Equations de Maxwell et invariance relativiste - CEA-Irfu

publicité
Equations de Maxwell et invariance
relativiste
Laurent SCHOEFFEL
CEA/Saclay
F-91191 Gif-sur-Yvette Cedex, France
Resume : Nous montrons que l'on peut deriver une partie de l'electromagnetisme
classique a partir d'hypotheses invariantes galileennes tres simples. Nous discutons
alors l'invariance relativiste des equations de Maxwell.
1 Introduction
Les equations de Maxwell sont des postulats fondamentaux de la physique
classique et elles sont presentees comme telles dans les cours de l'enseignement superieur. Il s'agit d'ailleurs de l'un des acquis fondamentaux de tout etudiant qui
commence des etudes de physique ; elles s'expriment comme suit :
div E = 0
rot E = , @@tB
div B = 0
rot B = 0j + 0 0 @@tE
Dans ces equations 0 (permitivite du vide) et 0 (permeabilite du vide) ne sont pas
des constantes fondamentales mais determinent essentiellement les unites. De plus
0 et 0 satisfont la relation 00 = c,2, ou c est la vitesse de la lumiere qui est une
constante fondamentale de la physique.
De plus les equations de Maxwell sont invariantes sous le groupe des transformations de Lorentz 1.
1. Une transformation de Lorentz suivant l'axe x donne :
t0 = (v)(t , vx
c2 )
x0 = (v)(x , vt)
y0 = y
z 0 = z;
avec (v) = q1,1 v2 .
c2
1
A ces equations, il convient d'ajouter que toute particule de charge e est soumise
a la force de Lorentz : F = qE + qv ^ B, ce qui permet de deduire la dynamique
de cette particule.
Des lors, il para^t impossible de faire mieux et de chercher des postulats plus
simples qui pourraient induire les equations de Maxwell et la force de Lorentz,
ceci para^t d'autant plus fou si ces postulats s'averent ^etre invariants sous les transformations de Galilee (et non plus de Lorentz) : on perdrait alors la notion m^eme
de propagation d'ondes. C'est ce que nous allons discuter dans cet article.
Dans une premiere partie, nous exposons un tres bel argument de Feynman
(rapporte par Dyson dans la reference [1]) qui montre comment on peut deduire
l'electromagnetisme (ou une partie du moins) a partir d'hypotheses tres simples et
invariantes galileennes. Dans une seconde partie nous commentons cet argument et
nous montrons pourquoi Dyson va trop loin dans ses conclusions.
2 L'argument de Feynman
L'argument presente dans la reserence [1] est le suivant :
Hypotheses: En mecanique quantique, on considere une particule ponctuelle
non-relativiste de masse m, de position xi (i = 1; 2; 3) et de vitesse x_i (i =
1; 2; 3) ; on suppose qu'elle est soumise a une force F et qu'elle satisfait les
equations de Newton :
mx = F(x; x_ ; t)
(1)
avec les relations de commutations suivantes 2 :
[xi; xj ] = 0
m[xi; x_j ] = i~ij
(2)
(3)
Ici, les variables xi representent les operateurs positions et les relations (2)
et (3) font intervenir des commutateurs, la relation (3) contient d'ailleurs la
constante de Planck. Il faut bien voir egalement que cette relation (3) est une
hypothese et qu'elle n'est pas equivalente aux regles de commuation entre positions et impulsions et mecanique quantique. Dans ce paragraphe les champs
(operateurs) sont bien evidemment exprimes en representation de Heisenberg et la relation (1) est l'equation de mouvement de Heisenberg (en fait
equation de Newton pour ces operateurs).
Conclusions : Alors il existe des champs E(x; t) et B(x; t) -ne dependant pas
des vitesses- tels que :
F = q(E + x_ ^ B)
2. On note [A; B ] le commutateur des operateurs A et B , c'est-a-dire [A; B ] = AB , BA.
2
(4)
et qui verient les equations :
rot E = , @@tB
(5)
div B = 0
(6)
C'est-a-dire que la force F de l'equation (1) s'exprime necessairement sous la
forme de Lorentz en fonction de champs E(x; t) et B(x; t) qui verient de
plus deux des equations de Maxwell.
Il est deja remarquable qu'a partir d'hypotheses aussi anodines (1), (2) et (3), qui
sont de plus invariantes galileennes, on puisse reproduire une partie de l'electromagnetisme qui, comme on l'a dit plus haut, est invariant de Lorentz.
Dyson de conclure que si l'on considere les deux equations de Maxwell restantes comme essentiellement une denition des charges et j, alors l'argument de
Feynman permet de deduire l'ensemble de l'electromagnetisme a partir d'hypotheses tres simples et invariantes galileennes ! Nous revenons sur ce dernier point
dans la suite.
Nous ne presentons pas la demonstration de Feynman mais nous allons etendre
cet argument encore un peu plus. Nous demontrons en eet cet argument dans le
cas ou l'on enleve les mots \mecanique quantique" des hypotheses, nous etendons
ainsi la preuve de Feynman a un niveau purement classique.
Preuve classique: A un niveau classique, on exprime les hypotheses (2) et
(3) en utilisant la correspondance commutateur-crochet de Poisson, soit :
fxi; xj g = 0
(7)
mfxi; x_j g = ij
(8)
avec :
3 X
@A
@B
@A
@B
fA; B g =
@x @p , @p @x
i
i=1
i
i
i
On denit un potentiel vecteur A tel que :
pj = mx_j + qAj
alors l'hypothese (8) (avec fxi; pj g = ij ) implique :
fxi; Aj g = 0
donc A ne depend que de x et t.
De plus, nous savons que la mecanique classique admet une formulation lagrangienne (equivalente aux equations de Newton) pour laquelle les equations de
la mecanique deviennent :
pj = @@L
x_j
@L
p_j = @x
j
3
ou L designe le lagrangien du systeme. Des lors, avec pj = mx_j + qAj (x; t) on
peut integrer l'equation pj = @@Lx_ , on obtient :
j
_ (x; t) + (x; t))
L(x; x_ ; t) = 12 mx_ 2 + q (xA
La seconde equation de Lagrange et pj = mx_j + qAj nous donnent alors :
@L = mx + qA_
p_j = @x
j
j
j
soit :
@
A
mx = q grad , @t + x_ ^ (rot A)
Donc
mx = F = q(E + x_ ^ B)
ou E et B sont denis par :
E = grad , @@tA
B = rot A
(9)
(10)
E et B satisfont alors les deux equations de Maxwell :
rot E = , @@tB
div B = 0
Finalement la preuve classique nous a conduits aux m^emes conclusions que precedement : a partir d'hypotheses invariantes sous les transformations de Galilee on
retrouve les deux equations de Maxwell sans charge et courant ainsi que la force
de Lorentz.
3 Commentaires
Deja un premier resultat certain de notre etude est que les hypotheses (1), (2),
(3) ou bien (1), (7), (8) conduisent necessairement a une force de type Lorentz
pour une particule non-relativiste.
Notons aussi que le fait que les equations :
rot E = , @@tB
div B = 0
soient invariantes galileennes est assez evident, car elles restent inchangees a la limite
c ! 1, ce qui est moins evident c'est qu'elles soient la consequence directe de nos
hypotheses comme nous venons de le montrer.
4
Maintenant, la question est de savoir si l'on peut dire que les deux equations de
Maxwell avec sources :
div E = 0
@
E
rot B , 00 @t = 0j
sont simplement une denition de la charge () et du courant (j), auquel cas l'argument de Dyson serait correct. En fait, et c'est toute la subtilite, ces deux equations
avec sources ne sont pas invariantes sous les transformations de Galilee et c'est
pourquoi elles ne constituent pas juste une denition des sources mais sont le coeur
des equations de Maxwell : comme on le voit aisement, ces equations changent de
forme a la limite c ! 1.
Pour denir une theorie electromagnetique invariante galileenne, on peut montrer
qu'il faut abandonner l'une des deux hypotheses suivantes [2] :
a) l'equation continuite : div j = , @
@t ;
b) l'existence de forces magnetiques induites entre courants electriques.
Une description detaillee des limites galileennes de l'electromagnetisme classique
peut ^etre trouvee dans la reference [2].
4 Conclusion
Nous avons montre avec ce petit rappel historique et nos commentaires que l'electromagnetisme, pour bien denie que soit sa formulation, demeure une theorie pleine
de richesses, et les conclusions formulees par Dyson, m^eme si elles sont incorrectes,
restent encore aujourd'hui tres instructives en particulier pour quiconque cherche a
comprendre cette theorie.
References
[1] F.J. Dyson, Am. J. Phys. 58 (3) 1990.
[2] M. Le Bellac et al., Nuov. Cim. 14 B 1973.
5
Téléchargement