Orientation diagnostique devant un syndrome mononucléosique1 Introduction - Terminologie Le syndrome mononucléosique (SMN) est caractérisé par la présence dans le sang de grandes cellules mononucléées(1) hyperbasophiles (CMHB) (cytoplasme très bleu visible sur le frottis sanguin) correspondant à des lymphocytes stimulés. Ces cellules reçoivent différentes terminologies selon les laboratoires : "grands lymphocytes bleus", "grands lymphocytes hyperbasophiles", "cellules mononucléées hyperbasophiles", "cellules hyperbasophiles", "virocytes", "grandes cellules mononucléaires bleutées", "lymphocytes activés", "lymphocytes atypiques". Le SMN traduit une réaction immunitaire induite par un agent le plus souvent viral et donc correspondant, dans la plupart des cas, à des pathologies bénignes. Il s’agit donc d’un diagnostic cytologique; le rôle du laboratoire est par conséquent fondamental dans l’identification des cellules évocatrices et l’affirmation du SMN. En effet, le biologiste ne doit pas confondre les CMHB avec des blastes (leucémie aiguë) ou des cellules lymphomateuses (lymphome malin), surtout si une anémie et/ou une thrombopénie sont associés au SMN (manifestation non exceptionnelle de la mononucléose infectieuse). Une fois le diagnostic de SMN établi, il faut en déterminer la cause. Éléments d’orientation L’âge permet d’orienter les investigations complémentaires. L’interrogatoire doit faire préciser les prises médicamenteuses, la notion de vaccination, de transfusions sanguines récentes, le comportement sexuel, l’existence d’une symptomatologie fonctionnelle (fièvre, asthénie, dysphagie, angine…). L’examen somatique s’attache à trouver des signes évocateurs : recherche d’adénopathies, d’une splénomégalie, d’un ictère, de manifestations cutanées (exanthème, vésicules) … Étiologies • Primo-infection par le virus EBV : mononucléose infectieuse (MNI) C’est le diagnostic le plus fréquent devant un SMN typique. En général, le syndrome clinique typique associe chez un adolescent ou un adulte jeune, une angine avec dysphagie, des adénopathies surtout cervicales, de la fièvre et éventuellement d’autres symptômes 1 Dr V DEMAS (Laboratoire d’Hématologie) (1) Ce terme signifie que la cellule a un seul noyau (par opposition aux polynucléaires) et ne signifie pas "monocytaire" (appartenant à la lignée des monocytes). 1/4 (splénomégalie, éruptions cutanées, ictère, conjonctivite …). Cependant, les formes inapparentes sont fréquentes. L’hémogramme montre une hyperlymphocytose modérée (12 à 15 x 109/l), des CMHB associées aux lymphocytes normaux et aux monocytes.(2) Dans ce cas, il faut confirmer le diagnostic par le MNI test. Ce test de dépistage sérologique très sensible met en évidence des anticorps dits "hétérophiles" (3) induits indirectement par l’EBV. Si le MNI test est positif, contrôler par la réaction plus spécifique de Paul-Bunnell-Davidsohn (PBD) dont la positivité confirme le diagnostic de MNI (MNI "séropositive"). Dans cette réaction, les anticorps sont absorbés par les globules rouges de bœuf mais non par les cellules de rein de hamster. Si le MNI test est négatif (ou MNI test positif et PBD négative), réaliser une sérologie EBV (IgM anti-EBV) (MNI "séronégative"). Notons que 10 % environ des MNI tests sont négatifs au cours de l’infection. Le syndrome mononucléosique peut être enrichi de manifestations autoimmunes d'expression hématologique (anémie hémolytique, thrombopénie, voire neutropénie). C'est dans ces cas que l'on peut craindre une hémopathie maligne. La perturbation des tests hépatiques est fréquente et en général modérée (signes de cytolyse et/ou de cholestase). L'affirmation du diagnostic de MNI ne justifie ni myélogramme ni ponction ganglionnaire. La MNI est une affection bénigne qui ne nécessite, en général, aucun traitement. Les signes cliniques disparaissent en 2 à 3 semaines. Cependant, elle est souvent extrêmement asthéniante pendant plusieurs semaines et une corticothérapie brève peut être instituée. La prescription d'ampicilline est déconseillée en raison du risque d'exanthème intense. • (2) (3) Autres viroses Elles sont fréquentes, mais donnent un tableau biologique généralement moins franc (absence d’hyperlymphocytose, morphologie des cellules moins typique…), ce qui peut gêner le biologiste quant à l’affirmation du diagnostic de SMN. - Primo-infection par le VIH : le plus souvent asymptomatique, elle peut se traduire 2 à 6 semaines après contamination, par une fièvre, des arthralgies, des adénopathies, une splénomégalie, une éruption cutanée. L’hémogramme peut montrer une hyperlymphocytose et/ou un SMN ainsi qu’une thrombopénie. La sérologie pouvant être encore Les CMHB sont des lymphocytes T activés réagissant contre les antigènes du virus EBV présentés par les lymphocytes B. Les anticorps sont dits "hétérophiles" car ils réagissent avec des antigènes présents dans diverses espèces animales. 2/4 - - • négative, l’antigénémie p24 doit être recherchée, ainsi que l’étude de la charge virale. Infection à cytomégalovirus : elle se traduit par une réaction fébrile chez un polytransfusé ou la découverte d’un SMN chez un patient fébrile souvent (mais pas toujours) immunodéprimé (par infection VIH, après greffe d’organe ou de moelle osseuse) parfois accompagné d’une splénomégalie et d’une pneumopathie interstitielle. Le SMN est généralement discret surtout chez les immunodéprimés et les greffés et l’hyperlymphocytose absente remplacée par une lymphopénie avec neutropénie. Un sérodiagnostic et une culture de virus doivent être effectués ainsi qu’une antigénémie chez l’immunodéprimé. L’évolution est spontanément bénigne en 2 à 4 semaines, sauf chez les immunodéprimés. Autres viroses : maladies éruptives (zona, varicelle, rougeole), infections herpétiques cutanéo-muqueuses. Dans ces cas-là, la notion de contage, d’éruption cutanée et les adénopathies occipitales orientent le diagnostic. Les hépatites virales avec ictère sans angine, signes de cytolyse hépatique. La sérologie permet de confirmer le diagnostic. Étiologies non virales - Toxoplasmose : elle est très rarement en cause. En général asymptomatique parfois avec des polyadénopathies cervicales asymétriques chez un enfant ou un adolescent. La leucocytose est en général normale avec SMN, hyperéosinophilie modérée et monocytose. Le diagnostic est sérologique. Dans la majorité des cas, l’affection est bénigne est ne nécessite aucun traitement. Les risques sérieux sont la contamination du fœtus par une mère infectée en début de grossesse, et la survenue de manifestations graves (cérébrales) chez l’immunodéprimé (greffe, SIDA). - Infections bactériennes : rarement en cause (brucellose, syphilis secondaire, maladie d’Osler). - Réactions allergiques et médicamenteuses : un SMN avec hyperleucocytose et éosinophilie peut se rencontrer au cours de traitements (hydantoïnes, pénicilline) ainsi qu’au cours de la maladie sérique, après vaccination ou sérothérapie. L’interrogatoire permet de rattacher ces SMN à leur cause. Conduite à tenir devant un SMN 1- Si après l’interrogatoire et l’examen clinique, on a des éléments d’orientation, confirmer l’étiologie suspectée par des examens 3/4 complémentaires orientés (sauf si la cause est évidente par exemple la varicelle). 2- En l’absence d’éléments d’orientation cliniques, rechercher parmi les étiologies les plus fréquentes (EBV, CMV, VIH, Toxoplasmose, Hépatites virales) dans un premier temps puis parmi les autres causes si cette recherche est négative. Dans la pratique on retiendra…. 1- Le syndrome mononucléosique (SMN) est caractérisé par la présence dans le sang de grandes cellules mononucléées hyperbasophiles (CMHB) (cytoplasme très bleu visible sur le frottis sanguin) correspondant à des lymphocytes stimulés. Le SMN traduit une réaction immunitaire induite par un agent le plus souvent viral et donc correspondant, dans la plupart des cas, à des pathologies bénignes. Il s’agit donc d’un diagnostic cytologique fait au laboratoire. 2- Porter le diagnostic de SMN peut poser des problèmes. Le biologiste ne doit pas confondre les CMHB avec des blastes (leucémie aiguë) ou des cellules lymphomateuses (lymphome malin), surtout si une anémie et/ou une thrombopénie sont associés au SMN (manifestation non exceptionnelle de la mononucléose infectieuse). 3- Une fois le diagnostic de SMN établi, il faut en déterminer la cause. Les étiologies sont dominées par les affections virales : en premier, la primoinfection par le virus EBV qui correspond à la mononucléose infectieuse (MNI), mais aussi primo-infection par le VIH et infection à CMV. Le SMN peut accompagner d'autres viroses : maladies éruptives (zona, varicelle, rougeole), infections herpétiques cutanéo-muqueuses et hépatites virales dont le diagnostic repose sur la sérologie. Mais un SMN peut survenir en accompagnement de situations ne correspondant pas à des infections virales. Elles peuvent être, elles aussi, infectieuses : toxoplasmose d'abord, plus rarement infections bactériennes (brucellose, syphilis secondaire, maladie d’Osler). Enfin, un SMN avec éosinophilie peut se rencontrer au cours de traitements (hydantoïnes, pénicilline) ainsi qu’au cours de la maladie sérique, après vaccination ou sérothérapie. Le simple interrogatoire permet alors de rattacher ces SMN à leur cause. 4/4