SCPD : un guide pour les médecins de famille

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 Chapitre 8
SCPD et utilisation de médicaments
psychotropes
Dr Ken Le Clair
Dre Marie-France Rivard
SCPD – Médecins de famille
SCPD – Médecins de famille
Table des matières
Introduction au traitement pharmacologique des SCPD …………….…...1
Questions clés par rapport à l’utilisation de psychotropes pour traiter
les SCPD....………………………………………………………………...… 2
Indications principales pour l’administration de
psychotropes ………………..……………………………………………..… 2
Principes généraux importants à considérer lors de la prescription de
médicaments pour le traitement des SCPD ………………………...….… 3
Choisir le bon médicament ……………..……………..……….………...… 4
Traitement des troubles/groupes de symptômes dépressifs et anxieux
…………………………………………….………………………………....… 5
Durée du traitement antidépresseur……………………………..……....… 8
Quelques mots sur l’utilisation des benzodiazépines dans le traitement
des troubles dépressifs et anxieux………………………………….…....… 9
Sommaire des antidépresseurs………………………………………...…. 10
Traitement des symptômes psychotiques persistants et de l’agitation
grave …………..………………………………………………………......…11
Les antipsychotiques atypiques plus récents (préoccupations
éventuelles) ……………………………………………………………… ... 11
Traitement de la démence : agents d’amélioration neurocognitive et
glutaminergique …………………………………………………………......12
Traitement de l’agitation grave probablement causée par le delirium
……………………………….…………………………………………..…... 13
Sommaire des antipsychotiques ……………………………….……...… 15
Traitement de problèmes de comportement causés par la démence à
corps de Lewy (DCL) …………………………………………………...… 16
Traitement de comportements sexuels inappropriés …………….....… 16
Traitement des troubles du sommeil .…………………….…………...… 17
Situations à risques élevés : la capacité pose un problème et les
psychotropes s’imposent ………………….…………………………….... 17
Conclusion ………………………………………………………………..... 18
Bibliographie ….………………………………………………………..…... 18
SCPD – Médecins de famille
SCPD – Médecins de famille
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Introduction au traitement pharmacologique des SCPD
Le but de ce chapitre est d’aider les médecins de famille à traiter efficacement les
personnes qui présentent des SCPD à l’aide de psychotropes. Nous passerons en revue
les points suivants :
1. Définition des troubles qui pourraient répondre à ces médicaments et ceux qui ne
peuvent être traités que par l’environnement et les soins.
2. Choix du bon médicament en fonction de la situation et de la personne, minimisant
ainsi le risque de manifestation d’effets secondaires et maximisant les avantages de
la médication.
3. Utilisation des traitements pharmacologiques recommandés pour des groupes
particuliers de symptômes.
L’approche par résolution de problèmes et de soins offerts en collaboration préconisant la
compréhension, la réflexion, les actions et le suivi (U.R.A.F.) offre un moyen de définir le
problème et d’en venir à une compréhension commune des causes de chaque problème, de
leurs répercussions et de leur gravité dans le contexte de la vie du patient et de sa famille, y
compris l’évaluation des risques (RISKS – errance, risque physique imminent, idéation de
suicide, relations de parenté, auto-négligence, conduite sécuritaire et abus de substances
psychoactives). Cette base aide les médecins à définir un ensemble d’objectifs communs,
les résultats anticipés et les rôles précis pour chaque fournisseur de soins concernant les
interventions qui doivent faites et le suivi nécessaire.
Tout au long de ce chapitre, il est important de garder les principes clés suivants en tête :



Prescrire des psychotropes dans le contexte de l’évaluation clinique globale décrite
au premier chapitre (U.R.A.F. et P.I.E.C.E.S.).
Administrer les psychotropes conjointement aux traitements non pharmacologiques
appropriés.
Administrer des psychotropes lorsque le patient et sa famille sont renseignés et
collaborent avec une équipe interdisciplinaire ou un cercle de soins informé.
Questions clés par rapport à l’utilisation de psychotropes pour traiter les SCPD
Les questions suivantes ont été utilisées dans le cadre de la formation P.I.E.C.E.S. afin
d’aider les professionnels de la santé à trouver les traitements pharmacologiques
appropriés. Les médecins ont la responsabilité de cerner une indication claire appuyant
l’administration de médicaments (diagnostic) avec l’aide de renseignements recueillis
auprès des partenaires dans la prestation de soins, de choisir le médicament approprié et
de surveiller la réaction et la manifestation d’effets secondaires.
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Questions clés par rapport à l’utilisation de psychotropes pour
traiter des SCPD
Trois questions pour déterminer le besoin de prescrire un psychotrope,
choisir le bon médicament, suivre son utilisation, ses risques et ses
bienfaits
1. Constater : Quand devrait-on considérer ou prescrire un psychotrope?
2. Choisir : Comment puis-je contribuer au choix du bon médicament?
3. Surveiller : Comment dois-je surveiller la réaction et les effets
secondaires?
Les fournisseurs de soins formés en fonction du programme P.I.E.C.E.S. peuvent fournir
aux médecins de famille des renseignements qui les aideront à distinguer les patients qui
pourraient répondre favorablement aux psychotropes, puis à définir la fréquence de base et
l’intensité des symptômes qui devront être suivis durant le traitement. La surveillance des
avantages et des réactions, de même que de la manifestation de nouveaux effets
secondaires ou d’effets dérangeants peut aussi être effectuée en collaboration, avec l’aide
des outils que vous trouverez dans la Boîte à outils.
Indications principales pour l’administration de psychotropes
On peut songer à administrer des psychotropes durant l’évolution de la démence pour les
raisons suivantes :
 Traitement particulier pour un trouble mental tel qu’un trouble dépressif majeur, un
trouble anxieux, ou encore une psychose ou un trouble délirant chronique;
 Traitement particulier pour un comportement ou un trouble mental connexe à la
démence tel qu’une agitation ou une psychose persistante qui n’est pas sensible aux
traitements non pharmaceutiques;
 Traitement d’appoint, temporaire tel que pour un delirium accompagné d’agitation grave
et de psychose qui peut nécessiter l’administration à court terme d’un médicament
antipsychotique.
Contemplez un traitement pharmacologique des SCPD dans les situations suivantes :
1. Le comportement est dangereux, désagréable, perturbant, dommageable pour les
relations sociales et persistant,
ET
2. n’a pas répondu à un plan de traitement non pharmaceutique complet, incluant le retrait
de médicaments pouvant être à la source du problème,
OU
3. la personne a besoin d’un traitement urgent afin de faciliter la recherche de problèmes
sous-jacents.
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Principes généraux importants à considérer lors de la
prescription de médicaments pour le traitement des SCPD
1. Les médecins doivent tenter de corriger ou d’optimiser le traitement en fonction de
troubles médicaux sous-jacents pouvant être diagnostiqués. Par exemple, si les
troubles comportementaux sont clairement attribuables aux défauts de mémoire qui
découle de la démence et ne semblent pas reliés à un autre trouble médical ou
psychique, le médecin pourrait songer à administrer un inhibiteur de la cholinestérase.
Si les troubles du comportement semblent être le résultat de dépression, le médecin
administrerait alors un traitement antidépresseur énergique. Dans le cas de problèmes
qui semblent reliés au delirium ou à la douleur, il faudrait tout d’abord trouver la cause et
traiter les problèmes médicaux sous-jacents. Non seulement le diagnostic et la
correction des problèmes sous-jacents, ou l’optimisation du traitement permettront-ils
d’améliorer le bien-être de la personne, mais cela permettra d’améliorer sa tolérabilité au
psychotrope dont elle peut avoir besoin.
2. Cessez d’administrer les médicaments qui peuvent contribuer aux SCPD : comme
nous l’avons signalé précédemment, bon nombre de médicaments peuvent aggraver les
troubles de comportement et on devrait en interrompre l’administration, graduellement
dans le cas de certains afin d’éviter les symptômes de sevrage.
3. Administrez un seul médicament à la fois, puis surveillez les effets sur les
symptômes ciblés. Il est habituellement possible d’obtenir l’effet désiré à l’aide d’un seul
médicament. Les associations de médicaments (halopéridol + lorazépam, par exemple)
ont tendance à être moins bien tolérées, à susciter plus d’effets secondaires et à
comporter un risque beaucoup plus élevé d’interaction médicamenteuse dangereuse
que l’administration d’un seul médicament. Si des effets secondaires se manifestent, il
peut aussi s’avérer difficile de déterminer lequel des médicaments de l’association doit
être cessé ou diminué.
4. Commencez par une faible dose et procédez lentement, mais optimisez la
posologie et la durée du traitement afin d’assurer un essai suffisant avant de changer
pour un autre médicament.
5. Choisissez des médicaments qui n’aggraveront pas la démence ou les autres
problèmes médicaux du patient. Surveillez tout particulièrement la charge
anticholinergique de la liste des médicaments du patient. Dans la mesure du possible,
dans chaque classe de psychotropes, il faut essayer de choisir les médicaments qui ont
la moins grande activité anticholinergique. Évitez, par exemple, les antidépresseurs
tricycliques et choisissez plutôt les inhibiteurs spécifiques du recaptage de la sérotonine
(ISRS) qui ont une plus faible charge anticholinergique. Parmi les ISRS, choisissez le
citalopram et la paroxétine.
6. Vérifiez les interactions possibles entre les médicaments avant de faire votre choix
final, ce qui est particulièrement important dans le cas des antidépresseurs. La plupart
des ISRS peuvent interagir avec les médicaments que les personnes âgées prennent
couramment, comme les anticoagulants, les autres antidépresseurs, les bêtabloquants,
les anti-arythmisants, les benzodiazépines et les inhibiteurs calciques.
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En plus de cerner une indication claire pour l’administration d’un médicament particulier
et ses avantages éventuels, les médecins doivent habituellement expliquer au patient, à
son mandataire et à ses fournisseurs de soins la période prévue avant la réaction au
médicament, les risques associés au traitement et au non traitement, la marge
posologique visée et les effets secondaires anticipés qui pourraient motiver une
réduction de la posologie ou l’arrêt du médicament. Les indications favorables à un
traitement comprennent la détermination des troubles qui ne réagiront pas aux
interventions pharmacologiques.
Comportements qui ne réagissent (habituellement) PAS à un traitement
pharmacologique
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
Errance sans but
Miction ou défécation inappropriée
Habillage/déshabillage inapproprié
Activités dérangeantes persistantes
Comportement vocal répétitif
Cacher/accumuler des objets
Pousser les autres patients confinés à un fauteuil roulant
Ingestion d’objets non comestibles
Tirer sur les contentions ou les retirer
Comportements qui peuvent réagir à un traitement pharmacologique
1.
2.
3.
4.
Agression physique
Agression verbale
Anxiété et agitation
Tristesse, pleurs, anorexie, insomnie et autres symptômes indicateurs d’une
dépression
5. Retrait et apathie
6. Troubles du sommeil
7. Errance accompagnée d’agitation ou d’agression
8. Exaltation, débit élocutoire rapide et hyperactivité (symptômes maniaques)
9. Hallucinations ou délire persistants
10. Comportement sexuel inapproprié accompagné d’agitation
Choisir le bon médicament
Les risques (RISKS - errance, risque physique imminent, idéation de suicide, relations de
parenté, auto-négligence, conduite sécuritaire et abus de substances psychoactives) et la
gravité des problèmes manifestés aideront à définir le besoin pour des interventions
particulières immédiates en vue de traiter les comportements qui pourraient être
préjudiciables au patient ou à l’aidant naturel. Par leur formation, les médecins détiennent
les compétences pour considérer un diagnostic différentiel complet, pour prendre les
démarches appropriées telles que l’examen et les investigations pour confirmer les
diagnostics les plus probables qui guideront ensuite le choix du traitement.
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Prenons, par exemple, une personne qui, dans le contexte d’une dépression compliquant la
démence, connait des troubles du sommeil importants. Il faudrait alors choisir un
antidépresseur à faible activité anticholinergique plutôt qu’un sédatif afin d’éviter d’aggraver
la démence, tout en tenant compte des interactions médicamenteuses possibles avec
l’inhibiteur de la cholinestérase. La personne serait surveillée de près afin de déceler
l’apparition de problèmes gastro-intestinaux ou d’effets secondaires qui pourraient découler
de l’association de l’antidépresseur et de l’inhibiteur de la cholinestérase.
Catégories de médicaments prescrits couramment pour traiter les SCPD :
1. Antidépresseurs
2. Anxiolytiques (surtout les ISRS et autres antidépresseurs)
3. Antipsychotiques
4. Médicaments améliorant la cognition
5. Normothymiques
Des tableaux des médicaments fréquemment utilisés dans le traitement des SCPD
sont disponibles dans la Boîte à outils. On y passé brièvement en revue les indications
principales, la dose d’attaque habituelle, les doses moyenne et maximale recommandées,
de même que les effets secondaires principaux qu’il faut gérer. Dans ces deux tableaux,
on retrouve un résumé des médicaments utilisés pour le traitement des troubles
dépressifs et anxieux, les symptômes psychotiques persistants et désagréables, le
delirium et la démence même.
Traitement des troubles/groupes de symptômes dépressifs et
anxieux
Lorsque le diagnostic de dépression est clair et satisfait aux critères du DSM-IV pour un
épisode du trouble dépressif majeur, il est recommandé de prescrire des antidépresseurs en
plus des interventions psychothérapeutiques de soutien. Dans le cas de patients qui
manifestent des symptômes de dépression qui sont clairement reliés à une réaction
d’ajustement à un récent événement bouleversant ou dans le cas de personnes chez qui le
diagnostic n’est pas clair, il faudrait considérer une période d’observation et la
documentation des symptômes avant d’administrer un traitement pharmacologique. La
durée de la période d’observation peut durer de 2 à 8 semaines, mais une décision devrait
être prise en temps opportun afin de ne pas retarder le traitement, surtout si les symptômes
s’aggravent. Il faudrait considérer la gamme complète de modalités de traitement, y
compris les interventions psychosociales comme l’éducation, la participation à des activités
sociales, la psychothérapie et les interventions pharmacologiques.
Vous trouverez une revue complète du traitement des troubles dépressifs, y compris du
traitement de la dépression dans le contexte de la démence sur le site de la Coalition
canadienne pour la santé mentale des personnes âgées (CCSMPA). Vous pouvez
télécharger les Lignes directrices nationales de la CCSMPA sur la santé mentale chez les
aînés – Évaluation et prise en charge de la dépression sur le site Web suivant :
www.ccsmh.ca.
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Le choix d’un antidépresseur approprié devrait reposer sur :
a) les réactions antérieures aux antidépresseurs (évitez les médicaments qui n’ont
clairement pas fonctionné ou qui ont causé des effets secondaires inacceptables);
b) les autres co-morbidités médicales (ex., choisir un médicament qui n’aggravera
pas la démence ou une vulnérabilité à la rétention urinaire);
c) le profil des effets secondaires de l’antidépresseur (ex., éviter les médicaments
qui peuvent causer de l’hypotension grave et des chutes, ou les médicaments qui
ont une activité anticholinergique élevée);
d) les interactions possibles entre divers médicaments, tenant compte des autres
médicaments que la personne doit prendre.
La présence de démence ou de déficience cognitive dicte qu’on choisisse des médicaments
qui n’aggraveront pas les troubles cognitifs de la personne et qui possèdent donc une faible
activité anticholinergique. Parmi les antidépresseurs actuellement disponibles, les suivants
ont le la plus faible activité anticholinergique :
 Venlafaxine (Effexor)
 Moclobémide (Manerix)
 Buproprion (Welbutrin)
 Citalopram (Celexa)
 Escitalopram (Cipralex)
 Sertraline (Zoloft) et mirtazapine (Remeron) sont aussi des choix acceptables, mais
ont probablement une activité anticholinergique plus prononcée (réf. : Clinical
Handbook of Psychotropic Drugs, 17e édition, 2007)
Il faut que le médecin décide lequel des médicaments ci-dessus est le mieux adapté
aux comorbidités médicales du patient. Par exemple, les personnes qui ont eu une
hypertension difficile à maîtriser peuvent avoir des problèmes avec la venlafaxine. Ainsi, un
ISRS tel que le citalopram peut s’avérer un meilleur choix pour celles-ci. Par contre, les
personnes qui ont des problèmes de douleur importants peuvent tirer avantage de l’activité
noradrénergique de l’Effexor. Voici un autre exemple : les personnes atteintes de la
maladie de Parkinson peuvent parfois connaître une aggravation de leurs symptômes
parkinsoniens en prenant un ISRS pur, bien que ce ne soit pas toujours le cas. Si, dans le
contexte des problèmes de santé de ces personnes, l’administration d’autres produits
s’avérait raisonnable, il serait alors préférable de prescrire des médicaments qui ont une
action combinée ou une plus grande activité adrénergique telle que la venlafaxine, le
bupropion ou le Manerix.
Il est également important de considérer les interactions médicamenteuses. Dans
l’exemple ci-dessus, si la personne atteinte de la maladie de Parkinson prend également de
l’Eldepryl, un inhibiteur de la MAO-B, il lui serait difficile de prendre du moclobémide, car il
lui faudrait alors suivre un régime IMAO complet afin d’en assurer la sécurité.
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L’utilisation de plusieurs ISRS (ex., fluoxétine, fuvoxamine, paroxétine) s’avère
problématique chez les personnes âgées à cause des interactions médicamenteuses que
ces médicaments peuvent entraîner avec les autres médicaments que les patients âgés
doivent prendre.
Le tableau de la page suivante fournit la posologie initiale, la dose moyenne et la
dose maximale. Il faut surveiller les personnes qui commencent à prendre des
antidépresseurs sérotoninergiques pour détecter les effets secondaires courants comme
la nausée, les céphalées et la diarrhée, de même que les effets moins courants mais
potentiellement graves tels que l’hyponatrémie (qui provoque de la fatigue, le malaise, le
delirium) ou le syndrome sérotoninergique qui mène à de l’agitation, de la tachycardie, des
tremblements et de l’hyperréflexie. La venlafaxine peut accroître la tension artérielle
lorsqu’elle est prise à une marge posologique plus élevée (plus de 150 mg par jour). Les
risques de crises épileptiques sont accrus avec les posologies plus élevées de bupropion et
le gain de poids est courant avec la mirtazapine.
Même si le moclobémide n’est pas prescrit couramment au Canada, il y a des preuves
appuyant son utilisation comme médicament de première intention. Il est particulièrement
bien toléré et offre un profil d’effets secondaires très acceptables.
La mirtazapine est offerte en cachets qui fondent rapidement (Remeron-RD), ce qui peut
s’avérer utiles pour les personnes qui ont des problèmes de déglutition. L’escitalopram
(énantiomère S du citalopram) est maintenant offerte au Canada et peut s’avérer un ISRS
utile chez les personnes âgées. Toutefois, la dose d’attaque doit être basse.
Les antidépresseurs tricycliques (ADT) peuvent être prescrits dans de rares occasions à
une personne atteinte de démence qui vit une dépression « résistant au traitement » et qui
n’a pas réagi lors de l’essai adéquat d’autres antidépresseurs. La nortriptyline et la
désipramine ont moins de propriétés anticholinergiques et devraient être privilégiées aux
autres tricycliques. La concentration sanguine de ces médicaments devrait être
mesurée au moins une fois pour s’assurer de faire un essai thérapeutique adéquat et pour
vérifier que la concentration du médicament ne devient pas trop élevée (cardiotoxique)
parce que la personne « métabolise lentement » les antidépresseurs tricycliques. En effet,
un nombre important de gens métabolise ces médicaments beaucoup plus lentement que
d’autres. La concentration est également très utile pour déterminer si le médicament est
efficace ou non. Les ADT ne devraient pas être prescrits aux personnes qui ont des
anomalies de conduction cardiaque importantes. Les cliniciens devraient suivre les patients
qui prennent des ADT pour déceler les problèmes d’hypotension orthostatique, les
symptômes cardiaques et les effets secondaires anticholinergiques.
Finalement, il ne faut pas oublier que les électrochocs peuvent s’avérer un meilleur choix
pour les personnes qui font une dépression « résistant au traitement » ou une dépression
psychotique grave.
Les antidépresseurs peuvent précipiter des épisodes maniaques ou hypomaniaques chez
les personnes qui ont des antécédents de trouble bipolaire. Or, cela risque moins de se
produire si elles prennent un normothymique.
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Dans le cas de patients qui souffraient de trouble bipolaire avant la manifestation de
la démence, il est recommandé de continuer d’administrer les normothymiques dans
la mesure du possible. Le lithium demeure le normothymique le plus efficace, mais il faut
le contrôler de près, ajuster considérablement la posologie (plus petites doses prises une
fois par jour) et vérifier la concentration sanguine (0,4 à 0,7 mmoL/L). Les Lignes directrices
nationales de la CCSMPA sur la santé mentale chez les aînés – Évaluation et prise en
charge de la dépression publiées en 2006 offrent des recommandations détaillées sur
l’utilisation du carbonate de lithium. D’autres normothymiques qui peuvent être prescrits
comprennent le valproate de sodium (Epival), la carbamazépine (Tegretol), la gabapentine
(Neurontin, parfois prescrit pour le traitement de la douleur neuropathique), la lamotrigine
(Lamictal) et le topiramate (Topamax). Tous ces médicaments peuvent causer de la
somnolence, de l’ataxie, des nausées, des contusions et de l’érythème (syndrome de
Stevens-Johnson avec le Lamictal). La surveillance comprend la concentration sérique, les
tests de la fonction hépatique et la formule sanguine.
Durée du traitement antidépresseur
Lorsqu’on amorce un traitement antidépresseur, il faut au moins un mois, et parfois plus,
pour établir le dosage selon les avantages thérapeutiques et les effets secondaires. Un
essai adéquat est défini comme ayant obtenu une réponse thérapeutique ou ayant
passé quatre semaines à la dose maximale tolérée or recommandée sans avoir
obtenu de réponse. Dans le cas des personnes qui ont obtenu une réaction partielle après
4 semaines, il faut poursuivre l’essai durant quatre autres semaines à la dose maximale
tolérée ou recommandée avant de conclure qu’on a effectué un essai acceptable du
médicament.
Il y a des discussions concernant la période minimale recommandée pour le traitement de
stabilisation avec les antidépresseurs lorsqu’une personne vit un premier épisode de
dépression. Les lignes directrices de l’APC/CANMAT suggèrent un minimum de deux ans
chez les personnes plus âgées (réf. Association des psychiatres du Canada (APC),
Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments (CANMAT). Lignes directrices
cliniques du traitement des troubles dépressifs, 2001-2CPG). Dans le Expert Consensus
Guidelines on pharmacotherapy of depresion, Alexopoulos et collègues préconise un
minimum de 12 mois (réf. Alexopoulos GS, IR Katz, CF Reynolds, D Carpenter, JP
Docherty. The Expert Consensus Guidelines Series. Using antipsychotic agents in older
patients. A Postgrad Med Special Report. New York: McGrawHill. 2001).
Cependant, tous s’entendent pour dire que les personnes qui vivent des épisodes
récurrents de dépression doivent recevoir un traitement indéfiniment, étant donné
que les risqué de rechute sont beaucoup plus élevé que les risques que présentent
un traitement antidépresseur bien toléré.
Trazodone pour le traitement de l’agitation chez les personnes atteintes de démence
Dans le cadre d’une étude comparant la trazodone à l’halopéridol, il a été signalé que ces
médicaments donnent les mêmes résultats pour améliorer l’agitation. (Sultzer, DL, Gray et
coll.
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A double-blind comparison of trazodone and haloperidol for treatment of agitation in patients
with dementia. Am J Geriatr Psychiatry 1997;5(1):60-9). On utilise actuellement la trazodone
principalement pour la sédation à l’heure du coucher, afin d’éviter dans la mesure du
possible d’utiliser des sédatifs et des benzodiazépines. Or, ce médicament est parfois
utilisé durant la journée chez les personnes à un stade avancé de démence comme choix
de remplacement d’autres interventions pharmacologiques. Ce médicament peut entraîner
une hypotension orthostatique, une sédation excessive et, rarement, le priapisme.
Quelques mots sur l’utilisation des benzodiazépines dans le
traitement des troubles dépressifs et anxieux
Les benzodiazépines ne sont plus recommandées pour le traitement à long terme des
troubles anxieux et de l’insomnie. Le profil des effets secondaires de ces médicaments est
particulièrement problématique chez les personnes plus âgées atteintes de démence, car ils
peuvent causer de la confusion, une perte de mémoire, de l’ataxie entraînant des chutes et
des fractures, de la somnolence et un comportement désinhibé, ce qui est une
préoccupation plus importante chez les personnes ayant une atteinte au lobe frontal. Les
risques d’aggraver les troubles du comportement ou de causer des effets secondaires
inacceptables sont beaucoup plus importants que les avantages que procurent ces
médicaments. On peut songer à les utiliser à court terme dans certaines situations
particulières comme lors du sevrage à l’alcool, par exemple, ou encore pour le soulagement
ponctuel et non continuel de l’anxiété particulière à une situation (crise de panique, réaction
catastrophique à une nouvelle situation).
À la page suivante, vous trouverez le tableau qui résume les traitements prescrits les plus
fréquemment pour les troubles dépressifs et anxieux.
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Sommaire des antidépresseurs : Conseillé lorsqu’un trouble dépressif ou anxieux se manifeste ou se poursuit durant l’évolution de la démence; pour éviter les
rechutes dans les troubles anxieux et de l’humeur récurrents ou persistants.
Choix privilégiés
(première intention) et
activité
anticholinergique
- /+ à ++
Dose
d’attaque
habituelle
Dose moyenne
(A) et dose
maximale (M)
recommandées
Surveillance de la réaction et des effets secondaires
Citalopram (ISRS)
+
10 mg
20-30 mg (A)
40 mg/jou (M)
Escitalopram (ISRS)
+
5 mg
10 mg (A)
20 mg (M)
•
•
•
•
•
•
•
Sertraline (ISRS)
++
25 mg
100 mg (A)
200 mg (M)
Venlafaxine (IRSN)
-
37,5 mg
150 mg (A)
225 mg (nouvelle
dose maximale.
Avant - 300 mg)
Céphalées, nausées, hypertension avec les posologies plus
élevées, peut aussi causer de l’hyponatrémie
Mirtazapine (IRND)
++
15 mg
30 mg (A)
45 mg (M)
Sécheresse de la bouche, somnolence, gain de poids,
étourdissement, faible activité anticholinergique
Bupropion (ISRND)
-/+
100 mg
Wellbutrin SR (M
=150 mg)
XL: M =150 BID
Crises épileptiques, céphalées, agitation, érythème,
vomissements, troubles du sommeil et possibilité d’hypertension
En présence de démence avancée, aussi
associé à un plus grand risque de crises
épileptiques
Moclobémide (IRMA)
-
150 mg
450 mg (A)
600 mg (M)
Surveiller l’hypotension. Lorsque administré conjointement avec
un MAO-B (Eldepryl), il faut suivre un régime IMAO et prendre
toutes les précautions nécessaires. Interactions : carbamazépine,
narcotiques, sympathomimétique
Pour une dose inférieure à 600 mg/jour, aucune
restriction alimentaire n’est requise
•
H – Céphalées, hyponatrémie
A - Agitation
“H.A.N.D.S.” N - Nausées
D - Diarrhée
S - Sudation
S - Somnolence
Au début, il faut surveiller l’apparition d’un accroissement de
l’agitation, l’insomnie, les idées suicidaires et la somnolence
excessive. Vérifier la valeur de base de la concentration
sérique de sodium, puis durant le premier mois de
traitement. Sertraline : faible activité anticholinergique
Les personnes ne se sentent habituellement pas
subjectivement mieux avant 6 à 8 semaines
La trazodone (AIRS) est actuellement prescrite pour induire la somnolence à l’heure du coucher plutôt que pour ses propriétés
antidépressives. Posologie initiale de 25 à 50 mg HS. Peut devoir être répétée à cause de la courte durée de la sédation. Parfois
prescrit durant la journée dans les cas de SCPD graves.
Notes
Autres ISRS: Paroxétine, fluoxétine, fluvoxamine
– provoquent des interactions médicamenteuses
plus souvent et plus graves; effets secondaires
prolongés (semaines) avec la fluoxétine à cause
de sa demi-vie d’élimination plus longue
Surveiller les risques de suicide lorsque la
personne a « plus d’énergie » mais continue
d’être dépressive
Surveiller l’hypotension
Habituellement pas un traitement de première intention : les tricycliques, car ils ont une plus grande activité anticholinergique et risquent davantage de causer de l’hypotension.
ISRS : inhibiteur spécifique du recaptage de la sérotonine; IRSN : inhibiteur du recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline ; IRND : Inhibiteur du recaptage de la noradrénaline
et de la dopamine; ISRND : inhibiteur sélectif du recaptage de la noradrénaline et de la dopamine; IRMA : inhibiteur réversible de la monoamine oxydase de type A.
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Traitement des symptômes psychotiques persistants et de
l’agitation grave
Les nouveaux antipsychotiques atypiques (rispéridone, olanzapine, quétiapine) sont les
médicaments privilégiés pour le traitement des SCPD. Les antipsychotiques antérieurs
sont rarement indiqués, sauf pour un traitement de très courte durée du delirium lorsque
l’halopéridol (Haldol) en très faible dose (0,25 à 1 ou 3 mg par jour) peut s’avérer utile (voir
le chapitre sur le delirium). Ces antipsychotiques atypiques semblent avoir une bonne
efficacité et ont fait l’objet d’études auprès de patients résidant en établissement de soins de
longue durée et dans la communauté. Les données probantes des études contrôlées
menées dans des établissements de soins de longue durée appuient l’administration
d’antipsychotiques atypiques pour le traitement des symptômes psychotiques persistants ou
l’agitation grave (Brodaty et coll., J Clin Psychiatry 2003b;64:134-43; De Deyn et coll., Int J
Geriatr Psychiatry. 2004 Fév;19(2):115-26). Les études portaient sur une comparaison de
l’olanzapine ou du rispéridone à un placébo. Une revue Cochrane récente portant sur
l’efficacité des antipsychotiques atypiques pour le traitement de l’agression et de la
psychose chez les personnes atteintes de la maladie Alzheimer a vérifié 16 études
contrôlées et en a inclus 9 dans la méta-analyse (Ballard et Waite, Cochrane Database Syst
Rev. 2006 Jan 25;(1):CD003476). Cette revue a conclu que la rispéridone et l’olanzapine
sont des médicaments utiles pour réduire l’agressivité et que la rispéridone permet aussi de
réduire la psychose. Malgré leur faible efficacité, le nombre important d’événements
indésirables comparativement au placebo suggèrent que ni la rispéridone ou l’olanzapine
ne devrait pas être administrée systématiquement pour traiter les patients agressifs
ou souffrant de psychose, sauf en présence d’un risque important ou de détresse
grave. Cet élément s’avère particulièrement vrai, car tous les antipsychotiques sont
associés à une augmentation de l’ordre de 1,6 du risque de mort subite.
Les antipsychotiques atypiques comportent leur propre profil d’effets secondaires, car il
n’existe aucun antipsychotique parfait. Il ne faut donc pas administrer ces médicaments
sans suivre les directives, la posologie, la durée et la surveillance des effets indésirables
appropriées. De plus, l’évaluation particulière des risques inhérents du traitement doit être
soupesée contre les risques que la non administration d’un traitement lorsqu’ils sont
indiqués. Ces risques doivent être discutés avec les personnes capables, soit le patient ou
son mandataire (habituellement un proche parent).
Les antipsychotiques atypiques plus récents
(préoccupations éventuelles)
•
•
•
Gain de poids, perte de la maîtrise du diabète, hypercholestérolémie et risque accru par
rapport aux accidents vasculaires cérébraux.
Augmentation associée d’instabilité et d’événements cardiovasculaires qui doivent être
soupesés attentivement contre les risques qu’entraînerait le fait de ne pas administrer un
antipsychotique lorsque nécessaire. (Veuillez noter que tous les antipsychotiques sont
associés à un taux plus élevé de mortalité, mais une agitation grave non maîtrisée peut
aussi mener à la mort et à la morbidité chez ces personnes et leur entourage.)
Tous ces médicaments peuvent causer des étourdissements, de l’acathésie, de la
somnolence et de l’hypotension (régime DASH).
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Antipsychotiques
plus récents
Effets secondaires à prendre en considération lors du choix
d’un antipsychotique atypique
Pour tous les antipsychotiques atypiques : étourdissements,
acathésie, somnolence, hypotension (DASH)
Olanzapine
Surveiller la glycémie!
Gain de poids
Hypotension, activité anticholinergique importante avec les doses
supérieures à 10 mg par jour
Rispéridone
Surveillance des effets secondaires extrapyramidaux!
Hypotension et somnolence avec doses supérieures à 2 mg par
jour : symptômes extrapyramidaux et acathésie (agitation)
Quétiapine
Surveillance de la sédation!
Hypotension orthostatique, somnolence excessive
Traitement de la démence : agents d’amélioration
neurocognitive et glutaminergique
Des données probantes démontrent que les inhibiteurs de la cholinestérase (ex., donépézil,
galantamine et rivastigmine) et la mémantine peuvent permettre de retarder l’apparition de
symptômes comportementaux chez les personnes atteintes de la maladie Alzheimer et
d’autres démences. Une méta-analyse récente de l’administration d’inhibiteurs de la
cholinestérase à des personnes plus âgées atteintes de la maladie Alzheimer suggère la
présence d’une amélioration petite mais statistiquement importante dans les études qui
utilisaient le NPI (inventaire neuropsychiatrique) pour mesurer les résultats. On note
également une tendance vers les avantages dans les études qui ont fait appel à l’ADASnoncog (Trinh et coll., Efficacy of cholinesterase inhibitors in the treatment of
neuropsychiatric symptoms and functional impairment in Alzheimer’s disease: a metaanalysis. JAMA 2003;289(2):210-6.)
Les SCPD fréquents dans les stades moyens à tardifs de la démence peuvent être
minimisés ou retardés en faisant appel à un traitement adéquat de la démence sousjacente. Cette approche s’applique plus particulièrement dans les stades précoces de la
maladie Alzheimer et la démence à corps de Lewy. Les inhibiteurs de la cholinestérase tels
que le donépézil (Aricept), la rivastigmine (Exelon) et la galantamine (Reminyl) sont
actuellement utilisés comme traitement de première intention, préférablement amorcé alors
que la démence et les pertes cognitives sont encore légères. Avant d’administrer un
inhibiteur de la cholinestérase, il faut prendre en considération les « contre-indications »
éventuelles comme l’asthme et les troubles épileptiques que ces médicaments peuvent
aggravés, sans oublier le pouls lent et les blocs atrioventriculaires de second degré qui
peuvent mener à des épisodes de syncope, des chutes et des fractures.
SCPD – Médecins de famille
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Les inhibiteurs de la cholinestérase peuvent provoquer ou aggraver les
problèmes suivants :
Asthme
Crises
épileptiques
Dysrythmies supraventriculaires;
maladie du sinus
Pouls lent (bradycardie)
Nausées et ulcère gastroduodénal (éviter les AINS) Les effets secondaires courants des agents d’amélioration neurocognitive comprennent les
crampes Musculaires, l’Insomnie, la Nausée et la Diarrhée, connus sous l’acronyme MIND.
Toutefois, les effets secondaires les plus souvent signalés sont les effets gastro-intestinaux
et les rêves d’apparence réelle.
Les agents glutaminergiques (NMDA) comme la mémantine sont prescrits dans le stade
moyen de la démence et souvent conjointement avec un inhibiteur de la cholinestérase.
Les effets secondaires courants suivants peuvent se manifester :
• confusion, céphalées, équilibre, constipation, fonction rénale
Pour la surveillance des réactions à la mémantine, C - SHAPE est un acronyme
mnémonique qui pourrait s’avérer utile :
Amélioration Cognitive (éveil)
Socialisation: apathie et communication souvent présentes après 1 mois
Tâches domestiques (Household tasks) : comme mettre la table, sortir les vidanges,
trouver des objets
AVQ : comme aller à la toilette, se laver, l’alimenter
Idéation Persécutoire : idées délirantes
Activité Excessive (agitation)
N’oubliez pas que l’avantage thérapeutique prévu est le maintien de la fonction ainsi que
l’amélioration et la prévention de la manifestation d’incapacités dans les domaines cités cidessus.
Traitement de l’agitation grave probablement causée par le
delirium
Lorsqu’il est nécessaire d’assurer une prise en charge pharmacologique du delirium, il est
important d’administrer la plus faible dose possible du médicament. Malheureusement, la
posologie des psychotropes utilisés pour le traitement du delirium aigu est souvent
excessive et administrée bien au-delà de la période de traitement désirée, ce qui mène à
une baisse de la conscience et des retards du rétablissement du delirium.
SCPD – Médecins de famille
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Les données les plus probantes à date, résumée dans les Lignes directrices cliniques du
traitement des troubles dépressifs (2006) de la Canadian Coalition for Seniors Mental
Health, suggèrent d’administrer pendant une brève période de faibles doses
d’halopéridol (dose de 0,25 à 1 mg par voie intramusculaire ou 1 à 2 mg par jour) pour
traiter le delirium aigu causé par le sevrage de l’alcool ou d’une benzodiazépine. Il est
recommandé de faire un électrocardiogramme de contrôle afin de repérer les intervalles
QTC supérieurs à 450 msec ou supérieurs à 25 % des valeurs de contrôle pour déterminer
le besoin de demander une consultation en cardiologie ou pour déterminer le besoin de
discontinuer le traitement. Bien que l’administration prolongée d’halopéridol provoquera fort
probablement des symptômes parkinsoniens inacceptables, le benztropine mésylate ne
devrait pas être administré en guise de prophylaxie à cause de ses propriétés
anticholinergiques. L’acathésie est un autre effet secondaire courant et insuffisamment
reconnu des antipsychotiques. Ces symptômes peuvent être confus pour la continuation du
delirium ou encore ils peuvent l’aggraver. Il faut toutefois éviter entièrement
d’administrer de l’halopéridol si la personne a un diagnostic de démence à corps de
Lewy.
Alors que les antipsychotiques atypiques sont devenus les traitements de première
intention de l’agitation grave et persistante et de la psychose dans les cas de démence, il y
a encore peu de données sur leur utilisation pour le traitement spécifique de l’agitation due
au delirium. On peut les considérer comme choix de rechange pour les personnes qui
sont déjà atteintes de la maladie de Parkinson et pour celles qui ont des antécédents
d’effets indésirables graves à l’halopéridol. La posologie devrait être basse (ex., 0,5 mg de
rispéridone par jour, 25 mg de quétiapine une ou deux fois par jour, ou 2,5 mg d’olanzapine
par jour). En présence d’une démence à corps de Lewy possible, il est préférable
d’administrer de la quétiapine (Seroquel) car il est moins probable que ce médicament
causera des symptômes extrapyramidaux comparativement à la rispéridone et à
l’olanzapine.
Pour traiter le delirium aigu due au sevrage à l’alcool ou à la benzodiazepine, il est
recommandé d’administrer une benzodiazepine à action plus brève comme le
lorazépame car il est facile à administrer (par voie parentérale ou sublinguale). De plus, sa
demi-vie d’élimination permet un titrage plus sécuritaire à une faible somnolence tout en
minimisant les risques de sursédation prolongée. On peut ajouter des antipsychotiques,
mais uniquement si l’agitation et les symptômes psychotiques attribuables au sevrage
alcoolique ne peuvent pas être maîtrisés adéquatement avec la benzodiazépine seule. Il
est important de noter que certains patients délirants deviennent encore plus agités
lorsqu’on leur administre des benzodiazépine, et que ces médicaments peuvent aggraver
certains états de delirium (ex., le delirium du à une insuffisance hépatique). Il est donc
important de surveiller de près la réaction au traitement.
Selon la documentation, l’utilisation des inhibiteurs de cholinestérase a des effets variables.
Certains rapports signalent la réussite du traitement au donézépile du delirium qui s’ajoute à
la maladie Alzheimer préexistante chez certaines personnes. Les inhibiteurs de la
cholinestérase peuvent s’avérer particulièrement utiles pour le traitement d’épisodes
répétitifs de delirium qui peuvent se manifester chez les personnes atteintes de démence à
corps de Lewy qui n’ont aucun autre problème physique.
SCPD – Médecins de famille
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Sommaire des antipsychotiques: 1. pour les symptômes psychotiques persistants et pénibles ou pour l’agitation qui ne réagit pas aux interventions non pharmacologiques; 2. pour le maintien
traitement de la schizophrénie et des troubles délirants qui ont précédé la démence
Tous ces médicaments sont associés à un taux
Dose moyenne (A) et dose
Surveillance de la réaction et des effets secondaires
Dose
Médicaments privilégiés (de
plus élevé de mortalité, mais ils peuvent aussi
maximale (M)
Tous les antipsychotiques atypiques peuvent causer des effets
d’atta
première intention) et à activité
permettre d’éviter les blessures. Discutez des
recommandées
secondaires. Les effets secondaires qui se manifestent le plus
que
anticholinergique
avantages et des risques pour assurer une prise
fréquemment avec certains médicaments particuliers sont
habitu
-/+ à ++
de décision et un consentement éclairés.
indiqués ci-dessous.
elle
Gamme de titrage étendue. Si aucun effet avec une
Quétiapine
25-50
(A) et (M) indéterminées
Hypotension et sursédation, légère activité anticholinergique avec
dose allant jusqu’à 150 mg/jour, peut songer à
+
mg
les doses plus élevées, un certain gain de poids. La sédation peut
changer de médicament
se manifester au début, mais il faut plusieurs semaines pour que
l’effet antipsychotique complet se manifeste
Rispéridone
0,5
1 mg par jour (A)
Hypotension et effets secondaires extrapyramidaux
+/mg
2 à 3 mg par jour (M)
Au-delà de 10 mg par jour, l’activité antiOlanzapine
2,5
5 à 7,5 mg (A)
Gain de poids et facteurs de risque vasculaires accrus (profil
cholinergique peut aggraver la démence et
++
mg
10 mg (M)
lipidique, diabète). Hypertension, effets secondaires
provoquer le delirium
anticholinergiques (sécheresse de la bouche, constipation, etc.)
0,5
1 à 2 mg (A)
Symptômes extrapyramidaux (rigidité, syndrome de la tour de Pise,
Administré surtout pour la gestion du delirium aigu
Halopéridol
mg
5 mg par jour (M)
démarche traînante, tremblements, etc.) si pris pendant plus que
lorsqu’il n’y a pas de démence à corps de Lewy.
quelques jours à la fois
En cas de DCL, privilégier la quétiapine ou la
ADMINISTRÉ À COURT TERME
trazodone pour une sédation de courte durée
POUR LE DELIRIUM AIGU
Habituellement pas un traitement de première intention : La chlorpromazine a une grande activité anticholinergique et cause de l’hypertension. Il peut s’avérer approprié de poursuivre l’administration
de neuroleptiques plus anciens chez certaines personnes atteintes de schizophrénie, surtout lorsque le changement à un antipsychotique plus récent (atypique) n’a pas permis de maîtriser la
schizophrénie. Peut considérer l’administration de loxapine ou de perphénazine si les antipsychotiques atypiques ne fonctionnent pas.
Traitement pharmacologique du delirium : Administrer de l’halopéridol, sauf en présence de démence à corps de Lewy (voir les notes ci-dessus) ou de delirium causé par le sevrage à l’alcool ou
aux benzodiazépines. Nous recommandons alors d’administrer en premier lieu une benzodiazépine telle que le lorazépam à raison de 1 ou 2 mg toutes les 2 heures jusqu’à ce que les symptômes
s’améliorent ou qu’il y a sédation. Le premier jour, réévaluer toutes les 6 à 8 heures et ajuster la posologie et ainsi assurer la prise en charge des symptômes sans sursédation et pour évaluer la dose à
partir de laquelle il faudra diminuer. Prendre plus de deux fois le temps requis pour un jeune patient pour réduire les benzodiazépines.
Traitement de la démence : agents d’amélioration cognitive (donépézil, rivastigmine, galantamine et agents glutaminergiques (mémantine)
Choix Évaluation
des risques et contre-indications
Dose d’attaque habituelle
Dose maximale
Surveillance et effets secondaires
éventuelles
recommandée
Peut améliorer la cognition et la socialisation. Peut prévenir le déclin
Donéprézil (Aricept)
5 mg par jour pendant 4 à
10 mg par jour
Troubles respiratoires (asthme, MPOC)
dans les AVQ. Peut épargner du temps à l’aidant naturel.
6 semaines
Ulcères gastro-duodénaux (surtout la
personne prend aussi de l’AAS et des AINS)
6 mg BID avec les repas
Rivastigmine
1,5 mg BID pendant 4
Surveiller les symptômes « MIND » :
Crises épileptiques
(Exelon)
semaines, puis
Syncope, bradycardie et bloc de second
• crampes
Musculaires
augmenter de 1,5 mg BID
degré à l’ECG (bêta-bloquant)
•
Insomnie
pendant 4 semaines
Maladies cardiaques (les anticholinergiques
•
Nausées et vomissements (si le titrage est trop rapide);
ER 24 mg le matin
ER 8 mg le matin pendant
Galantamine
réduisent l’efficacité et certains ISRS
(examiner la possibilité d’administrer 7,5 à 15 mg de
4 semaine, puis 16 mg le
(Reminyl)
augmentent la concentration sanguine (ex.,
propanthéline ou 10 mg de dompéridone TID si grave)
matin pendant 4 autres
parozétine, fluozétine et fluvoxamine
•
Diarrhée
semaines et 24 mg s’il n’y
a pas d’effets secondaires
•
Perte de poids avec l’usage à plus long terme
Mémantine (Ebixa)
Déconseillée si la personne a une déficience
rénale grave
Les antiacides peuvent accroître la
concentration sanguine
5 mg par jour X 1 sem
5 mg BID X 1 sem
10 mg le matin et 5 mg le
soir X 1 sem
10 mg BID
10 mg BID
*5 mg BID si la CrCl est
inférieur à 60
SCPD – Médecins de famille
Peut améliorer la cognition, la socialisation et les AVQ. Peut diminuer
les SCPD chez les personnes à un stade modéré à grave de la
maladie Alzheimer et de démence vasculaire.
Effets secondaires les plus fréquents :
Confusion, céphalées, agitation, insomnie et étourdissements. La
personne peut souffrir d’incontinence urinaire et d’infections urinaires.
Hallucinations avec des doses élevées.
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Traitement de problèmes de comportement causés par la
démence à corps de Lewy (DCL)
Les antipsychotiques devraient être généralement évités avec les pensionnaires
atteints de la DCL, car ils peuvent développer des effets secondaires graves. Si un
antipsychotique doit absolument être prescrit à un pensionnaire atteint de la maladie de
Parkinson, la quétiapine risque moins que d’autres d’exacerber les symptômes moteurs
(Friedman & Factor, Mov Disord; 15(2):201-11; 2000). Un essai clinique contrôlé et
aléatoire sur la rivastigmine (un inhibiteur de la cholinestérase) auprès des personnes
atteintes de démence à corps de Lewy a mis en relief les avantages des symptômes
comportementaux, y compris des hallucinations (McKeith et coll., Lancet 2000;356:2031-6).
•
•
•
Les inhibiteurs de la cholinestérase constituent désormais le traitement de
première ligne pour les SCPD de la démence du corps de Lewy. Il faut plusieurs
semaines pour évaluer leur efficacité thérapeutique.
Si les inhibiteurs de cholinestérase sont inefficaces ou s’il est trop tôt dans le traitement,
songer à des faibles doses de trazodone comme sédatifs (surveiller la TA).
Si des antipsychotiques sont absolument nécessaires, documenter les risques avec la
personne mandataire et songer à des faibles doses de quétiapine (Seroquel).
Traitement de comportements sexuels inappropriés
Il n’existe que très peu de preuve, essentiellement des exposés de cas, à l’appui des
traitements pharmacologiques pour les cas de comportements sexuels inappropriés. En fait,
il est rarement nécessaire d’avoir recours à des médicaments pour résoudre ces problèmes.
Il est donc primordial d’utiliser les grandes lignes présentées dans les chapitres précédents
pour veiller à ce que l’équipe de soins comprenne les causes de ces comportements avant
de conclure qu’il faut diminuer la libido. Les antidépresseurs sérotoninergiques (ISRS), les
antipsychotiques ou les antiandrogènes font partie des possibilités de traitements. Lorsque
d’autres interventions ont échoué, l’hormonothérapie peut également être envisagée pour
les hommes qui mettent d’autres personnes à risque. La prise de poids, une sensibilité aux
seins, la dépression et l’œdème font partie des effets secondaires fréquents. Il peut
également y avoir un risque accru de thromboembolie. Black et ses collègues (Journal of
Geriatric Psychiatry and Neurology; 2005; 18: 155-62) ont récemment passé ces
comportements et les traitements disponibles en revue.
Dans la prise en charge des comportements sexuels inappropriés, il est important d’éviter
(ou d’enlever) les benzodiazépines, car ils causent une désinhibition, ce qui aggrave ces
difficultés. Il est également utile de se rappeler que le trazodone peut parfois provoquer le
priapisme, ce qui peut être faussement interprété comme un comportement sexuel
inapproprié.
SCPD – Médecins de famille
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Traitement des troubles du sommeil
Avant d’envisager un traitement symptomatique spécifique pour des troubles du
sommeil, il faut évaluer et comprendre les facteurs sous-jacents et les causes possibles
d’inconfort et de dérèglement du sommeil. La douleur, la nycturie et l’incontinence
représentent les causes physiques les plus communes. Il faut également réfléchir à la
possibilité d’apnée du sommeil, de début d’insuffisance cardiaque, du syndrome des
jambes sans repos, de mouvement involontaire de la jambe ainsi que du trouble du
comportement du REM et des crises d’épilepsie.
De plus, dans les établissements de soin de longue durée en particulier, des causes
fréquentes incluraient un manque d’activité physique, trop de siestes pendant le jour, un
milieu trop bruyant ou trop éclairé la nuit. D’autres causes, comme des troubles
psychiatriques spécifiques tels que la dépression et la bipolarité doivent également être
envisagées. Le traitement commence donc par une étude de ces facteurs contributifs
sous-jacents, abordés de la façon la plus précise possible.
Lorsqu’une prise en charge pharmacologique s’impose, il peut s’avérer utile de
prendre en considération le trazodone, de 25 à 50 mg au coucher, pour ses effets
sédatifs. Ce médicament peut toutefois provoquer une hypotension posturale qui devra
être suivie. Si la dépression est l’une des causes sous-jacentes, on peut alors envisager
l’utilisation de mirtazapine pour ses propriétés sédatives, en faisant attention de ne
prescrire que des doses faibles afin d’éviter l’activité anticholinergique.
Lorsque la cause de l’insomnie sera clairement temporaire (seulement quelques jours)
et qu’aucune contre-indication (ex. apnée du sommeil) ne sera donnée à l’égard de leur
utilisation, des doses faibles de benzodiazépines à action brève (oxazépam, lorazépam)
ou de zopiclone peuvent être envisagées, en se rappelant des risques d’ataxie, de
chutes, d’intensification de la confusion et de la désinhibition.
Situations à risques élevés : la capacité pose un problème
et les psychotropes s’imposent
Tel que clairement présenté dans ce chapitre, la prise en charge pharmacologique des
troubles comportementaux nécessite une bonne connaissance des médicaments, incluant
leur utilisation appropriée, les indications et leurs effets secondaires.
Les médecins doivent expliquer les risques et les avantages aux patients mentalement
compétents, à leur mandataire ou à leur parent proche. Quand les effets secondaires sont
rares, mais graves, il faut prendre les risques de se faire du mal, à soi et aux autres si les
SCPD ne sont pas traités, puis les comparer aux risques encourus (ex. augmentation des
risques d’AVC ou de mort subite avec la prise d’ antipsychotiques).
Au cours de cette discussion, il sera important de souligner les autres solutions possibles et
les interventions non pharmacologiques qui ont été essayées jusqu’à présent. Il est plus
facile de souscrire la participation des familles et des mandataires tôt dans le processus,
plutôt que d’avoir à se pencher sur leurs préoccupations au sujet d’une ordonnance qui a
déjà été écrite, sauf, évidemment, lorsqu’un traitement d’urgence était clairement requis
(comme en cas de delirium).
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Conclusion
La prise en charge pharmacologique des SCPD requiert une compréhension approfondie
des indications appropriées régissant l’utilisation des médicaments et une réflexion sur les
problèmes qui peuvent influer sur les raisons de leur prescription. Sauf en cas d’urgence, la
prise en charge pharmacologique ne devrait se produire qu’après l’instauration des
approches non pharmacologiques, même si des médicaments sont souvent requis lorsqu’un
diagnostic psychiatrique spécifique est rendu (ex. dépression ou trouble d’anxiété). Les
interventions non pharmacologiques doivent être poursuivies pendant la mise en application
du traitement pharmacologique.
Finalement, lorsque des médicaments ne doivent être prescrits que pendant une période de
temps limité (ex. symptômes psychotiques ou troubles du sommeil), il sera important de
fixer une date de révision appropriée (de 3 à 6 mois pour les symptômes psychotiques
persistants, puis de 1 à 2 semaines pour les troubles du sommeil), pour ensuite diminuer
graduellement la posologie ou cesser le traitement lorsque cela est possible. D’un autre
côté, certains troubles nécessiteront un traitement de maintien continu (ex. épisodes
dépressifs récurrents ou maladie bipolaire). Une supervision continue de ces traitements
s’imposera alors.
Bibliographie
Friedman JH, Factor SA. Atypical antipsychotics in the treatment of drug-induced psychosis
in Parkinson's disease. Mov Disord 2000;15(2):201-11.
McKeith I, Del Ser T, Spano P, Emre M, Wesnes K, Anand R, et al. Efficacy of rivastigmine
in dementia with Lewy bodies: a randomised, double-blind, placebo-controlled international
study. Lancet 2000;356:2031-6
Black B, Muralee S, Tampi R. Sexually inappropriate behaviours. Journal of Geriatric
Psychiatry and Neurology; 2005; 18: 155-62
SCPD – Médecins de famille
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