R. Pillet, Chapitre II, Inertie Page 1
22 novembre 2012
Chapitre II
Inertie
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Les sismologues souhaitent mesurer les vibrations du sol soumis à un tremblement de Terre.
A l’occurrence d’un séisme, une zone entière est soumise à une vibration plus ou moins forte
mais surtout rien n’échappe à cette vibration. Il n’y a plus de repère ou référentiel fixe qui
puisse permettre une mesure simple entre un élément mobile par rapport à un élément fixe.
La constellation des satellites GPS (Global Positioning System) est insensible aux
tremblements de Terre, même les plus énergétiques. Nous avons donc à notre disposition un
référentiel fixe et nous pouvons faire une mesure de positionnement des antennes GPS
installées au sol. Malheureusement, la qualité de la mesure GPS et son échantillonnage (~1
mesure par seconde) ne permettent pas résoudre le bruit de fond de la Terre ni de suivre les
vibrations hautes fréquences des séismes. Dans un cas, cependant, les mesures GPS sont
valides et supplantent les mesures sismologiques. Il s’agit des mesures en champ proches des
déplacements co-sismiques qui souvent perdurent dans le temps et ont des amplitudes
importantes de plusieurs centimètres.
L’idée d’utiliser le principe d’inertie a été développée depuis plus d’un siècle. Le principe
d’inertie dit que pour déplacer une masse il faut lui transmettre de l’énergie. Nous avons
l’expérience d’un objet mal attaché à son support et qui glisse sur ce support. Le bus
démarre et vous avez négligé de vous tenir à la barre métallique prévue à cet effet. Vous ne
vous êtes pas préparé et vos jambes ne sont pas prêtes à vous transmettre l’énergie suffisante
pour contrer ce démarrage. Votre corps reste sur place, mais comme les pieds sont accrochés
au plancher du bus, vous titubez.
Considérons une étagère, parfaitement attachée au mur, lui-même faisant partie d’une maison
bien construite, parasismique, parfaitement liée au sol. Quand le sol vibre, la maison suit le
mouvement et vibre aussi, ainsi que l’étagère. Les amplitudes restent modestes et la maison
supporte parfaitement ce séisme. Nous considérerons un mouvement de vibration uniquement
en translation horizontale pour les besoins de la démonstration.
L’éponge rement humide posée sur l’étagère va suivre le mouvement car sa masse est
faible (il faut peu d’énergie pour la déplacer) et sa grande surface humide assure une liaison
très efficace avec la surface de l’étagère. La faible énergie cinétique est intégralement
transmise à l’éponge qui va se déplacer comme l’étagère.
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Par contre, la boule de pétanque posée sur l’étagère, demande beaucoup d’énergie pour se
déplacer (elle pèse environ 750 g) et la très faible surface de contact ne constitue pas une
liaison capable de transmettre cette énergie. En d’autres termes, l’étagère bouge mais ne
transmet rien à la boule de pétanque qui reste fixe dans son référentiel défini avant le début du
mouvement sismique. N’oublions pas que le mouvement est uniquement horizontal pour les
besoins de la démonstration.
Nous avons ainsi accès à un référentiel virtuel fixe qui perdure pendant le mouvement
sismique. Nous pourrons donc faire une mesure entre la Terre qui bouge et la boule de
pétanque fixe.
Les sismologues vont donc construire des appareils de mesure qui laissent la masse d’inertie
libre (ou presque) selon une direction qui va définir l’axe de la mesure.
2.1 les 6 degrés de liberté
Les mouvements de la boite d’allumette que vous avez dans la main (une boite d’allumette
virtuelle peut faire l’affaire) peuvent se décomposer de façon unique en 6 déplacements
élémentaires appelés les 6 degrés de liberté.
- Trois mouvements rectilignes de translation : haut-bas, droite-gauche et devant-
derrière et en sismologie : Vertical, Nord-Sud et Est-ouest, énoncé dans cet ordre, qui
ne constitue pas un trièdre direct ;
- Trois mouvements de rotation : autour d’un axe vertical (mouvement de torsion ou
yaw motion en anglais et pour l’aviation), deux tilts qui sont des rotations autour des
deux axes horizontaux (droite-gauche et devant-derrière). En sismologie, ces axes
horizontaux sont alignés selon les axes nord-sud et est-ouest.
Figure 2.1. Les 6 degrés de liberté.
Comme nous sommes à la surface de la Terre, il faut tenir compte de l’attraction terrestre et
rajouter à ces 6 degrés de liberté une contrainte supplémentaire qui est le vecteur . Ce
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vecteur définie l’axe vertical et ainsi les mouvements relatifs à l’axe vertical seront différent
des mouvements relatifs aux autres axes.
Si les mouvements de translation ne posent pas de problèmes conceptuels (en d’autres termes
la translation se conçoit aisément) les mouvements de rotation, et bien que nous en ayons des
exemples tous les jours, peuvent poser de petits problèmes. Par exemple, l’axe autour duquel
s’effectue la rotation peut se déplacer selon les 5 autres degrés de liberté restants, ce qui
complique rapidement les choses et qui donne un petit coté insaisissable aux rotations.
Rappelons qu’en sismologie, nous ne nous intéresserons qu’à des mouvements de vibrations
ou d’oscillation autour d’une position d’équilibre. Un élément de Terre soumis à une vibration
sismique pourra être caractérisé par son déplacement en fonction du temps, par sa vitesse ou
par son accélération. La Terre, dans ces conditions de petits mouvements de vibrations est
considérée comme élastique et l’on pourra passer de l’une à l’autre de ces trois descriptions
par différentiation ou intégration temporelles. Les trois translations s’expriment en mètre, m/s
et m/s² et les trois rotations en radian, rad/s et rad/s² et prennent les dénominations suivantes :
déplacement ou translation, vitesse de translation, accélération de translation et rotation,
vitesse de rotation et accélération de rotation, respectivement.
2.2 le pendule de Foucault et la mise en évidence de la force de Coriolis
Commençons par un peu de littérature. Humberto Eco a écrit un roman intitulé ‘Le pendule de
Foucault’. Voyons ce qu’il en dit.
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Il n’y a pas de raison fondamentale pour que Littérature et Science ne fassent pas bon ménage.
Le texte ci-dessus et ce livre prouvent le contraire.
Le pendule de Foucault (1819-1868) n’est pas un capteur adapté à la mesure de la sismicité. Il
est constitué d’une masse de 28 kg attaché à un fil de 67 mètres de long fixé à la voute du
Panthéon (Paris en 1851). Lâché à 6 mètres de son point d’équilibre, l’oscillation dure
pendant 6 heures, ce qui nous permet de calculer un facteur de qualité Q égal à 300 environ.
Le comportement du pendule de Foucault peut s’expliquer simplement en terme d’énergie : en
effet, si le Panthéon tourne sur lui-même à cause de la rotation de la Terre (figures 2.2),
l’attache du pendule est insuffisante pour transmettre l’énergie nécessaire au pendule pour le
faire tourner. Il reste ainsi dans son référentiel de départ et continue son oscillation
indépendamment de la rotation de la Terre.
Figures 2.2. Pour ce convaincre que nous tournons sur nous même, ces photos prisent en
pose pendant quelques heures montre le parcours de la Terre dans un champ d’étoiles fixes
(photos APOD, Astronomy Picture of the Day).
Le physicien Gaspard Coriolis (1792-1843) met en évidence la force exercée sur un corps en
déplacement, lui-même dans un repère en rotation.
VlatmFCoriolis )sin(2
avec : m = masse en kg ; = vitesse angulaire du référentiel
exprimée en rad/s (
360024/2
Terre
) ; lat = latitude du lieu de l’observation ; V = vitesse
de translation de l’objet en m/s.
Le physicien Léon Foucault (1819-1868) invente le gyroscope en 1852.
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