Une ronde infernale
L’histoire de Marie-Andrée, aujourd’hui âgée de 28 ans, reproduit assez
fidèlement le scénario classique de la boulimie. Il s’agit d’un trouble grave de
l’alimentation, frère siamois de l’anorexie, qui se manifeste par des épisodes
d’orgies alimentaires suivies de vomissements volontaires, d’abus de laxatifs ou
d’exercices. Objectif : éliminer les calories consommées pour éviter un gain de
poids. La plupart des boulimiques ont l’habitude d’entrecouper leurs crises
graves privations alimentaires plus fréquemment que Marie-Andrée. Comme
dans le cas de l’anorexie, la boulimie apparaît généralement chez des personnes
insatisfaites de leur image corporelle ou qui craignent d’en perdre le contrôle par
une prise de poids. Cette maladie touche plus de 50 % des personnes atteintes
d’anorexie et n’épargne ni les obèses ni les femmes de corpulence normale.
Selon les responsables de l’unité des troubles de l’alimentation du centre
hospitalier Douglas, les problèmes liés à l’alimentation touchent environ 10 % des
jeunes femmes de 12 à 30 ans à des degrés divers. Un pour cent d’entre elles
développent une anorexie grave, et de 1 à 4 % une boulimie grave.
Au fait, anorexie et boulimie sont-elles si différentes ? Pour le docteur Pierre
Leichner, du centre hospitalier Douglas, les deux maladies apparaissent
intimement liées : « Les symptômes de la boulimie sont très semblables à ceux de
l’anorexie. Les boulimiques craignent eux aussi d’engraisser et de perdre le
contrôle de leur poids s’ils se remettent à s’alimenter normalement. Les
boulimiques éprouvent cependant plus de difficulté à maîtriser leurs impulsions
et sont plus dépressifs. Par ailleurs, les boulimiques se montrent plus enclins à
demander de l’aide que les anorexiques. Malheureusement leur faible estime
d’eux-mêmes et leur honte font qu’ils remettent souvent le geste à plus tard ».
L’ivresse et le désenchantement
« Dix ans. Mon cauchemar a duré dix ans, raconte Marie-Andrée. Au début, c’est
vrai, j’ai vécu l’ivresse. Bouffe vomissement, rebouffe, revomissements. Il m’est
déjà arrivé de faire trois fois le trajet cuisine –toilette dans une même soirée. De
plus en plus, la honte, la peur d’être découverte m’envahissaient au beau milieu
de mes séances. Il me fallait penser à tout nettoyer et tout remettre en place dans
la salle de bain. Me laver les mains, me brosser les dents, ne laisser aucune odeur
suspecte. Une vie de folle. D’autant plus que toute mon existence était désormais
centrée sur ces rituels qui me faisaient de plus en plus horreur ».
Visiblement émue, elle poursuit : « J’en étais arrivée au point de planifier mes
maga-orgies, guettant les fins de semaine où mes parents allaient s’absenter pour
pouvoir m’adonner en toute quiétude à mon activité clandestine. Un toxicomane