La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 6 - vol. II - décembre 1999 237
TRAITEMENT MÉDICAL ET RÉÉDUCATION PÉRINÉALE
Il est important d’expliquer aux patientes (éventuellement sur les
clichés de défécographie) la nature de leur gêne et d’insister sur la
nécessité d’éviter les efforts de poussée. Un essai de traitement
médical est toujours utile lorsque le diagnostic de rectocèle est porté
en présence d’une constipation terminale. Améliorer les exonéra-
tions par une diététique adaptée (régime enrichi en fibres et large-
ment hydraté) et des laxatifs oraux peut faire disparaître les symp-
tômes et éviter une intervention. La prescription de petits lavements
évacuateurs ou de suppositoires à dégagement gazeux ou non
(Paraffine, Eductyl®) peut stimuler de façon efficace la vidange rec-
tale et faire disparaître les sensations d’exonération incomplète et
fragmentée. Ces “petits moyens” pourraient aussi agir par le biais
de la dilatation anale réalisée lors de leur introduction. Chez la
femme ménopausée ou en préménopause, une hormonothérapie
substitutive est souvent bénéfique sur la trophicité pelvi-périnéale
et ses manifestations cliniques sur chacune des trois filières pel-
viennes. Elle sera prescrite sous contrôle gynécologique.
La réalisation d’une rééducation périnéale est souvent discutée
dans le cadre des troubles de la statique pelvi-périnéale. En pré-
sence d’une rectocèle, elle est essentiellement indiquée en cas de
manifestations digestives de la rectocèle, à titre d’essai, en pré-
paration à la chirurgie ou après réparation chirurgicale. Le pro-
blème posé est le plus souvent un trouble de l’exonération lié à
une “mauvaise ouverture” du canal anal que l’on englobe sous les
termes d’asynergie abdomino-sphinctérienne ou d’“anisme” (coor-
dination incorrecte entre l’appareil sphinctérien, système résistif
et le réservoir rectal sus-jacent, système capacitif, lors de la défé-
cation) (6). La rééducation, selon les techniques du biofeedback,
confiée à un thérapeute entraîné à ce type de prise en charge doit
être débutée par le réapprentissage de la fonction de retenue et
l’amélioration des mécanismes de perception anorectale, permet-
tant à la patiente de reprendre conscience du fonctionnement de
cette région souvent oubliée de son corps. Le deuxième temps
consistera en un travail en “ouverture”, favorisant la relaxation du
plancher pelvien et du canal anal en réponse à des distensions rec-
tales de volume progressivement décroissant. Ce travail peut être
complété éventuellement par l’expulsion de petits ballonnets. C’est
essentiellement la correction de l’anisme qui est intéressante dans
le contexte de la rectocèle (2, 6). Lorsque la déformation anato-
mique liée à la rectocèle est très importante, ou que les manifes-
tations sont uniquement vaginales, la rééducation est souvent dif-
ficile à conduire et peu efficace avant correction chirurgicale.
TRAITEMENT CHIRURGICAL DE LA RECTOCÈLE
ANTÉRIEURE DE LA FEMME
De nombreuses techniques ont été décrites pour la correction chi-
rurgicale des rectocèles, longtemps prises en charge par les chi-
rurgiens gynécologues. La première approche de cette pathologie
a été vaginale ou périnéale. Avec le développement d’explorations
fonctionnelles anorectales performantes et la reconnaissance du
rôle de la rectocèle dans les troubles de l’évacuation rectale dans
les années quatre-vingt une approche transanale des rectocèles a
été développée et adoptée par les chirurgiens digestifs. À l’heure
actuelle, la prise en charge multidisciplinaire des troubles de la
statique pelvi-périnéale est privilégiée. Le traitement des recto-
cèles s’intègre dans une stratégie globale de correction des diffé-
rentes anomalies identifiées ou potentielles (7).
Objectifs du traitement
L’objectif principal est la correction durable du défect de la cloi-
son recto-vaginale et de la hernie rectale, dans le but de restaurer
une fonction anorectale normale. Le critère de jugement est fonc-
tionnel et non pas anatomique : c’est la normalisation de la défé-
cation et le maintien d’une continence anale normale (7). Le trai-
tement doit assurer la correction concomitante, au cours de la
même intervention, de toute anomalie associée à la rectocèle et
responsable d’une gêne fonctionnelle : incontinence urinaire éven-
tuellement masquée par la rectocèle, prolapsus utérin associé,
incontinence anale. Le traitement doit éviter de démasquer d’autres
troubles de la statique pelvi-périnéale, élytrocèle par exemple, sus-
ceptibles de se décompenser dans le temps et de nécessiter une
nouvelle intervention. Le traitement ne doit pas engendrer de
séquelles, qu’elles soient douloureuses liées aux incisions, anales
ou urinaires, avec l’apparition d’une incontinence postopératoire,
ou encore sexuelles, avec une dyspareunie secondaire. Répondre
à ce cahier des charges est un programme ambitieux. Il justifie
une évaluation clinique et fonctionnelle complète et fait une large
place à une pratique multidisciplinaire (7, 8).
Voie transanale
Décrite par Sullivan et Khubchandani (9, 10), cette technique cor-
rige la rectocèle par voie endoluminale. L’accès se fait à travers
le canal anal, abordant la rectocèle par l’intérieur, sur son versant
rectal. L’intervention restaure une paroi rectale antérieure solide,
grâce à la remise en tension de la musculeuse rectale déformée
par une série de sutures internes et au développement d’une
fibrose cicatricielle dans la sous-muqueuse rectale “avivée” par
l’intervention, et supprime l’excès de muqueuse rectale qui s’est
développé dans le diverticule de pulsion que forme la rectocèle
et, dans le même temps, le prolapsus muqueux antérieur souvent
associé (figure 2) (11). Cette technique ne s’adresse qu’à la rec-
tocèle et ne peut prétendre traiter d’autres anomalies de la sta-
tique pelvi-périnéale. Elle peut être associée à d’autres gestes
proctologiques, par exemple une hémorroïdectomie.
Voie trans-périnéo-vaginale
À l’inverse de la technique précédente, l’abord se fait sur le ver-
sant extraluminal, vaginal et antérieur de la rectocèle. L’inter-
vention est similaire dans son principe et ses buts mais utilise
des moyens différents. La restauration de conditions anato-
miques normales au niveau du rectum et du périnée est obtenue
par l’enfouissement de la hernie rectale, la réparation du fascia
rectal rompu (1), la remise en tension de la sangle des muscles
élévateurs de l’anus et la réparation du centre tendineux du péri-
née (figure 3) (12). Cette réparation peut être faite de manière
isolée ou en association à la cure d’un prolapsus de l’étage anté-