Régimes de change et développement – Une analyse quantitative

« REGIMES DE CHANGE ET DEVELOPPEMENT : UNE ANALYSE QUANTITATIVE »
Bouziane BENTABET
*
et M’hamed ZIAD
**
*
Docteur d’Etat ès Sciences Economiques, Maître de Conférences à l’université de Mascara.
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Doctorant en Sciences économiques, Tél. +213662701279, e-mail : ziad[email protected]
« REGIMES DE CHANGE ET DEVELOPPEMENT : UNE ANALYSE QUANTITATIVE »
Résumé :
Ce papier examine, dans le cadre d’un modèle de données de panel, la relation entre les gimes de
change et la croissance économique dans la région MENA (Algérie, Egypte, Jordanie, Maroc et
Tunisie) de 1980 à 2003.
Les résultats suggèrent un effet significatif du commerce extérieur, de l’investissement national et
du régime de change sur la croissance de ces pays, mais un effet négatif de l’inflation.
Abstract:
This paper examines, within the framework of a panel data models, the relation between the
exchange regimes and economic growth of the MENA region (Algeria, Egypt, Jordan, Morocco and
Tunisia) from 1970 to 2003.
The results suggest a significant effect of the foreign trade, national investment and the exchange
regime on the economic growth of this country, but a negative effect of the inflation.
Mots clés :
REGIMES DE CHANGE - CROISSANCE ECONOMIQUE - MODELES AVEC DONNEES DE
PANEL.
Key words:
EXCHANGE REGIMES - ECONOMIC GROWTH - PANEL DATA MODELS.
Classification JEL : F39, O49, C33
INTRODUCTION
Le bien-être attendu des régimes de change provient de leurs capacités à garantir la stabilité
externe. Celle-ci favorisant les échanges et les mouvements des capitaux contribue à son tour à
l’équilibre interne et à l’obtention d’une croissance suffisante. Des expérimentations très divers de
régimes de change et de régimes monétaires ont été faites dans le monde. Des deux groupes de
régimes de change existant dans la classification de Jure du FMI sur la période 1950-1973, on
aboutit aujourd’hui à 8 groupes de Facto (Reinhart et Rogoff, 2004).
Cependant, la problématique du choix du régimes de change pour les économies émergentes a
connu un renouveau considérable à la suite des récentes crises financières qui ont touché ces pays,
considérés auparavant comme porteurs d’un brillant avenir, mais qui ont souvent été incapables,
dans un environnement de forte mobilité de capitaux, d’adopter les politiques adéquates leur
permettant d’amorcer avec sérénité leur intégration positive à l’économie mondiale.
Calvo et Reinhart (2000) ou Hausmann, Panizza et Stein (2000) ont favorisé les régimes de
dollarisation par rapport au flottement pur, Ghosh et al (2003) ont pris parti pour les caisses
d’émission, Williamson (2000) a préconisé l’adoption du régime BBC
1
, Goldstein (2002) a présenté
son « Managed Floating Plus
2
» comme le meilleur régime, Fisher (2001) a adopté la thèse
bipolaire.
Aujourd’hui, les grandes monnaies sont liées par un système de flottement généralisé.
L’option est de favoriser les capacités de contrôle interne des politiques monétaires et l’ouverture
des marchés des capitaux, au détriment de la stabilité interne. Au niveau des régions, des zones
d’influence, c’est au tour des systèmes de change fixe de prendre le dessus, comme si par leur
interprétation mutuelle, les petites économistes d’une même gion avaient l’objectif essentiel de se
préserver de leurs instabilités potentielles.
En effet, la majorité des pays arabes ont choisi la politique d’ancrage au taux de change
comme un politique d’ancrage préféré. La main raison c’est la politique et les institutions
monétaires peu développés qui détriment la capacité des autorités monétaires d’utiliser une
politique monétaire discrétionnaire avec succès. Ces pays doivent-ils choisir des taux de changes
fixes ou flexibles pour stimuler leurs croissances? , et quel sera le régime de change optimal
pour ces économies ?
Cette contribution se situe dans le courant qui apprécie avec certain scepticisme les
fondamentaux économiques introduits pour tester le lien de régime de change avec la croissance
économique, dans le cas des pays
3
MENA
4
.
L’objectif de ce travail est donc d’analyser la relation entre les régimes de change et la
croissance des pays MENA, en essayant au mieux d’adopter certaines thèses rappelées plus haut.
Pour cela, on procédera à une étude pour les cinq pays arabes de cette région, sur des données de
panel. Pour chacun de ces pays, on étudiera les interactions entre des variables supposées réceptives
aux régimes de change (le taux d’investissement relatif, le taux de croissance du commerce
extérieur et le taux d’inflation) et le taux de croissance du PIB réel par tête, avec une variable
muette désignant le régime de change adopté par chaque pays retenus dans l’échantillon. On
retiendra des données annuelles sur la période 1970 jusqu’au 2003.
Cet article sera organisé de la manière suivante. La première partie sera consacrée à un bref
rappel des principales politiques de change adoptées dans ces pays indiqués, avec une mise de point
sur les différentes classifications de régimes de change. Dans la deuxième partie, on estimera un
modèle de données de panel, la relation entre les régimes de change et la croissance économique
dans cette région afin de préciser la contribution de la variable régime de change à la croissance du
PIB par tête de cette région arabe. La dernière partie conclura cet article.
1
Régime de change d’arrimage à un panier de devises avec marges de fluctuation et parité mobile.
2
Flottement dirigé bonifié, il est proche du pôle de flexibilité que la fixité rigide.
3
Notre étude se limite pour : Algérie, Egypte, Jordanie, Maroc et Tunisie
4
Middle East and North of Africa.
1. POLITIQUES DE CHANGES DANS LES PAYS MENA :
La majorité des monnaies des pays arabes, rattachées à des paniers de devises reflétant leurs
échanges avec les principaux partenaires commerciaux, ont fait au départ l’objet d’une gestion
fortement centralisée dans les années 1970 et 1980. Le dollar, en tant que monnaie de facturation
des recettes d’exportation et principal libellé de la dette en devises, y jouait un rôle prépondérant.
Afin de mieux refléter les forces du marché et d’accompagner le processus de libéralisation
commerciale, un management plus flexible du taux de change a été adopté au milieu des années
1990. Actuellement, ces pays ont des régimes de change relativement différents. Par exemple, les
régimes instaurés en Algérie, l’Egypte et Tunisie ont partiellement adopté le même régime
« flottement dirigé », Jordanie et Maroc ont adopté respectivement un ancrage au dollar USD, un
arrimage conventionnel à un panier de devises (IMF, 2004).
Dans ce point, nous allons exposer l’évolution historique des différentes politiques de change
par pays de cette région du monde, après une mise en point sur la classification des régimes de
change selon les travaux récents et du FMI.
1.1. LA CLASSIFICATION DES REGIMES DE CHANGE :
Il n’est pas futile de bien caractériser les régimes de change effectifs. Pendant longtemps, les
études empiriques des taux de change se fondaient sur un système du FMI qui classait (de 1975 à
1998) les régimes en fonction de l’annonce officielle des autorités. Cette classification de droit
présentait plusieurs faiblesses, la plus importante étant qu’il y avait souvent des différences notables
entre ce que les pays prétendaient à faire et ce qu’ils faisaient en réalité (classification de fait).
Certains déclaraient appliquer un régime de parité fixe, mais procédaient fréquemment à des
dévaluations pour maintenir leur compétitivité, ce qui les rapprochait d’un régime flexible. D’autres
annonçaient un gime flottant, mais ancraient leur monnaie à une autre ou la maintenir sur une
trajectoire prédéterminée. Cette divergence entre les classifications de droit et de fait a réduit la
transparence de la politique de change, compliquant ainsi la surveillance des pays membres du FMI
et remettant en question l’assouplissement des régimes tel qu’il avait été interprété.
En conséquence, le FMI a abandonné son système de classification de droit en 1999 pour
classer dorénavant le régime de change d’un pays sur la base de sa politique de fait (FMI, 1999). Il
utilise des analyses quantitatives et qualitatives, en complétant les informations disponibles sur la
politique de change et la politique monétaire des pays par une analyse de l’évolution observée des
réserves ou des taux de change sur le marché officiel ou secondaire. Cette classification établit, une
distinction entre différents types de régimes de parité fixe, allant de diverses formes d’ancrages
fixes à différents types d’ancrages souples.
En se fondant sur les travaux de Reinhart et Rogoff (2004), la classification du FMI
comprend en 2002 huit catégories :
1. Les régimes de change sans cours légal séparé, i.e les unions monétaires,
Dollarisation/Euroisation ;
2. Les caisses d’émission « Currency Board »;
3. Les ancrages classiques, i.e l’ancrage fixe par rapport à une monnaie ou à un panier de monaie
avec une marge de fluctuation d’au plus ±1% ;
4. Les taux de change fixés à l’intérieur de bandes de fluctuations ;
5. Les crawling pegs, ancres avec des parités centrales ajustées périodiquement selon des règles
fixes, pré-annoncées en fonction d’un ensemble d’indicateurs quantitatifs ;
6. Les crawling bands, crawling pegs combinés à des bandes de ±1;
7. Le flottement dirigé, intervention sans engagements à une cible pré- annoncée ou à une
trajectoire du taux de change ;
8. Le flottement libre, i.e le taux de change est déterminé par le marché, politique monétaire
indépendante de la politique de taux de change qui est déterminé par le marché.
Cependant, la vision bipolaire des régimes de change (Eichengreen, 1999 ; Fischer, 2001)
introduit la distinction entre les régimes parfaitement fixes (1) (2), les régimes flottants (7) (8),
et les autres types de régimes de change qualifiés d’intermédiaires. Les unions de taux de change
constituent le «coin» des régimes fixes.
1.2. LES POLITIQUES DE CHANGE DANS LA REGION MENA :
1.2.1. ALGERIE :
À compter de janvier 1974, le taux de change du dinar algérien a été rattaché à un panier de
monnaies, ce qui n’empêchait pas des rajustements de temps à autres. Au sein du panier de
monnaies, le dollar USD possédait un coefficient de pondération relativement éleen raison de
l’importance des recettes provenant des exportations de pétroles et des paiements au titre du service
de la dette. En outre, il est resté relativement stable à un peu plus d’un franc français pour un dinar
pendant plus de dix ans de 1970 à 1981 (1 dinar =1,15 FF). La forte appréciation du dollar EU au
cours de la première moitié des années 1980 s’est traduite par une augmentation sensible de la
valeur réelle du dinar algérien (d’environ 50 % au cours de la période 1980–1985), ce qui a réduit la
compétitivité des exportations hors hydrocarbures et a stimulé les importations.
La baisse des prix du pétrole enregistrée à partir de 1986 a entraîné un mouvement rapide de
dépréciation jusqu’en 1991 : à cette date le dinar avait déjà perdu près des trois quarts de sa valeur
par rapport à son cours nominal durant la période de sstabilité des années 1970. Il ne valait plus que
0,3 franc. En même temps, la Banque d’Algérie a adopté une politique de taux de change active et,
de 1986 à 1988, le dinar algérien s’est déprécié de 31 % par rapport à son panier de monnaies.
Entre 1988 et 1991, ce système rigide a été remplacé par un système de répartition des
changes entre les cinq banques commerciales publiques dans un cadre de plafonds de crédit
compatibles avec les objectifs de la balance des paiements. Les banques publiques devaient en
retour répartir les devises entre les entreprises publiques comptant parmi leurs clients,ce qui a laissé
le dinar algérien se déprécier (de plus de 200 % en termes nominaux) pour pallier la détérioration
des termes de l’échange enregistrée au cours de cette période.
Au cours de la période 1991– 1994, le taux moyen de dépréciation nominale annuelle a été de
4 %, ce qui a porté la valeur du dinar algérien à environ 24 dinars par dollar ÉU sur les marchés
officiels de change. Cette relative stabilité du taux nominal ne correspondait pas aux fondamentaux
de l’économie : des chocs défavorables des termes de l’échange et des politiques budgétaire et
monétaire expansionnistes se sont traduits par un taux d’inflation constamment supérieur à celui des
partenaires commerciaux de l’Algérie. Le dinar algérien s’est donc apprécié de 50 % en termes réels
entre octobre 1991 et la fin de 1993.
En 1994, les autorités ont mis en oeuvre un programme d’ajustement ayant pour objet de
corriger l’appréciation réelle précédente du dinar algérien. Celui-ci a été dévalué en deux étapes
entre avril et septembre 1994 (de 70 % au total). L’écart entre le taux du marché parallèle et le taux
officiel est passé à environ 200 % au cours de cette période.
Depuis 1995, la politique de change de l’Algérie a pour objet de maintenir un taux de change
stable par rapport à un panier de monnaies pondérées selon l’importance relative des principaux
compétiteurs et partenaires commerciaux. Par conséquent, le régime de flottement dirigé a été mis
en vigueur au moyen de séances de fixing entre la Banque d’Algérie et les banques commerciales.
Un marché interbancaire des changes a été établi en 1996 pour permettre une libre détermination du
taux de change.
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