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REVUE MÉDICALE SUISSE
Recommandations de prise en charge
des dyslipidémies en 2016 en Suisse
Drs CAROLE E. AUBERT a, BARIS GENCERb et Pr NICOLAS RODONDI a
Rev Med Suisse 2016 ; 12 : 430-4
La discordance entre les recommandations américaines et la prise
de position restrictive du « Swiss Medical Board » sur la prise en
charge des dyslipidémies a soulevé de nombreuses questions.
Alors que le bénéfice des statines est clair en prévention secondaire, il faut individualiser l’approche selon le score de risque
cardiovasculaire de PROCAM, adapté à la Suisse en prévention
primaire. Les modifications du style de vie sont prioritaires et un
traitement médicamenteux est une option lors de risque élevé ou
intermédiaire mais n’est plus recommandé lors de risque faible. Il
ne faut pas manquer les dyslipidémies familiales, souvent identifiées qu’après le premier événement cardiovasculaire et nécessitant une prise en charge particulière, les scores de risque n’étant
pas fiables dans ces maladies. Les effets indésirables des statines
restent un défi au quotidien.
Recommendations for management
of dyslipidemia in 2016 in Switzerland
Discordance between American guidelines and the « Swiss medical
Board » position regarding treatment of dyslipidemia raised many
questions. While benefits of statins are clear in secondary prevention, care should be individualised according to PROCAM cardiovascular risk score adapted to Switzerland in primary prevention.
Lifestyle modification should be the first line therapy and a drug
therapy is an option in high or intermediate risk, but not anymore in
low cardiovascular risk. Familial dyslipidemia, often identified only
after first cardiovascular event, should not be missed, as particular
care is needed and risk scores cannot be used in this situation. Statins
adverse effects remain a challenge in daily clinical practice.
les adultes à « haut » RCV, soit ceux avec une maladie cardiovasculaire < 76 ans, un LDL ≥ 4,9 mmol / l sans cause secondaire, un diabète avec complication ou un autre facteur
de risque et un âge 40-75 ans et tous les adultes de 40-75 ans
avec un RCV à dix ans ≥ 7,5 % selon un nouveau score développé sur la population américaine.
2. Statine d’intensité modérée pour baisser le LDL de 30-50 %
chez les adultes à RCV intermédiaire, soit ceux avec une
maladie cardiovasculaire et ≥ 76 ans, un diabète sans complication ou sans autre facteur de risque et âgés de 40-75 ans
et tous les adultes de 40-75 ans avec un RCV à dix ans de
5-7,5 % selon le nouveau score américain.
A l’opposé, le « Swiss Medical Board » a proposé d’être beaucoup plus restrictif, recommandant l’abstention de statine en
prévention primaire lorsque le risque d’accident cardiovasculaire mortel est < 7,5 % à dix ans, correspondant à un risque de
morbidité cardiovasculaire très élevé (20-30 % à dix ans), ce
qui est plus restrictif que toutes les recommandations dans le
monde occidental, y compris celles de NICE (National Institute for Health and Care Excellence ) en Angleterre. Pour ses
recommandations, le « Swiss Medical Board » s’est basé sur ses
propres analyses coût-efficacité qui n’étaient néanmoins pas
concordantes avec d’autres, publiées dans des journaux « peerreviewed ».4
Au vu de ces controverses, nous proposons de clarifier les recommandations d’un traitement par statine, selon la prise de
position du Groupe de travail suisse lipides et athérosclérose
(GSLA) et de mettre en évidence les changements depuis nos
recommandations de 2014.5
Introduction
Le débat de ces dernières années concernant les statines ainsi
que la discordance entre les dernières recommandations
américaines de l’American College of Cardiology et l’American
Heart Association (ACC / AHA),1,2 proposant une extension du
nombre de patients à traiter, et celles du « Swiss Medical
Board »,3 très restrictives, a suscité de nombreuses questions
sur les indications et la pertinence d’un traitement par statines.
D’un côté, les guidelines américaines proposent d’adapter
l’intensité de la statine au risque cardiovasculaire (RCV) :
1. Statine puissante pour baisser le LDL-cholestérol (LDL) de
≥ 50 % (atorvastatine ≥ 40 mg ou rosuvastatine ≥ 20 mg) chez
a Consultation des lipides, Policlinique médicale, Clinique universitaire de médecine
interne générale, Hôpital de l’Ile, Université de Berne, 3010 Berne, b Service de
cardiologie, HUG, 1211 Genève 14
[email protected] | [email protected] | [email protected]
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Classification des dyslipidémies
On distingue trois groupes de dyslipidémies (classification
simplifiée de Friedrickson pour la clinique) :
• Hypercholestérolémie pure : LDL élevé (défini comme supérieur au seuil recommandé dans les guidelines selon le RCV).
• Hypertriglycéridémie pure : triglycérides (TG) élevées
(> 5 mmol / l).
• Hyperlipidémie mixte : LDL et TG élevés.
Étiologies des dyslipidémies
On distingue trois classes étiologiques :
1. Les formes secondaires (tableau 1), à exclure en premier,
vu que la correction étiologique permet souvent de normaliser le profil lipidique. Il faut notamment penser à l’hypothyroïdie si le LDL augmente de manière subite, si le patient
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Prévention
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cardiovasculaire
Tableau 1
Elévation du LDL-c
•
•
•
•
•
Hépatopathies cholestatiques
Syndrome néphrotique
Anorexie nerveuse
Hypothyroïdie
Grossesse
Etiologies des dyslipidémies secondaires
Hypertriglycéridémie
Diminution du HDL-c
Diabète sucré de type 2
• Insuffisance rénale chronique
• Obésité
• Médicaments (œstrogènes, thiazides, bêtabloquants, inhibiteurs de la protéase,
corticostéroïdes, rétinoïdes, ciclosporine)
• Alcool
•
•
ne répond pas au traitement, ou lors d’un cholestérol total
> 7 mmol / l après 40 ans.
2. Les dyslipidémies familiales, à transmission génétique dominante, récessive ou oligogénique, à évoquer lors d’antécédents personnels ou familiaux de maladies cardiovasculaires précoces, de signes cliniques (gérontoxon précoce
< 45 ans, xanthomes tendineux ou cutanés) et / ou d’un profil
lipidique très perturbé (cholestérol total > 7 mmol / l, LDL
> 5 mmol / l et / ou TG > 5 mmol / l).
3. La forme la plus fréquente, d’origine polygénique et environnementale.
fig 1
•
•
Diabète sucré de type 2
Tabagisme
Obésité
Détermination du risque cardiovasculaire
et interprétation du profil lipidique
Après exclusion d’une cause secondaire ou familiale, il faut
estimer le RCV. Tout patient avec maladie cardiovasculaire
clinique (infarctus du myocarde, AVC ou AOMI (artériopathie
oblitérante des membres inférieurs)), est classé à haut RCV et
nécessite un traitement médicamenteux. En prévention primai­
re, le GSLA recommande d’utiliser le score de PROCAM adapté
à la Suisse pour estimer le RCV sur dix ans selon les facteurs de
RCV (FRCV) et les valeurs lipidiques sans traitement hypoli-
Score PROCAM et recommandations de traitement adaptés à la Suisse (calcul sur www.gsla.ch)
Points dérivés du calcul du score sur www.gsla.ch (fournit un calcul précis du risque)
Evénement cardiovasculaire chez parent de 1er degré < 55 ans (homme), < 65 ans (femme).
Rôle de l’anamnèse familiale sous-estimé, le risque augmente fortement selon la précocité
du 1er événement cardiovasculaire.
1
3
Selon la formule de Friedewald (unités : mmol / l) : LDL = cholestérol total-HDL-triglycérides / 2.2. En cas de triglycérides ≥ 4,5 mmol / l, la formule n’est pas valide et il faut recourir
à une ultracentrifugation des lipides ou à une mesure directe du LDL.
4
Dyslipidémies familiales : scores de risque pas valables, suspicion si LDL ≥ 5 mmol / l
et / ou triglycérides ≥ 5 mmol / l : diagnostic en collaboration avec un spécialiste des lipides.
2
Dérivé de la littérature montrant un risque 4 x inférieur chez les femmes (score pas formellement validé chez les femmes).
Ou diabète ou antécédent personnel de maladie cardiovasculaire (syndrome coronarien aigu (SCA), accident vasculaire cérébral, anévrisme de l’aorte abdominale).
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pémiant, et de décider de l’introduction d’un hypolipémiant
selon le RCV (figure 1). Plus le RCV est faible, moins les données
de la littérature sont solides. En cas de RCV faible ou très
faible, quel que soit le LDL, le GSLA ne recommande plus de
traitement médicamenteux, vu l’absence d’étude randomisée,
mais des modifications du style de vie uniquement. Celles-ci
doivent faire partie de la prise en charge quel que soit le RCV.2
Lors de RCV intermédiaire, l’ultrason carotidien (mesure de
l’épaisseur intima-média, recherche de plaques) et la CRP ultra­
sensible pourraient permettre de mieux cibler un RCV accru,
mais des études sont nécessaires pour démontrer l’impact de
ces examens.
Recommandations américaines de 20131,2
Les dernières guidelines publiées par l’ACC / AHA proposent
trois nouveautés :
1.Abandon de seuils de LDL au profit d’un pourcentage
d’abaissement à viser.
2. Nouveau score de RCV développé pour la population américaine.
3. Traitement immédiat si LDL > 4,9 mmol / l.
Ces trois nouveautés posent plusieurs problèmes :
1. Bien qu’il n’y ait pas d’étude clinique basée sur des cibles
de LDL, l’abandon de ces dernières risque d’augmenter la
prescription de statines hautement dosées, avec un risque
d’effets secondaires accru et par conséquent une moindre
compliance, surtout chez les patients multimorbides polymédiqués.
2.Le nouveau score, développé sur la base d’études de cohortes américaines, n’est pas adapté à la population suisse.
Il engendre une diminution du seuil de prescription en prévention primaire avec une augmentation significative des
patients sous statine, alors que les modifications du style de
vie restent le moyen le plus efficace de traiter la dyslipidémie
Tableau 2
chez les patients à bas RCV.
3. De nombreux patients à bas RCV recevraient directement une
statine, alors qu’ils n’ont pas tous une dyslipidémie f­ amiliale.
Par conséquent, le GSLA recommande de ne pas suivre ces
guidelines en Suisse et de continuer d’utiliser le score de
PROCAM pour décider d’un traitement par statine (figure 1),
hormis pour les dyslipidémies familiales (voir ci-dessous).
Dyslipidémies familiales
Il ne faut pas les manquer. Elles sont facilement identifiables au
cabinet, et les scores de risque sous-estiment de façon massive
le RCV et ne sont pas valides dans ces situations. Les critères
cliniques permettent souvent de poser le diagnostic en pratique, la confirmation génétique n’étant le plus souvent pas
remboursée en Suisse. Ces dyslipidémies familiales sont décrites en détail dans l’article de Brun et coll., dans ce numéro.
Traitement des dyslipidémies non familiales
La décision d’instaurer un traitement médicamenteux dépend
du RCV (figure 1) et le choix du traitement du type de dyslipidémie (tableau 2).
Les statines restent le traitement le plus efficace et le mieux
prouvé du LDL, avec un bénéfice maximal du risque absolu lors
de haut RCV. Après instauration d’un médicament, il faut en
suivre l’adhérence et la tolérance et contrôler l’efficacité biologique à six semaines (trois mois après un syndrome coronarien aigu, un AVC ou une opération vasculaire, les valeurs biologiques étant faussées et non interprétables dans les trois mois
suivant l’événement). Dès stabilisation, un suivi annuel suffit.
Les statines sont contre-indiquées lors de cholestase marquée,
d’insuffisance hépatocellulaire aiguë ou de cirrhose décom-
Choix des traitements hypolipémiants en fonction du type de dyslipidémie
Bénéfice sur les événements cliniques démontré en prévention secondaire uniquement. 2 L’atorvastatine 10 ou 20 mg est considérée comme une thérapie d’intensité
modérée et 40 ou 80 mg comme une thérapie d’intensité élevée. 3 CAVE : risque de myopathie surtout avec le gemfibrozil. 4 La rosuvastatine 5 ou 10 mg est considérée
comme une thérapie d’intensité modérée et 20 ou 40 mg comme une thérapie d’intensité élevée.
1
Conditions
Hypercholestérolémie pure
(excès de LDL-c)
Hyperlipidémie mixte
Hypertriglycéridémie marquée
(≥ 5 mmol / l)
1er choix
• Statines (par ordre croissant
d’intensité)
– Fluvastatine
– Pravastatine
– Simvastatine
– Pitavastatine1
– Atorvastatine 2,3
– Rosuvastatine 4
Statines (par ordre croissant
d’intensité)
– Fluvastatine
– Pravastatine
– Simvastatine
– Pitavastatine1
– Atorvastatine 2,3
– Rosuvastatine 4
•
•
Ezétimibe1
Résines
• Dérivés de l’acide nicotinique
• Eventuellement consultation
spécialisée
•
•
•
Alternatives (en cas d’intolérance
ou d’interaction médicamenteuse)
Combinaison en cas d’insuffisance
du traitement
Statines + ézétimibe1
Statines + résines
• Eventuellement consultation
spécialisée
•
•
•
•
•
•
432
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•
•
•
•
Modifications du style de vie
Fibrates
Fibrates
Dérivés de l’acide nicotinique
Huiles de poisson
Eventuellement consultation spécialisée
•
Statine + ézétimibe1
Fibrate + ézétimibe1
(Statine + fibrate) 3
Eventuellement consultation spécialisée
• Consultation spécialisée si triglycérides
≥ 5 mmol / l
•
•
Dérivés de l’acide nicotinique
Statines
Eventuellement consultation spécialisée
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Prévention
THÈME
cardiovasculaire
Tableau 3
Facteurs liés aux patients
Facteurs de risque d’effets secondaires des statines (musculaires et hépatiques)
Facteurs démographiques et anthropométriques : > 80 ans, sexe féminin, IMC bas, origine asiatique
Antécédents / comorbidités : insuffisance rénale ou hépatique, hypothyroïdie, infection, obstruction biliaire, traumatisme
­sévère, VIH, diabète, déficit en vitamine D, maladie (neuro)musculaire, antécédent d’élévation des créatines kinases ou de
myopathie médicamenteuse
• Habitudes de vie : consommation excessive d’alcool, de canneberge ou de jus de pamplemousse (> 0,25 l / jour), activité
­physique intense, toxicomanie (cocaïne, amphétamines, héroïne)
• Génétique : polymorphismes du cytochrome P450
•
•
Facteurs liés au traitement
•
•
•
Début du traitement (3 premiers mois)
Doses élevées
Comédication avec inhibiteurs ou substrats du cytochrome P450 3A4
Interactions médicamenteuses
• Inhibiteurs du cytochrome P450 3A4 : macrolides, antifongiques (kétoconazole, fluconazole), inhibiteurs des protéases,
­antiarythmiques (amiodarone, diltiazem, vérapamil), immunosuppresseurs (ciclosporine, tacrolimus)
• Inhibiteurs du cytochrome P450 2C9 : antifongique (fluconazole)
Prise simultanée d’autres
hypolipémiants
•
•
Niacine
Fibrates (gemfibrozil > bézafibrate = fénofibrate)
(Adapté de réf.9,10).
pensée. Il faut être prudent quant à la posologie lors de contreindication relative (cirrhose compensée, NASH (stéatohépatite
non alcoolique), néphropathie chronique, médicaments inhibiteurs des cytochromes P450). Les seules données disponi­
bles sur l’efficacité et la sécurité des combinaisons thérapeutiques viennent de l’étude IMPROVE-IT dans laquelle l’association simvastatine et ézétimibe a permis une baisse modeste
des événements cardiovasculaires en prévention secondaire
après syndrome coronarien aigu (50 patients à traiter pendant sept ans pour éviter un événement) avec une bonne sécurité comparée à la simvastatine seule.6 On peut évoquer les
combinaisons thérapeutiques lors de dyslipidémie familiale,
de cible de LDL non atteinte sous statine à dose maximale ou
de haut RCV avec intolérance à de hautes doses de statines, les
effets indésirables pouvant être réduits par une réduction de
la dose de statines.7
Les anticorps monoclonaux contre la PCSK9 (evolocumab,
alirocumab) vont être une option très intéressante lors de
Tableau 4
dyslipidémie familiale ou de haut RCV avec intolérance aux
statines.8 Ils permettent une baisse additionnelle du LDL de
40-60 % par rapport à la dose maximale tolérée de statine,
comme détaillé dans l’article de Gencer et coll. dans ce numéro.
Leur mise sur le marché pour des indications précises est prévue pour cette année en Suisse.
Effets indésirables des statines
Les myalgies diffuses, survenant chez 5 à 10 % des patients en
pratique clinique, représentent la première cause d’arrêt du
traitement.9,10 Après deux ans, 60-70 % des patients en prévention primaire et 50 % après un syndrome coronarien aigu
ne prennent plus leur traitement. Lors de symptôme musculaire
(myalgie, faiblesse, crampes), il faut doser les CK, évaluer la
relation temporelle avec le début et l’arrêt du traitement et
tenter une réintroduction de la statine.10 Les tableaux 3 et 4
résument les facteurs de risque d’effets secondaires, les diffé-
Atteintes musculaires secondaires aux statines et prise en charge
1
Douleurs, faiblesse et / ou crampes. Atteinte en général proximale et symétrique des grands muscles (cuisses, fesses, mollets, dos). Début en général dans les premières
semaines après le début du traitement (mais parfois jusqu’à plusieurs années après). 2 Exclure en premier lieu une autre cause d’augmentation des CK (activité physique,
maladie musculaire, hypothyroïdie, alcoolisme, traumatisme, antipsychotiques, cocaïne, amphétamines). 3 Atorvastatine, rosuvastatine, pitavastatine. 4 Ezétimibe,
colesevelam, fénofibrate, inhibiteur du PCSK9 (voir article à ce sujet dans ce même numéro) : seul l’ézétimibe a prouvé son bénéfice sur les événements cliniques en
prévention secondaire. 5 Dosage à deux semaines.
FRCV : facteurs de risque cardiovasculaires ; RCV : risque cardiovasculaire.
Définition
Symptômes musculaires sans élévation des
créatines kinases (CK)
1
Remarques
Conduite à tenir
Souvent appelés myalgies
Poursuite du traitement,Qposologie selon tolérance
Symptômes musculaires1 avecqCK < 4 x la norme2
RCV faible : réévaluer l’indication et le rapport risques /bénéfices.
Renforcer le traitement des autres FRCV
RCV élevé : Qposologie, arrêt et réintroduction, autre statine,
statine puissante à longue demi-vie 3 2-3 x / semaine ou alternative
hypolipémiante 4
Symptômes musculaires (souvent généralisés)1
avecqCK > 4 x < 10 x la norme2
Arrêt, réévaluer l’indication. Autre statine à faible dose avec
monitoring des CK 5
Symptômes musculaires1 avecqCK > 10 x la norme2
Souvent appelés myosite ou myopathie
1 / 10 000 / an
Arrêt (risque de rhabdomyolyse). Si normalisation des CK : autre
statine à faible posologie avec monitoring des CK 5 et des lipides
En cas d’échec : alternative hypolipémiante,4 consultation des lipides
Symptômes musculaires1 avecqCK > 40 x la norme2
Rhabdomyolyse si associé à insuffisance
rénale ± myoglobinurie 1 / 100 000 / an
Arrêt. Alternative hypolipémiante,4 consultation des lipides
Traitement de la rhabdomyolyse (hydratation intraveineuse,
alcalinisation des urines)
(Adapté de réf.9,10).
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rents types d’atteintes musculaires liées aux statines et leur
prise en charge. On ne recommande pas de dosage de routine
des CK, la signification clinique étant incertaine.11
La tolérance hépatique des statines est le plus souvent bonne.
Les ALAT (alanine amino-transférase) augmentent jusqu’à
2-3 fois la norme chez 0-3 % des patients, le plus souvent durant
les douze premières semaines de traitement et lors de posologie
élevée ; l’évolution est généralement spontanément favorable.
L’hépatite fulminante est très rare (0,0002 % / an).
On recommande un dosage des enzymes hépatiques uniquement dans les situations à risque (hépatites chroniques, abus
d’alcool, interaction médicamenteuse potentielle). En cas
d’augmentation des ALAT > 3 fois la norme ou de cholestase,
il faut arrêter le traitement et exclure une autre étiologie.
Conclusion
Les dyslipidémies restent un FRCV essentiel à prendre en
charge. En prévention secondaire, et chez les patients à haut
RCV, les statines restent la base du traitement. Chez les patients à faible RCV, on ne recommande plus de LDL cible ni
de médicament, mais des modifications du style de vie. Les
dyslipidémies familiales ne sont malheureusement souvent
identifiées qu’après le premier événement cardiovasculaire et
nécessitent une prise en charge particulière avec l’aide de spécialistes des lipides, les scores de risque cardiovasculaire n’étant
pas fiables dans ces maladies.
Conflit d’intérêts : Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation
avec cet article.
Patients âgés
Malgré le peu de données solides après 80 ans, l’âge en soi ne
devrait pas faire renoncer à un traitement par statine en prévention secondaire. Mais il faut être prudent chez les patients
âgés, polymédiqués et multimorbides, ces trois facteurs augmentant le risque d’effet indésirable et d’interaction médi­
camenteuse. En prévention secondaire, les études ont démontré l’efficacité des statines jusqu’à 82 ans. La cible de LDL
< 2,6 mmol / l s’applique donc aussi à ces patients.12,13 Lors­
qu’une statine est en cours, il est raisonnable de la poursuivre
si elle est bien tolérée. L’instauration d’un nouveau traitement
devra tenir compte de l’espérance de vie, que l’on peut estimer
à l’aide de scores pronostiques (www.eprognosis.org).14 En pré­
vention primaire, les données sont limitées après 70-75 ans, la
seule grande étude incluant des patients entre 70 et 82 ans
n’ayant pas démontré de bénéfice.15 Dans ce contexte, la prise
en charge sera individualisée selon l’espérance de vie, l’état
fonctionnel et cognitif et les préférences du patient.
1Stone NJ, Robinson JG, Lichtenstein AH,
et al. 2013 ACC / AHA guideline on the
treatment of blood cholesterol to reduce
atherosclerotic cardiovascular risk in adults :
A report of the American College of Cardiology / American Heart Association Task
Force on Practice Guidelines. Circulation
2014;129(Suppl. 2):S1-45.
2 ** Eckel RH, Jakicic JM, Ard JD, et al.
2013 AHA / ACC guideline on lifestyle
­management to reduce cardiovascular risk :
A report of the American College of Cardiology / American Heart Association Task
Force on Practice Guidelines. Circulation
2014;129(Suppl. 2):S76-99.
3Swiss medical board. Le traitement par
statines en tant que prévention primaire
des maladies cardiovasculaires. 2013.
4Pletcher MJ, Lazar L, Bibbins-Domingo
K, et al. Comparing impact and cost-effectiveness of primary prevention strategies
for lipid-lowering. Ann Intern Med 2009;150:
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5Moser M, Gencer B, Rodondi N. Recom­
mandations de prise en charge des dyslipidémies en 2014. Rev Med Suisse 2014;10:
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6Cannon CP, Blazing MA, Giugliano RP,
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after acute coronary syndromes. N Engl J
Med 2015;372:2387-97.
7Dale KM, White CM, Henyan NN, Kluger
J, Coleman CI. Impact of statin dosing
intensity on transaminase and creatine
kinase. Am J Med 2007;120:706-12.
8Robinson JG, Colhoun HM, Bays HE, et
al. Efficacy and safety of alirocumab as
add-on therapy in high-cardiovascular-risk
434
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Implications pratiques
La dyslipidémie est un facteur de risque cardiovasculaire
important à prendre en charge
Le traitement doit être individualisé en fonction du type de
prévention (primaire ou secondaire)
Les statines sont sûres, efficaces et recommandées en prévention secondaire et chez les patients à haut risque cardiovasculaire
(RCV)
En cas de RCV faible, les modifications du style de vie constituent
l’essentiel de la prise en charge
En prévention primaire, les données sont limitées après
70-75 ans et il n’y a pas de bénéfice démontré après 75 ans, alors
que les statines sont démontrées efficaces jusqu’à un âge relativement avancé (environ 82 ans en prévention secondaire)
patients with hypercholesterolemia not
adequately controlled with atorvastatin
(20 or 40 mg) or rosuvastatin (10 or
­20 mg) : Design and rationale of the
ODYSSEY OPTIONS Studies. Clin Cardiol
2014;37:597-604.
9Rodondi N, Gencer B, Collet TH,
­Battegay E. Quels niveaux de cholestérol
devrait-on traiter en Suisse ? Forum Med
Suisse 2011;11:467-72.
10* Brosteaux C, Ruiz J, Buclin T, Kuntzer T,
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11 * Stroes ES, Thompson PD, Corsini A,
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Impact on statin therapy-European Atherosclerosis Society Consensus Panel Statement
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Eur Heart J 2015;36:1012-22.
12Hlatky MA. Expanding the orbit of primary prevention – moving beyond JUPITER.
N Engl J Med 2008;359:2280-2.
13McKenney JM, Davidson MH, Jacobson
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Am J Cardiol 2006;97:89C-94.
14Lee SJ, Lindquist K, Segal MR, Covinsky
KE. Development and validation of a prog­
nostic index for 4-year mortality in older
adults. JAMA 2006;295:801-8.
15* Doser Joz-Roland N, Bula C, Rodondi
N. Faut-il traiter les dyslipidémies chez les
personnes âgées et très âgées ? Rev Med
Suisse 2009;5:2211-8.
* à lire
**à lire absolument
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