Traitement des prolapsus génito-urinaires par

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NOTE TECHNIQUE
Progrès en Urologie (2002), 12, 516-520
Traitement des prolapsus génito-urinaires par spinofixation avec une
prothèse de polypropylène
Philippe MONTÊTE, François GILBON, Claude BORGOGNO, Patrick COLOBY
Service d’Urologie, Centre Hospitalier René Dubos, Pontoise, France
RESUME
Cet article décrit une technique originale de cure par voie basse des prolapsus génito-urinaires des étages antérieur et moyen, avec ou sans hystérectomie associée. Cette
technique fait appel à une prothèse de prolypropylène fixant les structures pelviennes
des étages antérieur et moyen aux deux ligaments sacro-épineux.
Les résultats obtenus, très satisfaisants, laissent penser que cette technique prendra
une place de choix dans le traitement des prolapsus génito-urinaires.
Mots clés : Prolapsus génital, cystocèle, spinofixation.
L’hystérectomie par voie vaginale effectuée pour traiter par voie basse un prolapsus génito-urinaire ne
résout pas par elle-même le problème de la ptôse du
fond vaginal. C’est la fixation, en règle unilatérale, du
dôme vaginal au ligament sacro-épineux (intervention
de Richter [3] ) qui permet le traitement du prolapsus
de l’étage moyen. L’ascension du fond vaginal obtenue
par cette technique est telle, qu’en raison de la tension
obtenue au niveau de la paroi vaginale antérieure, les
différents procédés de reconstitution de l’étage antérieur, s’ils restent nécessaires, deviennent d’importance
secondaire (solidarisation des ligaments ronds sur la
ligne médiane, amarrage croisé des ligaments de
Mackenrodt à la branche ischio-pubienne, plicature du
fascia de Halban, hamac prothétique sous-vésical fixé
au fascia pelvien).
rieur et moyen aux ligaments sacro-épineux, par l’intermédiaire d’une prothèse de Nylon. Cette technique
rend inutile l’amputation du col utérin et permet par
elle-même une reconstruction solide des étages antérieur et moyen, en règle tous deux concernés en cas de
prolapsus génito-urinaire.
La qualité du résultat obtenu par cette technique a été
telle que nous l’avons adapté au traitement des prolapsus des étages moyen et antérieur, après hystérectomie
totale.
Ce sont ces deux techniques opératoires (avec et sans
hystérectomie par voie vaginale) que nous décrivons
ici.
TECHNIQUE
Si on décide de traiter par voie basse un prolapsus génito-urinaire, et si une hystérectomie n’est pas souhaitée,
ou n’est pas souhaitable, en raison d’une hystéroptose
modérée, et donc du risque de délabrement des structures de soutien pelvien que pourrait entraîner une hystérectomie forcée, une intervention du type Manchester
est indiquée. Rappelons que cette intervention consiste
à effectuer, outre le traitement de la cystocèle, une
amputation du col, indiquée en raison de la constance
de la trachéloptose, et à repositionner les ligaments de
Mackenrodt (ensemble des ligaments utéro-sacrés et
cardinaux), en avant de l’isthme utérin, de façon à
recréer l’antéversion utérine physiologique. La possibilité d’un amarrage postérieur, physiologique, des structures pelviennes aux ligaments sacro-épineux, et sa
solidité ont été à l’origine d’une réflexion qui nous a
conduit à mettre au point une technique d’amarrage
postérieur des structures pelviennes des étages anté-
Sans hystérectomie associée
La patiente est installée en position gynécologique,
mais avec une flexion très modérée des cuisses sur le
bassin pour rendre moins profondes les épines sciatiques, et donc faciliter l’abord des ligaments sacroépineux; l’installation est en fait la même que pour une
cure d’incontinence selon le procédé TVT, qui peut
d’ailleurs être réalisée en fin d’intervention. Une sonde
urinaire est mise en place.
Manuscrit reçu : mars 2002, accepté : mai 2002.
Adresse pour correspondance : Dr. Ph. Montête, Service d’Urologie, Centre
Hospitalier René Dubos, 6, av enue de l’Ile de France, BP 79, 95303 CergyPontoise Cedex.
e-mail : [email protected]
Ref : MONTÊTE Ph., GILBON F., BORGOGNO C., COLOBY P., Prog. Urol.,
2002, 12, 516-520.
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Figure 3. La prothèse avant et après recoupe (conservation
utérine).
Figure 1. Colpotomie postérieure.
Figure 2. Passage du point de Prolène® dans le ligament
sacro-épineux.
Figure 4. Passage de la prothèse de chaque côté de l’isthme
utérin, par la colpotomie postérieure.
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blanc nacré. Un point de Nylon monobrin solide
(Prolène® 2/0) est alors passé, en prenant le bord inférieur du ligament, à 1 centimètre environ en dedans de
l’épine ischiatique (Figure 2). Le danger est alors l’agrafage du pédicule pudendal, qui contourne l’épine sciatique : il est externe et supérieur. La solidité du point est
testée : elle est extrême et rappelle la solidité de la prise
du ligament pectinéal de Cooper. Le fil de Nylon est laissé en attente et un point analogue est passé dans le ligament sacro-épineux controlatéral. Ce point est également
laissé en attente.
On découpe alors la prothèse de polypropyl ène
(Gynemesh®) : bandelette de 1 à 1,5 centimètres de
large sur 4 à 5 centimètres de long, avec avancée
médiane de 4 X 4 centimètres environ (Figure 3).
L’avancée médiane sera arrimée en avant à la face profonde du vagin et au fascia pelvien en regard de la vessie et servira de renfort au niveau de l’étage antérieur.
Figure 5. Fixation de la prothèse de chaque côté, à la face pro fonde de la paroi vaginale et au fascia pelvien (ligaments uré tro-pelviens).
Les premiers temps de l’intervention sont classiques :
incision de Crossen antérieure (colpotomie hémi-circulaire antérieure); dissection inter vésico-isthmique,
avec section des piliers vésicaux, permettant de refouler la vessie au zénith.
On effectue ensuite l’abord des deux ligaments sacroépineux : c’est en fait le temps le moins facile de l’intervention : colpotomie verticale postérieure, de 4 à 5 centimètres de hauteur, l’extrémité inférieure de l’incision se
trouvant environ à 3 ou 4 centimètres de la commissure
vulvaire postérieure; cette incision de la paroi vaginale
postérieure se fait ainsi entièrement au dessus de la zone
adhérencielle serrée entre vagin et rectum, sans aucun
risque rectal (Figure 1). On pénètre ainsi dans l’espace
ischio-anal, dont la dissection est aisée. Le repérage de
l’épine ischiatique se fait au doigt, la main en pronation,
et orientée à 45° en arrière et en dehors. On sent très nettement, en suivant le bord postérieur de la branche
ischio-pubienne le relief de l’épine, qui porte bien son
nom. Le relief du ligament sacro-épineux est alors bien
perçu, dirigé vers le sacrum, quasi transversalement.
C’est alors que l’on met en place les valves : une valve
vaginale postérieure, au mieux éclairante, large d’environ 3 centimètres, et assez longue : cette valve, capitale,
est placée de telle sorte que son extrémité bute sur le
relief du ligament précédemment palpé. Deux autres
valves vaginales, de dimensions semblables sont mises
en place : l’une en dedans, refoulant le rectum, l’autre en
avant, en fait facultative. On effondre alors le tissu cellulaire qui recouvre le ligament sacro-épineux, de la
pointe des ciseaux, jusqu’à voir le ligament lui même,
Un passage est créé de chaque côté entre l’isthme utérin et le ligament de Mackenrodt correspondant, éventuellement après avoir un peu prolongé latéralement,
de chaque côté, l’incision de Crossen. Chaque jambage
de la prothèse est ainsi passé à l’aide d’une pince
mousse introduite par la colpotomie postérieure entre
l’isthme et le ligament de Mackenrodt correspondant,
le corps de la prothèse se trouvant ainsi en avant de
l’isthme, ou elle peut d’ailleurs être fixée (Figure 4).
Les points de Prolène® en attente sont alors passés
dans chaque jambage de la prothèse. Ceux-ci doivent
en fait être courts, d’environ 10 à 15 mm. Les fils sont
à nouveau laissés en attente. La prothèse est fixée en
avant et de chaque côté par des points prenant la face
profonde du vagin et les ligaments urétro et vésico-pelviens (renforcements du fascia pelvien en regard de la
vessie et de la partie proximale de l’urètre) (Figure 5).
Une colpectomie antérieure est réalisée, et la colpotomie antérieure est refermée .
La partie crâniale de la colpotomie postérieure seule est
alors refermée, avant la fixation de la prothèse aux ligaments sacro-épineux; cette partie haute de la colpotomie postérieure deviendrait en effet inaccessible après
la fixation de la prothèse. Les fils de Nylon solidarisant
la prothèse aux deux ligaments sacro-épineux sont
alors serrés, et la fermeture de la colpotomie postérieure est complétée.
Une cure d’incontinence selon le procédé TVT peut
alors éventuellement être réalisée.
La sonde urinaire est laissée en place quelques jours.
Avec hystérectomie par voie vaginale associée
Les premiers temps de l’intervention sont identiques :
incision de Crossen, dissection inter vésico-isthmique.
Une hystérectomie par voie vaginale est alors effec-
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tuée. Après fermeture du péritoine, les pédicules cervicaux (ligaments de Mackenrodt, les pédicules moyens
(pédicules utérins) et les pédicules du fond (ligaments
ronds, trompe et ligaments utéro-ovariens) sont liés
deux à deux sur la ligne médiane.
sie rachidienne et/ou analgésie péridurale.
Les deux ligaments sacro-épineux sont alors abordés,
comme précédemment et un point de Prolène® 2/0 est
passé dans chacun d’entre eux.
La découpe de la prothèse de polypropylène diffère: la
partie médiane est plus courte car cette partie prothétique sera située en regard de la vessie, sans prendre
appui en arrière sur l’isthme utérin.
Comme précédemment, la partie médiane antérieure de
la prothèse est fixée à la face profonde du vagin et au
fascia pelvien.
Les deux jambages prothétiques sont alors récupérés en
arrière par la colpotomie postérieure médiane, à l’aide
d’une pince mousse. Les points de Prolène® en attente
sont alors passés dans chaque jambage de la prothèse, à
15 ou 20 mm environ du corps prothétique, et les jambages de la prothèse sont recoupés.
La seule complication spécifique de la spinofixation,
est la plaie du pédicule pudendal. L’hémostase du pédicule blessé nécessite de réaliser une voie para vaginale
(incision effectuée en dehors de la grande lèvre, et
parallèlement à celle-ci), ou une embolisation. La blessure du pédicule pudendal doit être évitée en prenant
soin de charger le bord inférieur du ligament à au
moins un centimètre en dedans de l’épine.
En avant, nous fixons la prothèse par des points prenant
à la fois la face profonde du vagin et le fascia pelvien,
renforcé à cet endroit par les ligaments urétro et vésico-pelviens. Ces ligaments urétro et vésico-pelviens
sont l’élément de soutien essentiel de l’étage antérieur
[2]. La fixation à l’arc tendineux du fascia pelvien est
également possible [1], mais elle nécessite une ouverture large des fosses para-vésicales, et fait prendre un
risque urétéral.
Les quelques patientes que nous avons opérées d’un
prolapsus des étages antérieur et moyen (en règle
toujours associés) selon notre technique de spinofixation par l’intermédiaire d’une prothèse de prolypropylène ont toutes eu des suites remarquablement
simples et indolores, ainsi qu’un excellent résultat
cosmétique et fonctionnel. La qualité du sout ien des
étages antérieur et moyen, liée à la fibrose induit e par
la partie ant érieure de la prothèse, et l’amarrage postérieur de ce tissu de soutien par des néo-ligaments
dont la formation est induite par chaque jambage de
la prothèse, recréent une si tuation proche de l’anatomie normale, semblabl e à celle obtenue par promonto-fixation chirurgicale ou coelioscopique. Il nous
paraît de plus très peu probable, compte tenu de la
solidité du montage que la qualité de la réparation se
dégrade avec le temps.
La suite de l’intervention est réalisée comme plus haut.
COMMENTAIRES
Le ligament sacro-épineux est le seul point d’ancrage
postérieur permettant d’amarrer solidement les structures pelviennes accessible par voie vaginale. Il nous
paraissait dommage de ne l’utiliser que pour fixer le
fond vaginal après une hystérectomie voie basse.
L’intérêt de la fixation postérieure des organes pelviens
prolabés est de recréer une statique pelvienne anatomique, avec notamment restauration de l’antéversion
utérine, n’exposant pas à la survenue d’élytrocèle et de
rectocèle, comme lors des fixations antérieures, peu
pratiquées de nos jours.
C’est pourquoi il nous semble que cette technique, aisément accessible et reproductible, et aux indications fréquentes soit appelée à prendre une grande place dans le
traitement des prolapsus génito-urinaires de la femme.
Cette fixation postérieure des organes pelviens est
d’ailleurs utilisée avec d’excellents résultats dans les
promonto-fixations, où les organes pelviens sont fixés
au ligament vertébral antérieur, à hauteur du promontoire. Mais cette promonto-fixation nécessite un abord
abdominal, qu’il soit coelioscopique ou non.
REFERENCES
1. COSSON M., COLLINET P., OCCELLI B., NARDUCCI F., CREPIN G. : Cure de cystocèle par plastron vaginal. Prog. Urol., 2001,
11, 340-346.
La même qualité de réparation peut maintenant être
obtenue par voie vaginale, avec ou sans hystérectomie
par voie vaginale associée, grâce à la technique que
nous avons décrite, et ce quelles que soient les composantes du prolapsus des étages antérieur et moyen.
2. DESGRANDCHAMPS F., CORTESSE A., LEFRANC J.P., LE DUC
A. : Traitement chirurgical par voie basse et par voie haute des cystocèles isolées ou associées à un autre élément de prolapsus. Encycl.
Med. Chir. (Elsevier, Paris), Techniques chirurgicales, UrologieGynécologie, 41-362, 1996, 28 p.
L’intérêt de la voie vaginale pour le traitement des prolapsus est certes d’éviter la laparotomie ou la laparoscopie, mais aussi de pouvoir être réalisée sous anesthé-
3. RICHTER K., DARGENT D. Spinous fixation (vaginaefixatio
sacrospinalis) in the treatment of vaginal prolapse after hysterectomy. J. Gynecol. Obstet. Reprod., 1986, 15, 1081-1088.
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Commentaire de Thierry Piéchaud, Service de Chirurgie
Urologique, Clinique Saint-Augustin, Bordeaux.
SUMMARY
Treatment of genito-urinary prolapses by spinous fixation
with a prolypropylene prosthesis.
Il s’agit d’un article très intéressant présentant une technique de
prise en charge des compartiments antérieurs moyens des prolapsus génito-urinaires par une voie vaginale pure.
Les différentes étapes du protocole opératoire sont parfaitement
détaillées par les auteurs.
Cette approche vaginale exclusive est intéressante car elle permet
un élargisement des indications pour des patiente s âgées.
Toutefois, il conviendra d’être attentif à l’évolution de ces
patientes à court et moyen terme pour juger de la tolérance du
matériel prothétique mis en place par voie vaginale et de l’incidence du risque infectieux.
This article describes an original technique for transvaginal
repair of prolapses concerning the anterior and middle stages of
the pelvis. This operative technique uses a polypropylene pros thesis binding the pelvic structures of the anterior and middle
stages to the small sacro-sciatic ligaments.
The very satisfactory results achieved let us think that this tech nique will take a great place in the treatment of the genito-uri nary prolapses.
Key Words : Genital prolapse, cystocele, spinous fixation.
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