La montée de la compétence marketing dans la distribution
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avec plus ou moins de bonheur, en fonction de son histoire, de ses compétences préalables, de sa
capacité d‟apprentissage, des multiples facteurs d‟inertie dont elle peut être victime…
La compétence marketing dans la distribution n‟est pas librement accessible. Le marketing de la
distribution se distingue significativement du marketing en vigueur dans les industries de biens de
consommation, mais aussi du marketing des services. En outre, la compétence marketing s‟inscrit
plus généralement dans une démarche « d‟orientation client » qui implique l‟organisation dans son
ensemble. La montée en compétence ne peut donc se réduire à l‟acquisition de ressources
génériques sur le marché, mais suppose la formation de ressources spécifiques et une refonte
organisationnelle d‟ensemble.
L‟étude des modalités concrètes de cette montée en compétence dans les grandes entreprises de la
distribution s‟est appuyée sur une analyse documentaire approfondie, ainsi que sur la réalisation
d‟une série d‟entretiens auprès de cadres de ces entreprises ou d‟experts du secteur.
Il ressort que l‟on peut effectivement dater le démarrage du processus de montée en compétence
marketing dans le courant des années 1990, à la faveur de la conjugaison de facteurs structurels et
conjoncturels. Cette montée en compétence n‟est pas un processus homogène : son intensité est
variable selon les secteurs du commerce et, dans chaque secteur, d‟une entreprise à l‟autre ; le
mouvement n‟est pas linéaire et fait apparaître des phases de flux et de reflux ; enfin, les
modalités de la montée en compétence sont variables selon les entreprises, révélant, outre les
écarts de positionnement stratégique, le poids des facteurs organisationnels.
La mobilisation des ressources attachées à la compétence marketing s‟est opérée principalement
autour de deux modalités : le recrutement de personnels qualifiés (jusqu‟au poste de directeur du
marketing) et la mise en place de partenariats avec des prestataires de services qui ont contribué à
l‟implantation de dispositifs techniques et de méthodologies et ont participé à la dynamique
d‟apprentissage interne conduisant à la « spécification » des ressources. La coopération avec les
fournisseurs a pu nourrir cette dynamique, avec les limites que constitue la conflictualité qui
caractérise traditionnellement les relations industrie-commerce en France. Dans l‟ensemble (et
pour ce qui est des grandes entreprises), la mobilisation des ressources à la base de la compétence
marketing ne semble pas avoir constitué une difficulté majeure dans la marche des distributeurs
vers la maîtrise de cette compétence. Le fait est que la plupart des grandes entreprises de
distribution disposent aujourd‟hui d‟à peu près les mêmes dispositifs et des mêmes méthodes.
Le cœur de la compétence marketing dans la distribution semble résider moins dans les ressources
que dans la capacité à impulser, à coordonner, à combiner et finalement à exploiter une diversité
de dispositifs au service d‟une stratégie. L‟adaptation des capacités organisationnelles est donc
critique. Elle se révèle en effet comme un processus complexe et progressif. La culture d‟entreprise
a souvent constitué un obstacle au passage d‟un marketing intuitif à un marketing « scientifique »
(i.e. outillé et opéré par des spécialistes qualifiés). De même, le processus de montée en
compétence a souvent été entravé par les conflits de territoires que suscite inévitablement la
création de nouvelles zones de responsabilité et d‟influence. Ces facteurs d‟inertie organisationnelle
semblent avoir agi puissamment au cours des premières années de la montée en puissance du
marketing dans la distribution. Ils se sont relâchés depuis, principalement sous l‟effet de la rotation
du personnel et du renouvellement des équipes. Ils ont cependant marqué la manière dont s‟est