PRISE EN CHARGE D'UNE RECTOCÈLE Dr J.F.Gravié, Dr B.Vinson.Bonnet LES ÉLÉMENTS AMENANT À CONSULTER Le versant gynécologique . masse extériorisée à la vulve spontanément ou à l'effort gênant la patiente . pesanteur pelvienne s'aggravant en cours de journée, disparaissant en position allongée. .dyspareunie - le versant urologique . les signes urologiques (incontinence urinaire, cystocèle antérieure) peuvent masquer une rectocèle qu'il faut rechercher à l'examen clinique. Le versant colo-proctologique . Constipation et dyschésie terminale, exonération incomplète et fractionnée. La patiente se plaint d'une sensation d'obstruction fécale. ( Syndrome d'Obstruction fécale O.D.S.) . Manœuvre digitale de contre-pression périnéale ou vaginale. L'exonération complète ne peut se faire qu'après l'introduction d'un ou deux doigts dans le vagin repoussant la rectocèle en arrière. . Pseudo- incontinence ; il existe des souillures anales après une évacuation incomplète. En cas d'hypocontinence sphinctérienne, les résidus de matières dans la rectocèle après la vidange rectale sont responsables des souillures, le rapport sexuel peut aggraver la fuite fécale. CE QUE L'EXAMEN CLINIQUE RECHERCHE IL COMPORTE UN EXAMEN GYNÉCOLOGIQUE ET PROCTOLOGIQUE - Examen gynécologique (TV et manœuvre des valves) : Le volume de la rectocèle, en position debout puis couchée, spontanément ou après une manœuvre d'effort à glotte fermée, puis par toucher vaginal Le testing musculaire du plancher pelvien évalue la contraction des releveurs, l'existence d'un diastasis. La recherche d'un prolapsus du dôme vaginal ou du col de l'utérus. L'existence d'une cystocèle. La réduction du prolapsus vésical peut démasquer une colpocèle postérieure. Il faut rechercher une fuite urinaire à l'effort. - Examen proctologique (TR et anuscopie) : Il faut évaluer la distance ano-vulvaire, rechercher l'existence d'un prolapsus muqueux ou total du rectum à la poussée. Le toucher bi digital évalue la qualité de la cloison recto-vaginale et permet de rechercher une entérocèle en particulier à l'effort.. Tester la contraction du sphincter anal et du plancher périnéal à la poussée et en retenue (permet de suspecter une hypertonie paradoxale des releveurs ). IL EST UTILE DE DEMANDER UNE RECTOGRAPHIE DYNAMIQUE OU UNE COLPO-CYSTODÉFÉCOGRAPHIE AVEC OPACIFICATION DU GRÊLE : CES OPACIFICATIONS PERMETTENT , L'IMPORTANCE D'UN PROLAPSUS RECTAL INTERNE ASSOCIÉ ET DE RECHERCHER UN PROLAPSUS URO-GÉNITAL OU UNE ENTÉROCÈLE. D'ANALYSER LA VIDANGE DE LA RECTOCÈLE Un examen urodynamique et une manométrie anorectale peuvent compléter le bilan périnéal en première intention. L'I.R.M pelvienne est sans doute un examen d'avenir il semble encore insuffisant pour explorer l'étage postérieur (l'examen étant réalisé en décubitus dorsal). Au terme de ces explorations, différentes formes anatomiques et fonctionnelles, souvent intriquées, rendent difficile une classification mais doivent guider le choix thérapeutique - La rectocèle isolée : Elle correspond à ce qui a été appelé rectocèle sous-lévatorienne. Elle est associée à un affaiblissement majeur des releveurs. Il s'agit d'un effondrement de la cloison recto-vaginale qui est amincie avec disparition du noyau fibreux du périnée et un diastasis des releveurs. Elle est habituellement associée à un périnée descendant. Les plus fréquentes sans doutes, elles sont banales et peu symptomatiques et sont l'apanage des consultations de gynécologie. La priorité est de reconstituer une cloison solide dans les formes évoluées et symptomatiques. - Les rectocèles associées à un prolapsus: . Un prolapsus urogénital. La rectocèle peut être masquée par un prolapsus de l'étage antérieur (cystocèle) ou moyen (hystérocèle ou prolapsus du dôme), qui peuvent être décompensés après correction antérieure. . Un prolapsus de l'étage postérieur . Ces rectocèles peuvent être assimilées aux rectocèles dites sus-lévatoriennes. Elles se traduisent cliniquement par des signes à la fois gynéco et coloproctologique. On retrouve le plus souvent des antécédents d'hystérectomie ou de colpocystopexie antérieure. Il est important de suspecter et de rechercher dans ces cas une hernie du cul de sac de Douglas (élytrocèle) qui peut comporter une anse intestinale (entérocèle). En cas d'effondrement complet de la paroi vaginale postérieure et du plancher périnéal, ces formes s'associent aux formes sous-lévatoriennes et souvent à un prolapsus urogénital et/ou rectal. Ces formes complexes justifient alors d'une réparation complète. Les rectocèles associée à une dyschésie rectale Elles sont la conséquence d'un trouble de la statique de l'étage postérieur. L'étude de l'étage postérieur doit faire rechercher une hypertonie paradoxale des releveurs à l'évacuation ( déféco et manométrie) justifiant une rééducation par biofeedback. Elle doit évaluer le degré du prolapsus du rectum : simple intussusception rectale physiologique, prolapsus intra-anal avec verticalisation et glissement du rectum à travers la filière anale expliquant le syndrome d'obstruction rectale et la vidange incomplète de la rectocèle. Le degré de la colpocèle postérieure est souvent moins prononcé car la rectocèle est la conséquence du prolapsus rectal associé. Il n'est pas rare de retrouver une élytrocèle d'entraînement par le prolapsus. La priorité est à la correction de l'étage postérieur. La prise en charge chirurgicale multidisciplinaire. Ces différentes formes anatomiques permettent de comprendre qu'actuellement la prise en charge chirurgicale de la rectocèle ne se résume plus à la simple colpectomie postérieure associée à deux points de rapprochement sur les releveurs de l'anus. Trois approches chirurgicales sont actuellement possibles Les voies périnéales et vaginales : Elles permettent une réfection complète de la paroi recto-vaginale avec ou sans interposition de matériel prothétique. Il est possible de traiter une entérocèle par résection du cul de sac de Douglas, plicaturer la face antérieure du rectum, réaliser une suspension du dôme vaginal à l'épine sciatique (spinofixation de RICHTER) ou une suspension postérieure dynamique translévatorienne (SPARC postérieur). Cette approche peut être combinée avec une réparation de l'étage antérieur par voie basse. Elle peut exposer en cas de colpectomie étendue et de myorraphie excessive à des dyspareunies. La mise en place de matériel prothétique non résorbable par voie basse s'accompagne du risque d'exposition de la prothèse (10%), certains lui préfèrent l'utilisation de prothèse de type biologique autologue. Les voies endo-anales : Elles concernent des rectocèles associées à une constipation terminale (O.D.S.). Cette chirurgie permet une résection de la muqueuse et une plicature de la musculeuse de la face antérieure du rectum (SULLIVAN, KHUBCHANDANI). Plus récemment a été décrit une résection circulaire et complète de l'ensemble de la paroi du bas rectum (Stapled Trans Anal Rectal Resection). Les voies endoanales ne traitent que la procidence rectale sans action sur le périnée ou la cure d'une élytrocèle. - La voie abdominale: Le traitement de la rectocèle s'intègre ici à celui du prolapsus associé. La correction du prolapsus est une suspension au promontoire se faisant par l'intermédiaire de bandelettes prothétiques. La suspension viscérale ( vessie, dôme vaginal, utérus ou rectum) est fonction du bilan périnéal. L'intervention la plus fréquente, pour le prolapsus génital, est l'opération de Scali (fixation complète de l'étage moyen au promontoire par bandelettes dans les espaces vésico-vaginal et recto-vaginal). En cas d'une IU d'effort associée ou démasquée par la réduction du prolapsus, la promontofixation est souvent associée à un geste périnéal de suspension sous-uréthral (TVT). La fixation prothétique du rectum s'effectue dans la courbure sacrée (intervention de WELLS) ou au promontoire (ORR LOYGUE). Son principe est de fixer les faces antéro-latérales basses du rectum sous péritonéal au point d'invagination en limitant le geste de dissection (préservation nerveuse et des ailerons du rectum) en raison du risque de constipation postopératoire. Quelle que soit la fixation des organes, le matériel prothétique doit être posé sans tension, pour tenir compte de la rétraction prothétique ( environ 20 à 40%) source de rigidité excessive. Dans cette approche abdominale, la laparoscopie est particulièrement indiquée. CONCLUSION La prise en charge des rectocèles doit s'intégrer dans le cadre d'un bilan complet de la statique pelvienne ce qui lui donne son caractère multidisciplinaire. RÉFÉRENCES · Siproudhis L et al : Dyschezia and rectocele- a marriage of convenience. DCR 1993;36:1030 AFC Siège social : 122, rue de Rennes 75006 Paris tél : +33 (0) 1 45 44 96 77