Marie-‐Noëlle LEVAUX - Université de Liège

publicité
 Marie-­‐Noëlle LEVAUX Unité de Psychopathologie Cognitive, Université de Liège Intercommunale de Soins Spécialisés de Liège Association Interrégionale de Guidance et de Santé de Liège [email protected] La psychopathologie cogni0ve —  Les dysfonctionnements cognitifs contribuent au développement, au maintien et à la récurrence des états psychopathologiques —  Implications importantes dans le développement des stratégies d’intervention 3 types de dysfonc0onnement cogni0f 1.  Déficit cognitif : incapacité à réaliser une fonction cognitive de base, quel que soit le contenu de l'information à traiter 2.  Biais cognitifs : traitement préférentiel de certains types d'informations au détriment d'autres 3.  Croyance dysfonctionnelle : ensemble complexe d'associations entre concepts, stockées en mémoire, qui confère une coloration particulière à la lecture que la personne a du monde en modulant son fonctionnement cognitif, affectif et relationnel La remédia0on cogni0ve —  Une forme de prise en charge qui vise à identifier et prendre en charge les déficits et biais cognitifs des personnes pour une action directe sur les difficultés affectant la vie quotidienne —  Complémentaire à d’autres formes de prise en charge —  Applicable à des états psychopathologiques différents —  Hétérogénéité des profils cognitifs Les fonc0ons cogni0ves Fonctions mnésiques Fonctions exécutives Fonctions attentionnelles Les fonc)ons mnésiques Stockage et traitement Mémoire à court terme Mémoire de travail Gestion des interférences Mémoires Rétrospectives Mémoire Prospective Mise à jour Mémoire épisodique Mémoire à long terme Mémoire sémantique Mémoire Procédurale Les fonc)ons exécu)ves —  Capacités nécessaires pour s’adapter à des situations nouvelles, c’est-­‐à-­‐dire non routinières, pour lesquelles il n’y a pas de solution toute prête, automatique, immédiate —  Flexibilité, inhibition, planification Les fonc)ons a2en)onnelles Fonctions attentionnelles Vitesse de traitement Alerte Vigilance Attention soutenue Attention sélective Attention divisée Les déficits cogni0fs et la psychopathologie On retrouve des déficits cognitifs dans différents états psychopathologiques : Ø  Trouble bipolaire Ø  Trouble dépressif Ø  Troubles addictifs Ø  Trouble schizophrénique Ø  ... Il existe des variations d’une personne à l’autre et d’un état à l’autre ! D’autres variables ?
Milieu familial
Insight
Modérateurs ♦  Stip (2006) Les déficits cogni0fs dans la schizophrénie —  Caractéristique fondamentale (intrinsèque) Peuvent toucher jusqu’à 75% à 85 % des patients Ø Ne dérivent pas des symptômes cliniques Ø Ne résultent pas du traitement médicamenteux Ø Pas induits par les effets de l’institutionnalisation Ø Pas dus à une pauvre motivation Les déficits cogni0fs dans la schizophrénie —  Relativement stables Avant Pendant Période de rémission Hypothèse neurodéveloppementale —  Peuvent être présents dès l’enfance (4 à 7 ans) entraînant un délai dans l’apprentissage d’habiletés, des capacité de traitement de l’information insuffisante —  Peuvent être présents chez les parents du premier degré, n’ayant pas développé la schizophrénie Les déficits cogni0fs dans la schizophrénie —  Grande hétérogénéité Ø Profil de dysfonctionnement cognitif généralisé Ø Au sein du profil cognitif, certaines fonctions peuvent être davantage déficitaires par rapport à d’autres Ø Au sein d’une même fonction, certaines composantes peuvent être déficitaires et d’autres intactes Ø Profil cognitif présentant de subtils déficits Les déficits cogni0fs dans la schizophrénie —  En relation avec les difficultés dans la vie Ø  quotidienne Ø  sociale Ø  professionnelle Les déficits a:en0onnels —  Présents avant le début de la condition —  Limitent d’autres fonctions cognitives et l’acquisition d’apprentissages Ø Fatigue lors d’activité soutenue Ø Difficulté à mener plusieurs activités à la fois Ø Perdre le fil des idées car l’esprit vagabonde Ø Effectuer lentement une activité Les déficits de mémoire à court terme/ de travail —  Besoin de temps additionnel pour former une représentation mentale ; sensibilité à l’interférence Ø Oublier au fur et à mesure ce qui vient d'être dit ou lu Ø Difficulté à garder en mémoire les avantages et inconvénients de chacune des solutions proposées Ø Difficulté à comprendre un texte Ø Difficulté à suivre une conversation, un film, une lecture Les déficits de mémoire à long terme —  Oublier des événements anciens vécus personnellement il y a quelques heures, jours, semaines ou années —  Difficulté à mémoriser de nouvelles connaissances —  Difficulté à retrouver des connaissances générales acquises, des informations personnelles apprises par cœur —  Difficulté à apprendre un trajet —  Oublier des rendez-­‐vous, de faire quelque chose qui avait été prévu, de prendre ses médicaments Les déficits de mémoire à long terme —  Difficulté à mettre en place, de manière spontanée, des stratégies facilitant l’apprentissage d’informations —  Difficulté à récupérer et lier les différentes informations contextuelles (ex : où, quand, comment, avec qui, etc.) pour former une représentation intacte, cohérente et distinctive d’un souvenir : déficit de « binding » N Difficulté à rattacher les différents souvenirs à leur identité = perte du sentiment subjectif de soi N Difficulté à prendre des décisions, guider le déroulement d’une action vers un but = $ des compétences sociales N Difficultés pour se projeter dans le futur (objectifs, désirs, buts) Les déficits des fonc0ons exécu0ves —  Difficulté à initier une activité —  Difficulté à passer aisément d’une idée, d’un interlocuteur, d’une activité à l’autre, à changer ses habitudes —  Difficulté à s’empêcher de réaliser un comportement non approprié selon le contexte ; dire des choses non appropriées en compagnie d’autres personnes —  Difficulté à réaliser une recette, à préparer une valise, à faire une liste de courses, à organiser sa journée, à planifier un trajet, à mettre en place une stratégie lors d’un jeu de société Les déficits cogni0fs et le statut fonc0onnel Potentiel d’apprentissage Motivation intrinsèque Processus métacognitifs Difficultés fonctionnelles Déficits cognitifs Connaissances acquises Cognition sociale Etc. ? Les composantes de la cogni0on sociale —  Prendre en compte le point de vue de la personne, ses intentions, les connaissances qu’elle est censée avoir de la situation (« Theory of mind ») —  Reconnaître, ressentir et exprimer des émotions (empathie) —  Ajuster son comportement et réguler ses réactions émotionnelles en fonction de l’évolution des échanges —  Anticiper les conséquences positives ou négatives d’une action —  Connaître et identifier les règles, valeurs et conventions sociales —  Résoudre des problèmes sociaux Les fonc0ons exécu0ves et les rela0ons sociales —  Les fonctions exécutives interviennent lorsqu’il faut : Ø Inhiber une réponse sociale qui n’est pas ou plus adaptée Ø Prendre en compte simultanément plusieurs informations (coordination de tâches doubles) Ø Se focaliser sur un autre aspect de l’interaction ou changer de point de vue («shifting»; mise à jour) Ø S’adapter à une situation sociale non familière Ø Réévaluer une situation en termes non émotionnels Ø Résoudre des problèmes sociaux Les liens avec la symptomatologie clinique 1.  Trajectoires développementales différentes 2.  Réponses aux antipsychotiques distinctes 3.  Corrélations faibles 4.  Les déficits cognitifs = facteurs de risque pour l’émergence de l’état psychopathologique plus tardif Relative indépendance entre les déficits cognitifs et la symptomatologie clinique Les déficits cogni0fs : cible thérapeu0que 1.  Déficits cognitifs solides 2.  Relativement stables 3.  Relativement indépendants de la symptomatologie clinique 4.  En relation avec le statut fonctionnel Cible thérapeutique privilégiée Quelle stratégie d’intervention? Les déficits cogni0fs : cible thérapeu0que —  Antipsychotiques : controverse Etude de Keefe et al. (2007): effets de 3 antipsychotiques 2ème génération sur la cognition chez 224 patients Sz 1er épisode Ø Modestes améliorations à 12 semaines La remédia0on cogni0ve —  La remédiation cognitive commence à s’appliquer dans le domaine de la psychiatrie —  3 types de programmes : 1.  Restauration: entraînement intensif des processus cognitifs déficitaires par des exercices répétitifs et hiérarchisés 2.  Compensation: apprentissage de stratégies cognitives alternatives plus efficaces, peu ou pas utilisées par la personne 3.  Aides externes/aménagement de l’environnement La remédia0on cogni0ve dans la schizophrénie Méta-­‐analyses : McGurk et al., 2007; Wykes et al., 2011 —  Effet modéré sur la cognition Ø  Variable entre les études Ø  Stagnant avec les années —  Effet faible à modéré sur le statut fonctionnel Ø  Variable entre les études Raisons ? Notre approche Remédiation classique —  Clé sur porte Ø  Non prise en compte de l’hétérogénéité —  Personnalisée Ø  Taillée sur mesure selon les déficits cognitifs et les difficultés de la vie quotidienne —  Visée première: les déficits cognitifs Ø  Pas d’hypothèses a priori sur la nature des liens entre processus cognitifs et activités quotidiennes —  Visée première: les plaintes fonctionnelles Ø  Mise en correspondance des données cognitives et fonctionnelles —  Matériel décontextualisé, global —  Matériel écologique, spécifique en lien avec l’objectif de la personne Une alterna0ve: démarche générale 1 2 3 4 5 6 •  Évaluation cognitive détaillée •  Identification des difficultés cognitives dans la VQ •  Mise en correspondance de ces 2 types de données •  Définition d’objectifs concrets •  Développement de stratégies de remédiation cognitive écologiques •  Evaluation efficacité/spécificité et maintien à long terme Une alterna0ve: démarche générale Déficits cognitifs Mémoire épisodique (encodage, récupération, etc.) Mémoire de travail (stockage, mise à jour, etc.) Fonctions exécutives (Flexibilité, inhibition, etc.) Fonctions attentionnelles (sélective, soutenue, etc.) Langage … Difficultés dans la vie quotidienne Prendre ses médicaments Préparer un repas Faire des courses Prendre le bus Suivre une conversation Gérer son argent Lire un livre Etre concentré au travail Hallucinations Idées délirantes … Une alterna0ve: démarche générale —  Mise au point, avec la personne, d un contrat de remédiation mentionnant : —  Objectifs précis, fréquence, durée —  Méthode du cas unique : —  Multiples mesures pré/post-­‐remédiation, suivi x mois —  Séances de remédiation, à raison de 1 à 2 séances par semaine (60 à 90 minutes) Cas Plaintes dans la vie quotidienne Stratégies de remédiation cognitive D.S. • Mémoriser des textes • Suivre le fil d’une histoire • Organiser et se rappeler des tâches quotidiennes • Macrostructure pour l’encodage • Exercices de mémoire de travail • Carnet-­‐mémoire Y.N. Suivre le déroulement d’une conversation, d’une émission tv, et d’un récit lu Programme de remédiation de la mémoire de travail (mise à jour) N.C. Pensées intrusives à Se concentrer: travail/
lecture/ conversations Entraînement du contrôle/
flexibilité attentionnels G.O. Préparer un repas Entraînement à la gestion des comportements dirigés vers un but Stratégie prioritaire —  Travailler la dimension métacognitive Ø Apprendre à connaître son fonctionnement cognitif, c’est-­‐à-­‐dire les fonctions cognitifs déficitaires qui entraînent des difficultés dans le vie quotidienne et les fonctions préservées sur lesquelles on peut se reposer Ø Repérer dans la vie quotidienne les situations où les difficultés cognitives se manifestent Ø Mettre en place des stratégies pour y faire face Difficultés de mémoire à long terme — 3 grands processus : Ø  L
apprentissage (ou encodage) Ø  Le stockage Ø  La récupération Ø  Difficultés à l un ou plusieurs de ces processus ! Attention: la mémoire n’est pas un muscle que l’on peut renforcer par des exercices intensifs ! Difficultés d’appren0ssage —  La technique d’apprentissage sans erreur Ø  Limiter la possibilité de commettre des erreurs en exposant de façon répétée les personnes à la réponse correcte plutôt que de leur demander de la deviner ou de la récupérer explicitement Ø  Chez les personnes qui ont des difficultés pour se souvenir des erreurs, de comment elles ont été corrigées et pour éviter de les répéter Difficultés d’appren0ssage — 
1. 
Principe dans le cadre d’un apprentissage d’habileté : Découper la tâche en une séquence hiérarchisée de sous-­‐
tâches 2.  Pour chaque sous-­‐tâche, des indices verbaux et physiques sont fournis avant que la personne ne la réalise 3. 
Ces indices sont fréquemment répétés, avec un estompage progressif et une diminution des aides apportées afin de permettre à la personne de réaliser seule la séquence 4.  Lorsque la sous-­‐tâche est réalisée correctement plusieurs fois d’affilée et après un délai, la sous-­‐tâche suivante est apprise selon la même procédure Difficultés de mémoire prospec0ve —  Utiliser un agenda personnalisé
Ø Le garder avec soi tout le temps Ø Le consulter tous les jours Ø Choisir une activité à associer avec la vérification Ø Prévoir un moment pour organiser l’agenda Ø Noter les choses dont il faut se rappeler Ø Ecrire les informations à utiliser souvent Difficultés de mémoire à court terme/ de travail (Programme de Duval, Coye:e & Seron) —  Le double codage : augmenter la richesse d’encodage Répétition lente : codage verbal Ø  Visualisation : codage visuel Ø  Bouclage : répétition des stimuli à encoder Ø 
Difficultés de ges0on de comportements dirigés vers un but —  Le « Goal Management Training » (GMT) (Robertson, 1996; Levine et al., 2007) Etablir des plans dirigés vers un but Les réaliser efficacement Ø Application dans divers contextes en milieu naturel GMT: procédure Etape 1
STOP !
Que suis-­‐je en train de faire?
Etape 2
Définir
Quel est le but de la tâche?
Etape 3
Lister
Quelles sont les étapes de la tâche?
A….
B….
C….
Etape 4
Apprendre
Est-­‐ce que je me rappelle des étapes de la tâche?
NON
OUI
Etape 5
OUI
Vérifier
NON
Fais-­‐le
Ai-­‐je fait ce que j’avais planifié?
Difficulté de concentra0on dans les ac0vités —  La stratégie de verbalisation —  Pendant la résolution d’un problème Analyser à voix haute la manière dont le problème se résout Ø  Se décrire la stratégie utilisée pour résoudre le problème Ø 
—  Pour rester concentré sur l'activité Se parler à voix haute pendant qu’on fait l'activité Ø  Se répéter un bref résumé des différentes étapes de l'activité qu’on doit réaliser ou qu’on va devoir faire Ø 
Difficultés de vigilance au cours de conversa0ons Ø Éliminer les distractions autour de soi Ø Ne pas faire d'autres choses en même temps Ø Regarder son interlocuteur Ø Paraphraser/résumer ce que l’autre dit Ø Poser des questions Ø Demander à l’interlocuteur de parler plus lentement ou d'expliquer différemment Difficultés a:en0onnelles: pensées intrusives —  L’ « Attention Training Technique » (ATT) (Wells, 1990, 2000) Améliorer les capacités de contrôle et de flexibilité attentionnels Ø Désengager l’attention excessive dirigée vers soi Ø Déplacer l’attention vers l’extérieur Ø Promouvoir un calme intérieur Ø Exercices facilement applicables en milieu naturel Aides externes —  Carnet-­‐mémoire, agenda électronique, alarmes, plannings affichés au mur, signaux, étiquettes sur les armoires, calendriers, etc. Ø Pas stratégie de la « dernière chance » Ø Complémentaire avec les autres stratégies, afin de compenser des difficultés cognitives et comportementales Ø Pour être efficaces, doivent être délivrés à temps, adéquatement localisés et e précis quant aux informations qu'ils sont censés rappeler Biais cogni0fs et idées délirantes —  L Entraînement aux habiletés métacognitives ciblent les biais cognitifs et de résolution de problèmes (Moritz & Woodward, 2007) Ø Rendre les personnes conscientes de leurs biais cognitifs Ø Les entraîner à les voir de façon critique Ø Enrichir leurs répertoires en matière de résolution de problèmes Ø  Le biais d’attribution, la tendance à sauter aux conclusions, le biais contre les preuves infirmantes, les déficits de la théorie de l’esprit, la confiance augmentée dans les erreurs de mémoire, les déficits de l’estime de soi Conclusion —  Intérêts d’une intervention individualisée et centrée sur les activités de la vie quotidienne : Ø  Compréhension des mécanismes à l’origine des effets Ø  Procure motivation et sentiment d’auto-­‐
détermination Ø  Voie prometteuse pour un bénéfice durable dans la vie quotidienne Perspec0ve de prise en charge intégrée Bilan psychologique général
Interventions psychologiques
-  Capacité de prise de conscience
-  Profil cognitif (déficits, biais,
croyances)
-  Profil symptomatologique
-  Profil fonctionnel (vie quot./prof.)
-  Profil des habiletés sociales
-  Profil émotionnel
-  Profil comportemental
-  Stratégies de coping
-  Facteurs familiaux
-  Autres
-  Psycho-éducation
-  Remédiation cognitive centrée
sur les AVQ, les symptômes
-  Psychothérapie
-  Entraînement aux habiletés
psychosociales
-  Soutien familial
-  Insertion professionnelle
-  Autres
Projet thérapeutique en concertation avec la personne et son entourage proche
Evaluations: poursuite, maintien, ré-orientation
Merci pour votre attention ! Remerciements: -­‐  Pr. M. Van der Linden -­‐  Pr. J.-­‐M. Danion -­‐  Dr. Frank Laroi -­‐  Unité de Psychopathologie Cognitive -­‐  CPLU -­‐  ISoSL -­‐  Patients et leur entourage 
Téléchargement