occlusions veineuses rétiniennes œdémateuses traitées par ozurdex®

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point de vue
Occlusions veineuses rétiniennes
œdémateuses traitées par Ozurdex®
Aspect SD-OCT
n L’équipe d’ophtalmologistes du CHI de Créteil a étudié les effets de l’injection intra-vitréenne
de l’implant Ozurdex® chez des patients porteurs d’occlusion veineuse rétinienne, deuxième
cause d’atteinte vasculaire de la rétine.
Dr Florence Coscas1, 2, Pr Gabriel Coscas1, 2, Dr Agnès Glacet Bernard1, Dr Ilaria Zucchiatti1, Pr Eric Souïed1
Introduction
Les occlusions veineuses rétiniennes constituent la deuxième
cause d’atteinte vasculaire de
la rétine, après la rétinopathie
diabétique et sa prévalence augmente régulièrement avec l’âge
(1).
L’œdème maculaire (OM) persistant est la principale complication des occlusions veineuses
rétiniennes, dans les formes
bien perfusées, limitant la récupération visuelle dans la moitié
des cas (2).
Les limites de
l’administration classique
de corticostéroïdes
L’effet bénéfique de l’administration de corticostéroïdes
dans les occlusions veineuses
rétiniennes (OVR) est connu de
longue date, mais ce traitement
était limité par les nombreux effets secondaires d’une administration prolongée par voie systémique (3, 4). Depuis une dizaine
d’années, plusieurs publications
ont souligné l’efficacité des in-
1 Centre hospitalier Intercommunal de Créteil
2 Centre ophtalmologique de l’Odéon, Paris
158
jections intra-vitréennes de corticostéroïdes, principalement la
triamcinolone, chez les patients
porteurs d’occlusion veineuse,
mais avec des effets secondaires
importants comme l’hypertonie
oculaire et la cataracte (5, 6). De
plus, la préparation extemporanée hors AMM à partir d’un
flacon de cristaux apportait une
grande incertitude sur la quantité réellement injectée, et parfois une réaction toxique liée aux
excipients, non adaptés aux milieux oculaires (7).
Un progrès significatif a été
apporté par la préparation de
stéroïdes spécialement étudiés
pour l’injection intra-vitréenne.
L’étude SCORE a démontré,
pour la première fois, de manière significative, un bénéfice
après traitement de l’OM par
injection intra-vitréenne de
triamcinolone “sans conserva­
teur” dans les occlusions de
la veine centrale de la rétine
(OVCR) (8). Cependant, dans les
occlusions de branche veineuse
(OBVR), ce traitement ne s’est
pas montré supérieur à la photo-coagulation au laser en grille
maculaire (9).
Les évolutions
récentes
Plus récemment, le nouvel implant intra-vitréen, à libération
prolongée de dexaméthasone
(Ozurdex®) a montré son efficacité entraînant la diminution de
l’œdème maculaire et une amélioration de l’acuité visuelle,
aussi bien dans les OVCR que
dans les OBVR (10). La libération progressive de la substance
active semble permettre une action prolongée et durable entre 4
et 6 mois, ainsi qu’une atténuation des éventuelles complications liées aux glucocorticoïdes,
avec un risque plus faible de développement d’hypertonie oculaire résistante et de cataracte.
Notre étude a eu pour but d’étudier les effets de l’injection intra
vitréenne de l’implant Ozurdex®
dans une série (14) de patients
porteurs d’occlusion veineuse
rétinienne, avec une attention
toute particulière sur l’évolution
de l’OCT dès les premiers jours
qui suivent l’injection et au cours
des mois suivants pour analyser l’efficacité et l’innocuité de
l’Ozurdex®. Nous rapportons l’un
des cas observés.
Pratiques en Ophtalmologie • Juin 2011 • vol. 5 • numéro 45
Occlusion veineuse rétinienne œdémateuse traitée par Ozurdex®
Figure 1 - Progression d’une occlusion rétinienne œdémateuse traitée par Ozurdex®.
A. OCT et FA initiaux : œdème maculaire cystoïde (CRT 890 µm), avec limitante externe bien visible et non altérée, interface AI/AE épaissi et
hyper-réflectif et nombreux points hyper réflectifs. B. Un jour après l’injection d’Ozurdex® (OCT et IR): réduction de l’œdème cystoïde (CRT
533 µm) C. Suivi huit jours après (OCT et IR): la regression des espaces cystoïdes est assez complète. Il y a une régression plus lente du fluide
subrétinal (CRT 485 µm). D. Suivi un mois après (OCT et FA) : La régression du fluide est complète et la rétine s’est aplatie (CRT 261 µm). La
dépression foveolaire et la couche nucléaire interne sont devenus pratiquement normales, les points hyper réflectifs sont disparus, le ELM et
l’interface IS-OS sont devenus réguliers et clairement visibles. La couche RPE est normale.
Etude de cas
Cas clinique
Mr E.E., 52 ans, de sexe masculin, se présente pour la première
fois en novembre 2010 pour une
perte d’acuité visuelle (20/80)
de l’œil gauche, due à une occlusion de branche veineuse de
la rétine (OBVR).
L’angiographie à la fluorescéine montre une occlusion de
branche à un croisement artério-veineux situé à 2 diamètres
papillaires du disque optique,
associé à quelques hémorragies
superficielles, une dilatation et
diffusion des capillaires et un
œdème maculaire cystoïde bien
perfusé, limité à la moitié inférieure de la zone avasculaire
centrale. L’aire maculaire était
bien perfusée, mais la périphérie
montrait la présence de zones
ischémiques périphériques, en
arrière de l’équateur.
L’épaisseur rétinienne centrale
(CRT) était de 890 µm (Spectralis SD-OCT). L’autre œil
était normal avec une acuité de
20/20 et un fond d’œil normal.
La pression intraoculaire était
normale dans les 2 yeux.
L’anamnèse était positive seulement pour une hypertension
artérielle bien contrôlée.
Pratiques en Ophtalmologie • Juin 2011 • vol. 5 • numéro 45
Après 6 semaines de suivi
spontané sans récupération,
le traitement par l’implant intra-vitréen de dexamethasone
(Ozurdex®, ayant récemment
reçu son AMM et remboursement à 100 % par la Sécurité
Sociale) été proposé. La vision
est remontée à 20/63 immédiatement après la première injection, associée à une réduction
de l’œdème maculaire cystoïde
et une épaisseur rétinienne
centrale à 533 µm.
Sur une période de 4 mois, le
patient ne subit aucune rechute
avec augmentation continue de
l’acuité visuelle à 20/32.
159
point de vue
Effets de l’implant
intra-vitréen
L’examen au SD-OCT a montré
une rapide et presque complète
régression des espaces cystoïdes
dès le premier jour et une plus
lente régression du fluide sous
rétinien et de l’épaisseur rétinienne centrale.
L’épaisseur rétinienne centrale
a progressivement diminuée
de la valeur initiale de 890 µm
à 495 µm à une semaine et une
épaisseur normale (261 µm) à
1 mois. La dépression fovéolaire
et la couche nucléaire externe ont
regagné un aspect quasi normal.
L’analyse précise des couches
nucléaires externes montrait initialement une interface amincie,
une interface AI/AE infiltrée et
hyper réflective avec de nombreux points hyper-réflectifs.
Après une complète résolution du
liquide sous-rétinien et de l’aplatissement de la rétine, les points
hyper-réflectifs ont disparu, et
l’interface ELM et le IS-OS est devenue régulière et clairement visibles ; la couche de l’épithélium
pigmentaire était normale.
La vision du patient est restée
stable au quatrième mois, sans
effet indésirable, avec une PIO
normale et pas de signe d’évolution de cataracte. Aucune récurrence l’œdème maculaire n’a été
observée.
Conclusion
La prise en charge de l’occlusion de
branche veineuse de la rétine est
basée sur 2 objectifs principaux :
• l’identification et le traitement
médical des facteurs de risques
modifiables (3) ;
• la découverte et prise en charge
des complications visuelles traitables (2, 11, 13).
160
L’œdème maculaire est une
complication majeure à la fois
des occlusions veineuses ischémiques et non-ischémiques.
La prise en charge de l’œdème
maculaire aura beaucoup de similitudes dans les cas d’ OBVR
et d’OVCR, mais avec quelques
différences, incluant dans les
OBVR un risque plus faible de
détérioration progressive et de
conversion vers l’ischémie ainsi
qu’un risque plus faible de néovascularisation.
L’étude GENEVA montrait un
résultat fonctionnel et anatomique (SD-OCT) positif et significatif à 6 mois, ainsi que, après
une seconde injection, avec un
suivi à 1 an. Les données de tolérance montraient un faible taux
de cataracte et un faible taux
d’élévation persistante de PIO.
Dans notre série, aucun effet indésirable lié à l’injection n’a été
observé.
Une seule injection d’un implant
à libération lente et prolongée de
corticoïde peut être le traitement
de première intention avec un
retraitement par cet implant en
fonction du suivi du patient, ou
par des injections mensuelles renouveles d’anti-VEGF, pendant 3
à 6 mois, dépendant de la résolution de l’œdème maculaire.
Cependant les anti-VEGF ne
sont pas encore approuvés dans
cette indication (les 3 injections
anti-VEGF en phase d’induction
viennent d’obtenir une AMM européenne dans cette indication).
Le laser, appliqué dans les zones
les moins épaisses de la rétine,
reste encore une alternative en
cas de réponse insuffisante aux
traitements précédents observé
lors du suivi.
Dans notre étude (12), 3 récidives de l’œdème maculaire ont
été observées pendant la période de suivi incluant l’examen
du quatrième mois, avec une
acuité visuelle stable et une rétine amincie, sans indication de
réinjection dans 11/14 de cas. De
plus, dans notre série, le traitement a eu un effet immédiat sur
l’acuité visuelle et sur l’œdème
maculaire consécutif aux occlusions veineuses rétiniennes.
A partir du début du traitement,
un suivi allant jusqu’à 2 ans sera
nécessaire dans les cas sans
complication. Une surveillance
sera nécessaire afin de dépister
une éventuelle conversion vers
l’ischémie et pour dépister une
récidive de l’œdème maculaire.
Une surveillance de l’iris est nécessaire essentiellement dans les
OVCR avec angiographie de l’iris
en cas de doute.
En conclusion, l’implant de
Dexaméthasone
peut
être
considéré comme sûr et efficace
dans le traitement de l’œdème
maculaire consécutif aux OVR
et peut procurer de manière
immédiate une augmentation
de la vision et une régression
de l’œdème maculaire. D’autres
études avec un suivi à plus long
terme sont nécessaires pour
établir la durée de récupération
visuelle et le besoin d’un traitement additionnel.
n
d Pour lire la bibliographie :
www.ophtalmologies.org
Mots-clés :
Rétine, Occlusion ­veineuse rétinienne,
­Oedème maculaire, Ozurdex®,
Corticostéroïdes, Implant.
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