Centre international d`épistémologie génétique, dont le but

JEAN PIAGET (1896-1980)
Psychologue et pédagogue suisse (Neuchâtel, 1896 — Genève, 1980).
Il a largement contribué au développement de la psychologie et de
l'épistémologie génétique, par l'originalité de ses méthodes, la variété de ses
recherches et la mise en relation du domaine de la pensée de l'enfant avec
d'autres formes plus générales de recherches, comme les théories de la
connaissance en physique, en logique, en mathématique. En 1955, il fonda le
Centre international d'épistémologie génétique
, dont le but est l'accroissement
des connaissances dans l'histoire de la pensée scientifique et dans le
développement de l'enfant. Il s'est également préoccupé des problèmes de
l'éducation, mettant en évidence la liaison indispensable entre le développement
psychogénétique de l'enfant et le contenu de l'enseignement (
le Langage et la
pensée chez l'enfant
, 1923;
la Naissance de l'intelligence chez l'enfant
, 1936;
la
Psychologie de l'intelligence
, 1947;
Introduction à l'épistémologie génétique
,
1950;
la Perception
, 1955;
Mémoire et Intelligence
, avec B. Inhelder, 1968;
Épistémologie des sciences de l'homme
, 1972;
Où va l'éducation?
, 1972).
UN PSYCHOLOGUE DANS LE SIECLE DE L'EDUCATION
INTRODUCTION
Pourquoi faire place, dans un cours consacré à l'approche des doctrines
éducatives dans une perspective historique, à l'œuvre de Jean Piaget ? Piaget
est d'abord un psychologue pas un pédagogue.
Certes, mais :
1) L'histoire de la pédagogie et de l'enfance au 20ème siècle a dans les faits
parti lié avec celle de la psychologie ;
2) La psychologie elle-même est d'emblée tributaire d'un projet implicite :
mieux connaître pour mieux éduquer. Elle est "rousseauiste" sans (toujours) le
savoir.
Jean Piaget n'est ni pédagogue ni spécialiste de l'éducation. Biologiste,
philosophe et épistémologue, esprit universel épris de science, si ses travaux
l'ont conduit à se pencher sur l'enfance et l'intelligence enfantine, c'est d'abord
parce qu'il espérait y découvrir le dernier mot de la connaissance.
Qu'est-ce que connaître ? Piaget est convaincu que l'enfance détient le secret
de cette question. La connaissance de l'enfance doit donc être située dans la
perspective de cette interrogation philosophique. Et l'éducation en dépend.
I. PSYCHOLOGIE ET PEDAGOGIE
1. Psychologue ou pédagogue ?
Chacun le sait : Jean Piaget n'est pas d'abord un pédagogue, mais un
psychologue, l'un des quelques grands psychologues de l'enfance et du
développement qui ont et continuent d'exercer une influence considérable dans
le siècle.
Cette influence est multiple, et on n'en finirait pas d'en suivre la trace. Multiple
et conflictuelle, dans la mesure où l'opposition à, comme l'engagement en
faveur de la "rénovation" pédagogique se sont souvent exprimés sous la
bannière de l'œuvre psychologique de Piaget.
Deux exemples pour illustrer cette place de Piaget dans la rénovation
pédagogique :
La psychologie piagetienne a été le fondement de l'enseignement de ce
qu'on appelait "la psychopédagogie" dans les Ecoles Normales dans les
années 70.
Le développement des didactiques, particulièrement de la didactique des
sciences et de la didactique des mathématiques, doit beaucoup à la
psychologie génétique et au modèle piagetien de développement.
On remarquera que Piaget propose moins une théorie de l'apprentissage qu'un
théorie du développement.
On remarquera aussi que Piaget appartient à la lignée de ces "savants"
(médecins, biologistes, psychologues.) dont le rôle est essentiel dans le
développement de l'éducation nouvelle.
Comprendre l'influence de Jean Piaget en pédagogie, c'est donc du
même coup s'interroger sur le rôle, la place de la psychologie en
éducation, s'interroger sur ses relations avec la pédagogie moderne
.
L'importance de Piaget, c'est en fait celle que notre siècle aura
accordé (accorde encore ?) à la psychologie de l'enfant, comme
fondement scientifique et même axiologique à la pédagogie et à
l'éducation
.
L'intérêt qu'on peut et doit porter à Piaget, du point de vue de
l'histoire des doctrines éducatives, c'est celui qu'il faut absolument
accorder à ce trait majeur de la pédagogie moderne : l'assomption du
psychologue dans l'éducateur
.
2. L'engagement pédagogique du pédagogue
Piaget dont l'œuvre écrite est immense n'a pas beaucoup écrit dans le domaine
de la pédagogie et de l'éducation proprement dites.
Parmi les quelques textes, il faut particulièrement retenir :
-
Psychologie et pédagogie
-
Où va l'éducation ?
Mais l'engagement et l'implication du psychologue dans les questions d'éducation
(par exemple dans le cadre de l'UNESCO entre 1946 et 1950, où il est sous
directeur général chargé de l'éducation) et dans le courant de l'éducation
nouvelle sont sans faille.
C'est que Piaget conçoit l'éducation et la pédagogie comme une sorte de
psychologie appliquée. Bien sûr, la pédagogie n'est pas directement déductible
de la psychologie ; éduquer est une tâche et un métier à part entière qui
requièrent une réflexion, une recherche, une pratique spécifiques ; mais ses
principes en découlent.
La pédagogie serait à la psychologie ce que la médecine est à la physiologie.
Piaget emploie souvent cette comparaison : le pédagogue doit connaître la
psychologie comme le médecin doit connaître la physiologie.
La psychologie a ainsi un rôle de catalyseur, de stimulateur de réformes,
d'expertise scientifique.
Piaget accepte de s'aventurer sur le terrain de l'éducation en
espérant
"contribuer à améliorer les méthodes pédagogiques et à l'adaptation officielle
de techniques mieux adaptées à l'esprit de l'enfant
", comme il l'écrit dans son
Autobiographie
.
Ce qui nous intéressera donc, du point de vue de l'histoire des
doctrines éducatives, par-delà Piaget, c'est le fil rouge qu'est la
psychologie dans l'histoire de la pédagogie moderne
.
II. DE LA PSYCHOLOGIE A LA PEDAGOGIE : L'EXEMPLE DE
L'EDUCATION MORALE
Pour montrer comment Piaget conçoit le passage psychologie - pédagogie, on
choisira volontairement un domaine qui n'est pas le plus souvent évoqué : celui de
la formation morale.
On s'occupe plus volontiers de ce qui concerne l'éducation intellectuelle. Mais
sur ce terrain là, le lien psychologie - pédagogie nous paraît si assuré, si
certain, si "évident", que nous ne le voyons plus, que nous ne l'analysons
plus. Passer sur le terrain de la formation morale est donc une utile opération de
"décentration".
1. L'étude du jugement moral chez l'enfant
Un livre de Piaget "Le jugement moral chez l'enfant" et une conception de la
moralité (1932) seront ici examinés.
Il s'agit d'un ouvrage qui connaît et conserve une grande influence auprès des
psychologues et des éducateurs, notamment anglo-saxons.
Notre examen prendra largement appui sur l'analyse que consacre Olivier
REBOUL à ce problème :
Les valeurs de l'éducation
, Paris, PUF, 1992, p. 111 et
suivantes.
a) A quoi s'intéresse le psychologue dans cette étude ? Sur quoi porte
l'investigation psychologique ? Sur l'aptitude enfantine à prononcer des
jugements moraux. Non pas la morale que l'école ou la famille enseignent, mais
bien la morale "spontanée" de l'enfant lui-même, à travers les jugements qu'il
porte
de lui-même
sur ce qui est bien et ce qui est mal, et selon son âge, à
travers les différents stades de sa croissance.
La distinction de stades d'évolution du jugement moral chez l'enfant sera
l'une des conclusions majeures de l'étude.
b) Quelle conclusion le psychologue tire-t-il de cette étude ? Une leçon de
pédagogie ! Une conception de l'éducation morale démocratique étayée sur
l'évolution "naturelle" du jugement moral chez l'enfant.
c) Examinons les investigations auxquelles procède le psychologue : l'observation
des activités spontanées et celle des comportements et propos dans des
situations-problèmes provoquées par l'expérimentateur.
L'observation des activités spontanées. Comment les enfants se
comportent lorsqu'ils jouent aux billes ? Comment se conduisent-ils par
rapport à la règle du jeu ? Le psychologue éventuellement participera au
jeu pour mieux observer
Piaget observe alors les variations de comportements des joueurs selon les
âges, pose des questions : l'origine du jeu, les règles, la tricherie.
Soit la question : "
Peut-on changer les règles du jeu ?"
. Les réponses
permettent de distinguer des stades :
- 5/6 ans : "
Non, changer les règles serait tricher !"
. Pourquoi ? Parce que dans
l'esprit de l'enfant de cet âge, tout se passe comme si les règles avaient
été posées par une autorité extérieure et supérieure : "les messieurs de la
commune", "le bon dieu" (cf. p.38/40). Commentaire de O. Reboul, p. 112 : "
On
voit que ces chers petits donnent totalement raison à Durkheim
".
(Exercice de "révision" en forme de clin d'œil : en vous reportant au cours sur
Durkheim, expliquez ce commentaire.)
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