Douleur du cancer : quelles sont les problématiques identifiées par l’enquête réalisée en France en 2010 ? Dr Thierry Delorme (Institut curie) 1- - Questionnement principal Stratégie OMS (1986) : efficacité prouvée Données existantes anciennes pour la France suggérant traitement insuffisant de la douleur du cancer. •Tous stades de cancer : 80-90% Ventafrida V et al.: A validation study of the WHO method for cancer pain relief. Cancer 1987;59: 850-856. Zech DF et al.: Validation of the WHO guidelines for cancer pain relief: a 10 years prospective study. Pain 1995;63: 65-76. Données pour d’autres pays allant dans ce sens •Patients en phase terminale : 75% Grond 1991: J Pain Symptom Management 6: 411-422 Ecart entre le « réel » et le « possible » à confirmer ou non par des données récentes et fiables INCa mars 2012 Cent établissements de santé tirées au sorts (parmi les 471 autorisés) Enquête sur site 2J ½ : - 1 ou 2 médecins (inclusion des patients à la consultation) - patients ambulatoires consécutifs, non sélectionnés - questionnaire médecin + patient Patients recrutés : 1541 Refus de participation : 34 (2%) Patients répondeurs avec données exploitables : 1507 Remarques sur les résultats (non détaillé) • • • • Caractéristiques démographiques : absence de biais pour analyse des résultats Age, sexe Type de cancer Phase de traitement du cancer : « surveillance » : 275 pts « curatif » : 427 pts « avancé » (localement avancé ou métastasique palliatif) : 804 pts Est-ce bien une « vraie douleur » qui est analysée ? Exclusion des douleurs récentes et peu fréquentes par analyse ancienneté et occurrence douleur A l’inverse, 85 pts non douloureux grâce au traitement antalgique inclus dans le calcul de prévalence de la douleur (« douleur masquée) Résultats incohérents (item vs item) : retirés de l’analyse 4- - Problématique de l’origine de la douleur Etiologie de la douleur (730 pts) douleur atribuée au cancer 20% 44% 8% 28% douleur atribuée au traitements du cancer douleur atribuée aux cancer et à ses traitements autre cause de douleur ou douleur non identifiée NB : croisement questionnaires médecin et patient Douleur du cancer : descriptif douleur des patients avec un cancer actif 6- - Prévalence de la douleur : « curatif » 50.3% « avancé » 58% 7- - Une majorité de douleur chronique en phase de cancer « avancé » : 58% Phase de traitement du cancer Tous stades Surveillance Curatif Avancé NR Population totale 1507 275 427 799 1 Total douloureux (D masquée exclue) 713 97 195 420 1 Douleur aigue 71 8 33 30 Douleur subaigue 244 21 77 146 Douleur chronique 398 (55,8%) 68 (70%) 85 (43,5%) 244 (58%) 1 « Douleur aigue » : apparue depuis moins de 15 jours, présente 3j et plus sur les 15 derniers jours « Douleur subaiguë » : apparue depuis 15j à 3 mois « Douleur chronique » : apparue depuis plus de 3 mois Intensité et retentissement • Croisement des données : Scénarios correspondant à des tableaux cliniques Possible pour 94% des douloureux (qualité remplissage des questionnaire) Traduit en « sévérité » du tableau douloureux Décroissant : A -> B -> C -> D -> E 9- - Sévérité A et B Le type A correspond : à des situations où la douleur est toujours intense. Le type B correspond à des situations de douleur moyenne à forte impactant le quotidien au domicile. Sévérité D et E Le type D correspond à des douleurs de fond soulagées au domicile mais impactant les activités en dehors du domicile Le type E correspond à des douleurs de fond soulagée sans impact notable sur les activés au et au dehors du domicile (NB définition bon soulagement selon SOR). Sévérité C • Le type C correspond à des situations de douleurs mal soulagées, au moins d’intensité habituelle modérée, avec de nombreuses crises douloureuses et/ou un impact sur le quotidien au domicile. Les douleurs « sévères » ou « fortes » (type A+B) concernent : 34% des patients douloureux en situation de cancer avancé 23,2% des patients douloureux traités pour un cancer curable Les douleurs impactant très peu le quotidien (type E + douleur masquées) concernent : 26,5% des patients douloureux en situation de cancer avancé 33,4% des patients douloureux traités pour un cancer curable Douleur neuropathique (DN) : Douloureux en situation de Surveillance (97 pts) Curatif (195 pts) Cancer avancé (420 pts) DN à traiter rapportée à la population des douloureux 17 pts 17,5% 33 pts 16,9% 100 pts 23,8% 9/17 52% 22/50 44% 70/158 44% DN à traiter rapportée à la population présentant douleur sévère (A ou B) La DN à traiter (au premier plan des douleurs selon les patients & non E) Ce tableau représente 16.9 à 23.8% des douleurs (44% des douleurs intenses) quand le cancer est actif. Donc la douleur en situation de cancer actif • Est : • 15 - - Fréquente (>1/2 des patients) Durable Sévère dans 1/4 à 1/3 des cas Complexe (composante neuropathique) dans 1/5 des cas Elle va nécessiter une collaboration de l’ensemble des professionnels de santé le plus souvent tout au long de la prise en charge du cancer : Première ligne : MG et oncologue/cancérologue Recours : experts « douleur » si besoin Douleur du cancer : prise en charge. Résultats 2010 comparés aux données existantes 16 - - Approche classique : PMI • Pain management index (PMI) Score douleur : 0 (pas douleur) à 3 (intense) Score antalgique : 0 (aucun) à 3 (palier III OMS) PMI : antalgique – douleur Score négatif : inadéquation entre puissance antalgique et douleur. (ex -3 = douleur intense non traitée) • 17 - - Méthode de référence dans la littérature même si il existe des biais Revue littérature (1987-2007; 26 études) ; PMI négatif pour 43% des patients. Comparaison entre 2010 et résultats historiques (France 1991 et 2004) 62% patients « sous traités », pas de progrès depuis 1991 1991 2004 2010 (Inca) 273 336 401 PMI -1 41,4% 15,4% 27% PMI -2 9,5% 19,1% 29,4% PMI -3 5,4% 4% 8,7% Nombre patients douloureux évaluables pour le calcul du PMI Enquête Européenne Breivik 2009 : pas propre à la France Traitement antalgique Douleur modérée à sévère (5-6/10 sur échelle numérique) 196 pts Douleur sévère (7-10/10 sur échelle numérique) 241 pts Palier I 6% 11% Au moins palier II 19% 17% Au moins palier III 37% 42% Pas de réponse 35% 26% Approche complémentaire : selon le « stade de sévérité » 291 patients en situation de cancer avancé : - Ne présentaient pas de DN au premier plan - N’étaient pas traités - Recevaient des antalgiques non modifiés dans les 48 dernières heures Élimination situations biaisant analyse de l’efficacité des antalgiques selon les paliers OMS • Toutes intensités confondues (291 patients) – 15% sont soulagés par les traitements en cours – 14% sont spontanément peu douloureux et non traités, même si dans l’absolu un traitement antalgique pourrait être discuté. – 55% sont « sous traités » modérée à forte Adéquation traitement antalgique vsdouleur douleur non traitée traitement de puissance insuffisance 14% 23% 15% 22% 26% traitement de puissance suffisante mais patient non soulagé * soulagées par le traitement douleur spontanément faible non traitée Explication possible : généraliste absent du circuit de prise en charge ? Explication possible : défaut observance ? « Curatif » « Avancé » Questionnaires exploitables 195 420 Réponse : OUI 64% 74,7% Réponse : NON 14,5% 12,3% 0,9% 2,8% 4% 3,2% - Pour autre motif 9,6% 6,3% Pas de réponse : 22% 13,7% Patients déclarant suivre le traitement antalgique prescrit - Par crainte des E I - Par crainte dépendance Conclusions: - en 2012 le problème reste entier - au-delà de l’accès aux structures douleur, c’est un problème de filière de soins non résolu car complexe : - tableaux peuvent se modifier dans le temps (évolution, complication tumorale) - traitements antalgique : sur mesure - réactivité nécessaire - perspectives : ne pas baisser les bras, tenir compte de la réalité 23 - -