Lien entre le réchauffement global et
la propagation de maladies transmises par vecteurs
Travail présenté
à
Dr Daniel Martineau
par
Soulyvane Nguon
Vétérinaire, Faune et Environnement – PTM4411
Faculté de Médecine Vétérinaire
Université de Montréal
26 février 2003
La Terre est présentement en train de subir un phénomène appelé le changement
global, impliquant entre autre le réchauffement global de la planète amorcé il y a 300 ans.
Le climat global a subi une hausse d’environ 0,6 oC durant le dernier siècle avec deux
périodes de réchauffement, soit entre 1910 et 1945 et de 1976 à aujourd’hui. Cette
dernière période aurait connu jusqu’à maintenant le plus haut taux de réchauffement
comparativement à n’importe quel autre période depuis le dernier millénaire.1 Bien que le
phénomène soit normal, l’activité humaine semble accélérer le processus. Si aucune
action n’est intentée pour limiter l’émission des gaz à effet de serre, la température
globale peut augmenter de 2 oC d’ici 2100, ce qui est énorme pour une si courte période
de temps.2 La situation sera pire dans les régions à plus haute latitude. Ces régions
subissent une augmentation de température démesurée comparativement à d’autres
régions des latitudes plus basses. Des scientifiques prévoient que l’émission de gaz à effet
de serre serait pour doubler d’ici la fin du présent siècle. Certaines régions nordiques au
Canada risquent de connaître une augmentation allant jusqu’à 12 oC.3 Plusieurs personnes
de la communauté scientifique sont d’avis que le réchauffement global troublerait le
délicat équilibre de la nature et contribuerait à l’émergence et à la propagation de
plusieurs maladies dans des régions qui en étaient exemptes.4 Les maladies transmises
par vecteur semblent particulièrement affectées par la hausse de température moyenne de
certaines régions. Ce phénomène semble plus problématique dans les régions tempérées.
Pour analyser cette hypothèse, les effets du changement de température seront étudiés à
travers les différents facteurs influençant la transmission des agents infectieux. Ensuite,
des exemples connus, dont la maladie de Lyme qui implique une tique et l’encéphalite
causée par le virus du Nil occidental (VNO) qui implique un moustique, seront survolés
pour mieux illustrer la problématique.
Selon Jacques May dans son livre The Ecology of Human Disease, il faut
considérer les maladies infectieuses comme des complexes en soi.5 Il a classé les
maladies selon le nombre de facteurs impliqués. Les maladies à 2 facteurs comprennent
l’agent infectieux et l’humain. Celles à trois facteurs comprennent les mêmes facteurs
auxquels on ajoute le vecteur. Finalement, l’hôte animal constitue le quatrième facteur de
la dernière classe (zoonose). L’environnement affecte chacun de ces facteurs et les
2
complexes à trois et à quatre facteurs seront les plus touchés par le changement
climatique. La distribution de ces maladies est généralement limitée par la disponibilité
du vecteur et la disponibilité d’hôtes constituant le réservoir. Ces deux éléments sont
directement ou indirectement limités par la température ou les précipitations.6 Pour
justifier le lien entre le réchauffement et l’émergence de nouvelles maladies transmises
par vecteur, nous pouvons évaluer l’influence de l’augmentation de la température sur les
facteurs et l’interaction entre ceux-ci (complexe à quatre facteurs).
Tout d’abord, il a été démontré qu’une température plus chaude affecte
directement plusieurs aspects des vecteurs.7 Premièrement, la température influence la
distribution géographique du vecteur (et de donc de la maladie). Les agents infectieux des
maladies transmises par vecteur passent une bonne partie de leur cycle dans des
arthropodes à sang froid. L’arthropode étant influencé par les changements
environnementaux, le schéma de transmission de ces maladies peut être affecté par la
température ambiante (bien que celle-ci ne soit pas l’unique facteur).8 En effet, selon
Wittmann et Baylis, qui ont effectué une revue des impacts possibles du climat global sur
Culoïdes en Grande-Bretagne, affirment qu’un des impacts les plus immédiats et
observables du changement climatique est la modification de la distribution géographique
et de l’abondance de plusieurs espèces d’insecte.9 Une expansion de la distribution et une
population plus abondante affectent nécessairement la prévalence des maladies
transmises. Par exemple, Culoïdes, un vecteur majeur d’arbovirus, cause plusieurs
épisodes de Bluetongue (BT) et d’African horse sickness (AHS) dans le sud de l’Europe.
Il n’y a présentement aucune maladie transmise par Culoïdes en Grande-Bretagne, mais
le vecteur semble monter vers le nord. La limite nord de la distribution géographique du
virus du BT et de l’AHS est définie par les saisons. Cette distribution est limitée aux
régions et saisons présentant des vertébrés susceptibles et des Culoïdes compétents
comme vecteurs. L’incidence du BT et de l’AHS est donc restreinte à la période de
l’année où des morsures sont possibles par les vecteurs adultes présents. Ainsi, l’hiver
joue un rôle primordial pour limiter l’établissement d’une endémie puisque le froid
affecte la survie des adultes. Pour qu’une maladie soit endémique d’année en année, le
vecteur doit être présent durant l’année complète. Par exemple, C. imicola adulte, vecteur
le plus important du BT et de l’AHS en Europe, ne survie à l’hiver que dans les régions
3
où la température moyenne quotidienne durant les mois les plus froids ne descend pas
sous 12,5 oC. Dans cette optique, le changement climatique permet aux moustiques de se
répandre à de nouveaux territoires.
Comme il a été mentionné plus haut, en plus de l’expansion géographique de la
distribution des vecteurs, le climat influence aussi grandement la physiologie et la densité
de la population de ces derniers. Par exemple, une population d’adultes considérés
vecteurs compétents dépend en partie du recrutement à partir des immatures en
développement. Une température ambiante froide déclenche une diapause qui inhibe le
développement des immatures, ce qui occasionne une population d’adultes compétents
plus restreinte.10 Par contre, une température plus élevée accélère le cycle de vie du
vecteur. Barry Alto, de l’Université de Floride, avait examiné comment la température
affecte le cycle complet des moustiques Aedes albopictus en cage. Il avait examiné le
développement de ces moustiques à différents niveaux de température, soit à 22, 24 et 26
oC. Il conclut qu’une population exposée à une température plus élevée grandit plus
rapidement et que les moustiques ont un temps de développement plus court.11 Un temps
de développement plus court augmente le nombre de générations et d’adultes pouvant
être produits au cours d’une seule saison. 12 Ainsi, un été plus chaud occasionne une
production plus rapide de vecteur adulte.
En modifiant la physiologie, le réchauffement global modifie aussi le
comportement des vecteurs.13 Une augmentation de la température ambiante augmente
aussi la vitesse de développement des œufs des moustiques. Ce temps de développement
étant plus court, plus de lots d’œufs peuvent être produits pour une même période
donnée. Ceci résulte en une augmentation de la fréquence des repas de sang pour fournir
les protéines nécessaires au développement des œufs. En général, chaque lot d’œufs
nécessite un repas de sang afin devenir mature. L’augmentation des morsures par les
vecteurs résulte donc en une augmentation de la possibilité de transmission d’une maladie
à des hôtes susceptibles.14 Bref, les différences régionales de température affectent
probablement l’habilité de ces populations à coloniser de nouvelles régions. Plus l’air
ambiant est chaud (jusqu’à une certaine limite), plus la population de moustiques s’établit
facilement. Tout ceci permet alors une meilleure propagation du vecteur et de la maladie.
Par contre, il est à noter qu’une hausse de la température ambiante n’est pas
4
nécessairement significative de facilitation de la transmission des maladies nécessitant
des vecteurs. En effet, une chaleur excessive tue les insectes, tout comme un froid
excessif. Cependant, dans les limites de température qui permettent leur survie, l’air plus
chaud pourrait permettre une prolifération plus rapide des moustiques et ainsi plus de
morsures.15
Les facteurs ``humain`` et ``hôte animal`` sont aussi affectés par le réchauffement
global. Un agent infectieux nouvellement introduit peut persister dans le nouvel
environnement grâce à la présence importante de vecteurs (présence favorisée par le
réchauffement global, comme il a été expliqué plus tôt). Les facteurs ``humain`` et ``hôte
animal`` du complexe sont souvent immunologiquement naïfs à ces nouvelles maladies,
puisque jamais ces populations n’avaient été exposées.16 Ceci pourrait expliquer
l’expansion du VNO en Amérique du Nord.
Justement le VNO démontre bien l’importance de l’effet possiblement néfaste du
réchauffement global en influençant la distribution géographique des maladies transmises
par vecteur. Le premier cas sur le continent nord américain était reconnu durant l’été
1999. Après cet épisode de 1999, les prédictions étaient qu’il y avait 50% des chances
que le VNO ne s’installe pas à cause de l’hiver (ce qui était espéré), et l’autre 50% des
chances étant que le virus soit déplacé vers le sud par les oiseaux migrateurs. Or, aucun
de ces scénarios ne s’est produit. En effet, contre toutes attentes, des chercheurs du CDC
(Center for Disease Control) ont trouvé des moustiques qui ont survécu à l’hiver dans des
égouts sous-terrains et des édifices abandonnés à New York. Un des échantillons de
moustiques recueillis était infecté. Puis, comme de fait, il y eut d’autres cas
d’encéphalites l’été suivant et le virus s’était même propagé vers le nord.17 Ceci a pris
plusieurs personnes par surprises. Un des facteurs important favorisant l’implantation du
virus en Amérique du Nord est la disponibilité de plusieurs espèces de moustique
pouvant servir de vecteur potentiel. Turell et al.18 ont tenté d’évaluer en laboratoire le
potentiel de différentes espèces de moustique à devenir infectées avec et à transmettre le
VNO, parce que peu était connu sur le potentiel des moustiques nord américains à ce
moment là. L’étude a démontré que plusieurs espèces nord américaines pouvaient servir
de vecteur potentiel dont Culex pipiens et Aedes albopictus (une espèce étudiée par Alto).
C. pipiens ne serait qu’un vecteur modérément efficace en laboratoire. Par contre, il serait
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