Optimisation, frontière des possibilités de production Pour occuper ses soirées d’hiver et compléter ses revenus, Mamy Tricotin confectionne des gilets et des écharpes en laine qu’elle vend à un commerçant de la ville voisine. Celui-ci passe tous les quinze jours récupérer la production de Mamy Tricotin. A cette occasion, Mamy Tricotin et le commerçant se mettent d’accord sur les prix auxquels seront payés les gilets et les écharpes de la quinzaine suivante. Le tableau ci-dessous donne les combinaisons que Mamy Tricotin peut réaliser en quinze jours : écharpes 16 15 14 12 9 5 0 gilets 0 1 2 3 4 5 6 Combien Mamy Tricotin va-t-elle tricoter de gilets et d’écharpes au cours de la quinzaine à venir si l’accord passé avec le commerçant prévoit qu’elle pourra vendre ses gilets au prix de 18 euros pièce et ses écharpes au prix de 6 euros ? Justifiez précisément votre réponse en considérant que Mamy Tricotin appuie son choix sur un calcul économique rationnel que vous expliciterez. -o-o-o-o-o- Corrigé La rationalité économique conduit Mamy Tricotin à rechercher une combinaison assurant un avantage net maximal (ce qui n’est pas la même chose qu’un chiffre d’affaires maximal). Son comportement consiste donc à comparer en termes relatifs ce que lui rapporte et ce que lui coûte à la marge une production par rapport à l’autre. Du côté des gains, la comparaison se fait à partir des prix négociés avec le commerçant : 18 euros pour un gilet et 6 euros pour une écharpe. En termes relatifs la production d’un gilet supplémentaire rapporte donc l’équivalent de trois écharpes. Du côté des coûts, l’énoncé ne donne aucune indication sur les coûts nominaux mais il précise les possibilités de production de Mamy Tricotin, ce qui permet de calculer les coûts d’opportunité. Pour cela, on calcule le nombre d’écharpes qu’elle renonce à tricoter lorsqu’elle veut produire un gilet supplémentaire. A partir du tableau des possibilités de production, on obtient : écharpes 16 Variation du nombre d’écharpes gilets 0 Variation du nombre de gilets Coût d’opportunité du dernier gilet tricoté é =− 1 15 14 12 9 5 0 -1 -1 -2 -3 -4 -5 1 2 3 4 5 6 +1 +1 +1 +1 +1 +1 1 1 2 3 4 5 Il apparaît que le quatrième gilet tricoté a un coût d’opportunité égal à 3, c’est-à-dire qu’il a coûté à produire, l’équivalent de trois écharpes, ce qui équivaut précisément à ce que rapporte la vente d’un gilet. Pour les trois premiers gilets, le coût d’opportunité est inférieur au prix relatif à la vente tandis que les cinquième et sixième gilets coûtent plus qu’ils ne rapportent. La production optimale, qui correspond à une égalité entre avantage marginal et coût marginal est donc de quatre gilets et neuf écharpes. On pourrait éventuellement considérer que, dans le cadre retenu ici où le raisonnement se fait sur des valeurs entières, Mamy Tricotin s’arrête à une combinaison de trois gilets et douze écharpes puisque le gilet supplémentaire ne procure en net ni gain ni perte ; son coût et son rapport sont strictement égaux, équivalant à trois écharpes. 2 Exercice 2 Le Ronduraz et le San Théodoros sont deux petits pays voisins l’un de l’autre qui vivent en autarcie. L’opportunité d’une ouverture au libre échange avec le San Théodoros est la question à l’ordre du jour dans tous les milieux politiques du Ronduraz. Une étude des potentiels productifs des deux pays a permis de calculer la productivité moyenne d’une heure de travail dans les secteurs de l’agriculture et de l’industrie. Les résultats de l’étude sont résumés dans le tableau suivant : Productivité horaire du travail Ronduraz San Théodoros Agriculture 300 100 Industrie 400 200 Les chiffres du tableau correspondent à un indice du volume moyen de production du secteur pour une heure de travail. Suite à la publication de ces résultats, un débat se déroule au sénat du Ronduraz. Le sénateur Alonzo Bistro déclare : « Les chiffres sont éloquents ! Nous n’avons rien à gagner à commercer avec un pays comme le San Théodoros dont l’économie accuse un retard marqué dans tant dans le secteur agricole que dans le secteur industriel. » Le sénateur Ricardo Sanzo lui rétorque : « Mon cher collègue, vous vous méprenez car il faut raisonner en termes relatifs. Le fait que nous ayons une nette avance sur ce pays voisin n’enlève rien à l’intérêt de commercer avec lui. Compte tenu du retard qu’accuse le San Théodoros dans tous les secteurs, je pense que nous avons tout intérêt à nous en remettre à lui pour nos approvisionnements en produits agricoles et à lui vendre nos produits industriels. » La sénatrice Margarita Saudade intervient à son tour dans le débat : « Comme le sénateur Sanzo, je suis favorable à une ouverture des échanges avec le San Théodoros. Cependant, je ne suis pas d’accord avec lui sur la façon dont cet échange doit se faire. J’estime que notre pays gagnera plutôt à exporter ses productions agricoles vers le San Théororos et à en importer des produits industriels. J’ajouterai même que nous pourrons demander à notre partenaire de nous fournir, pour chaque unité de produit agricole que nous exporterons, de 1,5 à 1,7 unité de produit industriel ; il ne devrait pas s’opposer à un tel rapport d’échange avantageux pour nos deux pays. » Commentez chacune des trois déclarations en indiquant dans chaque cas ce qui vous semble exact ou erroné et en apportant les précisions qui peuvent l’être à partir de l’analyse économique. ======= Le sénateur Alonzo Bistro a raison de dire que le San Théodoros a un retard dans tous les secteurs puisque sa productivité est plus faible que celle du Ronduraz dans l’agriculture et dans l’industrie. Mais il oublie que l’intérêt de la spécialisation et de l’échange n’est pas déterminé par l’avantage absolu mais par l’avantage relatif. Même si le Ronduraz détient un avantage absolu dans les deux secteurs, il a intérêt à commercer avec le San Théodoros puisque les deux pays diffèrent en termes relatifs : au Ronduraz, la productivité est 1,33 fois plus élevée dans l’industrie que dans l’agriculture tandis qu’au San Théodoros, ce rapport est de 2. Le sénateur Ricardo Sanzo est donc tout à fait fondé à rappeler que, sur la base d’une comparaison des conditions relatives, qui sont les déterminants à prendre en compte, le Ronduraz a intérêt à commercer avec le San Théodoros. En revanche, il se trompe sur le 3 sens de la spécialisation et des échanges. Celui-ci est déterminé par la distribution des avantages relatifs, chacun se spécialisant et exportant les produits du secteur pour lequel il a un avantage relatif. Comparée à la productivité agricole, la productivité industrielle est 1,33 fois plus élevée au Ronduraz et 2 fois plus élevée au San Théodoros. Cela signifie que le San Théodoros a un avantage relatif dans le secteur de l’industrie. C’est donc lui qui va exporter les produits industriels ; en contrepartie, le Ronduraz exportera des produits du secteur agricole dans lequel il a son avantage relatif. C’est bien ce qu’a compris la sénatrice Margarita Saudade. Les précisions qu’elle apporte sur les conditions auxquelles pourrait se faire l’échange sont également correctes. Les deux protagonistes gagnent à l’échange dès lors que celui-ci se fait entre eux selon un rapport d’échange intermédiaire entre les rapports internes des deux pays en autarcie. Ces rapports d’échange d’autarcie sont directement liés aux caractéristiques de production. Au Ronduraz, la productivité industrielle est 1,33 fois plus élevée que la productivité agricole ; cela signifie que l’on doit renoncer à l’équivalent de 1,33 unité de produit industriel pour obtenir une unité supplémentaire de produit agricole. A San Théodoros, ce même rapport est de 2. Pour être accepté par les deux protagonistes, le rapport d’échange doit donc se situer entre 1,33 et 2. En étant supérieur à 1,33 il permet au Ronduraz d’obtenir pour chaque unité de produit agricole exportée une quantité de produit industriel plus élevée que ce qu’il aurait pu produire lui-même. En restant inférieur à 2 il permet au San Théodoros d’obtenir une unité de produit agricole en livrant moins de deux unités de produit industriel, ce qui aurait été la quantité exigée en interne. L’intervalle de valeurs que propose la sénatrice pour la négociation avec le San Théodoros est donc tout à fait pertinent. 4 Exercice 3 (repris de G.N. Mankiw : Principes de l’économie, 1998, pp.115-116) Parce que les blinis accompagnent souvent le saumon, ces deux produits sont complémentaires. a- On constate que le prix d’équilibre du saumon et la quantité d’équilibre de blinis ont tous les deux augmenté. Lequel des deux évènements suivants peut être à l’origine de cette double augmentation : une diminution du prix de la farine ou une baisse du salaire des pêcheurs ? b- Imaginons au contraire que le prix d’équilibre des blinis a augmenté tandis que la quantité d’équilibre de saumon a baissé. Lequel des évènements suivants peut être à l’origine de ces mouvements : une augmentation du prix de la farine ou une augmentation du salaire des pêcheurs ? Dans chaque cas, justifiez votre réponse en expliquant précisément (grâce à des représentations graphiques notamment) les mouvements en termes d’offre et de demande associés à l’évènement responsable des mouvements observés et en précisant quelles auraient été les conséquences de l’autre évènement. ======= Le fait que les deux produits sont complémentaires signifie que l’élasticité-prix croisée de la demande est négative. La baisse du prix de l’un des produits engendre une augmentation de la demande de l’autre (au sens d’un déplacement de la courbe de demande). a- Examinons les conséquences d’une diminution du prix de la farine. La farine est un input pour la fabrication des blinis ; la baisse de son prix permet donc de réduire les exigences de prix minimal pour offrir les blinis. Sur le marché des blinis, on assiste donc à un déplacement de la courbe d’offre vers le bas (de Sb à Sb’). Toutes choses égales par ailleurs, il y a donc, au niveau de prix initial, un excès d’offre de blinis et ce déséquilibre va faire diminuer le prix des blinis. Cette baisse de prix, qui s’accompagne d’une hausse de la quantité de blinis échangée à l’équilibre, entraîne aussi une hausse de la demande de saumon, produit complémentaire des blinis. Cela se traduit, sur le marché du saumon, par un déplacement de la courbe de demande (de Ds à Ds’) et donc, au niveau de prix initial, par un excès de demande qui va faire croître le prix du saumon. prix Db prix Sb Sb’ Baisse du prix de la farine (baisse du coût de production) quantité Ds ’ Ds Effet de complémentarité induit par la baisse de prix des blinis Ss quantité Marché des blinis Marché du saumon On a donc finalement, en résumé, une baisse du prix des blinis et une hausse de celui du saumon et une hausse des quantités échangées de blinis et de saumon. 5 On peut maintenant analyser les conséquences d’une diminution du salaire des pêcheurs. Cette baisse de salaires réduit les coûts de production du saumon permet donc de réduire les exigences de prix minimal du côté de l’offre de ce bien. Sur le marché du saumon, on assiste donc à un déplacement de la courbe d’offre vers le bas (de Ss à Ss’). Toutes choses égales par ailleurs, il y a donc, au niveau de prix initial, un excès d’offre de saumon et ce déséquilibre va faire diminuer le prix du saumon. Cette baisse de prix s’accompagne d’une hausse de la quantité échangée à l’équilibre et d’une hausse de la demande du produit complémentaire, les blinis. Cela se traduit, sur le marché des blinis, par un déplacement de la courbe de demande (de Db à Db’) et donc, au niveau de prix initial, par un excès de demande qui va faire croître le prix de ces produits. prix Ds prix Ss Ss’ Baisse du salaire des pêcheurs (baisse du coût de production) Db’ Db quantité Marché du saumon Sb Effet de complémentarité induit par la baisse de prix du saumon quantité Marché des blinis L’équilibre final est donc caractérisé par une hausse du prix des blinis et une baisse de celui du saumon et une hausse des quantités échangées de blinis et de saumon. La configuration observée sur les marchés, qui allie une augmentation du prix d’équilibre du saumon et de la quantité d’équilibre de blinis peut donc s’expliquer par une diminution du prix de la farine mais non par une baisse du salaire des pêcheurs. b- L’analyse est symétrique de celle de la question a. Commencer par étudier les conséquences d’une augmentation du prix de la farine. La farine est un input pour la fabrication des blinis ; la hausse de son prix accroît les exigences de prix minimal pour offrir les blinis. Sur le marché des blinis, on assiste donc à un déplacement de la courbe d’offre vers le haut (de Sb à Sb’). Toutes choses égales par ailleurs, il y a donc, au niveau de prix initial, une insuffisance d’offre de blinis et ce déséquilibre va faire augmenter le prix des blinis. Cette hausse de prix entraîne une baisse de la quantité de blinis échangée à l’équilibre et une baisse de la demande de saumon, produit complémentaire des blinis. Cela se traduit, sur le marché du saumon, par un déplacement de la courbe de demande (de Ds à Ds’) et donc, au niveau de prix initial, par une insuffisance de la demande qui va faire baisser le prix du saumon. 6 prix Db prix Sb’ Sb Hausse du prix de la farine (hausse du coût de production) Ds Ds ’ quantité Effet de complémentarité induit par la hausse de prix des blinis Ss quantité Marché des blinis Marché du saumon On a donc finalement, en résumé, une hausse du prix des blinis et une baisse de celui du saumon et une baisse des quantités échangées de blinis et de saumon. On peut maintenant analyser les conséquences d’une augmentation du salaire des pêcheurs. Cette hausse de salaires constitue une hausse des coûts de production du saumon et accroît donc les exigences de prix minimal du côté de l’offre de ce bien. Sur le marché du saumon, on assiste donc à un déplacement de la courbe d’offre vers le haut (de Ss à Ss’). Toutes choses égales par ailleurs, il y a donc, au niveau de prix initial, une insuffisance de l’offre de saumon et ce déséquilibre va faire augmenter le prix du saumon. Cette hausse de prix s’accompagne d’une baisse de la quantité échangée à l’équilibre et d’une diminution de la demande du produit complémentaire, les blinis. Cela se traduit, sur le marché des blinis, par un déplacement de la courbe de demande (de Db à Db’) et donc, au niveau de prix initial, par une insuffisance de la demande qui va faire baisser le prix de ces produits. prix Ds prix Ss’ Ss Hausse du salaire des pêcheurs (hausse du coût de production) quantité Marché du saumon Db Db’ Sb Effet de complémentarité induit par la hausse de prix du saumon quantité Marché des blinis L’équilibre final est donc caractérisé par une baisse du prix des blinis et une hausse de celui du saumon et une baisse des quantités échangées de blinis et de saumon. La configuration observée sur les marchés, qui allie une augmentation du prix d’équilibre des blinis et une diminution de la quantité d’équilibre de saumon peut donc s’expliquer par une augmentation du prix de la farine mais non par une hausse du salaire des pêcheurs. 7 Exercice 4 (adapté de P.A. Samuelson et W.D. Nordhaus : Economie, 16ème éd., 2000, p.69) Imaginons qu’une certaine année la nature sourit à l’agriculture. Un hiver froid a détruit la vermine ; le printemps est venu tôt pour les plantations ; il n’y a pas eu de gel meurtrier ; la pluie a nourri les pousses pendant leur croissance ; enfin un mois d’octobre ensoleillé permet d’offrir une récolte record sur le marché. A la fin de l’année, la famille Jones (qui tire ses revenus de l’agriculture), heureuse, s’emploie à calculer son revenu pour l’année. Une grosse surprise l’attend : le beau temps et la récolte record ont réduit son revenu (par rapport à une année normale) de même que celui des autres fermiers. Comment cela a-t-il pu se produire ? Justifiez votre réponse en expliquant les mouvements d’offre et/ou de demande et en précisant quelle hypothèse doit être faite en termes d’élasticité. ======= La récolte exceptionnelle réalisée par les agriculteurs implique que, en raison des conditions naturelles favorables, les producteurs sont en mesure de proposer, pour un même prix, des quantités plus élevées qu’en année normale. Cela signifie une augmentation de l’offre sur le marché des produits agricoles et se traduit, dans le plan (quantité, prix SN prix), par un déplacement de la courbe d’offre vers la D SE droite (de SN vers SE). Excès Au niveau de prix d’équilibre du marché en année pN d’offre normale (pN), on enregistre un excès de l’offre sur la demande. Ce déséquilibre engendre une diminution du prix qui permet de restaurer un nouvel équilibre en freinant l’offre et en stimulant la demande pE (déplacement sur les courbes). Ce nouvel équilibre d’année exceptionnelle est alors caractérisé par un prix quantité QN QE (pE) plus faible que le prix d’équilibre normal (pN). La recette totale que les agriculteurs tirent de la vente de leur production est égale au produit du prix d’équilibre du marché par la quantité échangée à l’équilibre. Si l’on suppose que la variation enregistrée dans la récolte est uniquement due aux aléas météorologiques, on peut considérer que les coûts de production durant l’année exceptionnelle restent semblables à ceux d’une année normale. Dans ces conditions, le revenu des agriculteurs varie de la même façon que la recette totale qui est aussi la dépense totale des consommateurs. Deux influences opposées s’exercent en année exceptionnelle par rapport à une année normale : d’un côté, une influence positive sous la forme d’une augmentation de la quantité échangée à l’équilibre ; de l’autre côté une influence négative avec la baisse du prix d’équilibre. Selon l’importance relative de ces deux influences, la recette totale des agriculteurs peut augmenter ou diminuer. Si la famille Jones, comme les autres fermiers, a enregistré une baisse de ses revenus au cours de l’année exceptionnelle, c’est que l’effet défavorable de la baisse des prix l’a emporté sur l’effet favorable de l’augmentation des quantités vendues. En d’autres termes, la hausse des quantités échangées, et donc aussi demandée, s’est révélée moins que proportionnelle à la baisse des prix. Cela traduit une rigidité (ou inélasticité) de la demande par rapport au prix ; en valeur absolue, le coefficient d’élasticité-prix de la demande est inférieur à l’unité. Ce résultat peut être établi mathématiquement en développant l’inégalité représentative d’une baisse de la recette totale, produit du prix par la quantité échangée. Soit : d. < 0 avec 8 d < 0 Le développement donne : . d + . d < 0 ⇔ . d < −. d ⇔ d d <− Avec d < 0, l’inéquation peut se réécrire pour faire apparaître l’expression de l’élasticité prix : − d# d# <1 Cette inégalité correspond bien à la définition d’une inélasticité de la demande par rapport au prix : la quantité varie à l’inverse des prix et moins que proportionnellement. 9