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BIG DATA, SANTÉ ET DROIT : QUELLE COMBINAISON IDÉALE ?
Les garanties générales prévues par la loi informatique
et libertés et le code de la santé publique en matière de
traitement de données numériques
La loi informatique et libertés met en place un régime de pro-
tection des données à caractère personnel et d’encadrement de
leur « traitement 5 » dans une base de données. Concernant les
données considérées comme sensibles, son article 8-I prévoit
qu’il est interdit « de collecter ou de traiter des données à carac-
tère personnel qui font apparaître, directement ou indirecte-
ment, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques,
philosophiques ou religieuses ou l’appartenance syndicale des
personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle
de celles-ci ». Dans le cas des données de santé, les traitements
peuvent toutefois être autorisés dans des conditions limitati-
vement énumérées par ce même article, notamment lorsque
la personne concernée a donné son consentement exprès ou
lorsque le traitement porte sur des données à caractère per-
sonnel rendues publiques par la personne concernée 12. De
même, peuvent être autorisés les traitements nécessaires à des
ns de médecine préventive, de diagnostics médicaux ou d’ad-
ministration de soins ou de traitements lorsqu’ils sont mis en
œuvre par un membre d’une profession de santé, ou par une
autre personne soumise à l’obligation de secret profession-
nel, ainsi que les traitements nécessaires à la recherche dans
le domaine de la santé 13. Dans le but de garantir une utili-
sation transparente et consentie des données de santé, la loi
permet aux personnes concernées par le traitement de leurs
données de bénécier de droits particuliers tenant à l’accès au
chier (ce droit étant également reconnu par l’article L. 1111-7
du CSP
6
), à la rectication et à la suppression des données
collectées 14 ainsi qu’à l’opposition 15 contre le traitement
informatique dont elles font l’objet. En tout état de cause, la
personne devra être informée de la nalité du traitement, les
données ne devant pas être utilisées de manière incompatible
avec celle-ci 16. L’usage ultérieur de données à des ns sta-
tistiques ou de recherche scientique ou historique est toute-
fois considéré comme compatible avec ces nalités 17. Enn,
an de garantir le « droit à l’oubli » des personnes concernées
par le traitement de leurs données personnelles, la loi prévoit
que les données ne sont conservées sous une forme « iden
-
tiante » que pendant une durée strictement nécessaire aux
nalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées 18.
Concernant plus spéciquement les traitements de données
de santé, certaines garanties spéciques, prévues par le code
de la santé publique, s’ajoutent aux garanties générales prévues
par la loi informatique et libertés. L’article L. 1110-4 du CSP
rappelle, tout d’abord, les principes fondateurs posés par la loi
informatique et libertés en son article premier. Ce préalable
posé, le code de la santé publique met en place d’importants
dispositifs de partage d’informations entre professionnels et
établissements de santé, comme le dossier pharmaceutique
(DP) susmentionné et le dossier médical personnel (DMP),
prévu aux articles L. 1111-14 et suivants du CSP, reconnais-
sant la possibilité pour les professionnels de santé, quel que
soit leur mode d’exercice, de partager les données de santé de
leurs patients, sous réserve de l’autorisation de ceux-ci 19.
An de garantir la abilité et l’accès limité aux données de ces
deux chiers, des mécanismes d’authentication sont mis en
place concernant à la fois le patient et les professionnels de
santé. Un identiant de santé des bénéciaires de l’assurance
maladie est créé 20 et l’utilisation de la carte de profession-
nel de santé est rendue obligatoire pour permettre l’identi-
cation des professionnels de santé 21.
La création d’un régime spécifique
à l’activité d’hébergeur de données de santé
La loi du 4 mai 2002 relative aux droits des malades 22
introduit, au sein de l’article L.1111-8 du CSP, une procédure
d’agrément des hébergeurs de données de santé à caractère
personnel an de garantir la sécurité de celles-ci lorsqu’elles
ne sont pas hébergées par le professionnel ou l’établissement
de santé. Cet agrément, dont les modalités ont été xées par
le décret du 4 janvier 2006 23, est délivré pour une durée de
trois ans par le ministre chargé de la Santé, qui se prononce
après avis de la Cnil et du comité d’agrément créé auprès de
lui 24. L’activité d’hébergement des données de santé dépo-
sées par les professionnels, les établissements de santé ou la
personne concernée, et recueillies à l’occasion des activités
de prévention, de diagnostic ou de soin se trouve ainsi forte-
ment réglementée. S’agissant de l‘information de la personne
Du big data au Big Brother, il n’y a
qu’un petit pas pour l’Homme,
qui ne doit pas être accompli .
Il faut prévoir et faire respecter
des garanties juridiques en ce sens.
5- Aux termes de l’article 2 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’infor-
matique, aux chiers et aux libertés, le traitement désigne « toute opération
ou tout ensemble d'opérations portant sur de telles données, quel que soit le
procédé utilisé, et notamment la collecte, l'enregistrement, l'organisation, la
conservation, l'adaptation ou la modication, l'extraction, la consultation,
l'utilisation, la communication par transmission, diusion ou toute autre
forme de mise à disposition, le rapprochement ou l'interconnexion, ainsi que
le verrouillage, l'eacement ou la destruction ».
6- L’article L. 1111-7 du code de la santé publique dispose que « toute per-
sonne a accès à l’ensemble des informations concernant sa santé détenues,
à quelque titre que ce soit, par des professionnels et établissements de santé,
qui sont formalisées ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels
de santé […] »..