Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication » Septembre 2006
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notion de globalisation et celle de culture.
Le modèle de l’impérialisme culturel
Le modèle de l’impérialisme culturel4 est sans aucun doute le plus célèbre. C’est aussi
le plus ancien dans la mesure où, dès les années 1960, la critique marxiste s’est emparée de la
diffusion de la culture de masse produite par les industries culturelles occidentales dans le
reste du monde. Si dans ses premières versions cette théorie insistait sur le rôle proprement
politique joué par les gouvernements occidentaux (le centre), notamment les Etats-Unis en
Amérique latine, dans le maintien des pays du Tiers-Monde (la périphérie) dans une situation
de dépendance et de domination, elle a aujourd’hui évolué vers la critique de la
mondialisation économique et médiatique. La constitution de majors dans le domaine des
media et des industries culturelles fait peser la plus lourde menace sur la diversité culturelle et
le respect des traditions locales. Les Etats-Unis, en tant que première puissance politique,
militaire et communicationnelle, sont au cœur de ce modèle. C’est pourquoi nous assistons à
un processus de plus en plus rapide d’américanisation des cultures mondiales. La
globalisation culturelle est donc un mouvement général d’homogénéisation, qui peut
engendrer en retour résistances et replis communautaires, dont le terrorisme islamiste, conçu
comme réaction à la globalisation culturelle et en même temps comme produit par elle,
apporte la confirmation. C’est notamment la thèse défendue par Benjamin Barber dans Jihad
versus MacWorld, paru aux Etats-Unis en 1995.
Cette modélisation a pour mérite d’être relativement univoque, même si certains
penseurs sont attentifs aux soubresauts de l’histoire et à l’imprédictibilité de l’avenir. La thèse
de l’impérialisme culturel assigne cependant le plus souvent un sens unique à la globalisation,
qu’il s’agit en tout état de cause de combattre car elle est la main armée du libéralisme
économique. Les tenants de cette théorie trouvent des précurseurs dans l’école de Francfort, à
travers les notions de culture de masse et d’industries culturelles, mais aussi chez Althusser,
avec le concept d’appareil idéologique, et chez Gramsci, à qui ils empruntent le terme
d’hégémonie. Ajoutons que la théorie du « système-monde », développée par Immanuel
Wallerstein5 dans le prolongement des travaux de Fernand Braudel, participe au prolongement
4 Parmi les travaux des années 1970 les plus connus, il faut citer Herbert I. Schiller, Mass Communications and American
Empire, New York, A.M. Kelley, 1971 et Armand Mattelart, Multinationales et systèmes de communication. Les appareils
idéologiques de l’impérialisme, Paris, Anthropos, 1976. Pour une présentation détaillée de ce courant de pensée, cf. John
Tomlison, Cultural Imperialism, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1991. Plus récemment, des intellectuels
américains ont réactivé cette théorie, notamment Edward Said avec Culture and Imperialism, New York, Random House,
1993, Michaël Hardt et Toni Negri avec Empire, Harvard University Press, 2001, et Noam Chomsky avec Hegemony or
Survival. America’s Quest for Global Dominance, New York, Metropolitan Books, 2003. En France, il faut distinguer le
travail de l’économiste Serge Latouche in L’Occidentalisation du monde. Essai sur la signification, la portée et les limites
de l’uniformisation planétaire, Paris, La Découverte, coll. « Agalma », 1989.
5 Immanuel Wallerstein, Le Système du monde du XVème siècle à nos jours, Paris, Flammarion, 1992 [1974-1989]. Dans ses
écrits les plus récents, Wallerstein insiste sur la méprise qui entoure le thème de la globalisation : selon lui, les débats et
l’empressement qu’elle suscite révèlent en réalité qu’il s’agit du chant du cygne du capitalisme historique, qui a atteint son
ultime phase d’extension. L’empire ne peut que s’effondrer désormais, et en premier lieu son centre, à savoir les Etats-Unis.
Cf. I. Wallerstein, « America and the World: the Twin Towers as Metaphor », in Craig Calhoun et al. (eds), Understanding
September 11, New York, New York Press, 2001, p. 345-360; The Decline of American Power, New York, New Press,