Mise au point en médecine cardiovasculaire L`étude de

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Mise au point en médecine cardiovasculaire
L’étude de l’hémodynamique en salle de cathétérisme
cardiaque au XXIème siècle
Rick A. Nishimura, MD ; Blase A. Carabello, MD
n quelques décennies, le rôle de la salle de cathétérisme
cardiaque a considérablement évolué.1 Dans les années
1950–1960, les études hémodynamiques réalisées dans ce
cadre étaient indispensables pour comprendre la physiologie
et la physiopathologie des patients présentant une maladie
cardiovasculaire. Avec le développement des techniques
chirurgicales destinées à traiter les patients atteints de
valvulopathies et de cardiopathies congénitales, la nécessité
pour les salles de cathétérisme cardiaque de fournir des
données hémodynamiques fiables s’est imposée afin de
permettre l’élaboration d’une feuille de route thérapeutique.
Pratiquement tous les patients devant être opérés à cœur
ouvert ont fait alors l’objet d’un cathétérisme hémodynamique complet avant l’intervention.
Dans les années 1980–1990, l’évolution de l’échocardiographie bidimensionnelle et de l’écho-Doppler a permis
l’exploration de l’anatomie cardiaque et de l’hémodynamique
des patients atteints de cardiopathies structurales par une
autre approche, ne nécessitant pas d’effraction vasculaire.2 Du
fait des mesures non invasives des vélocités du flux sanguin
qu’il autorisait, l’écho-Doppler était à même de renseigner
sur le débit volumétrique, les pressions intracardiaques, les
gradients de pression et les aires valvulaires, ainsi que sur le
remplissage diastolique du cœur. De plus, ces explorations
non invasives pouvaient être aisément répétées, ce qui
permettait au médecin d’effectuer un suivi longitudinal de
l’état clinique de son patient. Parallèlement, la coronarographie connaissait un usage croissant pour étudier les lésions
coronaires épicardiques, avec pour corollaire le développement ultérieur de techniques interventionnelles visant à traiter
les coronaropathies par cathétérisme. La vocation principale
de la salle de cathétérisme étant ainsi devenue le diagnostic et
le traitement des patients présentant une affection coronaire
aiguë ou chronique, l’évaluation hémodynamique des patients
atteints d’une cardiopathie structurale a été dévolue à la
structure d’exploration non invasive que constituait la salle
d’échocardiographie. Cette situation a fait que de nombreuses
salles de cathétérisme cardiaque ne se sont plus trouvées
en mesure de former des praticiens ni d’assurer une étude
correcte de l’hémodynamique.
Toutefois, l’avènement des interventions telles que la
valvulotomie par ballonnet, l’implantation de prothèse
valvulaire par voie percutanée et l’alcoolisation septale a
ravivé l’intérêt porté aux cardiopathies structurales et a
fourni au cardiologue interventionnel les moyens de traiter
des patients qui, sans cela, auraient relevé de la chirurgie ou
auraient été jugés inopérables.3 Pour que le cardiologue
interventionnel puisse faire un usage approprié de ces
nouvelles techniques, il doit parfaitement connaître les
principes de base et les nuances des processus hémodynamiques complexes. L’exploration invasive de l’hémodynamique conserve une place très importante dans
l’évaluation des patients atteints de cardiopathies congénitales.4 De plus, le bilan hémodynamique non invasif a ses
propres limites, aujourd’hui reconnues par les médecins
confrontés au nombre croissant de patients présentant des
troubles cardiovasculaires complexes. A l’heure actuelle, la
salle de cathétérisme est donc devenue le lieu où sont résolues
les difficultés diagnostiques posées par les patients atteints
de cardiopathies congénitales lorsqu’elles n’ont pu être levées
par l’examen clinique et les explorations non invasives.
E
Les nouvelles missions de la salle de
cathétérisme cardiaque
Les modifications intervenues dans les modalités d’exploration des patients au cours des vingt dernières années ont
profondément contribué à donner à la salle de cathétérisme
cardiaque la place qui est devenue la sienne. En effet, de nos
jours, les patients adressés pour une étude de leurs paramètres
hémodynamiques ont déjà fait l’objet d’un bilan non invasif
complet. Les questions qui demeurent non résolues sont donc
complexes et sources de délicats dilemmes diagnostiques. Il est
inacceptable pour un patient de ne pas être définitivement
renseigné sur sa maladie après s’être prêté à une telle
investigation hémodynamique invasive. C’est pourquoi
l’évaluation hémodynamique pratiquée en salle de
cathétérisme cardiaque exige désormais de l’opérateur
d’être attentif au moindre détail. C’en est fini du cathétérisme
cardiaque de routine. L’opérateur doit en permanence jauger
les nouveaux éléments qui se surajoutent et être prêt à
pratiquer, si nécessaire, des tests diagnostiques complémentaires tels qu’une épreuve d’effort ou toute autre
manœuvre de provocation.
Les cardiologues interventionnels doivent comprendre les
implications des résultats des explorations non invasives
et leur corrélation avec l’examen clinique. Il leur appartient,
en outre, de juger des informations complémentaires qui
sont nécessaires à la prise de décision clinique. A ce titre,
tout cathétérisme cardiaque visant à étudier le profil
Faculté de Médecine de la Mayo Clinic, Rochester, Minnesota, Etats-Unis (R.A.N.), et Faculté de Médecine Baylor, Houston, Texas, Etats-Unis (B.A.C.).
Correspondance : Rick A. Nishimura, MD, Mayo Clinic, 200 First St SW, Rochester, MN 55905, Etats-Unis. E-mail : [email protected]
(Traduit de l’anglais : Hemodynamics in the Cardiac Catheterization Laboratory of the 21st Century. Circulation. 2012;125:2138–2150.)
© 2012 American Heart Association, Inc.
Circulation est disponible sur le site http://circ.ahajournals.org
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hémodynamique d’un patient doit répondre à un objectif
précis, être spécifiquement défini en fonction du patient en
question et du problème qu’il pose et s’appuyer sur les
résultats de l’exploration non invasive.
Principes du cathétérisme cardiaque
De par sa complexité, le cathétérisme cardiaque exige
d’adopter une approche systématisée et détaillée. En premier
lieu, l’opérateur doit faire l’inventaire des points qui
demandent à être éclaircis. Cela implique de définir la voie
d’abord et la méthodologie qu’il convient d’utiliser. Ainsi,
dans le cas d’un patient présentant une dyspnée inexpliquée,
il peut être préférable de passer par l’artère radiale ou par la
veine jugulaire interne plutôt que d’employer la voie fémorale
habituelle, car cela permet la réalisation d’exercices de
pédalage en décubitus dorsal. Il est également possible qu’il se
révèle nécessaire d’effectuer une mesure directe de la pression
auriculaire gauche, auquel cas il y aura lieu d’emprunter la
voie fémorale afin de pouvoir éventuellement pratiquer un
cathétérisme trans-septal.
L’opérateur doit procéder en continu au recueil et à
l’analyse des données tout au long de l’examen de manière
à pouvoir effectuer des investigations complémentaires en
fonction des données initiales et du problème clinique qui se
pose. Ces investigations complémentaires peuvent notamment
consister en une épreuve de provocation par vasodilatateur
destinée à explorer une dysfonction diastolique, en une
inhalation de monoxyde d’azote pour rechercher une
hypertension artérielle pulmonaire insoupçonnée ou en un
apport d’oxygène pour étudier la désaturation artérielle. Chez
un patient qui est un candidat potentiel à la transplantation
cardiaque, il convient de réaliser une évaluation complète des
résistances artériolaires pulmonaires et (si elles s’avèrent
augmentées) d’apprécier leur possibilité de normalisation.
Il y a lieu d’envisager une étude du profil hémodynamique
d’effort ou une épreuve de charge liquidienne chez un patient
qui présente des symptômes sévères et dont les paramètres
hémodynamiques ne sont pas sensiblement altérés au repos.
La réalisation d’un bilan hémodynamique de qualité
requiert d’utiliser un matériel de cathétérisme adéquat.
L’évolution de la coronarographie s’est faite vers l’emploi de
cathéters de très faible calibre, nombre d’explorations
diagnostiques étant aujourd’hui effectuées au moyen de
cathéters de calibre 5F ou même 4F afin de diminuer le risque
de complications vasculaires. Toutefois, pour pouvoir mesurer
les pressions dans les conditions optimales au cours
d’un cathétérisme hémodynamique complexe, il convient
d’employer des cathéters de plus gros calibre, qui seuls
permettent de recueillir des données hémodynamiques de
première qualité. Pour obtenir des tracés hémodynamiques
corrects, il peut être nécessaire d’utiliser des cathéters de
calibre 6F, voire 7F, si les cathéters plus fins n’ont pas permis
d’avoir des courbes de pression de bonne qualité.
Les cathéters à orifices latéraux sont utilisés pour mesurer les
pressions ventriculaires et ceux à orifice terminal pour
mesurer les pressions bloquées. Lorsqu’une analyse
approfondie des courbes de remplissage diastolique est
indiquée, il peut également être utile d’employer un cathéter
doté à son extrémité d’un manomètre de haute fidélité. S’il est
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fait appel à un cathéter à colonne d’eau, il importe de choisir
la tubulure de raccordement la plus courte possible afin
d’obtenir des courbes de pression optimales. C’est pourquoi
les rampes de perfusion coronaire à longues extensions sont à
proscrire, car elles altèrent les enregistrements de pressions.
Le cardiologue interventionnel doit évaluer les courbes de
pression pendant toute la durée de l’examen. Il lui faut
notamment anticiper et corriger les tracés de pression sur- et
sous-amortis et les artefacts liés aux oscillations du cathéter.
La formation de petits thrombi au sein du cathéter peut
fortement modifier la courbe de pression, surtout si le cathéter
a un faible diamètre interne (Figure 1A). C’est pourquoi il est
nécessaire de régulièrement rincer les cathéters avec du
sérum physiologique hépariné tout au long de leur utilisation
et de contrôler en permanence la courbe de pression. Des
réajustements du niveau zéro doivent également être effectués
pendant l’enregistrement des pressions. Le blocage du
cathéter est à l’origine de mesures de pression incorrectes et
peut être dépisté devant l’aspect anormal des courbes
obtenues. De même, de légères modifications de la position
du cathéter peuvent donner lieu à des courbes de pression
anormales, notamment s’il s’agit d’un cathéter doté de
multiples orifices latéraux qui est positionné à cheval sur une
valve (Figure 1B).
Les rétrécissements valvulaires
Principes généraux
L’évaluation d’un rétrécissement valvulaire repose sur la
mesure du gradient de pression transvalvulaire et sur le calcul
de l’aire de la valve.5 Wiggers6 avait noté, il y a près d’un siècle,
que, lorsque l’aire transversale d’un tuyau ne représente plus
que le tiers de sa valeur normale, l’écoulement à l’intérieur de
ce tuyau s’en trouve fortement réduit, principe dont la validité
demeure encore reconnue de nos jours. Qu’elle soit mesurée
par une approche invasive ou non, l’aire valvulaire est
déterminée à partir de la même équation de calcul du flux :
F = A × V (dans laquelle F est le flux, A l’aire et V la vélocité),
de sorte que A = F/V. Lorsque l’évaluation valvulaire est
réalisée par écho-Doppler, la vélocité du flux est mesurée de
façon directe, alors que, en salle de cathétérisme, elle est
calculée à partir du gradient de pression transvalvulaire en
appliquant la loi de Torricelli : V = √2gh, où g est le facteur
d’accélération gravitationnelle et h le gradient de pression. Le
facteur d’accélération gravitationnelle convertit la pression
exprimée en millimètres de mercure en la force qui propulse le
sang à travers l’orifice valvulaire. Pour évaluer la sévérité d’un
rétrécissement valvulaire, le cardiologue interventionnel
dispose donc de trois éléments de base : le gradient de pression
transvalvulaire, le débit cardiaque et la formule de Gorlin, qui
lie ces deux variables.
La formule de Gorlin
Les Gorlin ont publié leur formule de calcul de l’aire valvulaire
en 1951. L’équation est la suivante : A = F/(Cc × Cv × √2gh),
Cc et Cv étant respectivement les coefficients de contraction
du jet et de perte de vélocité du flux au niveau de l’orifice
valvulaire.6a Le premier de ces coefficients rend compte du fait
que, lorsqu’un fluide franchit un orifice, il tend à s’écouler en
situation centrale de sorte que l’orifice physiologique est plus
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Nishimura et Carabello
L’étude de l’hémodynamique en salle de cathétérisme
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Figure 1. Il importe de surveiller en permanence les courbes de pression tout au long du cathétérisme pour dépister de possibles artefacts
susceptibles de fausser les mesures de pression. A, Chez ce patient exploré pour une hypertension artérielle pulmonaire, la pression initiale
mesurée au niveau de l’artère pulmonaire (AP) était de 70/35 mmHg (courbe de gauche). Toutefois, en cours d’examen, l’opérateur a constaté
que la pression artérielle pulmonaire était tombée à 45/20 mmHg en l’absence de toute autre modification hémodynamique (courbe de
droite). Cela était dû à la formation d’un petit thrombus dans l’étroite portion distale du cathéter de thermodilution. Cet artefact de pression
peut être évité en appliquant une méthodologie rigoureuse consistant à surveiller en permanence la courbe de pression et à rincer
régulièrement la lumière du cathéter avec du sérum physiologique hépariné. Il peut s’avérer nécessaire d’utiliser un cathéter de plus gros
calibre pour supprimer le problème si les pressions demeurent amoindries en dépit de ces précautions. B, Chez ce patient atteint d’un
rétrécissement aortique, il a été monté un cathéter spiralé dans le ventricule gauche (VG) et un second cathéter dans l’aorte ascendante (Ao).
En position 1, le profil de l’onde de pression ventriculaire gauche est anormal, marqué par un important retard à l’effondrement de la pression
pendant la protodiastole. Cela tient au fait que plusieurs des multiples orifices latéraux du cathéter spiralé se trouvent placés à cheval sur la
valve aortique, ce qui provoque la fusion des pressions ventriculaire gauche et aortique. L’anomalie de l’onde de pression ayant été décelée,
le cathéter a été placé plus en aval, de telle sorte que tous les orifices d’enregistrement soient situés dans le ventricule gauche, ce qui a
produit le profil de pression illustré en position 2.
petit que l’orifice physique. Le coefficient de perte de vélocité
exprime le fait que le gradient de pression n’est pas entièrement transformé en débit, car la vitesse du jet est partiellement amoindrie en raison du frottement contre les parois de la
valve. Ces coefficients n’ont jamais été calculés. Les Gorlin
ont préféré leur substituer une constante empirique de
manière à faire mieux coïncider l’aire mitrale calculée avec
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celle réellement mesurée lors d’une autopsie ou d’une intervention chirurgicale. Pour les trois autres valves, il n’a pas
même été proposé de constante empirique. Il a donc été convenu que, pour les valves aortique, pulmonaire et tricuspide,
les coefficients seraient de 1, ce qui constitue une impossibilité
théorique. Ces considérations sont importantes pour comprendre que les aires valvulaires calculées ne sont que d’un
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apport limité pour l’évaluation d’un rétrécissement valvulaire.
L’aire de l’orifice valvulaire constitue l’un des éléments
d’appréciation sur lesquels se fonde le cardiologue interventionnel, mais elle n’est pas le seul et doit être confrontée
aux autres paramètres tels que le gradient transvalvulaire,
le profil des ondes de pression et l’état de contractilité du
ventricule. En pratique, l’aire valvulaire est uniquement
employée pour évaluer la sévérité d’un rétrécissement aortique
ou mitral. L’aire valvulaire sur laquelle s’appuyer pour définir
un rétrécissement tricuspide sévère ne fait l’objet d’aucun
consensus et le rétrécissement de l’appareil sigmoïde
pulmonaire est généralement évalué sur la base du seul
gradient de pression.
Débit cardiaque
Il s’agit du flux qui, en traversant la valve, génère le gradient
de pression ; pour évaluer la sévérité d’un rétrécissement, il y a
lieu de prendre à la fois en compte le débit et le gradient. La
mesure des gradients de pression chez les patients présentant
un rétrécissement valvulaire est traitée plus loin et peut
généralement être réalisée de façon relativement précise.
En revanche, la mesure du débit cardiaque peut se révéler
malaisée. La technique de référence est fondée sur le principe
de Fick, selon lequel le débit cardiaque est le rapport de la
consommation d’O2 sur la différence entre les concentrations
artérielle et veineuse en O2. Bien que la consommation en
oxygène puisse être déterminée de manière assez précise,
l’opération est fastidieuse, de sorte que, dans nombre de salles
de cathétérisme, on préfère employer les valeurs théoriques
fournies par des abaques standardisées plutôt que les mesures
directes. Toutefois, l’utilisation de cette approche peut fausser
la mesure du débit cardiaque de près de 40 %.5,7,8 Aujourd’hui,
la plupart des cardiologues interventionnels effectuent cette
mesure en employant une méthode de thermodilution fondée
sur la dilution d’un traceur (une technique dérivée du principe
de Fick). Cette méthode offre généralement une précision
satisfaisante chez les patients dont le débit cardiaque est
normal ou augmenté et qui sont en rythme sinusal. Elle est, en
revanche, source d’erreurs lorsqu’elle est appliquée à des
patients présentant une communication intracardiaque, un
faible débit cardiaque, une importante insuffisance tricuspide
ou un trouble du rythme, comme cela est fréquemment
observé chez les individus atteints d’une cardiopathie évoluée
et dont l’état clinique est critique. Le calcul du débit cardiaque
peut être effectué selon le principe de Fick à titre de
contrôle interne pour vérifier l’exactitude de la méthode par
thermodilution. Il est important de connaître les limites de ces
différentes techniques de mesure du débit cardiaque lorsqu’on
explore un patient en salle de cathétérisme.
Rétrécissement aortique
Lorsque, chez un patient, il effectue le bilan d’un rétrécissement aortique, le cardiologue interventionnel doit tenir
compte du degré de fiabilité des données de l’évaluation
non invasive et des incertitudes diagnostiques qui peuvent
subsister en dépit de la réalisation d’une exploration complète
par échocardiographie bidimensionnelle et écho-Doppler. Le
gradient transvalvulaire aortique mesuré par écho-Doppler
ne peut être surestimé, sauf si les paramètres inclus dans
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l’équation de Bernoulli modifiée posent problème (comme
cela peut, par exemple, se produire en cas d’anémie grave ou
de coexistence d’un rétrécissement sous-valvulaire faisant
que la vitesse proximale ne peut être considérée comme
négligeable). Toutefois, si le faisceau Doppler ne peut être
dirigé parallèlement au jet aortique, la valeur attribuée à la
vélocité du flux conduira à sous-estimer le gradient transvalvulaire aortique. Le calcul de l’aire valvulaire par
écho-Doppler à partir de l’équation de continuité peut
également être source d’erreur dans la mesure où, pour
déterminer l’aire de la chambre de chasse ventriculaire
gauche, on se fonde sur le carré du diamètre mesuré de cette
dernière. En règle générale, dès lors que le patient présente des
signes cliniques de rétrécissement aortique sévère et que son
gradient moyen est supérieur à 40 mmHg, aucune exploration
hémodynamique complémentaire n’est nécessaire ; le diagnostic de rétrécissement aortique sévère est avéré, hormis dans
le cas peu fréquent où le débit cardiaque excède 6,5 l/min.
Toutefois, lorsque les données de l’écho-Doppler sont en
contradiction avec l’examen physique, un cathétérisme
cardiaque soigneux centré sur l’hémodynamique est
indispensable pour lever l’incertitude.
La meilleure manière d’évaluer le gradient transvalvulaire
aortique consiste à enregistrer simultanément les pressions
au niveau du ventricule gauche et de l’aorte ascendante9–11
(Figure 2). Autrefois, il était de règle de mesurer le gradient
pic à pic. Ce paramètre a toutefois un caractère non
physiologique dans la mesure où le pic de pression ventriculaire gauche ne survient pas au même instant que le pic de
pression aortique. Il est donc préférable d’utiliser le gradient
transvalvulaire aortique moyen, qui, étant la résultante du
gradient mesuré tout au long de la phase d’éjection systolique,
est le meilleur témoin de la sévérité de l’obstruction.12 La
plupart des salles de cathétérisme sont aujourd’hui équipées
Figure 2. Enregistrement simultané des pressions ventriculaire
gauche (VG) et aortique (Ao) chez un patient présentant un
rétrécissement aortique. La meilleure manière d’évaluer le gradient
chez un patient atteint d’une telle valvulopathie est de mesurer
concurremment ces deux pressions. Le gradient pic à pic (GPP) est
la différence entre les pics de pression ventriculaire gauche et
aortique, ce qui constitue un paramètre non physiologique dans la
mesure où ces deux pics de pression surviennent à des temps
différents. Pour apprécier la sévérité d’un rétrécissement aortique,
il convient de s’appuyer sur le gradient de pression moyen (GPM),
qui est le gradient intégré mesuré entre les pressions ventriculaire
gauche et aortique tout au long de la phase d’éjection systolique.
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Nishimura et Carabello
de systèmes informatiques effectuant directement la mesure
du gradient moyen, ce qui facilite la tâche de l’opérateur.
Il peut être intéressant d’utiliser un cathéter unique que l’on
ramène graduellement du ventricule gauche jusque dans
l’aorte, mais seulement si le patient est en rythme sinusal et a
une fréquence cardiaque régulière. Les patients atteints d’un
rétrécissement aortique serré peuvent présenter le phénomène
décrit par Carabello, qui traduit le fait que, par son seul
positionnement à l’intérieur de la valve, le cathéter contribue à
aggraver l’obstacle à l’éjection.13 Ce phénomène est observé
lorsque l’aire de l’orifice valvulaire est inférieure à 0,7 cm2 et
qu’un cathéter de calibre 7F ou 8F est utilisé pour franchir la
valve. On ne doit jamais utiliser les mesures simultanées de
la pression ventriculaire gauche et fémorale, car cela peut
conduire à surestimer le gradient transvalvulaire aortique en
cas de sténose d’un gros vaisseau ou à le sous-estimer du
fait de l’amplification périphérique des pressions distales
(Figure 3A). Certains opérateurs utilisent des cathéters queue
de cochon à double lumière, mais il convient d’effectuer un
rinçage continu du segment à lumière de faible calibre placé
dans l’aorte ascendante pour prévenir un phénomène
d’« amortissement » qui ferait apparaître le gradient plus élevé
qu’il ne l’est en réalité. Un temps essentiel de l’évaluation des
gradients consiste à vérifier la parfaite concordance des deux
pressions mesurées au niveau de la portion proximale de
l’aorte (en utilisant deux cathéters séparés ou un seul cathéter
doté d’une double lumière) avant d’entrer dans le ventricule
gauche. Les pressions s’exerçant à l’intérieur des deux
lumières et, donc, enregistrées doivent normalement être
identiques pour que les deux sondes et les dispositifs
d’enregistrement puissent être considérés comme correctement positionnés. Se dispenser de cette vérification peut
fausser la mesure du gradient de pression du fait d’une erreur
d’enregistrement. L’approche idéale consiste à mesurer
la pression intra-aortique au moyen d’un cathéter à orifices
latéraux pour éviter tout phénomène d’amortissement
(Figure 3B).
L’analyse visuelle des profils de pression ventriculaire
gauche et aortique pendant le cathétérisme apporte de
précieuses informations sur le type d’obstruction présent chez
le patient (Figure 4). Dans le cas d’une obstruction valvulaire
fixe, l’ascension de l’onde de pression aortique est à la
fois minorée (parvus) et différée (tardus) car elle débute à
l’ouverture de la valve aortique. En revanche, dans un
contexte d’obstacle dynamique à l’éjection ventriculaire
gauche (comme cela s’observe dans la cardiomyopathie
hypertrophique), l’onde aortique revêt un aspect en pic et
dôme avec présence d’une phase initiale d’ascension rapide.
L’onde de pression ventriculaire gauche présente, en outre, un
pic tardif qui est la conséquence du caractère dynamique de
cette obstruction. La réponse de la pression aortique pulsée
après une longue pause a souvent une valeur diagnostique, car
elle permet de faire la distinction entre un obstacle à l’éjection
ventriculaire gauche de type fixe et une obstruction
dynamique en faisant apparaître le signe de BraunwaldBrockenborough (Figure 5). Outre le fait qu’ils confirment
que le siège de l’obstruction est bien celui défini par l’imagerie
non invasive, ces éléments peuvent également permettre
d’identifier des gradients dynamiques latents qui étaient
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L’étude de l’hémodynamique en salle de cathétérisme
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peut-être inapparents lorsque l’échocardiographie avait été
pratiquée.
L’aire valvulaire aortique doit alors être calculée à partir de
mesures soigneuses du gradient moyen et du débit cardiaque,
comme cela a été précédemment indiqué. Bien que, dans les
salles de cathétérisme modernes, ce calcul soit effectué
automatiquement par des outils informatiques, il appartient
néanmoins à l’opérateur de procéder par lui-même à une
vérification sommaire de l’exactitude des données entrées
dans l’ordinateur. L’équation de Hakki (aire valvulaire
obtenue en divisant le débit cardiaque par la racine carrée du
gradient) peut être utilisée pour contrôler que l’équation de
Gorlin, plus complexe, a été appliquée à partir de données
correctes.
Il est toujours nécessaire de confronter la sévérité de la
valvulopathie telle qu’estimée à partir de la valeur du gradient
moyen à celle définie sur la base de l’aire valvulaire calculée
lors du cathétérisme cardiaque. Il existe un sous-groupe
de patients chez lesquels l’importance du gradient n’est pas
proportionnelle à la sévérité du rétrécissement tel qu’il ressort
du calcul de l’aire valvulaire, ce qui impose la mise en œuvre
d’explorations complémentaires. Chez certains sujets, il y a
coexistence d’un bas gradient (inférieur à 30 mmHg) et d’un
faible débit, de sorte que l’aire valvulaire calculée est de petite
taille. S’il existe une dysfonction ventriculaire gauche sévère,
une épreuve de provocation par la dobutamine doit être
pratiquée pour établir si cette aire valvulaire réduite est
réellement la conséquence d’un rétrécissement aortique serré
ou si elle est due à un pseudo-rétrécissement aortique,
situation qui découle du fait que, en raison de l’altération
myocardique, le ventricule gauche ne possède plus la force
suffisante pour ouvrir complètement la valve bien qu’elle
ne présente qu’un rétrécissement de degré léger à modéré
(Figure 6).14,15 En outre, l’existence d’une réserve inotrope,
établie sur la constatation d’une augmentation du débit
systolique excédant 20 % lors de l’épreuve de provocation
par la dobutamine, constitue un important élément de
stratification du risque opératoire.14,15 Bien qu’une telle
provocation par la dobutamine puisse être pratiquée en salle
d’échocardiographie, il peut également être intéressant de la
réaliser en salle de cathétérisme, où il est de règle d’analyser
l’anatomie coronaire, cela afin de déterminer si l’insuffisance
de réserve inotrope peut avoir une origine ischémique. Chez
les patients exposés à un haut risque d’accident coronaire
grave, il y a lieu d’effectuer une coronarographie coronaire
avant d’entreprendre la perfusion de dobutamine. Par
ailleurs, il est de plus en plus largement admis que certains
patients peuvent présenter un rétrécissement aortique à bas
débit et faible gradient tout en ayant une fraction d’éjection
préservée. Chez de tels patients, il peut être utile de
pratiquer un bilan complémentaire, éventuellement fondé
sur l’administration d’un vasodilatateur afin d’abaisser les
résistances vasculaires périphériques qui, chez ces sujets, sont
augmentées (Figure 7).16,17
Rétrécissement mitral
Les patients atteints d’un rétrécissement mitral sont
fréquemment adressés en salle de cathétérisme cardiaque en
vue d’un bilan hémodynamique complémentaire parce que les
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Figure 3. La meilleure façon d’apprécier le
gradient trans-aortique chez un patient
atteint d’un rétrécissement aortique consiste
à mesurer simultanément la pression
ventriculaire gauche (VG) et la pression
centrale au niveau de l’aorte (Ao) au moyen
de cathéters à orifices latéraux. Sont ici
présentés des exemples d’utilisation
d’autres méthodes de mesure des
pressions, lesquelles conduisent à
l’obtention de résultats erronés. A, La
mesure simultanée des pressions au sein
du ventricule gauche et de l’artère fémorale
(AF) est à proscrire pour établir le gradient
transvalvulaire aortique, car celui-ci peut
être faussement diminué du fait de
l’amplification périphérique de l’onde de
pression ou faussement augmenté s’il existe
une sténose artérielle périphérique.
Lorsqu’on se fonde sur la pression artérielle
fémorale, cela donne également lieu à un
décalage temporel qui affectera le calcul du
gradient moyen. Chez le patient considéré,
l’emploi de la pression artérielle fémorale
conduirait à fortement sous-estimer le
gradient pic à pic en raison de l’amplification
périphérique de l’onde de pression. B, Pour
mesurer les pressions ventriculaire gauche
et aortique, il convient d’utiliser des
cathéters à orifices latéraux, car les
cathéters à orifice terminal (c’est-à-dire ceux
employés au niveau coronaire) peuvent être
à l’origine d’un phénomène
d’amortissement. Est ici illustré
l’amortissement pouvant affecter la pression
aortique lorsqu’il est fait usage d’un cathéter
à orifice terminal (enregistrement de droite)
en lieu et place d’un cathéter à orifices
latéraux (enregistrement de gauche).
mesures non invasives du gradient transvalvulaire et de l’aire
valvulaire sont discordantes ou encore parce qu’ils présentent
des symptômes d’hypertension artérielle pulmonaire disproportionnés par rapport à la sévérité apparente de leur
valvulopathie. L’écho-Doppler continu permet une mesure
extrêmement précise du gradient transmitral.18 Contrairement
à la situation qui prévaut pour le rétrécissement aortique, il est
beaucoup plus facile d’aligner le faisceau Doppler sur le jet
mitral, ce qui rend la mesure du gradient moyen aisément
reproductible. Dans les rares cas où l’échocardiographie
transthoracique ne permet pas de mesurer le gradient transmitral, il y a lieu de réaliser une échocardiographie
transœsophagienne. En salle d’échocardiographie, l’aire de
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l’orifice valvulaire mitral est mesurée par planimétrie directe
ou par la méthode fondée sur le temps de demi-décroissance
du gradient de pression. Lorsque les images fournies par
l’échocardiographie transthoracique sont de mauvaise
qualité, cela peut rendre impossible l’évaluation précise
de l’aire valvulaire par planimétrie. L’estimation de l’aire
valvulaire à partir du temps de demi-décroissance du gradient
de pression à l’écho-Doppler présente certaines limites
potentielles dans la mesure où cette méthode de mesure est
dépendante non seulement de la sévérité du rétrécissement,
mais aussi de la compliance de l’oreillette et du ventricule
gauches ainsi que de la coexistence d’une insuffisance
mitrale.19
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Nishimura et Carabello
L’étude de l’hémodynamique en salle de cathétérisme
63
Figure 4. Il est important d’analyser visuellement
les profils de pressions aortique (Ao) et
ventriculaire gauche (VG) tout au long du
cathétérisme cardiaque. A gauche, Chez un patient
présentant une obstruction fixe (rétrécissement
valvulaire ou rétrécissement sous-valvulaire),
l’ascension de l’onde de pression aortique est à la
fois diminuée et retardée, débutant à l’ouverture de
la valve aortique. A droite, Chez un patient
présentant une obstruction dynamique (comme
cela est le cas dans la cardiomyopathie
hypertrophique), la pression aortique s’élève
rapidement dès l’ouverture de la valve aortique,
puis la courbe prend un aspect en pic et dôme lors
de la survenue de l’obstruction en fin de systole. La
courbe de pression ventriculaire gauche présente,
elle aussi, un pic tardif lié au caractère dynamique
de l’obstruction. OG : oreillette gauche.
Figure 5. La réponse de la pression
aortique après une longue pause permet de
différencier l’obstruction fixe liée à un
rétrécissement aortique (Ao) de l’obstruction
dynamique induite par une cardiomyopathie
hypertrophique. A, Chez ce patient
présentant un rétrécissement aortique, la
contraction qui fait suite à l’extrasystole
ventriculaire (ESV) se traduit par une
augmentation de la pression pulsée (PP).
B, Chez ce patient atteint d’une
cardiomyopathie hypertrophique, la pression
pulsée diminue lors de la contraction qui suit
l’extrasystole ventriculaire. VG : ventricule
gauche ; OG : oreillette gauche.
En salle de cathétérisme cardiaque, l’estimation du gradient
transmitral est fréquemment réalisée à partir de la mesure
simultanée de la pression capillaire pulmonaire bloquée et
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de la pression ventriculaire gauche (Figure 8). Bien que
la pression capillaire pulmonaire bloquée soit habituellement
le reflet de la pression auriculaire gauche moyenne, la mesure
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Circulation
Janvier 2013
Figure 6. Chez les patients qui présentent à la fois un faible débit cardiaque et un gradient (Grad) peu marqué, il peut être nécessaire de
pratiquer une épreuve de provocation par la dobutamine pour normaliser le débit cardiaque. Cette technique peut être utilisée pour faire la
distinction entre rétrécissement aortique (Ao) vrai et pseudo-rétrécissement aortique. A, Après perfusion de dobutamine, le gradient
augmente de 28 à 42 mmHg alors que l’aire valvulaire demeure réduite, à 0,7 cm2. Cela permet de conclure que ce patient présente un
rétrécissement valvulaire fixe sévère. B, Chez ce patient dont le profil hémodynamique basal est similaire, la perfusion de dobutamine ne
modifie pas le gradient, qui demeure de 24 mmHg. En revanche, l’aire valvulaire augmente à 1,2 cm2. Il s’agit là d’un cas de pseudorétrécissement aortique dans lequel l’aire valvulaire basale est faible car la poussée ventriculaire est insuffisante pour ouvrir complètement
la valve aortique siège d’un rétrécissement peu marqué. AVA : aire valvulaire aortique ; VG : ventricule gauche ; VD : ventricule droit ;
OG : oreillette gauche.
Figure 7. La coexistence d’un faible débit cardiaque et d’un bas gradient peut également s’observer chez les patients dont la fraction
d’éjection est préservée. Chez ces sujets, le débit cardiaque réduit résulte de l’augmentation de la postcharge engendrée par la noncompliance de l’appareil valvulaire aortique. L’abaissement des résistances vasculaires périphériques par l’administration d’un vasodilatateur
tel que le nitroprussiate (NTP) permet d’identifier les patients atteints d’un rétrécissement aortique vrai en objectivant une augmentation du
gradient transvalvulaire aortique alors que l’aire valvulaire demeure inchangée. PVG : pression ventriculaire gauche ; PAo : pression aortique
centrale ; PAP : pression artérielle pulmonaire ; PAG : pression auriculaire gauche ; AVA : aire valvulaire aortique.
du gradient entre la première et la pression ventriculaire
gauche surestime fréquemment la sévérité du rétrécissement
mitral en raison du déphasage de la pression capillaire
pulmonaire bloquée et du retard à la propagation du
changement de l’onde de pression au niveau de la circulation
pulmonaire. Si l’on utilise des cathéters de type classique, le
gradient peut dès lors être majoré de 30 à 50 % par rapport à
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sa valeur réelle, même après correction pour tenir compte
du déphasage.18 Il est possible de limiter la surestimation de
la pression auriculaire gauche liée à l’emploi de la pression
capillaire pulmonaire bloquée en contrôlant par méthode
oxymétrique que le cathéter est bien en position bloquée.20,21 Si
besoin, la pression auriculaire gauche effective d’un patient
atteint de rétrécissement mitral pourra être mesurée par
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Nishimura et Carabello
L’étude de l’hémodynamique en salle de cathétérisme
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Figure 8. L’estimation du gradient
transmitral par cathétérisme cardiaque est
couramment réalisée à partir de la mesure
simultanée de la pression capillaire
pulmonaire bloquée (PCPB) et de la
pression ventriculaire gauche (PVG).
Toutefois, en raison du retard à la
propagation du changement de l’onde de
pression et de l’existence d’un phénomène
de déphasage, le gradient transmitral estimé
à partir de la pression capillaire pulmonaire
bloquée est fréquemment supérieur à sa
valeur réelle. A gauche, Enregistrement
simultané de la pression ventriculaire
gauche et de la pression capillaire
pulmonaire bloquée chez un patient
présentant un rétrécissement mitral. Le
gradient moyen mesuré est de 15 mmHg.
A droite, Chez ce même patient, le gradient
transmitral a été estimé à partir des mesures
directes de la pression ventriculaire gauche
et de la pression auriculaire gauche (PAG).
Le gradient transmitral moyen n’est en
réalité que de 6 mmHg.
ponction trans-septale si la décision thérapeutique est
subordonnée à la précision de cette mesure.
Une importante indication du cathétérisme cardiaque
chez le patient porteur d’un rétrécissement mitral est la
discordance entre les symptômes, le gradient transmitral et
la pression artérielle pulmonaire. Le cathétérisme cardiaque
permet, en effet, d’effectuer des mesures précises des pressions
absolues, ce qui est impossible par écho-Doppler. Ainsi, chez
un patient dont les symptômes ou le degré d’hypertension
artérielle pulmonaire sont disproportionnés par rapport
aux mesures non invasives, il est important de pratiquer un
cathétérisme cardiaque pour déterminer si l’hypertension
artérielle pulmonaire est secondaire au rétrécissement mitral,
à une dysfonction diastolique ventriculaire gauche, à une
maladie veino-occlusive pulmonaire ou à une maladie
vasculaire pulmonaire intrinsèque. Le profil hémodynamique
d’effort peut être établi par une approche non invasive fondée
sur l’écho-Doppler ou être réalisé en salle de cathétérisme.
Les réponses hémodynamiques induites par l’activité
physique sont extrêmement utiles pour établir la cause de
l’existence de symptômes sévères lorsque le rétrécissement
mitral ne revêt qu’un caractère léger à modéré au repos
(Figure 9A).
Insuffisance valvulaire
Chez la plupart des patients présentant une insuffisance valvulaire, l’examen clinique et l’imagerie non invasive suffisent à
établir un bilan complet, le recours au cathétérisme cardiaque
n’ayant d’utilité que pour préciser l’anatomie coronaire
préalablement à l’acte chirurgical. Dans certains cas, il est
toutefois nécessaire de disposer d’informations plus détaillées
pour pouvoir prendre la décision clinique qui convient, le plus
souvent parce qu’il y a discordance entre le tableau clinique
et les données de l’échocardiographie. Un cathétérisme à
visée hémodynamique est également indiqué lorsque les
éléments fournis par l’exploration non invasive apparaissent
incompatibles, par exemple, parce qu’il existe une hypertension artérielle pulmonaire sévère sans commune mesure
avec le degré d’insuffisance mitrale.
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L’échocardiographie bidimensionnelle et l’écho-Doppler
peuvent apporter des renseignements indirects sur la sévérité
d’une insuffisance valvulaire et permettre la quantification
de cette dernière. La tendance étant aujourd’hui d’opérer
précocement les insuffisances valvulaires sévères en l’absencemême de symptômes, il est essentiel pour le médecin
d’acquérir une certitude quant à la sévérité de la fuite.12,22
Evaluer une insuffisance valvulaire en s’appuyant uniquement
sur la taille du jet qui pénètre dans la cavité proximale en
Doppler couleur pose un problème majeur. L’évaluation
quantitative d’une insuffisance valvulaire repose sur la
méthode de la zone de convergence (proximal isovelocity
surface area ou PISA dans la terminologie anglo-saxonne)
qui, dans nombre de cas, peut fournir des indications précises
sur le volume régurgité et sur la superficie de l’orifice
régurgitant. Néanmoins, ces mesures par Doppler ne sont
pas dénuées de défauts et d’écueils, même lorsque elles
sont pratiquées en utilisant l’échocardiographie transœsophagienne. C’est pourquoi, lorsque le tableau clinique et
l’examen physique ne sont pas concordants avec le degré de
régurgitation valvulaire suggéré par l’écho-Doppler, il est
nécessaire de pratiquer un cathétérisme cardiaque.
Bien que la mesure quantitative de l’insuffisance valvulaire
puisse également être réalisée en salle de cathétérisme en
retranchant le volume sanguin éjecté (débit cardiaque) du
volume sanguin ventriculaire gauche total (volumes angiographiques), il s’agit d’une technique fastidieuse et qui n’est
pas exempte de défauts. C’est pourquoi les deux approches
les plus utilisées pour évaluer la sévérité d’une insuffisance
valvulaire sont la ventriculographie gauche et l’angiographie
aortique. On s’appuie sur le délai de retour du produit de
contraste dans la cavité proximale et sur la densité de ce
dernier pour coter l’insuffisance valvulaire sur une échelle de
1 à 4 en utilisant les critères de Sellar. Bien qu’elle ne permette
qu’une mesure semi-quantitative, l’injection de produit de
contraste est supérieure au classique écho-Doppler couleur
pour juger d’une insuffisance valvulaire, car elle rend compte
du volume sanguin refluant à travers la valve et non de la
modification de la vélocité du flux.
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Circulation
Janvier 2013
Figure 9. Il est souvent utile de pratiquer une épreuve d’effort en salle de cathétérisme cardiaque pour déterminer la cause d’une dyspnée
chez un patient dont les pressions ne sont pas notablement altérées au repos. A, Chez ce patient atteint d’un rétrécissement mitral, le gradient
moyen de repos n’était que de 8 mmHg et la pression capillaire pulmonaire bloquée (PCPB) atteignait seulement 18 mmHg. Ce patient
présentait d’importants symptômes qui ne concordaient pas avec son profil hémodynamique basal. Au cours de l’épreuve d’effort de pédalage
en décubitus dorsal, le gradient moyen a augmenté à 29 mmHg et la pression capillaire pulmonaire bloquée à 41 mmHg, ce qui prouvait que
le rétrécissement mitral avait un retentissement hémodynamique significatif et était la cause des symptômes sévères éprouvés par le patient.
B, Ce patient ne présentait pas de valvulopathie notable, sa fonction systolique ventriculaire gauche (VG) était normale, mais les activités
physiques étaient source d’une importante dyspnée. Au repos, la pression capillaire pulmonaire bloquée n’était que de 13 mmHg. Toutefois,
lors d’un effort de pédalage de faible intensité effectué en décubitus dorsal, elle a fortement augmenté, atteignant 41 mmHg avec apparition
d’une ample onde V. L’échocardiographie pratiquée en parallèle n’a pas objectivé d’insuffisance mitrale significative, ce qui a permis de
conclure que les symptômes étaient dus à la non-compliance de l’oreillette et du ventricule gauches. GTVM : gradient transvalvulaire mitral.
L’injection de produit de contraste doit être réalisée au
moyen d’un cathéter de gros calibre en instillant une quantité
importante de produit de manière à complètement opacifier
les cavités cardiaques ; si la quantité de produit injectée est
trop faible, il en résulte une sous-estimation de la sévérité
des lésions. Lors de la ventriculographie gauche, il est très
important d’éviter les ectopies ventriculaires et le blocage du
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cathéter dans l’appareil valvulaire mitral. Il ne faut pas hésiter
à répéter l’examen en cas de survenue d’une activité ectopique,
car il suffit d’une ou deux extrasystoles ventriculaires pour
que l’estimation de la sévérité de l’insuffisance valvulaire soit
faussée en plus ou en moins. Il peut être nécessaire d’acquérir
les images de ventriculographie gauche en utilisant une
incidence oblique antérieure droite haute pour éviter que le
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Nishimura et Carabello
produit de contraste injecté par voie rétrograde ne se superpose sur le rachis ou sur l’aorte descendante.
Exploration d’une dyspnée inexpliquée
Les techniques non invasives sont d’un apport très limité pour
rechercher la cause d’une dyspnée. Tel est notamment le cas
chez les patients ayant une fonction systolique ventriculaire
gauche normale et indemnes de valvulopathie sévère, mais qui
présentent une dyspnée que les résultats des explorations non
invasives ne permettent pas d’expliquer. Dans un tel contexte,
il est nécessaire d’effectuer des mesures directes des pressions
intracardiaques et pulmonaires pour établir la cause de la
dyspnée.
Face à une dyspnée inexpliquée, il appartient au cardiologue interventionnel de pratiquer des investigations complémentaires si les résultats du bilan hémodynamique de
repos ne permettent pas de porter un diagnostic ou si ces
investigations peuvent aider à la décision thérapeutique. Si le
niveau de la pression ventriculaire gauche diastolique ou
de la pression capillaire pulmonaire bloquée est élevé, il est
intéressant de diminuer la postcharge afin de déterminer
si l’élévation des pressions diastoliques est réversible
en abaissant la pression systémique. Chez la plupart des
patients présentant une dysfonction diastolique, le couplage
ventriculo-vasculaire est renforcé ; dans un tel contexte,
en réduisant la postcharge par l’administration d’un vasodilatateur, on normalise les pressions de remplissage élevées,
ce qui fournit une orientation sur le traitement médical à
instaurer en ambulatoire.23,24 Lorsque la pression diastolique
ventriculaire gauche élevée ne diminue pas en réponse à la
réduction de la postcharge, cela est en faveur de l’existence
d’une cardiomyopathie restrictive sévère et irréversible
pouvant justifier la réalisation d’une biopsie endomyocardique. Lorsque la pression artérielle pulmonaire est
élevée, l’administration de monoxyde d’azote ou d’un autre
vasodilatateur par voie inhalée permet de savoir si l’hypertension artérielle pulmonaire est réversible, ce qui est utile
pour décider du traitement optimal.
Chez les patients qui présentent des symptômes d’insuffisance cardiaque alors que leurs pressions de remplissage sont
normales, il y a lieu de pratiquer un test de remplissage ou une
épreuve d’effort. L’étude du profil hémodynamique d’effort
est extrêmement utile pour établir la cause d’une dyspnée
inexpliquée chez les sujets dont les pressions de remplissage ne
sont pas sensiblement augmentées à l’état basal.25 En mesurant
la pression artérielle pulmonaire, la pression capillaire bloquée
et le débit cardiaque au repos et à l’effort, il est possible de
savoir si la dyspnée répond à une cause pulmonaire, cardiaque
ou même extracardiaque. Dans certaines structures,
l’exploration hémodynamique des patients présentant une
dyspnée inexpliquée repose aujourd’hui sur la réalisation
d’une épreuve d’effort de pédalage en décubitus dorsal,
car cette approche est celle qui simule le mieux les réponses
physiologiques induites par l’activité physique (Figure 9B).
L’hypertension artérielle pulmonaire
Un cathétérisme cardiaque doit être pratiqué dans le cadre du
bilan initial des patients atteints d’hypertension artérielle
pulmonaire. Ce cathétérisme permet, en effet, de diagnos-
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L’étude de l’hémodynamique en salle de cathétérisme
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tiquer la cause du trouble en établissant si celui-ci est secondaire à une atteinte du cœur gauche (avec élévation de la
pression de remplissage ventriculaire gauche), à une maladie
vasculaire pulmonaire intrinsèque ou à la combinaison
des deux. Bien que les explorations non invasives soient
initialement utiles pour porter le diagnostic d’hypertension
pulmonaire, l’évaluation effective de la sévérité de cette
dernière impose de recourir au cathétérisme, surtout si
l’insuffisance tricuspide fait défaut ou est difficile à mettre en
évidence. A l’heure actuelle, la mesure non invasive du volume
diastolique par écho-Doppler n’offre pas une précision
suffisante pour permettre d’évaluer la pression de remplissage
ventriculaire gauche de façon fiable chez un patient donné.
L’identification de l’origine du trouble repose pour une large
part sur la mesure du gradient de pression transpulmonaire
(différence entre la pression artérielle pulmonaire moyenne et
la pression capillaire pulmonaire bloquée [PAP – PCPB]),
qui est le numérateur de l’équation de calcul des résistances
vasculaires pulmonaires (RVP) : RVP = (PAP – PCPB)/DC,
DC étant le débit cardiaque.
Chez les patients atteints d’hypertension artérielle pulmonaire, un cathétérisme cardiaque soigneux s’impose donc
afin d’effectuer la mesure directe de la pression artérielle
pulmonaire et de la pression capillaire pulmonaire bloquée
ou de la pression auriculaire gauche. Dans ce cas précis, la
meilleure façon de mesurer la pression capillaire pulmonaire
bloquée est d’utiliser un cathéter à orifice terminal de gros
calibre, généralement doté d’un ballonnet à son extrémité. Il
est recommandé de vérifier que le cathéter est bien en position
bloquée en se fondant sur la courbe de pression et sur l’existence d’une saturation en oxygène supérieure à 95 % pour
garantir que c’est effectivement la pression capillaire pulmonaire bloquée qui est mesurée et non une pression artérielle
pulmonaire amortie (Figure 10). En salle de cathétérisme
cardiaque, il est nécessaire de mesurer avec précision le débit
cardiaque pour calculer les résistances artérielles pulmonaires
par la technique de Fick ou par la méthode par thermodilution.
La manière dont l’hypertension artérielle pulmonaire réagit à
l’administration de monoxyde d’azote, d’adénosine ou d’un
vasodilatateur est utile au clinicien pour définir le traitement
optimal. Le monoxyde d’azote doit être uniquement
administré à des patients atteints d’hypertension artérielle
pulmonaire dont la pression capillaire pulmonaire bloquée est
normale, car, chez les sujets dont la pression auriculaire
gauche basale est augmentée, ce composé peut dilater le lit
post-capillaire et, donc, augmenter encore plus les pressions
de remplissage des cavités gauches ; l’administration
d’adénosine peut avoir les mêmes effets délétères. La capacité
de dilatation de l’arborisation artérielle pulmonaire est
reconnue comme ayant une valeur pronostique additionnelle
et doit donc être mesurée dans le cadre de ce cathétérisme
cardiaque.26
Péricardite constrictive et
cardiomyopathie restrictive
Le diagnostic différentiel des causes d’insuffisance cardiaque
droite sévère chez un patient dont la fonction systolique est
normale demeure, aujourd’hui encore, extrêmement ardu.27
Les deux principaux diagnostics différentiels à explorer sont
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Circulation
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Figure 10. La pression capillaire pulmonaire
bloquée (PCPB) doit être mesurée avec soin
lors du cathétérisme cardiaque, idéalement au
moyen d’un cathéter de gros calibre à orifice
terminal. Pour garantir l’exactitude de la mesure,
il est recommandé de vérifier que la pression
enregistrée est bien la pression capillaire
pulmonaire bloquée en contrôlant que l’onde
de pression varie selon les mouvements
respiratoires et que la saturation en oxygène
excède 95 %. A gauche, La pression capillaire
pulmonaire bloquée a été mesurée à l’aide d’un
cathéter à ballonnet de calibre 7F après avoir
vérifié que la saturation en oxygène était de
98 %. On peut voir que l’onde de pression varie
en fonction des mouvements respiratoires et
que la courbe de pression capillaire pulmonaire
bloquée a l’aspect attendu. A droite, La
mesure de la pression capillaire pulmonaire
bloquée a été réalisée au moyen d’un
cathéter de thermodilution de faible calibre.
L’enregistrement obtenu est très certainement
celui de la pression artérielle pulmonaire
amortie. Il n’a pas été effectué de confirmation
par mesure de la saturation en oxygène.
la péricardite constrictive et la cardiomyopathie restrictive,
bien qu’il convienne également d’envisager l’éventualité d’un
shunt gauche-droit, d’un débit cardiaque élevé ou d’une
insuffisance tricuspide. Ce problème de diagnostic différentiel
se pose de plus en plus souvent chez des patients ayant fait
l’objet d’une irradiation thoracique pour traiter une affection
maligne ou qui ont été opérés à cœur ouvert. Il est fréquent
que ces sujets cumulent une dysfonction myocardique et une
atteinte péricardique.
Chez les patients présentant une péricardite constrictive, on
observe à la fois une élévation précoce et rapide des pressions
de remplissage avec égalisation des pressions télédiastoliques
dans toutes les cavités cardiaques. Chez les patients recevant
un traitement diurétique et dont les pressions de remplissage
diastolique sont relativement normales, un remplissage
vasculaire peut être nécessaire pour faire apparaître ces signes
pathognomoniques. Comme les patients atteints d’une
cardiomyopathie restrictive peuvent présenter un profil
hémodynamique similaire, il a été proposé des critères sur
lesquels s’appuyer pour faire la distinction entre péricardite
constrictive et cardiomyopathie restrictive. La pression
artérielle pulmonaire absolue, le rapport de la pression télédiastolique ventriculaire droite sur la pression systolique
ventriculaire droite et la différence entre les pressions télédiastoliques ventriculaires gauche et droite sont autant
d’éléments qui ont été utilisés pour tenter d’effectuer ce
diagnostic différentiel. La spécificité de ces critères s’est toutefois révélée relativement faible, de sorte qu’ils sont rarement
utiles pour faire le diagnostic chez un patient donné.
De nos jours, l’évaluation de ces patients présentant
une insuffisance cardiaque droite sévère repose sur l’analyse
des variations de pressions induites par les mouvements
respiratoires afin d’établir si ces derniers ont ou non pour effet
de renforcer l’interaction ventriculaire.28 Lors de l’enquête
visant à établir la cause de l’insuffisance cardiaque droite,
l’une des mesures déterminantes est, en effet, cette étude
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des modifications des rapports de la pression capillaire
pulmonaire bloquée sur la pression ventriculaire gauche et de
la pression ventriculaire droite sur la pression ventriculaire
gauche associées aux mouvements respiratoires. Chez les
patients atteints d’une péricardite constrictive, on observe une
dissociation entre les pressions intrathoraciques et intracardiaques ; ainsi, la pression motrice initiale entre les veines
pulmonaires et le ventricule gauche diminue à l’inspiration et
augmente à l’expiration. Il s’ensuit une diminution de la
précharge ventriculaire gauche lors de l’inspiration. En
raison du défaut d’extensibilité du péricarde, l’interaction
ventriculaire est renforcée, de sorte que la diminution du
remplissage du cœur gauche à l’inspiration provoque une
augmentation simultanée de la précharge ventriculaire droite.
Chez les patients atteints d’une affection péricardique, il existe
donc une dissociation entre les pressions ventriculaires gauche
et droite mesurées au cours du cycle respiratoire, alors que,
chez les patients présentant une cardiomyopathie, elles sont
concordantes (Figure 11). Chez les patients présentant une
dysfonction systolo-diastolique ventriculaire droite sévère
et/ou une insuffisance tricuspide majeure, les mouvements
respiratoires peuvent donner lieu à une élévation et une
égalisation finale des pressions diastoliques ainsi qu’à une
légère dissociation entre les pressions ventriculaires gauche et
droite. L’étude des modifications des pressions diastoliques
ventriculaires gauche et droite induites par la respiration est
utile pour différencier la péricardite constrictive d’une telle
anomalie du remplissage ventriculaire droit.29
Certains patients présentent à la fois une pression
diastolique droite élevée et un faible débit d’entrée témoignant
d’une tamponade cardiaque. Contrairement à ce que l’on
observe chez les sujets atteints de péricardite constrictive,
chez ces patients, le remplissage protodiastolique rapide est
amoindri. Bien que le traitement de la tamponade consiste
à drainer l’épanchement péricardique, certains patients
continuent à présenter des pressions diastoliques élevées après
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Nishimura et Carabello
L’étude de l’hémodynamique en salle de cathétérisme
69
Figure 11. Enregistrements effectués au niveau du
ventricule gauche (VG) et du ventricule droit (VD)
au cours du cycle respiratoire à l’aide d’un cathéter
muni à son extrémité d’un manomètre de haute
fidélité. A gauche, Chez ce patient présentant une
cardiomyopathie restrictive, les pressions
ventriculaires gauche et droite chutent
simultanément à l’inspiration (Insp.). Cela montre
que l’élévation des pressions de remplissage
ventriculaires est due à la cardiomyopathie
restrictive. A droite, Chez ce patient atteint d’une
péricardite constrictive, on observe une
dissociation inspiratoire entre les pressions
ventriculaires : la pression ventriculaire droite
augmente alors que la pression ventriculaire
gauche diminue. Cela résulte du renforcement de
l’interaction ventriculaire et de la dissociation des
pressions intrathoraciques et intracardiaques.
Exp. : expiration.
la ponction du péricarde, avec apparition d’un remplissage
rapide précoce semblable à celui observé dans la péricardite
constrictive. Ces patients sont atteints d’une péricardite constrictive avec épanchement qui impose une péricardectomie.
La cardiomyopathie hypertrophique
La cardiomyopathie hypertrophique est une affection
singulière dans le sens où l’hypertrophie myocardique
n’est pas due aux facteurs hémodynamiques qui induisent
habituellement son développement mais à la mutation
d’un des gènes codant pour les protéines sarcomériques.30–32
L’affection provoque fréquemment un obstacle dynamique à
l’éjection ventriculaire gauche qui est hautement dépendant
des conditions de charge et de la contractilité du ventricule.33
Cette obstruction peut être à l’origine de symptômes sévères
que la levée de l’obstacle par un traitement médical est
susceptible de soulager. Bien que de nombreux patients
répondent favorablement aux bêtabloquants, aux inhibiteurs
calciques ou au disopyramide, chez certains d’entre eux, les
symptômes demeurent rebelles au traitement médical. Ces
patients sont considérablement améliorés par un traitement
de réduction septale fondé sur la myectomie ou, depuis une
époque plus récente, sur l’alcoolisation septale.34 Les critères
permettant de poser l’indication d’une telle intervention de
réduction septale sont une configuration anatomique adaptée,
la présence de symptômes sévères réfractaires au traitement
médical et la mesure d’un gradient de sortie ventriculaire
gauche supérieur à 50 mmHg au repos ou au cours d’une
épreuve de provocation. En raison de la labilité du gradient de
pression, un cathétérisme cardiaque peut être nécessaire
pour confirmer son niveau élevé lors d’une épreuve de
provocation.35
Chez de tels patients, le cathétérisme cardiaque doit
être pratiqué avec un soin extrême en raison des multiples
problèmes que peuvent occasionner les mesures de pressions
au sein de ventricules de petite taille, hypertrophiés et
hypercinétiques. En effet, le cathéter se trouve fréquemment
bloqué dans un ventricule, ce qui est cause de mesures
de pression erronées. La meilleure manière de mesurer les
pressions d’entrée ventriculaires gauches est d’opérer par voie
trans-septale, ce qui évite le blocage du cathéter.32 Si l’on
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souhaite mesurer la pression ventriculaire gauche par
cathétérisme rétrograde, il y a lieu de proscrire les cathéters
queue de cochon dotés de multiples orifices latéraux disposés
sur plusieurs centimètres le long du corps de l’instrument.
Pour identifier le siège précis de l’obstruction, il est
recommandé d’utiliser un cathéter universel ou un cathéter de
Rodriguez dont les orifices latéraux sont situés sur la partie
distale. Lorsqu’on utilise un cathéter à orifice terminal unique,
il convient d’analyser en permanence l’onde de pression et
d’injecter de faibles quantités de produit de contraste afin
de s’assurer que le cathéter n’est pas coincé mais circule
librement dans la cavité ventriculaire.
Le gradient de pression qui prévaut dans la chambre
de chasse ventriculaire gauche est dynamique et peut
notablement varier au cours d’un même cathétérisme diagnostique. S’il est de moins de 50 mmHg au repos, il y a lieu
de pratiquer une épreuve de provocation telle que la
manœuvre de Valsalva ou d’induire une extrasystole
ventriculaire (Figure 5B). Si, néanmoins, aucun gradient
n’est engendré par ces manœuvres, il peut être utile d’effectuer
une perfusion d’isoprotérénol, car cette stimulation directe
des récepteurs β1- et β2-adrénergiques a le même effet qu’un
effort et peut révéler un gradient de sortie labile 36 (Figure 12).
Chez un patient ayant fait l’objet d’une alcoolisation septale,
il importe d’évaluer le résultat de ce traitement en mesurant
non seulement les gradients de repos mais aussi ceux
provoqués (s’il n’est pas observé de gradient au repos).
Conclusion
Tel qu’il est aujourd’hui considéré, le cathétérisme cardiaque
n’est plus du tout un examen de routine. Les patients sont
adressés en salle de cathétérisme parce que les diverses
explorations non invasives pratiquées n’ont pas permis de
définir la cardiopathie structurale dont ils étaient atteints et,
donc, ce que l’on attend du cardiologue interventionnel c’est
qu’il parvienne à un diagnostic définitif. Pour ce faire,
celui-ci doit adopter une approche ciblée qui requiert des
compétences très précises dont toutes ne sont pas acquises au
cours des études. Dans nombre de cas, il sera nécessaire
de parfaire la formation des cardiologues à la pratique du
cathétérisme cardiaque, en les sensibilisant aux écueils que
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Circulation
Janvier 2013
Figure 12. Les patients atteints d’une cardiomyopathie hypertrophique peuvent présenter des gradients de sortie ventriculaires gauches
(VG) labiles. Pour que l’indication d’un traitement de réduction septale puisse être posée, le gradient doit être supérieur à 50 mmHg au repos
ou lors d’une épreuve de provocation. L’effort constitue la meilleure approche physiologique de provocation d’une obstruction labile, mais une
telle épreuve est difficile à mettre en œuvre en salle de cathétérisme. La perfusion d’isoprotérénol est une excellente manière de simuler
l’effort par la stimulation des récepteurs β1- et β2-adrénergiques. A gauche, Aucun gradient de sortie ventriculaire gauche n’est observé au
repos. Au centre, Dès l’instauration de la perfusion d’isoprotérénol, un gradient de 40 mmHg apparaît au niveau de la chambre de chasse
ventriculaire gauche. A droite, Avec la poursuite de la perfusion d’isoprotérénol, le gradient de sortie ventriculaire gauche atteint 65 mmHg.
PAo : pression aortique centrale ; PAG : pression auriculaire gauche.
peuvent comporter les enregistrements de pressions et les
gestes réalisés en salle de cathétérisme pour résoudre les
problèmes hémodynamiques difficiles. Nous permettrons ainsi
à nos patients de retirer tous les bénéfices attendus de leur
exploration invasive.
Déclarations
Néant.
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M  : cathétérisme 䊏 hémodynamique
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