prendresoin d’eux-mêmes,négligentleur hygiène
etne s’alimententplus correctement.Ilsemma-
gasinentdansleur appartement toutesorte de
fatras.Ils vivent seulset refusent touteaide qui
leur est offerte. Cesonten général despersonnes
isolées,méfiantes,éloignéesdu réel etjadis
dépendantesdesautres.Leur alimentation dés-
ordonnée lesexposeàdesdéficits en protéines
sériques,en vitamines,en fereten liquides.»
Même s’il ne s’agitpasici d’une définition étayée
pardescritères,dansle style desmanuelsdiag-
nostiquescourants,il est déjà clairque le syn-
drome de Diogène est untrouble plutôtinhomo-
gène etcomplexe,évoquant untrouble de laper-
sonnalité,une manifestation associée au vieillis-
sement,le développementd’une négligence,d’une
clochardisation,d’une incurie,desperturbations
dansl’alimentation etautres troublesducom-
portement.
Il n’est doncpasétonnantque desconcepts tels
que «syndrome de Diogène»,«syndrome de
l’amassement,de l’entassement» n’apparaissent
pasdansl’indexalphabétique desmanuelsdiag-
nostiques telsque l’ICD-10[2]oule DSM-IV [3].
Aspects éthologiques
Lesdénominations symptomatologiques utilisées
notammentdansl’espaceanglo-saxon,tellesque
«collectionism» et«hoarding»,suggèrentbien
que le syndrome de Diogène représente le déve-
loppementexcessif,obsessionnel etcompulsif de
modesde comportements circonscrits très signi-
ficatifs sur le plan des sciencescomportemen-
tales.Les syndromes-clésquesontl’amassement
etl’entassement sontparnature étroitement
associésaux objets extracorporels, c’est-à-dire
aux objets avant tout générésparla culture
humaine. Ainsi,intuitivement,on ne peut guère
imaginerque de telsphénomènesaientdéjàété
décrits hors dudomaine humain, c’est-à-dire
dansle règne animal;il s’ensuitlogiquementque
le syndrome de Diogène est untrouble ducom-
portement spécifiquesurvenuavecla civilisation
humaine. Malgrétout,un petit tour d’horizon
dansle règne animal pourraitnous permettre
de rechercherd’éventuelsmodesde comporte-
menthomologues,telsque nous lesconnaissons
d’autres syndromespsychopathologiques(parex.
pica, phobies, comportementde toxicomanie,
déviations sexuelles).
La question se pose doncde savoir s’il existe des
animaux qui entassentetengrangentcertains
objets dansdesbuts préciset,sitel est le cas,dans
quelscerclesfonctionnels(alimentation, accou-
plement,logis,soinsdonnésàla couvée,etc.)
lesmodesde comportements correspondants
s’imbriquent.Même si,dansce genre de compa-
raisons–comme toujours danslesconsidéra-
tionséthologiques– on ne peut certainementpas
appliquerde conclusionsdirectementde l’ani-
malàl’humain,de tellesobservationschezl’ani-
mal peuventfournirde précieusesinformations.
Onconnaîtbien lapropension àfaire des réser-
vesde nourriturechezl’écureuil (Sciurus vulga-
ris) etlesespècesapparentées; etle comporte-
mentduhamster(Cricetus cricetus) est devenu
proverbial,qui peut entasserdans sescavernes
jusqu’à30 kg de grainesde plantes(parex.
grainesde céréales,glands,faînes). Maisil peut
aussirécolterdesobjets inanimésdansle but
de fabriquer un logis(nid,hutte),selon un ordre
défini (cf. coquillesdeslarvesde lamouche pla-
typhylax,ouhuttesprimitivesen feuillesetbran-
chageschezlesgrands singes). La fabrication du
nid est un phénomène connuchezde nombreuses
espècesd’oiseaux; il n’yapasque lespiesqui
collectionnentdesobjets parfois trèsbizarres.
De même,dansle cadre de laparade nuptiale,le
mâle entasse divers objets; chezle rapace mâle,
qui désire impressionner sapartenairesexuelle
en construisant un nid aumoyen de feuillages
fabuleux etcolorés,l’objectif associé àlarepro-
duction est évident[4].Parcontre, cebut est moins
évidentparmi lespingouinsde TerreAdélie,qui
vivent sur l’île de Ross en Antarctique et y amon-
cellentdesgalets pour attirerl’objetde leur désir.
Dawkins[5]parle de «phénotype étendu» (ex-
tended phenotype),résumanten tantque phéno-
mène global le mode de vie etlesartéfacts qui,
selon lui,sontle fruitde l’instinct,nommément
lalarve de lamouche platyphylaxet tout son logis
faitde petits cailloux etde ciment,le castoretla
digue en boisqu’il construit– deux formations
dontlesauteurs sontd’espèce fort différente
maisdontl’activité précise leur permetàtous
deux d’optimiserleur autoprotection.
On peut donc constaterque l’acquisition etla
conservation d’objets extracorporelsdansle règne
animal,peut viserdesfonctionsfort différentes,
allantde laprotection dudangeràl’élaboration
de réservesen passantparlarecherche d’une
partenaire etles soinsdonnésàla couvée.
Contrairementàl’être humain,on ne connaît
toutefoisaucune espèceanimale utilisantdes
objets extracorporelspour délimiterleur terri-
toire:ils utilisentpour cela, sansexception,leurs
sécrétionscorporelles(urines,selles,sécrétions
parfumées spécifiques).
L’entassement: histoire de ce concept
Malgré la caractérisation de l’Homo sapiensen
tantque «chasseur-cueilleur»,lapathologie de
l’activité de collectionnisme humain afaitpen-
dantlongtempsl’objetd’un manque d’atten-
tion de lapart des sciences.Parcontre,les tri-
bus humainesde l’Age de pierreconstruisaient
déjàdesdépôts d’outilsde silexgrossièrement
taillésetd’accumulation d’osd’animaux [6].La
«manie pathologique de la collection» peut tou-
tefois, bien que partiellement,êtreattribuée àla
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