CHAP 7 LA STRUCTURE SOCIALE INFLUENCE-T-ELLE ENCORE LES INDIVIDUS ?
Introduction :
1. Les sociétés démocratiques sont souvent présentées comme des sociétés égalitaires dans lesquelles le
destin des individus n’est plus déterminé par leur appartenance à un groupe social. Cependant, Il ne suffit
pas que l’égalité soit proclamée pour qu’elle soit réelle. Les sociétés démocratiques connaissent de
nombreuses inégalités qui fragilisent la mocratie. Ainsi, les groupes sociaux héréditaires (caste, ordre)
ont disparu mais ils ont été remplacés par des classes sociales hiérarchisées et inégalitaires. Il faut donc
s’interroger sur ce qu’on nomme une inégalité ? Toute différence dans l’espace des positions sociales est-
elle inégalitaire ? Comment peut-on mesurer ces inégalités ? Sont-elles seulement économiques ?
Comment-ont-elles évoluées ? Leur réduction a-t-elle abouti à la fin des antagonismes de classe et à une
moyennisation de la société ?
2. Les sociétés démocratiques sont également présentées comme des sociétés fluides. Les positions sociales
des individus ne seraient pas figées. Elles pourraient changer au cours de la vie d’un individu ou d’une
génération à l’autre. La démocratie favorise-t-elle la mobilité sociale ? Comment-peut on mesurer la place
d’un individu dans une hiérarchie sociale ? Comment peut-on mesurer l’ascension sociale d’un individu ou
d’un groupe ? Quel est le rôle de l’école dans cette mobilité ? Cette mobilité s’est-elle accrue ? La société
démocratique a-t-elle offert les mêmes chances à tous dans la course aux postes les plus prestigieux ?
encore, il existe un écart entre l’idéal et la réalité. On observe une certaine rigidité sociale. Les individus
n’ont pas les mêmes chances d’accéder aux positions sociales selon le milieu social dont ils sont issus.
Comment peut-on expliquer cette relative immobilité sociale ?
3. Enfin, les sociétés démocratiques se prétendent plus justes socialement. Les inégalités constatées ne
seraient plus héréditaires mais le fruit du talent, de l’effort, du mérite. Peut-il y avoir une inégalité qui ne soit
pas une injustice ? Dans ce cas, la société doit-elle tendre vers plus d’égalité ? L’égalitarisme ne va-t-il pas
tuer l’esprit d’invention et d’entreprise ? Toute inégali est-elle injuste ? Quel est le niveau d’inégalité le
plus efficace pour la société ? Ne faut-il pas remplacer l’idéal égalitaire par la recherche de l’équité ? Doit-
on traiter tous les groupes sociaux de la même façon ? Ne faut-il pas accorder aux plus démunis plus de
droits qu’autres ?
71 – COMMENT ANALYSER LA STRUCTURE SOCIALE ?
Introduction : structure sociale et classe sociale
1. Lorsqu'on observe une société, on s'aperçoit très rapidement des différences et des inégalités qui placent les
individus ou les groupes sociaux aux différents niveaux de la hiérarchie sociale. Différences de modes de vie,
de rôles, de statuts, de pouvoirs, de prestige, de culture, inégalités des revenus...., autant de critères qui
permettent de cerner la stratification.
2. Chaque individu n’est pas seul dans la société. Il a toujours une place dans un certain groupe social et ce
groupe a lui-même une place dans la société dans son ensemble. Un groupe social est une unité sociale qui :
a une certaine homogénéité : les individus qui composent le groupe ont des situations sociales et des
manières de penser et de faire communes.
a une certaine durabilité : un groupe social est quelque chose de durable ; même si certains membres
quittent le groupe, le groupe social continue d’exister.
a une conscience collective : les membres du groupe sentent qu’ils font partie de ce groupe.
Dans une société, il existe de nombreux groupes sociaux (du groupe élémentaire comme la famille groupe de
grande taille comme une classes sociale en passant par des groupes intermédiaires comme les syndicats) et
un individu appartient à plusieurs groupes sociaux.
3. La structure sociale correspond à la répartition de la population en groupes sociaux différenciés au sein d’une
société donnée. Si ces groupes sociaux sont hiérarchisés selon le pouvoir qu'ils détiennent, la richesse
économique qu'ils concentrent et/ou le prestige qu'ils dégagent, on parlera de stratification sociale. Il existe
donc tout un ensemble possible de stratification sociale selon les époques et les pays.
Au sens large, la stratification sociale désigne les différentes façons de classer les individus dans une société
en fonction de la position sociale qu'ils occupent. La stratification dépend alors des critères que l'on adopte
pour classer les individus. La classe est un des éléments de stratification. Les castes en est un autre. Dans la
conception européenne, les groupes sociaux sont hiérarchisés et entretiennent des rapports antagonistes.
Au sens étroit, la stratification consiste à graduer de façon régulière les individus dans une échelle sociale en
fonction de d'un ou plusieurs critères simples comme le revenu, la profession, le pouvoir ou encore le
prestige. Dans ce cas, on insiste plus sur la continuité que les oppositions. Dans la conception américaine, on
observe la superposition des classes sans insister sur leurs relations.
4. Plusieurs types de stratification sociale peuvent être repérés au cours de l’histoire des sociétés. Ce sont des
idéaux-types qui ne répondent pas toujours de la complexité des situations concrètes. Les structures sociales
peuvent s’entremêler. Ainsi, dans l’Inde moderne, un système de classe coexiste par un régime de castes
pourtant légalement aboli.
5. Dans les sociétés traditionnelles la stratification est légitimée par des fondements religieux : elle est le reflet
terrestre de l’ordre divin. Elle est aussi sanctionnée (organisée) par la loi. Elle donne à chaque individu en
fonction de sa naissance des droits et devoirs différents.
Les castes sont des groupes sociaux fermés fondés sur le degré de pureté défini par la religion. On naît dans
une caste et on ne peut en sortir. La mobilité sociale est donc nulle. Les rapports entre les castes sont
marqués par la répulsion réciproque. L'esprit de caste interdit formellement les contacts physiques (les hors
castes sont des « intouchables »), les relations sexuelles (mariage endogamique), les repas en commun entre
membres de castes différentes. Si un contact impur a lieu, il faut procéder à des rites de purification.
Les ordres sont des groupes sociaux hiérarchisés en fonction de la dignité, de l'honneur, de l'estime accordés
aux différentes fonctions sociales. Seuls les Nobles ont l'interdiction de travailler pour ne pas déchoir. Les
métiers ont tendance à être héréditaires et organisés au sein de corporations mais une certaine mobilité
professionnelle est possible. De même, on peut passer d’un ordre à un autre (achat de titres de noblesse,
choix de l’ordre religieux). La mobili sociale est possible mais elle est faible.
6. Dans les sociétés modernes, les classes sociales existent en fait mais ne sont pas fondées en droit. Elles se
distinguent des castes et des ordres à trois niveaux :
L'idéal méritocratique rend l'accès à tous les métiers possible quelque soit sa condition sociale même si, dans
la réalité, on observe une hérédité professionnelle partielle.
L'idéal du brassage social permet le libre choix du conjoint, fondé sur les rapports amoureux et non sur des
nécessités économiques ou sociales, même si, dans la réalité, on observe une certaine homogamie sociale.
L'idéal égalitaire pousse les individus à contester la hiérarchie sociale et à revendiquer une modification de
leur position sociale, même si, dans la réalité, la mobilité sociale est relativement faible.
Les classes sont des groupes sociaux de grande taille relativement homogène dont les individus qui la
composent ont en commun :
Une unité de situation définie par la position sociale et professionnelle de l'individu, son mode de vie, sa place
dans la hiérarchie des prestiges. Les études sociologiques du travail, de la consommation, des pratiques
culturelles permettent de cerner les contours de chaque classe.
Groupes sociaux
différenciés
Stratification
sociale
Inégalités
Classes sociales
Conscience de classe
Homogénéité des pratiques
sociales
Hérédité des positions
Une unité de réaction c'est à dire une conscience de classe. Toute situation commune, toute culture commune
peut entraîner le sentiment d'appartenir à la même classe, d'avoir la même condition et le même mode de
pensée, d’avoir des intérêts communs à défendre. Les études sociologiques sur la conscience de classe, les
syndicats, les partis, le vote politique, les mouvements sociaux permettent d’appréhender cette dimension des
classes.
Une hérédité des positions qui lui assure la permanence de la classe dans le temps. Pour qu'une classe ait
conscience d'elle même, il faut qu'elle ait une histoire, une mémoire, c'est à dire qu'elle se perpétue à travers
plusieurs générations. Les études sociologiques sur la mobilité sociale, les trajectoires sociales, la réussite
scolaire, le mariage, les stratégies de reproduction des classes sont utiles pour connaître la permanence des
classes. La mobilité sociale est plus grande dans les sociétés démocratiques.
CASTES ORDRES CLASSES
Critère qui hiérarchise
les groupes sociaux
La pure L’honneur Les capitaux
possédés
Groupes sociaux en
présence
Religieux
Guerriers
Producteurs
Serviteurs
Hors-castes
Noblesse
Clergé
Tiers-Etat
Bourgeoisie
Classes
moyennes
Classe ouvrière
Relations entre les
groupes
Répulsion
réciproque
Le mépris de
l’inférieur
Le refus de la
domination
Mobilité sociale
Nulle Faible Possible
A – L’analyse théorique des classes sociales
1 – L'analyse de Karl Marx
a) – Une conception réaliste des classes
1. Karl Marx (1818–1883) est un philosophe, économiste, sociologue, allemand dont l’œuvre a marqué l’histoire
de la pensée économique par l’analyse critique qu’il fait du capitalisme. Il écrit dans un contexte particulier : il
observe les mutations de l'organisation de la production notamment en Angleterre. Il est frappé par une
contradiction entre l'organisation industrielle gage d'efficacité donc de progrès et la grande misère de la classe
ouvrière. Son analyse du capitalisme l’amène à une critique radicale de ce système et à un engagement dans
le combat politique contre le capitalisme.
2. Karl Marx a une conception réaliste des classes sociales. Marx considère que les classes sociales existent
véritablement dans la société et qu’il revient au sociologue de les mettre en évidence. Les classes ont donc
une réaliobjective et ne sont pas uniquement des catégories construites par le sociologue. Une classe
existe en soi, avant même sa construction intellectuelle. Elle est une unité réelle et vivante d'individus
repérables à une place dans le système productif et à des modes de vie propres. Mais ceci ne suffit pas pour
en faire une classe sociale mobilisée. La lutte des classes qui s’exprime sous la forme de conflits sociaux ou
d’oppositions politiques prouve l’existence des classes sociales.
b) – Une conception antagonique des classes
3. Une classe, pour Karl Marx, se définit à partir de trois éléments :
1ère élément : La place qu'elle occupe dans le processus de production qui est déterminée par un critère
unique : la propriété des moyens de production. Karl Marx distingue, dans tout mode de production, deux
classes fondamentales, celle des propriétaires et celles des non-propriétaires.
2ème élément : Des intérêts antagonistes : les rapports de classes sont des rapports de domination et
d'exploitation. La classe des propriétaires exploite et domine celle des non propriétaires. Ces deux classes ont
donc des intérêts contradictoires et entrent en lutte pour les défendre. La lutte des classes est constitutive du
système de classe.
3ème élément : La conscience de classe : cette opposition va faire une émerger une conscience progressive
des intérêts à défendre dans chaque camp. Les classes vont se mobiliser et s'organiser pour défendre leurs
intérêts. La lutte des classes et la conscience de classe sont inséparables. La conscience de classe est la
sensation collective de connaitre des intérêts communs liés à la place dans le processus de production.
Ainsi, les paysans parcellaires ont bien en commun un niveau de vie et un mode de vie semblables. Ils sont
pauvres, vivent en autarcie dans le cadre d’une économie domestique et ont une culture et des intérêts qui les
opposent aux autres classes de la société. A priori les paysans forment donc une classe sociale mais Marx
souligne toutefois qu’ils ne constituent pas une classe dans la mesure leur mode de production les isole et
leur interdit de fait de constituer une communauté, de prendre conscience collectivement de leurs intérêts et
de créer une organisation politique capable de les défendre. Faute de posséder une conscience de classe, les
paysans parcellaires forment davantage pour Marx « un sac de pommes de terre », un rassemblement
d’unités domestiques partageant les mêmes conditions de travail et de vie et non un acteur social et politique
en mesure de défendre ses intérêts et de faire l’histoire, c’est à dire une classe pour soi.
4. L’existence de classes n’entraine donc pas automatiquement lutte des classes. En effet, Marx montre qu’il ne
suffit pas que de nombreux hommes soient côte à côte sur un même plan économique pour que la classe soit
véritable, il faut, avant tout, que ces hommes soient réunis par un lien psychologique qui est la conscience de
classe. C’est pourquoi Marx distingue :
La classe en soi qui est définie à partir de la place que l’on occupe dans le processus de production et
qui distingue les propriétaires des non propriétaires des moyens de production.
La classe pour soi qui est un groupe social qui a pris conscience de ses intérêts et de son opposition
aux autres classes. Les membres de cette classe vont donc se mobiliser et participer à une lutte de
classe pour défendre leurs intérêts.
5. Dans le mode de production capitaliste, deux classes sociales s’affrontent finies à la fois par leur place
dans le processus de production, leur conscience de classe et leur rôle dans les luttes :
La classe ouvrière (le prolétariat) ne possède que sa force de travail qu’elle loue au capitaliste contre
un salaire de subsistance. Elle seule produit des richesses matérielles (« travail productif ») qu’elle ne
récupère qu’en partie en recevant un salaire.
La Bourgeoisie (les capitalistes) possède les moyens de production (outils, machines, usines) et
emploie les ouvriers pour en extraire de la plus-value, c’est-à-dire la différence entre la valeur du bien
produit et la valeur du travail nécessaire pour le produire. Cette plus-value se transformera en profit
lorsque le bien sera vendu sur le marché. Elle servira aux capitalistes à accumuler du capital, c’est-à-
dire des moyens financiers et de nouveaux moyens de production.
6. Les rapports de production correspondent à l’ensemble des relations sociales qui vont s’établir entre les
hommes dans le cadre de cette activité productive. Ces relations sociales sont de deux sortes :
Un rapport d’exploitation car les ouvriers se voient dépossédés d’une partie du fruit de leur travail et
de leurs moyens de production. L’exploitation consiste à extraire de la plus-value. Pour Marx, ce qui
fonde l’originalité de l’exploitation capitaliste, c’est l’existence d’un contrat de travail légal que le
prolétaire à la liberté d’accepter ou non. Mais sa situation misérable et l’existence de chômage sur le
marché du travail font que cette liberté n’est qu’une liberté de principe.
Place dans le processus
de production
Classe en soi
Intérêts
antagoniques
Conscience de
classe
Classe pour soi
Lutte des classes
Des rapports de domination au niveau économique (les patrons ont le pouvoir de décision), au niveau
social (les goûts sont des goûts bourgeois et le mode de vie bourgeois est considéré comme
supérieur), au niveau idéologique (le libéralisme économique et le conservatisme social dominent la
pensée) et au niveau politique (les partis au pouvoir défendent les intérêts de la classe dominante et
l’Etat est un Etat bourgeois).
7. Dans la société capitaliste, la lutte des classes porte sur le partage de richesses produites (la valeur ajoutée)
et sur l’appropriation des moyens de production. Or cette lutte comporte sa propre contradiction :
D’une part, pour accroître sans cesse la plus-value, l’entrepreneur capitaliste accumule du capital. En
modernisant l’outil de production, cela lui permet d’accroître la productivité des travailleurs. Ce faisant,
il fait augmenter la composition organique du capital (Composition organique du capital = C/V, avec «
C » capital constant et « V » capital variable). En d’autres termes, il utilise de plus en plus de capital
(travail mort) et de moins en moins de travail (travail vivant) pour réaliser sa production. Or, seul ce
dernier type de travail est créateur de richesses et donc… source de profit. Il y a une contradiction
importante qui aboutit à une baisse tendancielle du taux de profit (plus-value/capitaux investis x 100)
et à une concentration accrue des moyens de production dans un petit nombre de mains.
D’autre part, les ouvriers vont peu à peu se paupériser. En effet, en remplaçant de plus en plus le
travail des ouvriers par le capital, le capitaliste réduit en même temps les possibilités d’embauche des
ouvriers. De plus, les gains de productivipermettent de baisser le prix des biens produits, ce qui du
même coup fait baisser le prix des biens de subsistance et tire vers le bas le salaire des ouvriers. La
subsistance du prolétariat devient de plus en plus problématique. Prêts à tout pour survivre, les
ouvriers se font concurrence entre eux et accélèrent encore davantage la baisse de leur salaire et de
leur niveau de vie. Ainsi grossit ce que Marx appelle « l’armée industrielle de réserve », cet ensemble
des d’ouvriers éliminés de la production, réduit au chômage et à la mire. Cette paupérisation
croissante de la population salariée réduit les débouchés de la production. Le système entier est alors
menacé par des crises de surproduction.
Victime de sa propre logique, de moins en moins capable de gérer ses contradictions le capitalisme
est historiquement condamet s’achemine vers une crise finale inéluctable qui, par une volution,
permettre aux ouvriers de s’emparer des moyens de production et de construire une société
socialiste.
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