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La rectocèle antérieure de la femme :
quelle prise en charge ?
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P.A. Lehur*
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■ La rectocèle est une manifestation clinique extrêmement fré-
quente, définie comme une hernie de la paroi antérieure du rectum à travers la cloison rectovaginale. Ses manifestations sont
polymorphes : gynécologiques à type de “boule vaginale”, parfois associée à un prolapsus urogénital, ou digestives à type de
constipation terminale.
■ La décision thérapeutique est fondée sur un bilan pelvi-périnéal clinique complet et par une défécographie avec opacification des anses grêles, une manométrie anorectale et un bilan
urodynamique. L’échographie endoanale est également utile
pour rechercher une rupture sphinctérienne antérieure associée.
■ La correction chirurgicale des rectocèles se fait préférentiellement par voie basse. La voie transanale assure une plicature endoluminale de la musculaire rectale et une résection de
la muqueuse rectale en excès, distendue par la rectocèle.
L’abord périnéo-vaginal approche la rectocèle par sa face extérieure, permet sa plicature par des bourses concentriques et la
remise en tension du fascia rectal ; une myorraphie des muscles
élévateurs de l’anus, respectant le calibre du vagin, renforce la
réparation et remet en tension le plancher pelvien. Ces deux
techniques ont une morbidité très faible et des résultats fonctionnels équivalents. La voie haute est choisie lorsque des
gestes associés sont envisagés sur les filières urinaire ou génitale.
■ Le traitement chirurgical est indiqué devant toute rectocèle
symptomatique, lorsque la rééducation par biofeedback d’un
asynchronisme abdomino-sphinctérien et le traitement médical de la constipation n’ont pas permis de corriger les troubles.
En l’absence de facteurs prédictifs du résultat fonctionnel, la
patiente doit être informée du risque de correction incomplète
des symptômes ou d’échec. Les anomalies associées de la statique pelvi-périnéale sont à identifier lors de la prise en charge
d’une rectocèle et à traiter de façon concomitante.
* Clinique chirurgicale II, Hôtel-Dieu, centre hospitalo-universitaire régional,
Nantes.
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 6 - vol. II - décembre 1999
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a rectocèle est une manifestation clinique extrêmement fréquente. Elle se définit comme une hernie de
la paroi antérieure du rectum à travers la cloison rectovaginale. Elle correspond à la fois un trouble de la statique rectale : elle représente un aspect clinique particulier au sein des prolapsus du rectum mais également un trouble de la statique
pelvi-périnéale ; elle est aussi une des composantes habituelles
des prolapsus génitaux, où elle s’associe fréquemment à des anomalies de la statique des étages pelviens antérieur, urinaire et
moyen génital.
GÉNÉRALITÉS
L’incidence actuelle des rectocèles est inconnue, mais il est clair
qu’il s’agit d’une anomalie très répandue, retrouvée avec une forte
prévalence chez la femme âgée et multipare. Les rectocèles deviennent symptomatiques avec le vieillissement et le relâchement progressif des tissus de soutien, particulièrement notables à la ménopause. Sur le plan physiopathologique, la paroi antérieure du
rectum vient refouler la paroi vaginale postérieure lors de l’effort
de poussée et en cas de trouble sévère de la statique pelvienne de
manière spontanée, lorsque la patiente est en position debout. Le
tissu conjonctif lâche du septum rectovaginal et de la musculeuse
rectale, fréquemment fragilisé par des traumatismes obstétricaux
antérieurs, s’amincit avec le temps (1). Le défect anatomique s’aggrave progressivement. Il forme, sur le versant digestif, un diverticule dans lequel les selles peuvent venir s’accumuler, tandis que
sur le versant vaginal se constitue une tuméfaction postérieure,
qui, en se prolabant à la vulve, devient inconfortable.
Les manifestations digestives de la rectocèle sont une constipation terminale caractérisée par des selles journalières mais difficiles à émettre. Dans les formes caractéristiques, les patientes
indiquent une impression, souvent récente, d’évacuation incomplète, insatisfaisante et souvent fragmentée des selles, des efforts
de poussée importants conduisant à des rectorragies et s’accompagnant de douleurs anorectales. Elles aident parfois la défécation par des appuis ou des soutiens manuels du périnée ou en comprimant la paroi vaginale postérieure avec le doigt. De tels
symptômes sont à rechercher par un interrogatoire orienté lorsqu’une rectocèle est mise en évidence. Une fois la rectocèle deve235
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nue symptomatique, un véritable cercle vicieux se crée : les efforts
de poussée aggravent progressivement le défect anatomique qui
rend lui-même les défécations plus difficiles (2).
Les manifestations gynécologiques de la rectocèle sont une tuméfaction vaginale gênante, s’accompagnant d’une impression de
perte d’organes, de pesanteur périnéale souvent plus marquée en
fin de journée et à l’effort, d’irritation vulvaire et frottements
désagréables dans les sous-vêtements. Elle peut être responsable
d’une dyspareunie.
DIAGNOSTIC CLINIQUE
Le bilan clinique repose sur un interrogatoire minutieux. Il s’efforce de quantifier la gêne occasionnée par la rectocèle, recherche
des signes spécifiques tels que la réduction manuelle de la rectocèle pour favoriser l’exonération (à différencier d’une extraction digitale des selles ou d’un soutien périnéal périanal),
recherche des signes associés et, notamment, une incontinence
urinaire ou fécale. L’examen clinique est réalisé en position gynécologique (la position genu pectorale habituelle en proctologie
réduit spontanément la rectocèle et ne doit pas être utilisée lorsqu’un tel diagnostic est évoqué) (3). L’évaluation clinique doit
porter sur les trois filières urinaire, génitale et anorectale. La distinction entre rectocèle et élytrocèle n’est pas toujours simple cliniquement, et l’examen en position debout peut être intéressant
pour apprécier le volume de la “hernie” et de son contenu. Les
touchers pelviens doivent apprécier la tonicité du plancher pelvien, le tonus de repos et en contraction du sphincter anal, la qualité du centre tendineux du périnée et de l’anneau sphinctérien
antérieur souvent aminci par les accouchements successifs.
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volume, la persistance de produit de contraste après exonération
expliquant bien la symptomatologie de la patiente (figure 1) (4,
5). L’opacification des anses grêles permet de repérer la situation
du cul-de-sac de Douglas et d’évoquer ou d’éliminer une entérocèle. Une descente périnéale, une procidence interne du rectum peuvent également être appréciées par cet examen ;
– la manométrie anorectale recherche une asynergie abdominosphinctérienne (encore appelée “anisme”), une insuffisance
sphinctérienne avec des pressions spontanées et des contractions
volontaires faibles expliquant une éventuelle incontinence anale
associée. Un mégarectum peut également être diagnostiqué par
la mesure des volumes de distension rectale ;
– le bilan urodynamique est un examen très fréquemment
demandé lors d’un bilan de rectocèle : il permet de repérer une
incontinence urinaire potentielle, pouvant se démasquer après
correction de la rectocèle par suppression de l’effet “pelote” de
la colpocèle postérieure.
Deux autres examens peuvent être demandés en complément : en
cas d’incontinence anale ou de suspicion clinique de rupture
sphinctérienne, une échographie endoanale, examen actuel de
référence pour évaluer l’appareil sphinctérien, et en cas de constipation importante, lorsque l’on suspecte un ralentissement du
transit colique associé à la dyschésie, un temps de transit colique
aux marqueurs radio-opaques.
BILAN PARACLINIQUE
Les examens à réaliser de manière systématique visent à éliminer une pathologie organique associée à la rectocèle. À ce titre,
il convient de s’informer du suivi gynécologique (mammographie, frottis cervico-vaginaux, échographie pelvienne) et de
recommander une exploration endoscopique du côlon en fonction de l’âge et des antécédents personnels et familiaux. Un bilan
fonctionnel anorectal est indiqué en cas de symptômes digestifs
associés à la rectocèle. Il permet de rapporter, avec une plus
grande fiabilité, la symptomatologie, souvent riche, exprimée par
la patiente, à la rectocèle constatée lors de l’examen, et il aide à
prédire le résultat fonctionnel du traitement chirurgical (2). On
peut, en revanche, s’interroger sur la nécessité de ce bilan en cas
de manifestations exclusivement gynécologiques. Le bilan fonctionnel digestif peut avoir cependant deux intérêts dans ce
contexte : l’un médico-légal dans le cadre d’une pathologie fonctionnelle, l’autre pour démasquer une élytrocèle associée.
En pratique et selon notre expérience, trois examens sont nécessaires et suffisants :
– la défécographie avec opacification des anses grêles précise au
temps dynamique de l’examen, la présence de la rectocèle, son
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Figure 1. Données radiologiques.
Cliché de défécographie (profil de bassin en position assise) : au temps
dynamique de la défécographie, en phase d’évacuation, la rectocèle
s’opacifie sous la forme d’une poche antérieure (mesurable), désaxant la
poussée exonératrice. On peut noter ici un mauvais relâchement de la
sangle puborectale et une ouverture anale insuffisante faisant évoquer
des manifestations d’anisme.
NB: périnée repéré par une chaînette métallique et tampon vaginal
radio-opaque.
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 6 - vol. II - décembre 1999
TRAITEMENT MÉDICAL ET RÉÉDUCATION PÉRINÉALE
Il est important d’expliquer aux patientes (éventuellement sur les
clichés de défécographie) la nature de leur gêne et d’insister sur la
nécessité d’éviter les efforts de poussée. Un essai de traitement
médical est toujours utile lorsque le diagnostic de rectocèle est porté
en présence d’une constipation terminale. Améliorer les exonérations par une diététique adaptée (régime enrichi en fibres et largement hydraté) et des laxatifs oraux peut faire disparaître les symptômes et éviter une intervention. La prescription de petits lavements
évacuateurs ou de suppositoires à dégagement gazeux ou non
(Paraffine, Eductyl®) peut stimuler de façon efficace la vidange rectale et faire disparaître les sensations d’exonération incomplète et
fragmentée. Ces “petits moyens” pourraient aussi agir par le biais
de la dilatation anale réalisée lors de leur introduction. Chez la
femme ménopausée ou en préménopause, une hormonothérapie
substitutive est souvent bénéfique sur la trophicité pelvi-périnéale
et ses manifestations cliniques sur chacune des trois filières pelviennes. Elle sera prescrite sous contrôle gynécologique.
La réalisation d’une rééducation périnéale est souvent discutée
dans le cadre des troubles de la statique pelvi-périnéale. En présence d’une rectocèle, elle est essentiellement indiquée en cas de
manifestations digestives de la rectocèle, à titre d’essai, en préparation à la chirurgie ou après réparation chirurgicale. Le problème posé est le plus souvent un trouble de l’exonération lié à
une “mauvaise ouverture” du canal anal que l’on englobe sous les
termes d’asynergie abdomino-sphinctérienne ou d’“anisme” (coordination incorrecte entre l’appareil sphinctérien, système résistif
et le réservoir rectal sus-jacent, système capacitif, lors de la défécation) (6). La rééducation, selon les techniques du biofeedback,
confiée à un thérapeute entraîné à ce type de prise en charge doit
être débutée par le réapprentissage de la fonction de retenue et
l’amélioration des mécanismes de perception anorectale, permettant à la patiente de reprendre conscience du fonctionnement de
cette région souvent oubliée de son corps. Le deuxième temps
consistera en un travail en “ouverture”, favorisant la relaxation du
plancher pelvien et du canal anal en réponse à des distensions rectales de volume progressivement décroissant. Ce travail peut être
complété éventuellement par l’expulsion de petits ballonnets. C’est
essentiellement la correction de l’anisme qui est intéressante dans
le contexte de la rectocèle (2, 6). Lorsque la déformation anatomique liée à la rectocèle est très importante, ou que les manifestations sont uniquement vaginales, la rééducation est souvent difficile à conduire et peu efficace avant correction chirurgicale.
TRAITEMENT CHIRURGICAL DE LA RECTOCÈLE
ANTÉRIEURE DE LA FEMME
De nombreuses techniques ont été décrites pour la correction chirurgicale des rectocèles, longtemps prises en charge par les chirurgiens gynécologues. La première approche de cette pathologie
a été vaginale ou périnéale. Avec le développement d’explorations
fonctionnelles anorectales performantes et la reconnaissance du
rôle de la rectocèle dans les troubles de l’évacuation rectale dans
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 6 - vol. II - décembre 1999
les années quatre-vingt une approche transanale des rectocèles a
été développée et adoptée par les chirurgiens digestifs. À l’heure
actuelle, la prise en charge multidisciplinaire des troubles de la
statique pelvi-périnéale est privilégiée. Le traitement des rectocèles s’intègre dans une stratégie globale de correction des différentes anomalies identifiées ou potentielles (7).
Objectifs du traitement
L’objectif principal est la correction durable du défect de la cloison recto-vaginale et de la hernie rectale, dans le but de restaurer
une fonction anorectale normale. Le critère de jugement est fonctionnel et non pas anatomique : c’est la normalisation de la défécation et le maintien d’une continence anale normale (7). Le traitement doit assurer la correction concomitante, au cours de la
même intervention, de toute anomalie associée à la rectocèle et
responsable d’une gêne fonctionnelle : incontinence urinaire éventuellement masquée par la rectocèle, prolapsus utérin associé,
incontinence anale. Le traitement doit éviter de démasquer d’autres
troubles de la statique pelvi-périnéale, élytrocèle par exemple, susceptibles de se décompenser dans le temps et de nécessiter une
nouvelle intervention. Le traitement ne doit pas engendrer de
séquelles, qu’elles soient douloureuses liées aux incisions, anales
ou urinaires, avec l’apparition d’une incontinence postopératoire,
ou encore sexuelles, avec une dyspareunie secondaire. Répondre
à ce cahier des charges est un programme ambitieux. Il justifie
une évaluation clinique et fonctionnelle complète et fait une large
place à une pratique multidisciplinaire (7, 8).
Voie transanale
Décrite par Sullivan et Khubchandani (9, 10), cette technique corrige la rectocèle par voie endoluminale. L’accès se fait à travers
le canal anal, abordant la rectocèle par l’intérieur, sur son versant
rectal. L’intervention restaure une paroi rectale antérieure solide,
grâce à la remise en tension de la musculeuse rectale déformée
par une série de sutures internes et au développement d’une
fibrose cicatricielle dans la sous-muqueuse rectale “avivée” par
l’intervention, et supprime l’excès de muqueuse rectale qui s’est
développé dans le diverticule de pulsion que forme la rectocèle
et, dans le même temps, le prolapsus muqueux antérieur souvent
associé (figure 2) (11). Cette technique ne s’adresse qu’à la rectocèle et ne peut prétendre traiter d’autres anomalies de la statique pelvi-périnéale. Elle peut être associée à d’autres gestes
proctologiques, par exemple une hémorroïdectomie.
Voie trans-périnéo-vaginale
À l’inverse de la technique précédente, l’abord se fait sur le versant extraluminal, vaginal et antérieur de la rectocèle. L’intervention est similaire dans son principe et ses buts mais utilise
des moyens différents. La restauration de conditions anatomiques normales au niveau du rectum et du périnée est obtenue
par l’enfouissement de la hernie rectale, la réparation du fascia
rectal rompu (1), la remise en tension de la sangle des muscles
élévateurs de l’anus et la réparation du centre tendineux du périnée (figure 3) (12). Cette réparation peut être faite de manière
isolée ou en association à la cure d’un prolapsus de l’étage anté237
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Figure 2. Cure de rectocèle par voie transanale.
Vue schématique de la plicature rectale obtenue par un faufilage vertical
sur une coupe sagittale médiane de la cloison rectovaginale. La muqueuse qui a été décollée est attirée vers l’extérieur et sectionnée pour être
fixée sur la ligne pectinée.
rieur ou moyen. Il peut être ainsi discuté une cure d’incontinence urinaire et/ou de cystocèle par voie basse (opération de
Bologna et dérivées, bandelette TVT), une hystérectomie vaginale en cas de prolapsus utérin (8). En cas d’incontinence anale
associée, la voie périnéale permet une bonne exploration de l’appareil sphinctérien antérieur et une réparation d’un éventuel
défect repéré par échographie endoanale préopératoire. En l’absence de défect, la réalisation d’une myorraphie préanale, éventuellement associée à une myorraphie rétroanale de Parks, peut
se discuter (13).
Voie abdominale
Il est possible d’aborder une rectocèle par voie abdominale. L’intervention réalisable à ventre ouvert ou par cœlioscopie consiste
à soutenir sans tension la face antérieure du rectum disséquée par
une prothèse non résorbable fixée au promontoire lombo-sacré.
Il est à bien noter qu’il ne s’agit pas d’une rectopexie “classique” :
elle n’est en effet pas nécessaire en l’absence de prolapsus rectal
complet, et la mobilisation complète du rectum pourrait faire
apparaître ou aggraver une constipation. Elle est généralement
associée à une douglassectomie, une hystérectomie et une suspension vaginale antérieure et postérieure avec cure ou prévention d’une incontinence urimaire (8).
En cas d’élytrocèle associée
Une élytrocèle est fréquemment associée à la rectocèle antérieure
chez la femme. Il est important de la dépister et de la traiter simultanément. Chez une femme jeune pour laquelle on souhaite éviter la voie vaginale, une suspension vaginale et rectale par voie
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Figure 3. Cure de rectocèle par voie transpérinéo-vaginale.
Coupe horizontale de la partie postérieure du pelvis. Après clivage rectovaginal jusqu’au cul-de-sac de Douglas, la rectocèle exposée est enfouie
par des bourses concentriques et par la remise en tension du fascia. On
réalise ensuite une myorraphie calibrée des muscles élévateurs de l’anus
avec périnéorraphie postérieure reconstituant un centre tendineux du
périnée solide et une distance ano-vulvaire suffisante.
abdominale, avec douglassectomie, représente la meilleure
option. Dans les autres cas, l’élytrocèle peut être efficacement
corrigée par une suspension vaginale au ligament sacro-épineux
(opération de Richter) (14). La suspension vaginale selon Richter est particulièrement utile pour repositionner correctement le
vagin sans le rétrécir et complète de façon intéressante la cure de
rectocèle par voie périnéale en limitant une ptose vaginale inesthétique, sans risque sexuel. Cette intervention largement utilisée par les chirurgiens gynécologues mériterait d’entrer dans l’arsenal thérapeutique des chirurgiens digestifs prenant en charge
des rectocèles.
INDICATIONS CHIRURGICALES DANS LA RECTOCÈLE
ANTÉRIEURE DE LA FEMME
La présence d’une rectocèle, même volumineuse, n’est pas en ellemême une indication à une prise en charge. De nombreuses
patientes avec des rectocèles de taille importante n’ont, en effet,
aucun symptôme. De même, la présence d’une rectocèle chez une
patiente constipée ne signifie pas automatiquement que la rectocèle soit la cause principale de sa constipation. Seules les rectocèles symptomatiques justifient une prise en charge, éventuellement chirurgicale. Il est important d’expliquer clairement aux
patientes que seuls les symptômes liés à la rectocèle seront corrigés par l’intervention chirurgicale (15, 16). Les manifestations de
côlon irritable, fréquemment associées, ou encore celles qui sont
liées à une descente périnéale excessive ou à un anisme (6), bien
entendu non modifiées par la chirurgie, peuvent rester invalidantes.
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 6 - vol. II - décembre 1999
Choix de la technique chirurgicale
La sélection des patientes à opérer repose sur l’appréciation clinique de la gêne fonctionnelle (2, 3) et l’évaluation clinique et
radiologique de la rectocèle (volume, taille supérieure à 3 cm,
persistance de l’opacification de la rectocèle après exonération)
(4, 5). Elle n’est pas toujours aisée, et la responsabilité de la rectocèle dans la symptomatologie reste parfois difficile à affirmer
et à quantifier. Cependant, la bégninité des gestes thérapeutiques
par voie basse permet de les proposer en cas d’incertitude et en
prévenant la patiente de la possibilité d’échec fonctionnel.
En cas de rectocèle symptomatique, nous donnons la préférence
à une voie périnéale respectant la filière génitale et corrigeant les
anomalies digestives. Cet abord autorise, outre la correction de
la rectocèle, une bonne réparation du plancher pelvien, sans risque
notable de dyspareunie si certaines précautions sont prises (7). Il
est intéressant de noter que cette attitude, à l’origine “gynécologique”, est actuellement suivie par des équipes “colorectales”
expérimentées (15, 17). Elle a pour inconvénient de ne pas agir
sur le prolapsus muqueux rectal et la pathologie anale associée.
D’autres auteurs donnent la préférence à une technique transanale, endorectale (9, 10, 16). Cet abord nécessite une bonne expérience de ce type de chirurgie. Elle oblige à une dilatation anale
qui peut être délétère dans le contexte d’un périnée fragile, traumatisé et éventuellement dénervé, elle ne permet pas la réalisation d’une myorraphie des élévateurs de l’anus et n’a aucun effet
sur une éventuelle élytrocèle associée. Finalement, les critères de
choix de l’une ou l’autre technique par voie basse tiennent essentiellement aux habitudes des opérateurs.
La voie haute est à réserver aux rectocèles associées à une pathologie urogénitale justifiant un abord abdominal (8). L’intervention permet la correction simultanée de l’ensemble des troubles
de statique pelvienne. La réalisation d’une périnéorraphie postérieure en complément du geste par voie haute est recommandée.
EN RÉSUMÉ
À l’étape diagnostique, il est indispensable de vérifier le caractère symptomatique de la rectocèle, de s’assurer, par les examens
appropriés, que les symptômes rapportés sont bien en rapport
avec la rectocèle, et d’identifier les autres anomalies, patentes ou
potentielles, de statique pelvi-périnéale.
À l’étape thérapeutique, il est indispensable d’expliquer le traitement et les résultats attendus à la patiente, de choisir la voie
d’abord et la technique la plus appropriée pour traiter la rectocèle, et d’y associer, en cas de besoin, la correction des autres
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 6 - vol. II - décembre 1999
troubles de la statique pelvi-périnéale identifiée, prévenant ainsi
le risque de dégradation à long terme de la réparation effectuée
et l’apparition d’un prolapsus sur un autre étage pelvi-périnéal. ■
Mots clés : Statique pelvienne – Rectocèle – Constipation –
Incontinence.
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