Cas clinique Oncologie Un décollement de rétine atypique An atypical retinal detachment S. Tick1, E. Frau1, C. Laurent-Coriat1, A. Labbé2, J.A. Sahel1 (1 Service du Pr Sahel, centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, Paris ; 2 Service du Pr Baudoin, centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, Paris) Métastase • Angiographie à la fluorescéine • Bévacizumab • Chimiothérapie. Metastasis • Fluorescein angiography • Bevacizumab • Chemotherapy. U n homme, âgé de 70 ans, ayant comme principal antécédent une tuberculose primitive il y a 10 ans et une hypermétropie de +6 bilatérale, est adressé en urgence pour une baisse d’acuité visuelle bilatérale depuis 15 jours et un décollement de rétine de l’œil gauche. Examen clinique et imagerie du fond d’œil L’examen ophtalmologique retrouve une acuité visuelle à 2/10 à droite et à “voit la main bouger” à gauche. L’examen du fond d’œil ainsi que les séquences en angiographie à la fluorescéine et au vert d’indocyanine permettent de mettre en évidence : ▶▶ À gauche : Un décollement de rétine inférieur associé à de très larges plages d’­exsudats atteignant le pôle postérieur et à une lésion périphérique d’allure tissulaire temporale supérieure (figure 1). Cette lésion s’imprègne de colorant aux temps tardifs de l’angio­ graphie à la fluorescéine. Il existe une diffusion en périphérie inférieure évoquant la présence de néovaisseaux rétiniens (figure 2). L’angiographie en vert d’indocyanine met en évidence de multiples taches hypofluorescentes au pôle postérieur associées à une hypofluorescence persistante au cours de toute la séquence de la lésion temporale supérieure (figure 3). L’examen par tomographie optique cohérente (Optical Coherence Tomography [OCT]) confirme la présence d’un décollement séreux rétinien. ▶▶ À droite : L’aspect du fond d’œil (figure 4) est différent, avec la présence d’une occlusion veinulaire supéromaculaire responsable de la baisse de vision et d’un œdème maculaire cystoïde en OCT (figure 5). S’y associe une lésion d’aspect tissulaire temporale inférieure périphérique au même comportement angiographique qu’à l’œil gauche (figures 6 et 7). L’échographie oculaire en mode B ainsi que l’imagerie par résonance magnétique confirment la présence d’un décollement de rétine exsudatif ainsi qu’un épaississement choroïdien diffus bilatéral, plus important à gauche qu’à droite. 48 Images en Ophtalmologie • Vol. V • no 2 • avril-mai-juin 2011 Légendes Figure 1. Fond d’œil gauche mettant en évidence de très larges plages exsudatives, associées à une lésion d’aspect tissulaire temporale supérieure (flèche). Figure 2. Angiographie à la fluorescéine de l’œil gauche : effet masque lié à la plage d’­exsudats ; imprégnation de la lésion tempo­ rale supérieure, diffusion inférieure dans la zone de décollement de rétine exsudatif. Figure 3. Angiographie au vert d’indo­ cyanine de l’œil gauche : multiples zones hypofluorescentes au pôle postérieur dues à l’envahissement choroïdien diffus. Aspect très hypofluorescent de la lésion temporale. Figure 4. Fond d’œil droit : occlusion veinu­ laire supéromaculaire associée à une lésion tissulaire temporale inférieure. Cas clinique Oncologie 1 2 3 4 Images en Ophtalmologie • Vol. V • no 2 • avril-mai-juin 2011 49 Cas clinique Oncologie Discussion et évolution Les néovaisseaux périphériques bilatéraux ainsi que les métastases choroïdiennes ont été les 2 diagnostics évoqués à ce stade de l’examen. Nous avons donc réalisé un scanner thoraco-pelvien et une coloscopie, qui ont permis de mettre en évidence un adénocarcinome colique compliqué de carcinose mésocolique et de lésions secondaires métastatiques hépatiques. Nous avons donc conclu au diagnostic de métastases oculaires bilatérales d’un adénocarcinome colique. Celles-ci sont exceptionnellement aussi exsudatives et responsables d’un décollement séreux rétinien. L’occlusion veinulaire rétinienne droite à été imputée à un syndrome d’hyperviscosité paranéoplasique. Un traitement par chimiothérapie (FOLFOX : acide folinique, 5 fluoro-uracile [5-FU], oxaliplatine) et 2 injections intravitréennes de bévacizumab a été instauré dans l’œil gauche. Après 3 cures de chimiothérapie, l’acuité visuelle (6/10) et l’OCT à droite se sont nettement améliorées (figure 8). L’œil gauche est stable. II Légendes Figure 5. Coupe OCT horizontale maculaire de l’œil droit : œdème maculaire cystoïde. Figures 6 et 7. Angiographies à la fluores­ céine et au vert d’indocyanine de l’œil droit. Figure 8. Aspect OCT de l’œil droit après 3 cures de chimiothérapie, acuité visuelle de 6/10, nette amélioration de l’œdème maculaire cystoïde. Références bibliographiques • Zografos L. Métastases intraoculaires. In : Zografos L. Tumeurs intraoculaires. Rapport SFO 2002. Masson, Paris, 2002:381-412. • Lin CJ, Li KH, Hwang JF, Chen SN. The effect of intravitreal bevacizumab treatment on choroidal metastasis of colon adenocarcinoma: case report. Eye 2010;24(6):1102-3. Nouvelles de l’industrie pharmaceutique Communiqués publicitaires des conférences de presse, symposiums, manifestations organisés par l’industrie pharmaceutique Ozurdex® : implant de corticostéroïde injectable biodégradable à libération médicamenteuse prolongée L’occlusion d’une veine rétinienne (OVR) génère une réponse inflammatoire aboutissant à un œdème maculaire avec accumulation excessive de fluide dans la rétine et épaississement de la macula. L’OVR est la 2e rétinopathie vasculaire la plus fréquente et une cause fréquente de perte de vision. On estime qu’environ 200 000 personnes souffrent d’OVR en France. Allergan France SAS vient d’annoncer la mise sur le marché d’Ozurdex®, implant intravitréen de 700 microgrammes de dexaméthasone avec applicateur à usage unique conçu spécialement, qui devient ainsi le premier et seul traitement autorisé et remboursé en France de l’œdème maculaire dû à une OVR. La dexaméthasone apportée par l’implant est lentement libérée dans le vitré et agit 50 localement pour contrôler l’œdème, réduire l’inflammation autour de l’occlusion et améliorer l’acuité visuelle du patient. L’efficacité d’Ozurdex ® a été évaluée à travers le programme d’essais cliniques GENEVA, le plus vaste jamais réalisé dans l’OVR. Deux études de 6 mois, prospectives, randomisées, en double aveugle et groupes parallèles, a permis d’inclure 1 267 patients atteints d’œdème maculaire à la suite de l’occlusion d’une branche veineuse de la rétine ou d’une veine centrale de la rétine. Au bout de 2 mois, une amélioration significative de la vision a été observée chez 29,3 % des patients après une seule injection du dispositif. Chez certains patients, cette amélioration s’est maintenue 6 mois. Quatre-vingt-cinq pour cent des patients ont enregistré une amélioration ou une stabilisation de la vision au-delà des 6 mois. Une étude ouverte d’extension de 6 mois supplémentaires a, ensuite, inclus les patients ayant complété les 6 mois. Tous recevaient Ozurdex®. L’amélioration moyenne d’acuité Images en Ophtalmologie • Vol. V • no 2 • avril-mai-juin 2011 visuelle corrigée a été significativement plus importante chez les patients ayant reçu 2 injections du produit, avec un potentiel d’amélioration optimale pour les patients ayant été traités précocement. Toutefois, même en cas de traitement plus tardif, un effet bénéfique a pu être obtenu. Les effets indésirables observés, d’intensité légère à modérée, sont une augmentation de la pression intraoculaire et une hémorragie conjonctivale. En outre, Ozurdex® vient de recevoir un avis positif du CHMP (Comité des spécialités pharmaceutiques à usage humain) dans le traitement des uvéites intermédiaires et postérieures non infectieuses. Son efficacité dans cette indication a été démontrée au cours de l’étude clinique de phase III baptisée HURON (cHronic Uveitis evaluation of the intRavitreal dexamethasONe implant). Ozurdex® ne peut être administré que par un médecin ophtalmologue dûment formé à cette technique. MP Cas clinique Oncologie 5 7 6 8 Images en Ophtalmologie • Vol. V • no 2 • avril-mai-juin 2011 51