, au
tarif habituel - plein ou réduit - de la séance.
Enfin, l’offre d’une formule très agressive en termes tarifaires permet à l’émetteur
d’augmenter ses autres tarifs, notamment le tarif plein, et donc d’accroître sa marge
commerciale sur les autres spectateurs, notamment sur ceux qui accompagnent un abonné.
Cette logique est défendue par UGC alors que Europalaces diffère nettement sur ce point, et
considère que cette offre commerciale limite les possibilités de dynamisation de sa grille
tarifaire et notamment de son tarif plein.
Cette formule d’abonnement a donc pour premier objectif une augmentation de la
fréquentation, de la consommation de cinéma dans les établissements de l’enseigne
émettrice. Il s’agit bien d’occuper les fauteuils, de maximiser les entrées quelle que soit
l’offre de films. Le total des entrées réalisées par les abonnements à entrées illimitées est
croissant depuis 2001 pour s’établir à 11,7 millions d’entrées en 2006 avec environ 280 000
abonnés.
Il est cependant impossible, sans disposer de données plus exhaustives et plus détaillées,
de déterminer la part qui relève d’une fréquentation additionnelle liée à ces abonnements par
rapport à celle d’un transfert de fréquentation vers ces formules.
b)
La conséquence sur la part de marché
L’augmentation de la fréquentation dans les établissements de l’émetteur doit logiquement
avoir pour conséquence un gain de part de marché :
- En captant et en fidélisant une partie des consommateurs ;
- En les incitant à venir plus souvent ;
- En orientant le choix d’un groupe (couple, amis) à aller vers le cinéma qui accepte la
carte de l’abonné.
Si les émetteurs ne reconnaissent pas et ne revendiquent pas cette démarche, cette logique
devrait néanmoins se traduire par le maintien ou le gain de part de marché sur un périmètre
de chalandise donné. De fait, les exploitants indépendants qui ont connu l’installation à
proximité de leur cinéma d’une enseigne proposant ce type d’abonnement ont constaté,
lorsque eux-mêmes ne la proposaient pas, une perte de part de marché sensible, jusqu’à 15
à 17 %, le public s’orientant pour une part sur l’offre illimitée.
L’impact sur la part de marché sera cependant différent en fonction de l’évolution globale de
la fréquentation. Dans un marché en croissance, l’émetteur peut voir sa part de marché
stagner voire diminuer tout en enregistrant un plus grand nombre d’entrées, alors que dans
un marché en recul, une part de marché en hausse peut néanmoins s’accompagner d’une
baisse du nombre des entrées. L’objectif d’une hausse de fréquentation est donc à
considérer en valeur absolue avant de s’intéresser à l’évolution des parts de marché.
Dans tous les cas, la formule d’abonnement à entrées illimitées assure à l’émetteur une base
de revenu (par les recettes des abonnements) et d’entrées (par la volonté de l’abonné
« d’amortir » sa dépense) en partie indépendante de l’offre de films.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
9
2) Le succès commercial génère un revenu décroissant
Il importe de souligner que cette logique de dynamique de la fréquentation est menée en
sacrifiant une part importante de la marge commerciale réalisée sur chaque entrée. Cette
démarche met en lumière l’opposition entre une approche centrée sur le nombre d’entrées et
celle qui repose sur le chiffre d’affaires et donc la recette guichet.
Les abonnements à entrées illimitées se traduisent par une réduction de la marge
commerciale réalisée sur les consommateurs les plus assidus. En effet, plus un abonné
fréquente un établissement cinématographique, plus le revenu de l’abonnement rapporté au
nombre d’entrées diminue, alors que le revenu du distributeur est garanti sur la base du prix
de référence (ou du prix de la séance si celui-ci est inférieur au prix de référence). La seule
variable d’ajustement est donc le revenu de l’exploitant émetteur de l’offre.
Pour apprécier les seuils de rentabilité du modèle économique de ces formules, il convient
de détailler la répartition du revenu à partir du prix de référence de 5,03 € en fonction des
taux de TVA, TSA et du taux de location.
La redevance Sacem a été volontairement écartée des calculs, car elle s’applique aux
revenus du distributeur et de l’exploitant avec des taux distincts et introduit donc une légère
inégalité alors même que la répartition de la recette est égale (taux de location de 50 %)
D’autre part, c’est par essence une remontée aux ayants droit qui ne peut être assimilée à
une taxe fiscale ou parafiscale1.
Calcul des revenus nets
(hors rémunération de la Sacem)
Prix de référence
en €
5,03
TVA
5,50 %
0,26
TSA
10,72 %
0,54
Prix de référence hors TVA et TSA
taux de location
4,23
50 %
2,11
Revenu distributeur
Total charges par entrée
TVA + TSA + revenu distributeur
Revenu Exploitant
2,92
2,11
A partir de cette répartition, il est possible de distinguer deux seuils de rentabilité en fonction
du taux de fréquentation ou d’utilisation de l’abonnement mensuel.
- Le Point d’Equilibre, où le revenu net de l’exploitant est égal à celui du distributeur. A ce
point, la recette de l’abonnement mensuel rapportée au nombre d’entrées est précisément
égale au prix de référence de 5,03 €.
1
L’impact de la redevance Sacem est détaillé dans le chapitre III.2 consacré aux exploitants adhérents garantis
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
10
- Le Point Mort, où le revenu de l’exploitant est nul. La recette de l’abonnement rapportée par
entrée couvre exactement le total des charges par entrée, sans marge additionnelle pour
l’exploitant.
Le tableau ci-dessous présente les deux seuils de rentabilité du modèle de ces formules
d’abonnement (Point d’équilibre et Point Mort – en entrées par mois/semaine/année) pour un
taux de location de 50 % et un prix mensuel de l’abonnement de 18 €, soit le prix de
l’abonnement pratiqué par UGC depuis 2004 jusqu’en septembre 2007, et pour un
abonnement de 19,80 €, soit le prix pratiqué par le GIE LE PASS depuis 2004 et par UGC
depuis septembre 2007 (pour UGC Illimité 1).
Les seuils de rentabilité des abonnements à entrées illimitées
Point d'Equilibre en entrées
Point Mort en entrées
prix TTC de
l'abonnement
mensuel (€)
Par mois
semaine
Par an
Par mois
semaine
Par an
18,00
3,58
0,89
42,94
6,17
1,54
74,08
19,80
3,94
0,98
47,24
6,79
1,70
81,49
Sur la base d’un abonnement mensuel de 19,80 €, soit le prix des deux cartes Le Pass et
UGC Illimité 1 depuis septembre 2007, le modèle économique de ces formules est soumis
aux paramètres suivants :
Si la fréquentation de l’abonné est inférieure à 3,94 entrées par mois (47,24 par an),
l’exploitant émetteur bénéficie alors d’un revenu par entrée supérieur au prix de référence de
5,03 €. Son revenu est alors supérieur à celui du distributeur.
Si la fréquentation de l’abonné est égale à 3,94 entrées par mois, le revenu de l’abonnement
rapporté à une entrée est de 5,03 € ; son revenu est alors égal à celui du distributeur. C’est
le Point d’Equilibre.
Si la fréquentation de l’abonné est supérieure à 3,94 entrées par mois, son revenu est alors
inférieur à celui du distributeur. Ce revenu décroît avec chaque entrée supplémentaire, mais
il reste cependant positif jusqu’à un niveau beaucoup plus élevé de fréquentation.
Lorsque la fréquentation moyenne est égale à 6,79 entrées par mois (soit 81,49 entrées
dans l’année) le revenu de l’émetteur est nul. Le revenu net de l’abonnement par entrée est
en effet égal au montant garanti au distributeur. C’est le Point Mort.
Au-delà de 6,79 entrées par mois, le revenu est négatif et l’émetteur enregistre une perte
nette mensuelle sur l’abonnement.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
11
Pour l’émetteur, la variation de son revenu est inversement proportionnelle à la fréquentation
de l’abonné, ce qui peut ainsi conduire à une perte.
Revenu de l’émetteur en fonction de la fréquentation après déduction de la TVA, de la
TSA, de la part distributeur mais hors frais de gestion et garantie
20
Revenu de l'émetteur (€)
15
10
5
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
-5
-10
-15
Fréquentation mensuelle de l'abonné
abonnement à 19,80 €
abonnement à 18 €
Cette formule d’abonnement se traduit également pour l’émetteur par un revenu net par
entrée (part exploitant) décroissant en fonction de la fréquentation.
Revenu de l'émetteur (€)
Revenu de l'émetteur par entrée en fonction de la fréquentation après déduction de la
TVA, de la TSA et de la part distributeur mais hors frais de gestion et garantie
17
16
15
14
13
12
11
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
-1
-2
-3
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Fréquentation mensuelle de l'abonné
abonnement à 19,80 €
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
abonnement à 18 €
12
Le modèle économique de ces abonnements à entres illimitées repose donc sur deux
seuils de rentabilité, un seuil d’équilibre et un point mort, qui déterminent les trois résultats
possibles pour l’émetteur : un revenu par entrée (part exploitant) supérieur à celui des ayants
droit (part distributeur), une part exploitant inférieure à la part distributeur mais néanmoins
positive, ou bien une perte.
Les seuils de rentabilité des abonnements illimités
(pour un abonnement mensuel de 19,80 €)
-
AYANT-DROIT
Le revenu
du distributeur est
garanti sur la
base
du prix de
référence
EXPLOITANT
Le revenu de
l’exploitant est
supérieur à
celui
du distributeur
2,11€
Point d’équilibre :
revenu exploitant = revenu distributeur
3,94 entrées par mois
0€
« Point mort » où
revenu exploitant = 0
6,79 entrées par mois
+
Le revenu de
l’exploitant
est positif
mais
inférieur à celui
du distributeur
Le revenu de
l’exploitant est
négatif :
chaque entrée
supplémentaire
crée une perte
Fréquence d’utilisation
de l’abonnement
Les montants ci-dessus sont calculés hors toutes taxes (TVA, TSA), mais ne tiennent pas
compte de la redevance Sacem détaillée dans le chapitre III, ni des frais de gestion des
systèmes d’abonnement et de la garantie de revenu pour les exploitants adhérents qui sont
précisés dans le chapitre II. Ces deux derniers paramètres impactent directement le revenu
de l’abonnement mensuel et ont pour effet d’abaisser les seuils de rentabilité.
Sans en faire ici une analyse précise mais au vu des éléments recueillis et détaillés plus loin,
les frais de gestion pouvaient être évalués à 1,35 € par abonné et par mois en 2006, et le
coût de la garantie être estimé à 65 centimes par abonné et par mois la même année.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
13
Si l’on retient les estimations établies pour 2006, l’impact pour les seuils de rentabilité est le
suivant :
Seuils de rentabilité des abonnements à entrées illimitées
après déduction des frais de gestion et
de la garantie versée aux exploitants adhérents (en 2006)
Formule
d'abonnement
Marché
prix TTC de
l'abonnement
mensuel (€)
Frais de
Gestion par
abonné
Coût de la
garantie par
abonné
Revenu net
par
abonnement
18,07*
1,35
0,65
16,07
Point
d'Equilibre
Point Mort
en entrées par mois
3,19
5,51
Estmation : U+Me
* Prix moyen de l’abonnement mensuel calculé de la manière suivante : chiffre d’affaires abonnement / Nombre d’abonnés
actifs sur la période
Cette estimation montre l’impact sensible de ces paramètres sur les seuils de rentabilité, le
point d’équilibre restant toutefois compris entre 3 et 4 entrées par mois.
Dans ces conditions, le revenu par entrée de l’émetteur évolue en fonction de la
fréquentation.
Revenu de l’émetteur par entrée après déduction de la TVA, de la TSA et de la part
distributeur avec un prix moyen de l’abonnement mensuel de 18,07 €
16
14
12
revenu en €
10
8
6
4
2
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
-2
fréquentation mensuelle de l'abonné
hors frais de gestion et garantie
après déduction des frais de gestion et garantie
Pour l’abonné, le calcul est distinct et peut être rapporté directement au prix moyen d’une
entrée. L’abonné a intérêt à accroître sa fréquentation afin d’optimiser son investissement
mensuel. Plus de trois entrées mensuelles sont nécessaires pour que l’abonnement soit
amorti.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
14
Cet « amortissement » de l’abonnement par le consommateur peut être apprécié sous divers
points de vue qui engendrent certains « effets d’optique ».
Le calcul de la rentabilité de l’abonnement pour les possesseurs de cartes est généralement
réalisé par rapport au plein tarif, donc sur la base d’un prix variant entre 7 € et 10 €. Ce tarif
est nettement supérieur au prix moyen du marché, particulièrement à Paris et en région
parisienne où se situe la grande majorité des abonnés. Ainsi, le nombre d’entrées
mensuelles nécessaires pour « amortir » l’abonnement est plus faible dans l’esprit des
consommateurs.
Toutefois certains abonnés aux formules illimitées étaient auparavant déjà des utilisateurs
des formules d’abonnements « classiques », à nombre d’entrées déterminé. De fait, leur
« prix moyen par entrée » était déjà inférieur au prix moyen global de l’exploitant.
Une démarche similaire s’appuyant sur le prix moyen du billet chez l’opérateur tend à
abaisser ce « seuil d’amortissement » pour l’abonné, rendant ainsi l’abonnement attractif à
un public plus large, moins consommateur de cinéma. Cette approche ramène
« l’amortissement » de l’abonnement à environ 2,9 entrées par mois pour le spectateur, mais
il est important de souligner que cette donnée (le prix moyen du ticket chez le circuit) est apriori ignorée des spectateurs.
D’une manière simple, un seuil supérieur à 3 entrées se traduit pour l’abonné par l’enjeu de
la 4ème entrée.
Le paradoxe du modèle économique de ces formules réside dans le fait que les plus
économiquement intéressés par l’abonnement illimité sont les spectateurs « assidus », qui
« vont au moins une fois par semaine au cinéma ». Ils sont quasi certains de pouvoir amortir
leur abonnement s’ils concentrent leur fréquentation sur des établissements adhérents à
cette formule d’abonnement. Ces spectateurs « assidus » sont une composante essentielle
du public. D’après les données publiées par le CNC2, ils représentaient 3,6 % du public en
2006 et contribuaient pour 24 % des entrées.
Il convient de souligner ici un effet de surestimation du rythme de la fréquentation lié au
caractère déclaratif de cette enquête. Rapportés au nombre de spectateurs et aux entrées
totales en 2006, soit 34,82 millions de spectateur et 188,67 millions d’entrées, il s’avère que
la fréquentation moyenne du spectateur « assidu » est de 36,12 entrées par an, soit
exactement 3,01 entrées par semaine. Ce spectateur va donc plus de 3 fois au cinéma par
mois mais moins d’une fois par semaine. Sa consommation réelle est très proche du point
d’équilibre.
L’abonnement à entrées illimitées incite le spectateur à consommer plus de films, ce que
confirment les estimations établies à partir des données recueillies auprès des émetteurs,
qui font apparaître une consommation moyenne des abonnés de 3,55 entrées par mois en
2006, soit sensiblement supérieure à la moyenne des « assidus ».
Il faut alors souligner le paradoxe de l’économie de ces abonnements. Compte tenu de leur
rythme de fréquentation très élevé, les « assidus » constituent une composante essentielle
du chiffre d’affaires et de la marge des exploitants, même si leur « prix moyen » est inférieur
à celui du marché en raison des abonnements classiques. S’il s’abonne à une formule
« illimitée », le spectateur « assidu » ne contribue plus qu’au chiffre d’affaires de l’exploitant
par le montant fixe de l’abonnement mensuel, tandis que la marge commerciale diminue
avec l’accroissement de sa fréquentation.
2
Enquête « 75.000 » cinéma – CNC - Médiamétrie
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
15
La conséquence la plus spectaculaire de ce paradoxe est l’inversion de l’équation
économique traditionnelle de la répartition des recettes guichet. Si le spectateur optimise son
abonnement et va au-delà du simple amortissement, concrètement s’il va 4 fois au cinéma
par mois, définition du spectateur « assidu », le revenu par entrée de l’exploitant (émetteur
de l’offre) est inférieur à celui du distributeur.
Un des promoteurs de la formule souligne toutefois que l’effet d’entraînement, le flux positif,
de cette population se traduit par une reconstitution des marges sur les entrées
additionnelles de spectateurs non-abonnés, conjuguée à l’augmentation des tarifs moyens
pour ces derniers.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
16
3) L’enjeu de la 4ème entrée et de la diversité de l’offre
Dès lors que l’enjeu économique (et donc sa demande implicite) pour le cinéphile qui
souhaite amortir son abonnement est le 4ème film du mois, l’offre de films est un des facteurs
déterminants de l’attractivité de la formule d’abonnement.
L’émetteur, s’il veut satisfaire la demande de ses abonnés, doit assurer une programmation
de films la plus diversifiée possible. En ce sens, le travail de programmation alternative
assuré par des cinémas indépendants adhérents à la formule d’abonnement peut constituer
une solution. Les adhérents, garantis ou non, représentent ainsi des écrans supplémentaires
et autant d’occasions d’accroitre le nombre de spectacles proposés aux abonnés. Cette
fonction de complément de programmation est importante aussi bien à Paris qu’en Province,
pour des films à très petite combinaison de copies ou en continuation.
C’est sur ce point notamment que portent de nombreux commentaires et analyses à propos
du récent rapprochement entre les deux opérateurs UGC et MK2. Ce dernier tend en effet à
constituer, à Paris, un ensemble très complémentaire, donc très attractif en termes de
programmation. Il est utile de souligner qu’en dehors du circuit MK2, les deux émetteurs
d’abonnements illimités (UGC et Europalaces), en concurrence frontale dans la capitale, ont
élargi leurs offres respectives : fin 2007, les 24 adhérents à l’offre Le Pass le sont également
à l’offre UGC Illimité, cette dernière étant en outre adoptée par quatre autres cinémas.
Dans cette même logique d’élargissement de l’offre, les deux circuits émetteurs ont
progressivement augmenté le nombre de distributeurs dont ils programment les films. La
combinaison de cette programmation dans des lieux à forte fréquentation et de l’incitation
économique pour le spectateur à aller voir un film de plus, donc à prendre « un risque » (la
découverte d’un film peu exposé, une reprise ou une cinématographie alternative) à un coût
marginal nul, augmente sensiblement la contribution des abonnements illimités aux résultats
de ces films.
L’analyse des chiffres fournis par les émetteurs concernant la contribution des abonnés dans
les résultats des films à combinaison réduite ou à faible nombre d’entrées confirme cet effet.
Une seule formule d’abonnement représente de 15 à 40 % des entrées totales annuelles sur
Paris-périphérie pour une quinzaine de distributeurs.
Les deux formules peuvent représenter plus de la moitié des entrées annuelles d’un
distributeur sur Paris, soit plus du double du poids moyen de ces formules sur l’ensemble de
la fréquentation de cette zone (23,6 % sur les dix premiers mois de 20073).
Pour un film ayant une petite combinaison de sortie, ou un faible total d’entrées, la proportion
des entrées « abonnement illimité » dans un circuit est en moyenne 3 à 4 fois supérieure à
celle de ces entrées pour un film ayant une large combinaison et/ou un grand succès de
fréquentation.
En conséquence, cinémas-adhérents et « petits distributeurs » contribuent à enrichir l’offre
des émetteurs de formules d’abonnements illimités, et leur permettent de satisfaire l’appétit
et la curiosité du public des abonnés.
3
« Observatoire de la fréquentation cinématographique à Paris / janvier-décembre 2007», étude publiée par le CNC en avril
2008
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
17
4) Les « biorythmes » des abonnements illimités
Les abonnements à entrées illimitées ont introduit deux mécanismes totalement inhabituels
dans l’économie traditionnelle du film.
a) L’abandon de la remontée proportionnelle de la recette aux ayants droit
Ces formules impliquent la séparation entre le prix payé par le spectateur (abonnement) et la
base du calcul servant à la rémunération des ayants droit. En ce sens, elles vont à l’encontre
du principe d’une rémunération des ayants droit proportionnelle au prix unitaire payé par le
spectateur. Depuis le lancement de ces formules en 2000, afin de préserver cette obligation
de rémunération proportionnelle, la rémunération des ayants droit repose sur la notion
abstraite d’un « Prix de référence » qui sert de base de calcul.
Comme il est exposé dans le chapitre I.2, le « Prix de référence » est, avec le prix de
l’abonnement mensuel, le paramètre le plus important de l’équation économique. Ces prix
déterminent le Point d’Equilibre et le Point Mort.
Il convient de rappeler sur quelle base le prix de référence a été établi et quelles modalités
sont prévues pour son éventuelle révision.
Le prix de référence a été défini et arrêté unilatéralement par l’émetteur (UGC) au lancement
de la première offre illimitée, lorsqu’il en a informé les distributeurs. Il a été fixé en rapport
avec une formule classique de l’émetteur initial (UGC et sa carte UGC 5). Il s’agit en effet de
la base de rémunération des ayants droit pour les entrées réalisées avec cet abonnement
classique. Il s’agissait alors du « plus bas prix accessible à tous les spectateurs et à toutes
les séances dans le circuit UGC ». Les distributeurs ayant déjà une pratique de cette base
tarifaire, ne s’y opposèrent pas. Ce prix de référence n’a à l’époque fait l’objet d’aucun
accord négocié et formalisé entre les émetteurs et les distributeurs. N’étaient prévus ni un
mode de fixation précis, ni des modalités de révision. Aujourd’hui, ce prix de référence fait
toutefois partie des informations essentielles dans le cadre de la procédure d’agrément pour
l’émetteur. Il constitue un élément essentiel dans le contrat d’adhésion entre les émetteurs et
les exploitants indépendants, lui aussi soumis à l’agrément. Ce prix est resté inchangé à
5,03 € depuis le lancement de ces formules en 2000.
Il est également important de souligner que ce « prix de référence » est un prix maximum et
non un minimum. Il sert en effet de base à la rémunération des ayants droit et des
établissements garantis sauf si le tarif normal (plein) de la séance est inférieur. Dans ce cas
c’est ce dernier tarif qui est retenu. C’est par exemple le cas sur certaines séances du matin,
ou pendant certaines périodes promotionnelles (fête du cinéma, printemps du cinéma, 3
jours 3 €, etc.). Il faut enfin souligner qu’en 2006, près de 55 millions d’entrées, soit 29 % de
la fréquentation totale de l’année, ont été réalisées à un prix inférieur à 5,03 €4.
Le prix de référence est le même (5,03 €) pour tous les établissements d’un circuit-émetteur,
mais il peut être fixé pour chaque établissement adhérent en fonction des tarifs de celui-ci.
Dans la pratique, la grande majorité des adhérents à une formule a le même prix de
référence. Celui-ci se situe entre 4,04 € et 4,90 €, la majorité se situant à 4,50 € ou 4,65 €
suivant l’émetteur.
4
source CNC : observatoire de la fréquentation – juillet 2007
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
18
Ces deux éléments combinés (tarif de la séance inférieur au prix de référence, et prix de
référence inférieur chez les adhérents) se traduisent par une baisse du prix de référence
moyen qui sert à la valorisation des entrées de ces abonnements et de base au calcul à la
rémunération des ayants droit. Ainsi à Paris en 2007, la valorisation moyenne d’une « entrée
illimitée » est de 4,97 €5. Cette valorisation moyenne inférieure au prix de référence de
5,03 € se traduit par une évolution du point d’équilibre favorable à l’émetteur. Il faut en effet
3,99 entrées par mois pour se situer à ce point, contre 3,94 entrées avec le prix de référence
(hors frais de gestion et de garantie).
b) Abonnement mensuel et exploitation hebdomadaire des films
Autre particularité de ces formules d’abonnement, la modalité de perception des recettes ne
correspond pas au rythme de gestion de l’exploitation cinématographique. Celle-ci repose en
effet sur un contrat de location d’une copie de l’exploitant au distributeur pour une période
d’une semaine. Toute l’économie du film en salles est donc calibrée sur un rythme
hebdomadaire : contrats de location, bordereaux de remontées de recettes, statistiques du
marché, …
Or un abonnement mensuel ne correspond pas à un nombre exact de semaines
cinématographiques. Ceci se traduit par la nécessité de croiser deux comptabilités : celle
des abonnements sur une base mensuelle, qui détermine le chiffre d’affaires de l’émetteur et
des cinémas adhérents non-garantis, et celle des entrées sur une base hebdomadaire,
déterminant les recettes des cinémas adhérents garantis et des distributeurs. Concrètement,
cela implique des calculs de prorata temporis pour créer une base journée et des
ajustements périodiques entre les deux calendriers (mois cinéma contre mois calendaire).
Comme le résume un émetteur « on jongle entre les deux, entre deux fichiers et deux
calendriers ». Cette particularité, purement comptable, accroît encore la césure entre la
rémunération de l’exploitant émetteur et celle des ayants droit.
En termes moins directement comptables, cette spécificité incite à adopter, dans le cas
d’une proportion importante d’entrées réalisées via ces abonnements, une gestion de
l’exploitation sur un rythme mensuel plutôt qu’hebdomadaire et donc à « lisser » les
fluctuations liées à la programmation.
Cette caractéristique se retrouve dans l’observation d’un émetteur d’abonnements illimités
qui souligne que ceux-ci sont des indicateurs de tendance très fiables : « nous scrutons le
taux d’utilisation des abonnements car une baisse est souvent le tout premier signe d’un
fléchissement global de la fréquentation ».
Enfin, ce double calendrier crée un léger décalage de trésorerie en faveur de l’émetteur. Il
perçoit l’abonnement en début de mois alors que les entrées qui y sont liées sont réparties
sur les quatre semaines suivantes. Le traitement de ces entrées est parfaitement identique à
celui de toutes les autres, et le règlement des parts distributeurs est donc inchangé au fil des
semaines suivantes. Il y a donc un léger avantage de trésorerie pour les émetteurs mais
aucune conséquence pour les remontées aux ayants droit.
5
« Observatoire de la fréquentation cinématographique à Paris / janvier-décembre 2007 », étude publiée par le CNC
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
19
II.
La place des cartes chez les émetteurs
1) l’évolution du modèle économique
a) Rappel historique
Les formules d’abonnement à entrées illimitées ont été lancées en mars 2000 par UGC. Il
convient de rappeler les principales évolutions des différentes formules d’abonnement et la
mise en place d’une régulation avant de détailler les offres en présence en janvier 2008.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
20
Les principales évolutions entre 2000 et 2006 ont été les suivantes.
Année
2000
2001
2002
2003
2004
2005/2006
UGC Illimité
Le Pass
Régulation
En mars, lancement de la carte « UGC Illimité » En août, en réponse à UGC, lancement à Nantes de la carte
pour un abonnement mensuel de 14,94 €
« Ciné à volonté » par Pathé-Saint Herblain et de la carte « Le
(98 F), valable dans tous les cinémas du circuit. Pass » par Gaumont au même prix de 14,94 € par mois.
Lancement en septembre de la carte LE PASS à Paris par
Premiers cinémas partenaires entre juillet et
Gaumont, MK2 et Ciné Classic
octobre.
Lancement de « Ciné à volonté » par Pathé à Nice et
Strasbourg.
En juillet, l’abonnement mensuel est porté à
En juin, fusion des circuits d’exploitation Gaumont et Pathé au
16,46 € (108 F) et les frais de dossiers sont de sein d’ Europalaces.
30,50 € (200 F).
L’abonnement mensuel des formules « Ciné à Volonté » et
« Le Pass » s’élève à 18 € (118F) et les frais de dossier à
27,50 €
Huit cinémas partenaires (5 à Paris, 2 en
Les cinémas de R. Letzgus à Strasbourg abandonnent la carte
périphérie et 1 en province) acceptent la
« Ciné à Volonté »
formule
25 juillet : avis du Conseil de la Concurrence qui
rejette une interdiction de la formule UGC Illimité.
20 novembre : recours de l’ARP et de l’AFCAE
auprès du Conseil de la concurrence.
La loi du 15 mai 2001 stipule le principe du « prix
de référence » pour la rémunération des ayants
droit et le principe d’une « garantie » pour les
cinémas adhérents sous condition de zone de
chalandise et de part de marché
Le décret du 24 octobre fixe les modalités
d’application de l’article 27 du code de l’industrie
cinématographique relatif aux formules d’accès au
cinéma à entrées multiples et aux modalités
d’agrément
Premier contrat signé avec un adhérent garanti, le Cinéma des Mise en place de la Commission d’agrément des
Cinéastes à Paris
formules d’accès au cinéma
En mai, premier contrat signé avec un adhérent En novembre, l’abonnement Le Pass Ile de France est porté à
garanti, le Mac Mahon à Paris
19,80 €/mois pour les nouveaux abonnés.
En juillet, l’abonnement UGC Illimité passe à
Les anciens abonnements restent à 18 € par mois
18 € par mois pour les nouveaux abonnés ; les
abonnements de plus de douze mois passent
également à ce tarif.
Création des formules locales Le Pass à Toulouse,
Montpellier, Avignon, Toulon, Valence, Saint-Etienne, Liévin,
Coquelles, Valenciennes, Reims, Montvilliers, Angers, Rennes,
Belfort, Amiens et Lyon
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
21
L’année 2007 a été caractérisée par une suite d’évènements qui ont changé en profondeur
la situation du marché.
En juin 2007, le circuit MK2 décide de se retirer du GIE LE PASS
Les abonnés de plus de douze mois, donc qui ne sont plus dans la période d’engagement
initiale, n’auront plus accès aux salles MK2 à compter du premier novembre 2007. Pour les
abonnés encore en période initiale, l’accès aux cinémas MK2 sera possible jusqu’à la fin de
cette période, soit au plus tard jusqu’à fin juin 2008, date à laquelle le retrait sera effectif pour
tous.
Formule nationale pour Le Pass
Simultanément, le circuit Europalaces unifie toutes ses formules locales dans une formule
LE PASS nationale, valable dans tous les cinémas Europalaces et les cinémas adhérents.
Le prix de l’abonnement reste inchangé à 19,80 € par mois.
En septembre, le circuit MK2 rejoint l’offre UGC Illimité
La carte UGC Illimité est désormais acceptée dans tous les cinémas MK2 (11 cinémas et 64
salles à Paris, jusqu’en décembre 2007 et la fermeture des 6 salles du MK2 Beaugrenelle).
Nouvelles formules d’abonnement UGC Illimité
L’abonnement à la formule UGC Illimité 1 est porté à 19,80 € par mois, et une nouvelle
formule est proposée, UGC Illimité 2, qui permet pour un abonnement mensuel de 35 € la
possibilité d’inviter une seconde personne de son choix, pour le même film et à la même
séance.
Offres d’abonnement en Janvier 2008
Formule
Abonnement
mensuel
Durée initiale
d’engagement
Frais de
dossiers
Nombre de
places par
séance
UGC Illimité
1
19,80 €
12 mois
30 €
1
UGC Illimité
2
35 €
12 mois
30 €
2
Le Pass
19,80 €*
12 mois
30 €
1
Couverture géographique
France : 522 salles dans 85
cinémas,
dont 51 cinémas et 230 salles
à Paris
et 16 cinémas pour 118 salles
en Périphérie
(hors MK2)
France : 738 salles dans 90
cinémas
Dont 33 cinémas et 147
salles à Paris
et 8 cinémas pour 88 salles
en périphérie
* Les spectateurs qui se sont abonnés à partir de novembre 2004 payent un montant mensuel de 19,80 € ; les abonnés qui
avaient souscrit avant cette date continuent de payer 18 € par mois. Le tarif moyen de l’abonnement à cette formule est donc
inférieur à 19,80 €.
La durée initiale d’engagement correspond à la période pendant laquelle un nouvel abonné
ne peut pas résilier son abonnement hors cas de force majeure.
Les frais de dossier, de 30 € quelle que soit la formule d’abonnement, sont perçus une seule
fois, à la signature de l’abonnement. Ils couvrent les dépenses de recrutement des abonnés
(communication, stands dans les cinémas, PLV) ainsi que celles de création de
l’abonnement (fabrication et personnalisation de la carte, création du compte informatique et
bancaire). Les émetteurs peuvent offrir les frais de dossier gratuits sur une période donnée
pour inciter de nouveaux abonnements. Les deux émetteurs ont offert les frais de dossier au
dernier trimestre 2007.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
22
b)
Les chiffres clés des abonnements illimités en 2006
L’année 2007 ayant été marquée par des évolutions importantes, il n’a pas été possible
d’obtenir des informations chiffrées précises sur cet exercice, mais des indications de
tendances seront présentées.
L’analyse s’appuiera principalement sur les données 2006 et sur les évolutions significatives
depuis le lancement en 2000. Ces données ont été obtenues à partir des déclarations des
émetteurs.
Nombre d’abonnements actifs
Année
Total
2000
238 000
2002
231 000
2004
nc
2006 (au 31/12)
282 000
Comme l’avait souligné l’étude réalisée en 20026, le marché est arrivé très rapidement à
maturité : le nombre total de cartes actives a progressé de 18 % entre 2000, année du
lancement, et 2006.
Données 2006
Total
Cartes actives au 31/12/06
282 000
prix moyen de l’abonnement (€)
18,07*
CA total mensuel (€)
4 957 555
CA total annuel (€)
59 490 689
Entrées totales
11 677 878
Fréquence moyenne annuelle
42,56
Fréquence moyenne mensuelle
3,55
CA moyen par entrée (€)
(hors frais de gestion)
5,09
* Prix moyen de l’abonnement mensuel calculé de la manière suivante : chiffre d’affaires abonnement / Nombre d’abonnés
actifs sur la période
Rappel : ces chiffres sont le résultat d’une estimation établie à partir des données non homogènes
transmises par les émetteurs et de données publiées par ailleurs.
6
« Les cartes à entrées illimitées au cinéma : évaluation de l’impact financier des dispositions de mise en œuvre du décret
cartes », étude publiée par CNC- U+Me en décembre 2002
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
23
Le chiffre d’affaires des abonnements illimités est passé de 40,7 M€ en 2001 à 59,5 M€ en
2006 (+46 %), conséquence des augmentations successives des prix des abonnements.
Le total des entrées réalisées grâce à ces abonnements est passé de 11 millions en 2001,
soit 5,9 % du total des entrées France, à 11,7 millions en 2006, soit 6,2 % du total des
entrées, et une croissance de 6 % en 5 ans. Cette évolution modeste en termes d’entrées
est à mettre en regard de la stabilité du marché total de 187,45 millions en 2001 contre
188,67 millions en 2006 (+0,7 %). La fréquence moyenne d’utilisation des abonnements était
de 45,6 entrées par an, soit 3,8 entrées par mois en 2001. Elle a diminué à 42,56entrées par
an, soit 3,55 entrées par mois en 2006.
Conséquence logique de la hausse du chiffre d’affaires et de l’augmentation plus modeste
des entrées sur la même période, le revenu moyen par entrée des abonnements est passé
de 3,68 € par entrée en 2001 à 5,09 € par entrée en 2006.
L’année 2007 a été caractérisée par des évolutions simultanées qui peuvent avoir des effets
contradictoires :
- La diminution des abonnés Le Pass, notamment à Paris où ceux-ci étaient en partie
fidélisés sur le circuit MK2.
- La création de nouveaux abonnements Le Pass du fait de l’extension de cette formule à
l’ensemble du circuit EuroPalaces mais aussi de la promotion sur les frais de dossier ; sa
dimension désormais nationale constitue un atout important pour la population étudiante qui
peut ainsi bénéficier des avantages procurés, aussi bien sur la zone des études que sur celle
du domicile familial, en cas d’éloignement .
- Une diminution des abonnés UGC Illimité 1 du fait de la hausse du prix de l’abonnement
mensuel (effet d’éviction, voir infra), et éventuellement d’un glissement vers la formule UGC
Illimité 2 ;
- La création de nouveaux abonnés avec l’offre UGC Illimité 2 ;
- Une hausse des abonnés UGC Illimité 1 et 2 avec l’arrivée d’anciens abonnés à la formule
Le Pass et fidélisés au circuit MK2, mais aussi avec la promotion sur les frais de dossier en
fin d’année.
Les premières informations (qui doivent être considérées avec prudence) font apparaître une
hausse globale des abonnements à la fin décembre 2007, avec un total de 287 000 cartes
actives.
Avant de disposer d’éléments plus précis sur 2007, les données recueillies dans le cadre de
cette étude permettent d’analyser l’équilibre précédent, existant à la fin 2006.
Avec un montant moyen de 18,07 € pour l’abonnement mensuel, le revenu dégagé par
l’émetteur, après déduction des taxes et de la part distributeur (sur la base du prix de
référence de 5,03 €), est inversement proportionnel à la fréquentation de l’abonné.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
24
Revenu de l'émetteur avec un prix moyen de l'abonnement de 18,07 €
après déduction des taxes et de la part distributeur hors frais de gestion et garantie
16
14
12
revenu de l'émetteur (€)
10
8
6
4
2
0
-2
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
-4
-6
-8
-10
-12
-14
fréquentation mensuelle de l'abonné
Rapportée par entrée, la part exploitant évolue et se situe à un niveau inférieur à la part
distributeur lorsque l’abonné va 3,6 fois au cinéma par mois.
Revenu par entrée pour l'émetteur avec un prix moyen de l'abonnement à 18,07 €
après déduction des taxes et de la part distributeur hors frais de gestion et garantie
16
14
12
revenu en €
10
8
6
4
2
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
-2
fréquentation mensuelle de l'abonné
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
25
Calcul du Point d’équilibre en fonction de l’abonnement mensuel en 2006
prix TTC moyen
de l'abonnement mensuel (€)
Ensemble
Point d'Equilibre (hors frais de gestion) en
entrées par
18,07*
mois
An
3,59
43,11
* Prix moyen de l’abonnement mensuel calculé de la manière suivante : chiffre d’affaires abonnement / Nombre d’abonnés
actifs sur la période
Ces données font apparaître une fréquentation moyenne très légèrement inférieure au seuil
déterminant le point d’équilibre (hors frais de gestion), pour les deux opérateurs comme pour
l’ensemble du marché.
Au niveau de l’ensemble du marché, la fréquentation moyenne de 3,55 entrées par mois
(42,56 par an) se situe légèrement en deçà du point d’équilibre de 3,59 entrées par mois
(43,11 par an).
Les formules d’abonnement à entrées illimitées génèrent donc un revenu brut (avant frais de
gestion et paiement de la garantie) suffisant pour que la part exploitant soit au moins égale à
la part distributeur.
En 2006, le revenu par entrée réalisée avec un abonnement « illimité » est de l’ordre de
5,09 € TTC soit un prix supérieur au prix de référence de 5,03 €. Il semble donc que, hors
frais de gestion et hors garantie, l’économie de ces formules se situe légèrement au dessus
du « point d’équilibre » qui correspond à une rémunération égale entre l’exploitant et le
distributeur.
2) Les frais de gestion et l’impact de la garantie
Cette première approche doit être précisée en tenant compte de deux autres paramètres :
les frais de gestion des abonnements et le surcoût impliqué par la garantie en faveur des
établissements adhérents qui peuvent en bénéficier.
Le revenu net pour l’émetteur de l’abonnement à entrées illimitées est le suivant :
Revenu net = CA – D– F – G – NG
Avec :
CA = chiffre d’affaires réalisé avec les abonnements mensuels
D = coût des entrées réalisées dans le circuit (taxes -TSA & TSA - et part distributeurs) en
fonction du nombre d’entrées réalisées dans les salles du circuit sur la base du prix de
référence (ou au tarif plein de la séance s’il est inférieur au prix de référence) F = frais de
gestion des abonnements, en fonction du nombre d’abonnés
G = coût des entrées chez les adhérents garantis, égal à deux fois la part distributeur (au
prix de référence de l’adhérent) par le nombre d’entrées.
NG = coût des adhérents « non garantis », soit la part du chiffre d’affaires qui leur est
reversée, égale au chiffre d’affaires total des abonnements rapporté au prorata des entrées
réalisées dans leur salles.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
26
a) Les frais de gestion
Plusieurs facteurs contribuent à des frais de gestion relativement élevés. La gestion d’un
parc d’abonnés est une activité où les économies d’échelle sont importantes et fonction
directe de la taille du parc des abonnés. Un parc de 100 000 à 200 000 abonnements actifs
est en réalité assez restreint et donc coûteux. Les frais de gestion d’un parc peuvent être
évalués en pourcentage du chiffre d’affaires généré par les abonnements, mais ils
correspondent plus fréquemment à un coût par abonné et par mois qui intègre des coûts
fixes (affranchissement) et des coûts variables de traitement. La gestion de parc d’abonnés
est intégralement externalisée pour Le Pass, alors qu’elle est désormais totalement
internalisée chez UGC.
Des référents extérieurs (télécommunications) conduisent à évaluer les frais de gestion entre
1 et 5 € par mois et par abonné, en fonction des services associés et de la complexité du
traitement. Compte tenu du faible niveau de service associé aux formules d’abonnements à
entrées illimitées au cinéma, mais aussi des frais fixes (relevés et affranchissements), il est
possible d’estimer les frais de gestion entre 1 et 2 € par abonné et par mois, en année
« normale ». Les informations fournies par les émetteurs d’abonnements à entrées illimitées
confortent cette estimation.
D’après ces informations, les simulations seront réalisées sur la base d’un coût de gestion
de l’abonné compris entre 1 € et 1,50 € par mois. Le revenu des émetteurs en est
directement impacté et doit être évalué en intégrant ce paramètre.
Impact des frais de gestion sur le chiffre d’affaires par entrée
Frais de gestion en € par mois et
par abonné
CA moyen par entrée après
déduction des frais de gestion
1,00
1,10
1,30
1,50
4,81
4,78
4,73
4,67
Ces frais n’intègrent pas les frais de communication/recrutement et de fabrication qui doivent
être couverts par les frais de dossier perçus à l’ouverture de l’abonnement. Si ces derniers
sont intégrés, le total dépasse les 1,50 € et peut approcher 1,70 € par abonné. La décision
d’offrir les frais de dossier, comme cela a été le cas au dernier trimestre 2007 pour les deux
émetteurs, impacte donc fortement l’économie de ces formules.
En retenant une valeur plancher de 1 € par abonné et par mois, le revenu mensuel moyen
des abonnements passe en dessous du prix de référence, donc du point d’équilibre, à 4,97 €
par entrée pour l’ensemble du marché en 2006.
En retenant une estimation de 1,35 € par abonné et par mois, le revenu net par entrée pour
l’émetteur (exploitant) est impacté négativement par ces frais de gestion.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
27
Part exploitant par entrée pour un abonnement mensuel de 18,07 €
et des frais de gestion de 1,35 €
16
14
12
revenu en €
10
8
6
4
2
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
-2
fréquentation de l'abonné
hors frais de gestion
net des frais de gestion
b) Les charges liées aux cinémas adhérents
Cette situation est accentuée par le coût des garanties. Le dispositif de garantie mis en place
en faveur des exploitants adhérents (voir détail des conditions et dispositions dans le
chapitre III ci-dessous) pèse en effet directement et uniquement sur le revenu de l’émetteur.
Les charges associées aux établissements adhérents ne sont pas identiques selon que
l’adhérent soit « garanti » ou non.
Pour les cinémas adhérents « garantis », le principe est simple. L’émetteur supporte
l’intégralité du paiement de la recette aux distributeurs et à l’exploitant adhérent. La garantie
se traduit concrètement par un doublement de la redevance distributeur, puisque l’exploitant
adhérent est assuré par l’émetteur que son revenu sera égal à celui du distributeur. Ce
revenu est calculé sur la base du prix de référence de l’exploitant adhérent. Ce prix de
référence varie entre 4,04 € et 4,90 €, la grande majorité se situant à 4,50 € (UGC Illimité) et
4,65 € (Le Pass).
Compte tenu de la diversité des situations et des contrats, pour l’évaluation du coût associé,
il sera retenu une valeur moyenne de 4,55 € en pondérant les pratiques de UGC Illimité et Le
Pass.
La charge de la garantie est toutefois diminuée d’une partie des frais de gestion qui sont
répercutés sur l’exploitant adhérent. Une redevance de 5 % calculée à partir du total des
entrées « abonnement illimité » réalisées chez l’adhérent au prix de référence de l’adhérent
est appliquée par UGC. Une redevance fixe de 1,5 % (redevance de « marque ») est
appliquée sur cette même base par Le Pass, qui applique en outre une redevance pour les
frais de gestion avec une répartition au prorata des entrées réalisées avec les abonnements.
Cette redevance étant limitée à 10 % de la valeur des entrées « abonnements » de
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
28
l’adhérent valorisé à son prix de référence (cette redevance variable n’a jamais atteint les
10 % mais était de l’ordre de 8 à 9 % en 2006)
Le montant total versé par les émetteurs au titre de la garantie en 2006 est de l’ordre de 2,1
millions d’euros, soit environ 65 centimes par mois et par abonné, ou encore 18 centimes par
entrée.
Dans ces conditions, la garantie impacte plus légèrement le revenu net par entrée (part
exploitant) de l’émetteur.
Revenu par entrées (part exploitant) de l’émetteur avec un abonnement de 18,07 €
et une garantie de 0,65 € par mois et par abonné
16,00
14,00
12,00
revenu en €
10,00
8,00
6,00
4,00
2,00
0,00
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
-2,00
fréquentation de l'abonné
hors garantie
net de la garantie
Impact de la garantie versée aux adhérents
Coût de la garantie
Coût de la garantie en 2006
Total
2 124 550
Coût de la garantie par abonné/an (€)
7,74
Coût de la garantie par abonné/mois (€)
0,65
Coût de la garantie par entrée (€)
0,18
Rappel : frais de gestion en €
Par mois et par abonné
CA moyen par entrée après
déduction des frais
et de la garantie
1,00
4,63
1,10
4,60
1,30
4,55
1,50
4,49
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
29
Cette estimation montre que lorsque l’on tient compte des frais de gestion et du coût de la
garantie versée aux adhérents, le revenu par entrée des émetteurs pour l’ensemble des
abonnements à entrées illimitées se situe nettement en dessous du prix de référence. Elle
montre également qu’avec un total des entrées inférieur à 5 % du total des entrées réalisées
avec les abonnements illimités, le poids des cinémas adhérents (garantis et donc hors MK2)
fait basculer l’ensemble du modèle sous le point d’équilibre.
L’impact conjugué des frais de gestion et de la garantie impacte négativement et
sensiblement la part exploitant perçue par l’émetteur.
Revenu par entrées de l’émetteur
abonnement mensuel 18,07 €, frais de gestion de 65 centimes par mois et par abonné
et garantie de 35 centimes par mois et par abonné
16,00
14,00
12,00
Revenu en €
10,00
8,00
6,00
4,00
2,00
0,00
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
-2,00
Fréquentation de l'abonné
hors frais de gestion et garantie
net des frais de gestion et de la garantie
Il est utile de rappeler que ces estimations ont été établies sur la base du prix de référence
de 5,03 € pour l’intégralité des entrées réalisées dans les établissements des émetteurs.
Compte tenu du fait que le prix de référence est un « maximum garanti » et que la base de
rémunération des ayants droit est le tarif plein de la séance lorsque celui-ci est inférieur au
prix de référence, le point d’équilibre réel ou « effectif » de l’émetteur (sur l’ensemble des
entrées des abonnements) est donc supérieur en termes de fréquentation au point
d’équilibre théorique.
Dans le cas d’un adhérent non garanti, l’impact pourrait sembler nul pour l’émetteur, le
principe étant une rémunération proportionnelle aux entrées réalisées avec l’abonnement et
un partage des charges selon la même clé de répartition. Le revenu de l’adhérent est égal au
montant total des abonnements à entrées illimitées auquel est appliqué le prorata des
entrées réalisées avec ces abonnements dans son établissement par rapport aux entrées
totales de l’abonnement (clé de répartition = entrées de la formule illimitée réalisées chez
l’adhérent / entrées totales de la formule illimitée). Si le même calcul est appliqué aux
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
30
charges de gestion et de fonctionnement, l’incidence est donc nulle pour l’émetteur. Une
partie de l’exploitation de la formule et du risque associé est transférée sur l’adhérent.
Une autre approche souligne toutefois que chaque entrée réalisée chez l’adhérent non
garantis a pour effet direct de diminuer le revenu par entrée, pour l’émetteur et pour
l’adhérent. Dans cette perspective, si les entrées réalisées chez un adhérent non garanti ne
représentent pas un « coût » (au sens d’une charge) pour l’émetteur, elles ont néanmoins un
impact négatif sur son revenu net par entrée, donc sur son résultat.
Compte tenu de la très faible proportion que ces entrées représentent sur l’ensemble de la
fréquentation des abonnés, si l’on ne tient pas compte du circuit MK2, cet impact est
toutefois très faible. L’importance du circuit MK2 et des entrées qu’il représente pour une
formule d’abonnement à entrées illimitées rend cet impact beaucoup plus sensible. Il n’est
toutefois pas possible compte tenu des informations disponible d’évaluer cet impact.
Après examen des contrats entre émetteurs et adhérents non garantis, et après vérification
auprès des acteurs eux-mêmes, il s’avère que les adhérents ne supportent pas
nécessairement les mêmes charges que l’émetteur. Une partie des charges associées à la
formule d’abonnement peut être supportée uniquement par l’émetteur. Il s’agit notamment et
principalement du montant versé aux adhérents garantis. Ceci alourdit très sensiblement le
poids de la garantie puisque celle-ci s’exerce sur la part des recettes qui revient à l’émetteur
après déduction de la part versée aux adhérents non garantis.
Cette différence est sensible lorsqu’un adhérent non-garanti représente une proportion
importante des entrées réalisées avec les abonnements, ce qui est le cas pour le circuit
MK2. Ceci était vrai jusqu’en 2006 mais a été modifié en 2007.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
31
3) Le comportement des abonnés illimités
Les analyses qui suivent s’appuient sur les témoignages des responsables des formules
d’abonnement chez les émetteurs, largement confirmés par ceux des exploitants adhérents.
Il convient de rappeler que le CNC a conduit en janvier 2008 une enquête par sondage
auprès 1 738 possesseurs de cartes à entrées illimitées au cinéma. Cette enquête analyse
dans le détail leur profil sociodémographique, la satisfaction apportée par leur abonnement
ainsi que les particularités de leur comportement cinématographique.
D’après les deux émetteurs, le consommateur fait preuve d’une très grande maturité, d’une
conscience fine de son niveau « d’utilité économique» vis-à-vis de ces offres.
Rappel des modalités d’adhésion et de résiliation des abonnements à entrées illimitées :
A la signature de l’abonnement, le spectateur s’engage sur une durée minimum de 12 mois.
La résiliation pendant cette période d’engagement initiale est possible uniquement pour un
« motif légitime » précisé dans le contrat d’abonnement (déménagement à l’étranger,
hospitalisation de longue durée, décès, mais aussi fermeture définitive ou temporaire d’un
cinéma isolé sans autre cinéma acceptant l’abonnement dans la zone d’attraction). Après
cette période initiale, le consommateur peut résilier son abonnement à tout moment avec un
préavis de deux mois. L’émetteur peut également résilier l’abonnement en cas de
manquement grave de la part de l’abonné, en cas de fraude dans la constitution du dossier
d’abonnement (fausse déclaration, falsification de pièces), de fraude dans l’utilisation
(notamment revente de billets), de défaut de paiement, de manquement à la « Charte des
spectateurs ». Les émetteurs soulignent que le désabonnement est très rapide, qu’il s’agisse
aussi bien d’un des motifs prévus dans les contrats, que pour convenance personnelle après
la période initiale. Dans ce dernier cas de figure, la résiliation est le plus souvent imputable
à une baisse du rythme de fréquentation de l’abonné mais peut aussi être consécutive à une
augmentation du prix de l’abonnement.
Si le nombre de cartes actives et leur taux d’utilisation sont des indicateurs très suivis par les
opérateurs d’abonnements, ceux-ci exploitent en revanche assez peu les statistiques qui
pourraient être liées au parc d’abonnés.
Désabonnement / réabonnement
Le réabonnement étant automatique, mensuel et tacite jusqu’à la résiliation, il n’est donc pas
« tracé » par les opérateurs. L’opérateur UGC suit le taux de désabonnement de façon
globale, en insistant principalement sur le nombre total de cartes actives et le nombre des
entrées réalisées avec ces cartes. Europalaces suit avec précision le nombre de cartes
actives mais ne trace pas non plus le taux de désabonnement.
Durée moyenne d’abonnement
Les auteurs de l’étude n’ont pas obtenu d’information complète à ce sujet. UGC ne trace pas
cette donnée, alors qu’elle est connue pour Le Pass : 61 mois, soit environ 5 ans.
Taux d’utilisation (nombre d’entrées par semaine/par mois avec les abonnements)
C’est l’indicateur qui est le plus régulièrement « scruté » par les opérateurs. Cependant UGC
déclare ne pas avoir une approche cherchant à tracer le profil d’utilisation dans la durée d’un
abonnement individuel, mais insiste sur la logique globale visant à maximiser les entrées
dans le circuit. Europalaces a constaté une sur-fréquentation sur une période de six mois, le
comportement changeant ensuite, avec un fléchissement de la fréquentation, généralement
après une première période de vacances (l’été le plus souvent). Il ressort des informations
recueillies auprès des émetteurs et vérifiées auprès des abonnés que ces derniers sont en
grande majorité des « assidus », et même des « hypers assidus » avec une fréquentation
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
32
supérieure à 3 films par mois, soit plus que la moyenne des « assidus ». Selon, l’étude du
CNC sur les possesseurs de cartes, 92,4 % sont des assidus du cinéma et 62,6 % sont des
« hyper assidus » déclarant aller au cinéma plus d’une fois par semaine.
Une autre caractéristique du comportement des abonnés conforte l’hypothèse que ce sont
majoritairement des spectateurs « assidus ». Les émetteurs d’abonnement sont unanimes
pour affirmer que les abonnés sont des gros consommateurs de films, mais en revanche de
très faibles consommateurs de produits annexes (confiserie). D’après UGC, « plus il y a
d’entrées des abonnés UGC illimité, moins on consomme de confiserie » ou encore « les
entrées UGC Illimité sont des entrées 0 pour la confiserie ». EuroPalaces confirme : « les
abonnés cherchent le prix le plus bas, ils ont en tête la gratuité une fois l’abonnement payé ;
la séance ne doit donc rien coûter ; ils viennent voir le film, c’est tout ! »
D’autre part, les offres annexes proposées aux abonnés sont limitées et ne semblent pas
être une priorité pour les émetteurs. Certaines offres ont été développées pour les abonnés
mais elles restent très peu nombreuses et consistent uniquement en des opérations
qualitatives qui valorisent l’abonnement comme un instrument de pratique culturelle :
partenariats mis en place avec des musées parisiens pour UGC Illimité par exemple.
Une dernière caractéristique de la population des abonnés est son caractère fortement
parisien. La commission d’agrément précise dans son avis du 6 mars 2007 que « près de
80 % des entrées des abonnements sont réalisées en Ile de France et 55 % à Paris ». Si
l’abonnement UGC Illimité a une dimension nationale, UGC reconnaît une surreprésentation
de Paris et de la Région Parisienne, qui doit être notamment mise en relation avec la
répartition géographique de son parc.
4) Des options pour augmenter la rentabilité
Compte tenu de la fréquence d’utilisation élevée des abonnements, du prix de référence, des
frais de gestion et du coût de la garantie, les émetteurs se trouvent dans une situation tout à
fait inhabituelle où leur rémunération par entrée est inférieure à celle des ayants droit. Afin
de rétablir leur marge commerciale et de retrouver une rémunération égale ou supérieure à
celle du distributeur, les émetteurs peuvent tenter de modifier l’équilibre économique, en
jouant sur les recettes ou en modifiant la base des charges.
a) Par la hausse du revenu par entrée
Hausse du prix de l’abonnement
Une première option consiste en une hausse du prix payé par le spectateur, soit une
augmentation de l’abonnement mensuel. Cette démarche se heurte toutefois à un redoutable
« effet de cisaille » lié à un effet d’élasticité-prix très défavorable. En effet, l’augmentation du
prix de l’abonnement se traduit par l’éviction rapide des abonnés ayant une faible fréquence
d’utilisation, qui ne peuvent plus amortir leur investissement mensuel. Le corpus des
abonnés se réduit alors à ceux dont la fréquence d’utilisation est la plus élevée, donc ceux
pour lesquels l’émetteur se trouve sous le point d’équilibre.
L’étude réalisée en 2002 mettait déjà en évidence cet effet d’élasticité-prix, et posait
l’hypothèse d’une marge de manœuvre faible, et d’une sensibilité forte à une variation du
prix de l’abonnement de 1,50 €. Les émetteurs le confirment. Cet effet a été nettement
ressenti en 2004 avec l’augmentation du prix de l’abonnement mensuel de 16,46 € à 18 €
pour UGC Illimité et de 18 € à 19,80 € pour Le Pass. Ce phénomène est confirmé par l’étude
sur les possesseurs de cartes réalisée par le CNC.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
33
Il sera intéressant d’évaluer l’impact de l’élasticité-prix sur le second semestre 2007 et sur
l’année 2008. Les conditions sont tout à fait particulières avec la hausse d’une seule formule
d’abonnement (UGC Illimité 1 passant de 18 € à 19,80 € en septembre 2007) qui coïncide
d’une part avec un élargissement de l’offre de programmation et de salles (adhésion des
salles MK2 à cette formule) et d’autre part avec le lancement d’une autre formule par le
même émetteur, « UGC Illimité 2 ».
Hausse du tarif plein et des autres tarifs
Une autre option, indirecte mais ayant également pour objectif d’accroître le revenu moyen
par entrée, consiste à augmenter la marge réalisée sur le reste du public. Il s’agit d’une part,
d’inciter les assidus à s’abonner pour les fidéliser et bénéficier de l’effet de flux positif.
L’émetteur compte alors sur l’effet d’entraînement de ces abonnés sur le reste du public, et
augmente les tarifs pour celui-ci. L’avantage tarifaire offert par l’abonnement est tel qu’il
justifie un tarif plus élevé pour les autres spectateurs. Ceux-ci représentant toujours la
majorité du public et des entrées, la marge commerciale est donc reconstituée voire
augmentée. Cette logique peut d’ailleurs justifier la première option d’une hausse du prix de
l’abonnement. En réduisant la base d’abonnés aux seuls « grands utilisateurs », l’émetteur
garde ainsi intact un important réservoir de spectateurs payant plus cher. L’indicateur est ici
le prix moyen payé par entrée ;les deux émetteurs ont un prix moyen supérieur à celui du
marché.
b) Par la baisse des coûts
L’autre option pour modifier l’équilibre économique est de réduire les charges associées à la
formule d’abonnement.
Réduire les frais de gestion
Compte tenu du faible nombre d’abonnés et du faible niveau de services associés aux
formules d’abonnement, il semble assez difficile de pouvoir jouer sur ce paramètre.
Baisse du prix de référence
Les émetteurs envisagent cette solution compte tenu de la situation actuelle de l’utilisation
des abonnements. Le « prix de référence » n’étant qu’une borne théorique, un paramètre
fictif établi pour donner une base à la rémunération des ayants droit, il pourrait être envisagé
de le faire évoluer pour atteindre un autre point d’équilibre sur cette économie particulière.
Cette évolution peut se traduire de deux manières :
- Soit par la baisse du prix de référence de l’émetteur, ce qui a une incidence forte et directe
sur l’équilibre économique mais se heurte, comme cela s’est produit en 2007, à l’opposition
des distributeurs.
- Soit par la baisse du prix de référence des cinémas adhérents, ce qui n’a qu’un impact sur
la marge du modèle économique de ces formules, mais peut permettre cependant
d’améliorer le résultat net pour les émetteurs compte tenu du poids de la garantie décrit plus
haut.
S’il semble donc difficile de réduire les charges associées aux abonnements à entrées
illimitées, la recherche de la baisse du prix de référence de la part des émetteurs semble
répondre à l’équilibre économique actuel de ces formules. Dans l’économie de
l’abonnement, une variation du prix de référence impacte directement le point d’équilibre
(nombre d’entrées par mois), qui est également affecté par les variations du montant de
l’abonnement mensuel.
En conservant les données actuelles relatives aux frais de gestion et au coût de la garantie,
il est possible d’observer l’impact de ces deux variables sur l’économie des formules
d’abonnement à entrées illimitées.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
34
Evolution du point d’équilibre (en entrées par mois)
en fonction du prix de référence et du montant de l’abonnement
prix TTC de
l'abonnement
mensuel (€)
18,80
19,00
19,20
19,40
19,60
19,80
20,00
20,20
Revenu par
abonnement
net des frais
de gestion et
de la garantie
(2 €)
4,50
4,60
4,70
4,80
4,90
5,00
5,03
5,10
5,20
5,30
5,40
5,50
16,80
17,00
17,20
17,40
17,60
17,80
18,00
18,20
3,73
3,78
3,82
3,87
3,91
3,96
4,00
4,04
3,65
3,70
3,74
3,78
3,83
3,87
3,91
3,96
3,57
3,62
3,66
3,70
3,74
3,79
3,83
3,87
3,50
3,54
3,58
3,63
3,67
3,71
3,75
3,79
3,43
3,47
3,51
3,55
3,59
3,63
3,67
3,71
3,36
3,40
3,44
3,48
3,52
3,56
3,60
3,64
3,34
3,38
3,42
3,46
3,50
3,54
3,58
3,62
3,29
3,33
3,37
3,41
3,45
3,49
3,53
3,57
3,23
3,27
3,31
3,35
3,38
3,42
3,46
3,50
3,17
3,21
3,25
3,28
3,32
3,36
3,40
3,43
3,11
3,15
3,19
3,22
3,26
3,30
3,33
3,37
3,05
3,09
3,13
3,16
3,20
3,24
3,27
3,31
Prix de référence en euros
Lecture : Le point d’équilibre est atteint si l’abonné réalise 3,73 entrées par mois pour un prix de référence à 4,50 € et un prix
mensuel TTC de l’abonnement de 18,80 €
Cette approche montre que le point d’équilibre peut varier de 3,05 entrées par mois à 4,04
entrées par mois. Compte tenu de la fréquentation moyenne des abonnés actuellement (3,55
entrées en 2006), l’émetteur serait fortement exposé dans le premier cas et son revenu
serait inférieur à celui du distributeur, alors que dans le second il reconstituerait fortement sa
marge et aurait un revenu supérieur à celui du distributeur.
Avec un prix de référence de 5,03 € et un abonnement de 19,80 €, le point d’équilibre se
situe à 3,54 entrées par mois, soit à peu près la fréquentation moyenne estimée des
abonnés en 2006 (le montant moyen de l’abonnement étant de 18,07 € la même année).
c) Par l’élargissement de la base d’abonnés
Une dernière option consiste pour l’émetteur à miser sur une baisse du niveau moyen de
fréquence d’utilisation de l’abonnement. Cela peut être obtenu en élargissant la base
d’abonnés à des spectateurs ayant un rythme de fréquentation plus faible. Les émetteurs
mettent en œuvre cette stratégie sous diverses formes.
UGC a adopté une politique agressive de recrutement de nouveaux abonnés à travers
l’installation de stands dans ses établissements et une communication très soutenue, une
incitation de son personnel à proposer et créer des abonnements, et une offre
promotionnelle avec la gratuité des frais de dossier. Une telle politique est coûteuse (hausse
des coûts de promotion et de recrutement, et baisse du revenu des « frais de dossier »). De
plus les nouveaux abonnés ont en général tendance lors des premiers mois à augmenter
très fortement leur fréquentation.
Europalaces et Le Pass ont accru la dimension nationale de l’offre, en unifiant toutes les
formules locales en une seule formule nationale, pour s’adresser en priorité à un public
provincial ayant un ryhtme de fréquentation moyen inférieur à celui des publics de Paris et
de la Région Ile de France7.
Autre moyen pour élargir la base d’abonnés, le lancement d’une formule destinée à un public
plus large et moins consommateur. C’est l’enjeu de l’offre « à deux » de UGC (UGC
Illimité 2) ou de l’offre d’un deuxième billet à tarif réduit pour le spectateur accompagnant un
abonné (Le Pass).
7
« la géographie du cinéma » dossier n° 304 du CNC – page 21 – octobre 2007
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
35
La formule UGC Illimité 2 a les mêmes caractéristiques que UGC Illimité 1 mais avec les
spécificités suivantes :
- un abonnement mensuel de 35 € ;
- la possibilité pour l’abonné d’être accompagné de la personne de son choix à toutes
les séances auxquelles il assiste et donc d’avoir deux entrées pour le même film et la
même séance ;
- le prix de référence est inchangé et reste à 5,03 €.
Il apparaît que la formule est très attractive en termes d’amortissement pour le spectateur, à
la condition que celui-ci aille systématiquement « à deux » au cinéma, et que le risque est
plus grand pour l’émetteur avec un point d’équilibre et un point mort plus bas. L’émetteur
compte évidemment sur un effet d’entraînement (flux positif) accru du fait d’une
consommation en couple (deux entrées plutôt qu’une). L’émetteur s’adresse à un public plus
large et peut miser sur une utilisation partielle de la possibilité d’obtenir deux entrées, donc
sur un avantage qui ne serait pas intégralement consommé par le spectateur. Le risque
encouru par l’émetteur est une cannibalisation partielle du parc d’abonnés à la formule UGC
Illimité 1. Deux abonnés en couple trouveront en effet dans cette nouvelle formule un moyen
de baisser leur prix moyen d’abonnement, et l’impact sur le revenu de l’émetteur sera direct
et négatif.
5) Les stratégies divergentes des émetteurs
Au terme de cette analyse du modèle économique du point de vue des émetteurs, il est
nécessaire de distinguer les deux logiques en présence et de souligner leurs divergences.
Le principal objectif pour UGC est de dynamiser la fréquentation du circuit. De ce fait,
l’émetteur fait de l’abonnement à entrées illimitées une pièce essentielle de son dispositif
tarifaire et plus généralement de sa stratégie commerciale. Pour cet opérateur, la mécanique
des abonnements illimités doit entraîner les effets suivants :
La constitution d’un « marché captif »
Les abonnés, qui sont de gros consommateurs de films sont des moteurs pour la
fréquentation, Ils contribuent efficacement à la part de marché du circuit. De surcroît, ils font
office d’indicateurs très sensibles d’un éventuel fléchissement de cette fréquentation.
L’attraction des non abonnés
En tenant compte du caractère collectif (« à plusieurs ») de la sortie au cinéma, les abonnés
pouvant orienter le choix d’un groupe, la fréquentation globale augmente avec la création de
nouvelles entrées pour le circuit..
La « déconnection » des tarifs et l’augmentation du Tarif Plein
L’émetteur accepte une diminution de sa marge sur son « cœur de cible » afin d’assurer un
flux vers ses établissements cinématographiques. Les spectateurs bénéficiant de cette offre
à bas prix, le tarif plein peut être très régulièrement et sensiblement réévalué. La marge sur
les spectateurs non abonnés peut ainsi augmenter.
UGC mène une stratégie commerciale agressive, axée sur une politique affirmée de ventes
de nouveaux abonnements (recrutement) dans les cinémas. Le groupe conduit sa politique
de communication et de promotion autour de l’abonnement, ainsi que la diversification de
l’offre de films afin d’attirer un public plus large.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
36
La politique commerciale d’Europalaces est diamétralement opposée. Les formules
d’abonnement à entrées illimitées sont vécues comme une offre « subie » pour répondre au
concurrent UGC. La stratégie tarifaire de ce circuit repose avant tout sur un objectif de
résultat et de marge commerciale par spectateur payant. Elle s’appuie sur une segmentation
très fine du public en cibles particulières avec une offre de tarifs adaptés par cible et par
période de l’année, en fonction du niveau de fréquentation.
Le principe d’un montant forfaitaire fixé pour toute l’année et accessible à tous apparaît donc
en totale contradiction avec cette stratégie. Le principe de l’abonnement à entrées illimitées
est contraire à la démarche de flexibilité et d’adaptation à des cibles particulières adopté par
le circuit, et est considérée comme un frein à la hausse éventuelle de certains tarifs. En
conséquence, la volonté de l’opérateur est de limiter l’impact et le poids de cette formule
dans son exploitation, de la maintenir à un niveau « non essentiel ».
Toutefois Europalaces tente d’anticiper au plus vite une éventuelle perte d’abonnés fidèles
au circuit MK2. A cette fin, le circuit utilise les mêmes armes promotionnelles qu’UGC, à
savoir la gratuité des frais de dossier et l’unification des différentes formules locales
d’abonnement en une formule unique et plus attrayante, valable sur l’ensemble du circuit.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
37
III.
Emetteurs et exploitants adhérents
Dès le lancement des abonnements à entrées illimités en 2000, certains exploitants
indépendants ont souhaité s’associer à ces formules. La loi du 15 mai 2001 relative aux
nouvelles régulations économiques, complétée ensuite par celle du 17 juillet 2001 ont
introduit un nouvel article 27 dans le code de l’industrie cinématographique. Le décret
d’application du 24 octobre 2002 impose à tout émetteur d’une formule d’abonnement à
entrées illimitées dépassant un certain seuil d’entrées ou de recettes, d’offrir aux exploitants
de la même zone d’attraction ne dépassant pas certains seuils d’entrées ou de recettes de
s’associer à la formule d’abonnement, tout en leur garantissant un montant de lapart
exploitant égal à la part distributeur.
Ces dispositions autorisent et encadrent l’adhésion des exploitants indépendants aux
formules d’abonnements à entrées illimitées proposées dans leur zone d’attraction.
Les textes définissent cette zone d’attraction et les seuils qui permettent aux exploitants de
pouvoir bénéficier du dispositif de recette garantie par l’émetteur.
Rappel des seuils pour les garants et les garantis
Part de marché
nationale
Part de marché locale
sur sa zone d’attraction
Entrées
Entrées
Recettes
Garant si pdm
-
>3%
ou si
> 25 %
Garanti si pdm
< 0,5 %
-
et si
< 25 %
sur 75 + 92 + 93 + 94
Recettes
Entrées
Recettes
ou
> 25 %
> 15 %
ou
> 15 %
ou
< 25 %
<8%
ou
<8%
Le sondage effectué dans le cadre de l’étude réalisée en 20028 montrait que les exploitants
concernés étaient très partagés quant à leur intention d’adopter une formule d’abonnement à
entrées illimitées s’ils en avaient la possibilité. Une légère majorité déclarait même ne pas
souhaiter adhérer à une telle formule.
L’observation de la situation à la fin 2007 montre que cette prudence s’est confirmée. Seuls
les exploitants indépendants parisiens ont adhéré en nombre à l’une et/ou l’autre des
formules. En périphérie de Paris et en province, les adhésions sont beaucoup plus limitées,
principalement en fonction de la proximité avec un établissement du circuit émetteur.
Au total, en janvier 2008, 56 cinémas ne faisant pas partie d’un des deux circuits émetteurs
d’abonnements sont adhérents à l’une et/ou l’autre des formules :
- 38 cinémas parisiens (dont 10 établissements MK2), sur lesquels 24 sont adhérents
aux deux formules
- 8 cinémas en région parisienne en dehors de Paris,
- 10 cinémas en province.
Ceci confirme l’ancrage très parisien des formules d’abonnements à entrées illimitées, mais
marque également le faible intérêt de la majorité des exploitants pour ces formules, en
8
« les cartes à entrées illimitées au cinéma : évaluation de l’impact financier des dispositions de mise en œuvre du décret
cartes », étude publiée par CNC – U+me en décembre 2002 - chapitre B.3
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
38
dehors de la zone d’attraction très particulière qu’est Paris où un grand nombre
d’indépendants ont adhéré à ces formules.
Au total en 2006, les entrées réalisées par les adhérents (garantis ou non) représentaient
environ 1 400 000 entrées soit près de 12 % des entrées totales réalisées par les
abonnements illimités. Mais en dehors du circuit MK2, les adhérents ne représentent plus
que 500 000 entrées environ soit seulement 4,3 % du total des entrées des abonnements à
entrées illimitées.
NB : Les projections réalisées en 20029 sur le potentiel impact des dispositions de mise en
œuvre de la loi évaluaient les entrées réalisées chez les adhérents à 1 400 000 et 13 % des
entrées totales des abonnements à entrées illimitées. Cette surprenante justesse n’est
qu’apparente : en effet, il s’agissait alors d’une estimation des entrées réalisées chez les
adhérents garantis, dont ne fait pas partie MK2. Elles étaient donc largement surestimées,
ce qui démontre encore une fois la réticence des exploitants indépendants à développer cet
outil et l’effet très limité de dispersion de la fréquentation du public abonné. En 2001, les
adhérents (au nombre très limité et sans dispositif de garantie) représentaient déjà 2,7 %
des entrées de ces abonnements.
La très grande majorité des exploitants indépendants ayant adhéré à une formule
d’abonnement à entrées illimitées a choisi de bénéficier des dispositions légales de la
garantie de revenu.
Les exploitants qui n’en bénéficient pas ont des raisons bien particulières :
- le circuit MK2 ne peut pas en bénéficier du fait de sa part de marché locale,
- les autres sont soit associés avec l’un des deux émetteurs dans la gestion d’un ou
plusieurs établissements, et ils ne sont adhérents qu’à la seule formule de leur
associé, soit ils ont des relations contractuelles historiques avec le circuit dont ils ont
adopté l’abonnement (accord de programmation notamment).
En dehors de MK2 qui ne peut pas en bénéficier, seuls deux exploitants (pour 6 cinémas)
sont adhérents non garantis pour UGC Illimité. Seuls deux exploitants pour quatre cinémas
sont adhérents non garantis pour Le Pass.
Les exploitants qui ont une expérience des abonnements illimités ont généralement souligné
un effet sensible. La mise en place des abonnements illimités sur une zone d’attraction
donnée s’accompagne de transferts de fréquentation. Ces transferts ont été constatés dans
les deux sens : soit une perte de fréquentation en présence d’une offre « illimitée » dans un
cinéma proche alors que l’exploitant concerné ne l’a pas encore adoptée, soit un gain de
fréquentation à la suite de la mise en place de cette offre.
Il semble toutefois assez difficile de modéliser ces transferts et de les quantifier précisément,
même si certains mentionnent des transferts de 10 à 17 %, compte tenu des autres facteurs
qui peuvent être intervenus dans le même temps sur la même zone
(ouverture/fermeture/rénovation d’établissement, modification de la programmation, évolution
démographique de la zone urbaine concernée, politique culturelle locale).
Les exploitants adhérents, notamment ceux qui ne bénéficient pas de la garantie, confirment
la « maturité économique » constatée des spectateurs, et le niveau quasi nul de
consommations annexes chez les spectateurs abonnés.
9
ibid - chapitre C.5
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
39
1) Rapport contractuel et comptable
Une analyse comparée des modalités contractuelles des exploitants « garantis » et des
« non garantis » fait ressortir la similitude des conditions générales relatives à l’outil
technique, aux procédures de relevé des entrées, à l’affichage et la communication autour
de l’abonnement. Sans surprise, une grande différence apparaît pour ce qui est de la relation
économique, y compris sur la définition du prix de référence.
Les dispositions techniques imposent à l’exploitant adhérent de s’équiper du matériel de
lecture des cartes, et d’un outil informatique de traitement conforme aux spécifications
techniques de l’émetteur, et de suivre les évolutions du système entreprises par l’émetteur.
Elles imposent également une formation du personnel à la charge de l’adhérent.
Les obligations portant sur la communication hebdomadaire des entrées de l’adhérent sont
limitées aux seules entrées réalisées avec l’abonnement illimité et n’introduisent donc pas un
moyen pour l’émetteur de connaître le détail de l’exploitation de l’adhérent. En revanche et
accessoirement, elles imposent à l’adhérent d’être équipé du dispositif de billetterie
électronique Cinedi proposé par le CNC.
Enfin, les contrats introduisent des procédures de contrôle de conformité préalables à la
mise en opération commerciale des lecteurs, ainsi que des dispositions de contrôle et d’audit
que l’émetteur peut exercer en cours d’exécution du contrat d’adhésion. Il semble que si les
premières sont effectivement diligentées par les émetteurs, les secondes n’ont jamais été
mises en œuvre.
A ce titre, la commission d’agrément a émis dans ses avis des réserves sur certaines
dispositions contractuelles, portant notamment sur :
ƒ l’obligation de mise en conformité du système d’exploitation de l’adhérent avec les
éventuelles modifications apportées par l’émetteur sans une concertation préalable
qui permettrait à l’adhérent d’évaluer les éventuelles retombées sur son système
informatique ;
ƒ les limitations dans le droit d’usage de la marque de l’émetteur et/ou de l’abonnement
par l’exploitant adhérent ;
ƒ l’assiette de la partie variable de la redevance acquittée par les adhérents
« garantis » à la formule Le Pass qui est assise sur l’ensemble des charges alors
qu’elle pourrait être limitée aux seuls coûts marginaux, c'est-à-dire le surcoût
résultant de l’adhésion de l’exploitant garanti.
Les émetteurs font remarquer qu’ils ont apporté des modifications sur le second point afin
d’élargir et d’encadrer l’usage de la marque par les exploitants adhérents.
Sur le premier point, ils rappellent que la mise en oeuvre de la formule d’abonnement et ses
évolutions est une décision qui concerne en premier lieu leur exploitation, et que la
possibilité pour d’autres exploitants d’y adhérer est une disposition intervenant dans un
second temps. Il n’est donc pas anormal qu’ils aient la liberté de faire évoluer leur mode
d’exploitation sans concertation préalable avec d’autres exploitants, ceux-ci ayant la
possibilité de poursuivre ou d’abandonner leur adhésion.
Quant au dernier point qui ne concerne que Le Pass, l’émetteur rappelle que cette
redevance variable est limitée par un plafond de 10 % de la valeur des entrées réalisées par
les abonnements dans l’établissement adhérent, et souligne que ce plafond n’a à ce jour
jamais été atteint. Il semble en outre relativement difficile de déterminer le coût marginal
d’une adhésion, si ce n’est de prendre en compte le montant de la garantie, ce qui est
incidemment le cas pour ce plafond de 10 %.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
40
Du point de vue comptable, le « double calendrier » relevé au chapitre I.4 se retrouve dans
les procédures de remontée des informations et d’échanges comptables. Les entrées
réalisées par l’adhérent avec les abonnements sont déclarées à un rythme hebdomadaire.
La facturation suit quant à elle un rythme mensuel. Les étapes de vérification, de traitement
et de règlement par l’émetteur à l’adhérent s’effectuent sur un délai d’environ un mois. La
facturation étant faite par certains exploitants adhérents sur des « mois cinéma » (de 4
semaines) et par d’autres sur des mois calendaires, les contrats prévoient un ajustement
trimestriel afin de faire correspondre les deux calendriers.
Outre les procédures comptables, la disposition économique la plus importante porte bien
entendu sur le prix de référence. Celui-ci devrait faire l’objet d’une approche établissement
par établissement. Dans les faits, on peut constater que les émetteurs ont tendance à
uniformiser les prix de référence des adhérents « garantis » comme il a été signalé plus haut
(chap. II.2), à 4,50 € et 4,65 €. Il semble toutefois que les émetteurs aient tendance
récemment (2007) à vouloir fixer un prix de référence plus bas, proche de 4 €, notamment
pour un nouvel adhérent lorsque sa grille tarifaire le permet. Ceci permet de jouer sur la
marge du modèle économique de ces formules en baissant le coût de la garantie.
Les adhérents non garantis sont tenus pour leur part d’adopter le prix de référence de
l’émetteur de 5,03 €.
2) Les exploitants garantis : peu de risque, peu d’entrées mais un impact
réel
La situation des exploitants « Garantis » offre relativement peu de surprise. Le risque
économique lié à la mise en place de l’abonnement illimité est quasi-nul. Le revenu est en
effet garanti et la seule charge portée par l’exploitant adhérent est celle des frais de gestion.
Ces derniers sont égaux à 5 % de sa recette hors taxe « abonnement illimité » pour UGC
Illimité et limités à 10 % de la valeur des entrées réalisées par les abonnements dans
l’établissement adhérent pour Le Pass, ce qui semble dans les deux cas inférieur aux frais
réels.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
41
Le modèle de gestion comptable des abonnements illimités du point de vue de l’exploitant
garanti est le suivant :
Schéma des relations entre
émetteur et exploitant adhérent « garanti »
Emetteur de
l’abonnement illimité
recueil et
vérification
des données
Exploitant
adhérent garanti
Gestion
automatisée
et bordereaux
total des
entrées-cartes
de la semaine
Prélèvement des
abonnements
abonnés
vérification
des données et
suivi comptable
total des entrées
du mois
et facturation
Montant facturé *
Envoi du
chèque
Encaissement et
paiement aux
ayants droit **
Distributeurs
Délai de Règlement
Environ un mois
* Montant facturé par l’exploitant adhérent : Entrées
abonnés du mois x partdistributeur x 2
** Montant facturé par les distributeurs
Entrées abonnés du mois x part distributeur
a) Le montant facturé
Le montant facturé par l’exploitant garanti à l’émetteur est déterminé par le dispositif de la
garantie prévue par la loi et mise en place par le contrat d’adhésion. Selon cette disposition,
l’exploitant adhérent est assuré d’un revenu par entrée égal à celui du distributeur. Le calcul
est donc assez simple. Sur la base du relevé des entrées réalisées chez l’adhérent par les
abonnements, du prix de référence de l’adhérent et/ou du prix de la séance lorsque celui-ci
est inférieur au prix de référence, l’émetteur calcule la part distributeur, hors TVA et hors
TSA. Le montant facturé par l’exploitant adhérent est le double de cette part distributeur.
L’émetteur retient ensuite sur son règlement la redevance pour frais de gestion qui est
convenue par contrat.
Compte tenu de la surface financière des émetteurs par rapport aux adhérents et du faible
nombre d’entrées réalisées chez ces derniers par rapport au total des entrées des
abonnements concernés, l’exploitant adhérent garanti ne porte donc aucun risque
économique, aussi bien pour la remontée de recettes aux ayants droit que pour sa propre
recette, ce risque étant intégralement supporté par l’émetteur.
Il convient de revenir ici sur le différentiel induit par la répartition inégale de la rémunération
de la Sacem entre les parts exploitant et distributeur, et qui est prise en compte par les
émetteurs pour la définition de la recette nette distributeur.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
42
Rappel
La rémunération de la Sacem est calculée sur le montant de la recette hors toutes taxes
(TVA et TSA) avec un taux de 1,515 % réparti distinctement entre les deux parties : 1,21 %
prélevé sur la part distributeur et 0,305 % prélevé sur la part exploitant. Cette inégalité
implique automatiquement que la part nette exploitant après redevance Sacem est
légèrement supérieure à celle du distributeur, même avec un taux de location de 50 %.
A titre d’exemple pour un tarif TTC de 4,50 € et de 4,65 € (prix de référence les plus courants
chez les adhérents garantis)
Impact de la redevance Sacem sur les parts distributeur et exploitant
Prix TTC du ticket
(€)
4,50
4,65
TVA
5,50 %
0,23
0,24
TSA
10,72 %
0,48
0,50
3,78
3,91
Base film hors TVA et TSA
Avec un taux de location de
50 %
1,89
1,95
Sacem Distributeur
1,21 %
0,05
0,05
1,85
1,91
0,01
0,01
1,88
1,94
Revenu distributeur
Sacem exploitant
0,305 %
Revenu Exploitant
En prenant pour base de calcul la part distributeur après déduction de la redevance Sacem,
l’émetteur bénéficie d’un léger différentiel à son avantage, de quelques centimes par entrée.
En doublant la part distributeur nette de la redevance Sacem, il paiera respectivement 3,70 €
ou 3,82 € par entrée.
En prenant en compte les parts nettes de redevance Sacem du distributeur et de l’exploitant
(en considérant que l’égalité est réelle sur la base film avant cette redevance), il paierait
alors 3,73 € ou 3,85 € par entrée (soit +3 centimes/entrée).
Enfin, si la base nette retenue ne tenait pas compte de la redevance Sacem, en ne retenant
que l’égalité réelle sur la base film avant cette redevance, il paierait alors respectivement
3,78 € par entrée (+8 centimes) ou 3,90 € par entrée (+8 centimes).
b) La double adhésion
Le dispositif d’adhésion avec garantie de revenu exploitant est non exclusif. Un exploitant
peut adhérer aux deux formules si les deux émetteurs les proposent dans sa zone
d’attraction. Cela est naturellement le cas sur Paris et dans les départements limitrophes (75
+ 92 + 93 + 94) qui constituent une même zone d’attraction.
Le dispositif étant particulièrement sécurisé pour l’exploitant adhérent, il n’est pas surprenant
de constater que la majorité de ceux qui ont choisi d’adhérer à une formule ont également
adhéré à l’autre. Cela souligne qu’il n’y a pas du point de vue des exploitants adhérents une
distinction forte entre les deux formules proposées, ni des attitudes très divergentes de la
part des émetteurs.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
43
3) Exploitants non garantis : les motivations d’une exposition à un risque
fort
Le modèle de gestion diffère pour le calcul du revenu et sur la facturation :
Schéma des relations entre
émetteur et exploitant adhérent « non garanti »
Emetteur de
l’abonnement illimité
Exploitant
adhérent non - garanti
recueil et
vérification
des données
Gestion
automatisée
et bordereaux
Prélèvement
des abonnements
abonnés
Calcul du
prorata
des entrées
de l’adhérent
total des
entrées-cartes
de la semaine
total des entrées
du mois
Communication
du montant à facturer*
Facturation
Traitement
comptable
et envoi du
chèque
Délai de
Règlement
Environ un mois
* Montant facturé par l’adhérent à l’émetteur :
Abonnements x (entrées abonnement de
l’adhérent/entrées totales abonnement)
Encaissement /
paiement aux
ayants droit **
Distributeurs
** Montant facturé par le distributeur à l’exploitant :
Entrées abonnés du mois x partdistributeur
D’une manière générale, les exploitants non garantis portent un risque important et ont peu
de recours contre les émetteurs. L’adhérent partage en effet pleinement le risque
économique lié à la commercialisation et à l’utilisation des abonnements à entrées illimitées.
Son revenu est égal à la part des recettes d’abonnements rapportée aux entrées réalisées
dans son ou ses établissements par rapport au nombre total d’entrées réalisées par les
abonnements.
Revenu = recette abonnements x (entrées abonnements chez l’adhérent / entrées
totales des abonnements)
L’adhérent supporte en outre une proportion identique des frais de gestion dans leur
ensemble, y compris la garantie versée aux adhérents garantis. Ce dernier point mérite
d’être précisé puisqu’il a été profondément modifié en 2007, suite notamment à la décision
de MK2 de changer de partenaire.
Jusqu’en septembre 2007, les adhérents non garantis à la formule UGC illimité ne payaient
en effet aucune part des frais de gestion et/ou de garantie. Ils percevaient donc l’intégralité
de leur part de recettes d’abonnements, sans contrepartie sur les coûts, qui étaient
entièrement supportés par l’émetteur. Depuis septembre 2007, les adhérents non garantis
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
44
aux formules UGC Illimité contribuent aux frais de gestion et de garantie suivant la même
proportion que celle qui détermine leur part des recettes.
Vis-à-vis des ayants droit, les adhérents non garantis sont engagés par un prix de référence
égal à celui des émetteurs de 5,03 € par entrée. Outre ce risque économique important, la
relation entre l’adhérent non garanti et l’émetteur est déséquilibrée par l’absence de clause
d’audit en faveur du premier vis-à-vis du second. Les revenus et charges de l’adhérent étant
directement fonction des résultats totaux de la formule d’abonnement, et l’émetteur étant le
seul à disposer de ces informations complètes, une procédure éventuelle de contrôle et/ou
d’audit en faveur de l’adhérent pourrait être introduite.
Dans ces conditions, il est possible de s’interroger sur les motivations et raisons objectives
qui ont conduit certains exploitants vers cette situation d’adhérent non garanti.
Le circuit MK2 ne peut aucunement prétendre à la garantie compte tenu des seuils légaux,
mais a un poids économique suffisant sur sa zone d’attraction pour obtenir des conditions
équilibrées en termes de transmission des informations et de relations contractuelles.
Certains adhérents ne peuvent bénéficier de la garantie compte tenu de leur association
avec l’un des émetteurs dans l’exploitation d’un ou plusieurs établissements. D’autres
adhérents pourraient éventuellement bénéficier de la disposition de garantie et ne l’ont pas
choisie principalement en raison d’une grande proximité historique avec l’émetteur (ancienne
association, accord historique de programmation par exemple). Ces adhérents non garantis
n’acceptent généralement qu’une seule formule d’abonnement, celle du circuit auquel ils
sont « associés ».
A ces raisons initiales s’ajoutent, souvent dans la durée, la volonté de l’exploitant d’afficher
sa « modernité » mais aussi et surtout un raisonnement en termes de dynamisation de la
fréquentation et de hausse du Tarif Plein. Cette dernière réflexion rejoint très directement la
politique de UGC et a été mentionnée par des exploitants adhérents aussi bien à l’une qu’à
l’autre des offres illimitées.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
45
IV.
L’importance des abonnements pour les acteurs du
marché
Huit ans après leur lancement, il convient d’examiner la situation et le positionnement des
différents acteurs vis-à-vis des formules d’abonnement à entrées illimitées au cinéma. Il ne
s’agit pas uniquement de comparer des nombres d’entrées, mais plutôt de confronter les
comportements et les réalités économiques des uns et des autres au regard de ces formules
qui font maintenant partie intégrante du paysage de l’exploitation cinématographique en
France.
1) Des convictions distinctes chez les émetteurs
Les deux émetteurs affichent des attitudes et des convictions radicalement distinctes vis-àvis des abonnements à entrées illimitées et leur accordent une importance très différente
dans leurs stratégies commerciales. UGC en a fait un outil essentiel de son exploitation
tandis qu’ Europalaces considère Le Pass comme « une offre subie plutôt que souhaitée ».
Les deux émetteurs se rejoignent en revanche sur l’enjeu économique d’une révision à la
baisse du prix de référence, qui permettrait de reconstituer une marge commerciale par
entrée leur assurant d’être au dessus du point d’équilibre.
L’année 2007 aura été l’occasion d’un changement majeur d’alliance à Paris, première zone
géographique concernée par ces abonnements. Alors qu’il est encore trop tôt pour mesurer
précisément les conséquences de cette modification, il est néanmoins possible d’observer
les premières actions des émetteurs et de formaliser certaines hypothèses sur leur degré
respectif de « dépendance » aux abonnements à entrées illimitées (au sens de l’importance
relative de la formule dans l’activité de l’exploitant).
a) UGC en promoteur de la formule
Initiateur de la formule en 2000, UGC mise ouvertement sur le développement des
abonnements à entrées illimitées.
Le circuit, réalise une part importante de ses recettes à Paris et en Ile de France. Ainsi,
compte tenu du caractère très francilien de ces abonnements, le poids de ces derniers dans
l’activité du circuit est très significatif. UGC a annoncé que les abonnements représentaient
un quart des entrées du circuit10. Ce poids significatif met évidemment le circuit UGC dans
une situation de dépendance vis-à-vis de ces formules d’abonnement. En effet, les
abonnements tendent à constituer le socle de l’activité, de la fréquentation et de la part de
marché, et in fine de la valeur du circuit. UGC est donc engagé dans une stratégie qui
repose sur l’abandon partiel de la marge sur le « cœur de cible » du public du cinéma pour la
reporter sur les autres composantes de son public.
Dans cette perspective, l’adhésion de MK2 présente un avantage immédiat. Elle permet de
récupérer l’atout concurrentiel que représente cette offre de programmation alternative qui
bénéficiait jusqu’alors au concurrent Europalaces, et qui est importante dans l’optique de la
promesse faite au consommateur. Les premières indications recueillies sur le marché
parisien au dernier trimestre 2007 tendent à montrer que les abonnés aux formules UGC
Illimités ont rapidement tiré profit de cette extension du domaine de validité de leur
abonnement. D’autre part, l’ouverture du circuit MK2 à la formule UGC Illimité se traduira par
une augmentation sensible des entrées totales de l’abonnement, et pourrait avoir pour
10
Guy Verrechia dans « Le Film Français » n°3234 du 16 novembre 2007
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
46
conséquence une hausse de la fréquentation moyenne par abonné et donc une baisse du
revenu par entrée pour l’émetteur.
b) Europalaces entre contrainte et développement de l’offre
Europalaces, principal acteur de l’offre Le Pass, et seul membre du GIE à compter de juin
2008, date à laquelle le retrait de MK2 sera définitif, a insisté sur le fait que les abonnements
à entrées illimitées n’étaient pas une formule tarifaire particulièrement appréciée et qu’il
s’agissait plutôt d’une offre subie. Ces abonnements ne représenteraient ainsi que moins de
10 % des entrées totales du circuit.
Dans ces conditions, le retrait de MK2 pourrait donner l’occasion au circuit d’abandonner
rapidement ou progressivement cette formule dont il semble relativement peu dépendant et
dont le principe est contraire à sa politique tarifaire. Néanmoins, il semble qu’Europalaces
adopte depuis quelques mois une politique de développement de cette offre, avec
notamment l’unification des formules locales dans une formule nationale et l’extension de la
validité à l’ensemble du circuit. Une promotion commerciale efficace (gratuité des frais de
dossier) a été mise en œuvre pour un recrutement de nouveaux abonnés. Une offre tarifaire
complémentaire attractive avec un tarif réduit pour le spectateur qui accompagne un abonné
a été développée. Cela traduit certainement la volonté de compenser rapidement les
désabonnements liés au départ de MK2.
2) Intérêt ou nécessité pour les exploitants adhérents
a) Proximité et nécessité : les indépendants parisiens
La situation des cinémas adhérents doit être analysée sous deux angles. Le poids des
entrées des abonnements à entrées illimitées dans leur exploitation d’une part, et
l’éventuelle dépendance qu’elle pourrait induire envers les émetteurs d’autre part.
Au vu des éléments recueillis, les exploitants adhérents peuvent dans certains cas se
retrouver dans une situation d’assez forte dépendance vis-à-vis des abonnements à entrées
illimitées, puisque ceux-ci peuvent représenter jusqu’à 20 % de leur fréquentation. Cette
proportion est d’autant plus forte qu’il y a une proximité avec un ou plusieurs établissements
d’un ou des deux émetteurs (et la proximité est ici une réalité beaucoup plus étroite que la
zone d’attraction définie dans les textes) et que l’exploitant adhérent offre une
programmation alternative.
Pour la zone spécifique de Paris où ces deux conditions sont réunies, il est parfaitement
logique qu’un grand nombre d’exploitants indépendants aient choisi d’adhérer aux deux
formules. Cette « dépendance économique » réelle vis-à-vis de l’abonnement (au sens où
celui-ci représente une part importante des entrées et du chiffre d’affaires de l’exploitant) ne
s’accompagne cependant pas d’une « dépendance » (au sens d’un rapport de force
déséquilibré) accrue vis-à-vis du ou des émetteurs. En effet, le dispositif de la garantie de
revenu et l’encadrement des relations contractuelles protègent l’adhérent. Cette situation
conduit même certains à assimiler ces « cartes illimitées » à un moyen de paiement sécurisé
pour l’exploitant qui les accepte, signe qu’elles sont désormais parfaitement assimilées par le
marché et relativement inoffensives pour l’exploitant.
b) Complémentarité et intérêt partagé : MK2
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
47
La situation est naturellement distincte pour les quelques adhérents non garantis, qui sont,
pour leur part, plus fortement exposés. Entre considérations concurrentielles et intérêt
commun avec une enseigne, il est assez difficile d’évaluer leur niveau de « dépendance
économique » vis-à-vis de ces formules, en dehors du simple poids que représentent les
abonnements dans leur fréquentation.
Le principal acteur concerné par ce statut « non garanti » est bien entendu le circuit parisien
MK2. Celui-ci se distingue par l’importance de son poids sur le total des entrées réalisées
par les abonnements illimités, et par son positionnement particulier sur le premier marché
concerné Paris. Les abonnements représentaient près du quart des entrées du circuit
lorsqu’il était associé à la formule Le Pass11.
La décision de quitter cette formule pour adopter celle proposée par UGC, circuit leader sur
la même zone d’attraction et ayant une base d’abonnés deux fois plus importante, a pour
conséquence immédiate d’augmenter l’attractivité des établissements MK2 pour ce public
plus large et donc potentiellement d’accroître rapidement sa fréquentation et sa part de
marché. Les premières indications semblent conforter cette hypothèse.
Les abonnés parisiens à l’une ou l’autre des formules et habitués des cinémas MK2 sont
aujourd’hui confrontés aux choix suivants :
« Je conserve mon abonnement Le Pass et je ne fréquente plus (ou moins) les cinémas
MK2 »
« je résilie mon abonnement Le Pass, et je souscris un abonnement UGC Illimité pour
toujours avoir un accès « illimité » aux salles MK2 »
« je résilie mon abonnement Le Pass et je ne souscris pas de nouvel abonnement, me
contentant des autres offres tarifaires du circuit »
« je suis un abonné UGC Illimité et je répartis autrement ma fréquentation entre les cinémas
UGC et MK2 »
« je suis un nouvel adhérent UGC Illimité motivé par la possibilité de fréquenter les deux
circuits avec un seul abonnement ».
Au-delà de l’arbitrage qui sera fait par les spectateurs, la volonté de MK2 d’être associé à la
formule la plus puissante du marché traduit son choix de favoriser cette formule dans son
exploitation et pourrait à terme accroître sa « dépendance économique » vis-à-vis de ces
abonnements.
3) L’enjeu pour les distributeurs
Le dernier aspect de la place désormais occupée par les formules d’abonnements à entrées
illimitées au cinéma concerne les distributeurs et à travers eux les ayants droit.
La satisfaction de l’abonné et l’amortissement de son abonnement repose notamment sur
l’enjeu d’une entrée supplémentaire : la 3ème, la 4ème ou plus. Finalement, c’est pour le
spectateur la perception d’un film « gratuit » et ce coût marginal peut favoriser la curiosité et
la prise de risque. L’abonné étant quasi-systématiquement un « assidu », il est par définition
plus curieux qu’un non abonné. La diversité de l’offre est donc une des clés pour le
consommateur. Dans cette perspective, les émetteurs ont eu tendance à élargir leur offre de
programmation et ils soulignent qu’ils travaillent aujourd’hui avec un plus grand nombre de
distributeurs qu’il y a sept ans.
11
Ecran Total n°675 – supplément congrès des exploitants 2007 et Le Film Français n°3224 du 7 septembre 2007
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
48
Les émetteurs d’abonnements ont fourni certaines données relatives aux films et aux
distributeurs, mais les périmètres et les critères n’étant pas homogènes, il est impossible
d’en réaliser un traitement global. Il ressort toutefois des données communiquées que les
« petits » films (en termes d’entrées ou de combinaison de sortie) sont très nettement les
plus fortement concernés par les abonnements à entrées illimitées en termes de contribution
à leur performance dans les salles. Par extension, ce sont également les « petits
distributeurs » qui se trouvent dans une situation de « dépendance économique ».
UGC souligne que les abonnements illimités représentent seulement 13 % des entrées pour
des films en ayant réalisé plus de 500 000 dans le circuit, alors qu’elles pèsent pour 51 %
des entrées des films en ayant réalisé moins de 5 000 en 200612.
Selon une estimation, Le Pass représenterait seulement 4 % des entrées pour les films sortis
sur plus de 50 copies sur Paris-Périphérie alors que l’abonnement représenterait 13 % des
entrées pour des films sortis sur moins de 14 copies sur la même zone.
Le Pass indique en outre que le poids de l’abonnement dans le total des entrées sur ParisPériphérie est le plus faible pour les quinze premières sociétés de distribution et qu’il
augmente sensiblement ensuite pour les distributeurs plus modestes. Cette part peut ainsi
passer de 4 % des entrées annuelles sur cette zone pour une société de distribution majeure
à plus de 20 % pour d’autres distributeurs, plus alternatifs.
Ces données hétérogènes convergent pour révéler la plus grande sensibilité des films les
plus modestes vis-à-vis de ces abonnements, qui peuvent représenter une part majoritaire
de leurs recettes. Elles conduisent également à considérer que les plus importants
distributeurs, pour lesquels ces abonnements représentent un part moindre du total de leurs
entrées, sont donc moins « dépendants » vis-à-vis de ces formules.
Il est important de rappeler ici que ces entrées sont rémunérées sur la base du prix de
référence de 5,03 €, qui est supérieur à un grand nombre de tarifs et de prix moyens des
cinémas qui programment par ailleurs nombre de ces films les plus modestes. Les
distributeurs concernés sont donc des bénéficiaires de ces formules d’abonnement dans le
sens où elles leur assurent un nombre important d’entrées à un tarif garanti. Ils ont donc un
intérêt direct au maintien voire à la revalorisation du « prix de référence ».
12
Les informations sur la proportion inversée à savoir le poids de chaque catégorie de films dans le total des entrées des
abonnements ne sont pas disponible. Cette analyse reste à conduire pour apprécier pleinement la dispersion des entrées sur
les films.
L’économie des abonnements à entrées illimitées au cinéma
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