AssistAnce circulAtoire pAr ecMo
(extrAcorporeAl MeMbrAne
oxygenAtion)
Alain Combes, Pascal Leprince, Charles-Edouard Luyt, Jean-
Louis Trouillet, Jean Chastre
Service de Réanimation Médicale, Institut de Cardiologie, Groupe
Hospitalier Pitié-Salpêtrière, iCAN, Institute of Cardiometabolism and
Nutrition, 47, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris Cedex 13, France.
E-mail:[email protected]
RÉSUMÉ
Les médecins urgentistes, cardiologues et réanimateurs doivent reconnaître
précocement les pathologies susceptibles d’évoluer rapidement vers le choc
cardiogénique réfractaire et l’asystolie : choc cardiogénique de l’infarctus du
myocarde, myocardites aiguës, intoxications par médicaments stabilisants de
membrane, myocardiopathies du péri ou du post-partum, insufsance cardiaque
terminale sur cardiomyopathie dilatée idiopathique ou ischémique. Dans ces
situations d’urgence, l’ECMO (Extra Corporeal Membrane Oxygenation) est
maintenant l’assistance circulatoire de première ligne et il faut diriger le malade le
plus rapidement possible vers un centre médico-chirurgical possédant la maîtrise
de la mise en place et de la surveillance de cette technologie complexe. En effet,
l’implantation d’une machine avant que ne s’installent des signes de défaillance
multiviscérale permet de réduire de manière très signicative la morbidité et la
mortaliliées à la pathologie. Si l’état clinique du malade se détériore rapidement
rendant un transport médicalisé hasardeux, il est parfois possible de faire appel
à une unité mobile d’assistance circulatoire (UMAC), se projetant vers l’hôpital
est pris en charge le malade pour y implanter l’assistance et de transférer
secondairement le malade sous assistance vers le centre médico-chirurgical
de référence. Cette stratégie permet ainsi de sauver la vie de près de 40% de
malades dont le pronostic était encore fatal à très court terme il y a quelques
années.
INTRODUCTION
L’ECMO (Extra Corporeal Membrane Oxygenation) est une technique d’assis-
tance circulatoire et respiratoire dérivée des circuits de circulation extracorporelle
MAPAR 2012
244
utilisés depuis plus de 50ans maintenant en chirurgie cardiaque[1,2]. Le circuit
d’ECMO se compose d’une canule de décharge veineuse, d’une pompe centri-
fuge électrique qui génère un débit continu, d’un oxygénateur à membrane et
d’une ligne de réinjection du sang oxygéné (Figures1 et2). L’ECMO peut être
implantée à visée de suppléance respiratoire exclusive, en utilisant un circuit
veino-veineux (ECMO VV) ou de suppléance cardiaque ou cardio-respiratoire en
utilisant un circuit veino-artériel (ECMO VA)[1].
Figure 1 : ECMO veino-artérielle fémoro-fémorale. Noter l’implantation d’un
cathéter de perfusion de l’artère fémorale supercielle brancen dérivation sur
le circuit artériel, destiné à prévenir une ischémie de membre inférieur.
Canule artérielle de l'ECMO
Ligne de réinjection
Vers la cuisse
Insufsance cardiaque 245
Figure 2: Circuit d’ECMO: en haut, la pompe centrifuge électrique qui génère
un débit continu et l’oxygénateur à membrane; en bas le contrôleur, montrant
ici que le débit généré par la pompe est à 6,1l.min-1 pour 4100 t par min
Même si cette machine était disponible depuis plus de 3décennies en tant
qu’assistance cardiaque, respiratoire ou cardio-respiratoire, les résultats obtenus
jusqu’au milieu des années 90 étaient particulièrement décevants (en dehors du
contexte pédiatrique), en raison des nombreuses complications obseres et de
la faible durée de vie des circuits[3,4]. Les progrès techniques décisifs réalisés
au cours de la dernière décennie tant au niveau des canules, des pompes que
des oxygénateurs à membrane, ont permis un renouveau de l’utilisation de cette
technologie. Ainsi, à l’Institut de Cardiologie de la Pitié-Salpêtrière à Paris, le
nombre d’ECMO implantées a considérablement augmenté dans les dernières
années (Figure3).
Figure 3: Evolution du nombre d’ECMO implantées à l’Institut de Cardiologie
de la Pitié-Salpêtrière à Paris sur les années 2001-2010.
Total
Après chrirugie cardiaque
Médical
MAPAR 2012
246
Dans ce chapitre, nous exposerons successivement les indications et les
modalités pratiques de mise en place du circuit, les complications qui lui sont
associées, et les résultats à court, moyen et long termes rapportés ces dernières
années.
1. ECMO VA EN CAS DE CHOC CARDIOGÉNIQUE RÉFRACTAIRE
La mise en place d’une ECMO VA peut être envisagée dans deux grands
types de situations:
En postopératoire immédiat d’une chirurgie cardiaque conventionnelle ou d’une
transplantation cardiaque, lorsque le sevrage de la CEC est impossible[5].
Les canules sont mises en place le plus souvent en intrathoracique, avec une
décharge droite au niveau de l’oreillette droite et une canule de réinjection au
niveau de l’aorte thoracique ascendante. Une décharge des cavités gauches,
soit directe par canulation de l’apex du ventricule gauche, soit indirecte par
canulation du tronc de l’artère pulmonaire peut être associée au circuit. Si la
défaillance cardiaque est retardée après l’intervention, une ECMO périphérique
fémoro-fémorale est parfois préférée dans le cadre de l’urgence.
En cas de choc cardiogénique réfractaire «d’étiologie médicale»: infarctus du
myocarde[6], myocardite fulminante[7,8], intoxications aiguës par drogues
cardiotoxiques à effet stabilisant de membrane [9-11], rejet aigu de greffe
cardiaque[12], insufsance cardiaque terminale sur cardiomyopathie dilatée
idiopathique ou ischémique, arrêt cardio-circulatoire[11,13-16] et plus excep-
tionnellement, embolie pulmonaire grave[17], hypothermies profondes[18],
et défaillance cardiaque sévère dans le cadre d’un choc septique. Dans ces
situations, les canules sont implantées par voie périphérique, au niveau des
vaisseaux fémoraux.
L’assistance cardio-respiratoire par ECMO est maintenant la technique de
première ligne pour la prise en charge des chocs cardiogéniques réfractaires
«d’étiologie médicale». Il est ainsi possible d’obtenir rapidement et de manière
peu agressive, si nécessaire au lit du malade et sous anesthésie locale, une
suppléance circulatoire et respiratoire particulièrement efcace. Dans ces
situations d’urgence, l’ECMO est implantée par voie périphérique avec canulation
par technique de Seldinger des vaisseaux fémoraux, soit par voie percutanée
exclusive, soit après abord chirurgical limité de la face antérieure des vaisseaux
fémoraux (Figure1). La canule veineuse de diamètre 19-25French est glissée
au travers de la veine fémorale puis de la veine cave inférieure jusque dans
l’oreillette droite, et la canule artérielle (15-19 French) est insérée jusqu’au
niveau de l’aorte thoracique descendante. An d’éviter une ischémie de membre
inférieur, un cathéter de perfusion de l’artère fémorale supercielle est le plus
souvent branché en dérivation sur le circuit artériel (Figure 1).
La décision d’implanter une ECMO repose sur un faisceau d’arguments
cliniques, paracliniques et souvent sur l’expérience personnelle et collective des
membres de l’équipe. De manière importante, cette technique lourde, grevée
de complications sévères, ne doit s’envisager que si les chances d’une récu-
pération de la fonction ventriculaire sont raisonnables ou, dans le cas contraire,
qu’il n’existe pas de contre-indication manifeste à une transplantation cardiaque
ou plus rarement à l’implantation d’une assistance ventriculaire dénitive. La
constatation de signes cliniques et hémodynamiques de choc cardiogénique
s’aggravant malgré un traitement inotrope positif maximal et parfois un ballon de
Insufsance cardiaque 247
contre-pulsion intra-aortique doit conduire à la discussion d’assistance. Cepen-
dant, d’autres signes de gravité doivent être reconnus précocement: douleurs
abdominales, nausées, baisse du niveau de conscience, tachycardie majeure ou
troubles du rythme sous catécholamines, troubles ioniques se majorant, aggra-
vation de la fonction rénale ou hépatique. En cas de dégradation clinique rapide
d’un malade hospitalisé dans un centre ne disposant pas directement de cette
technologie, il est parfois possible de faire appel à une unité mobile d’assistance
circulatoire (UMAC), se projetant vers l’hôpital est pris en charge le malade
pour y implanter l’assistance et de le transférer secondairement sous assistance
vers le centre médico-chirurgical de référence[19]. Par ailleurs, la mise en place
d’une ECMO à visée thérapeutique en cas d’arrêt cardiaque intra-hospitalier ou a
fortiori extra-hospitalier doit être discutée sur des critères très stricts[11,13-16],
le pronostic de ces malades étant particulièrement catastrophique si le dispositif
a été mis en place après une période prolongée de « low-ow». Un groupe
multidisciplinaire Français[20] a récemment proposé un algorithme dénissant
les situations l’implantation d’une ECMO est raisonnable dans ces situations
(Figure4).
Figure 4 : Proposition d’algorithme de décision d’une assistance circulatoire
devant un arrêt cardiaque (AC) réfractaire [20]. RCP réanimation cardiopulmo-
naire; TV: tachycardie ventriculaire; FV: brillation ventriculaire; TP: torsade
de pointes; ETCO2: concentration télé-expiratoire de CO2 (évaluée 20min après
le début de la RCP médicalisée). *: une durée de RCP > 100 min peut être
acceptée dans le cas des intoxications par les cardiotropes. Les comorbidités
sont celles qui amèneraient à ne pas indiquer des soins invasifs (réanimation,
chirurgie, angioplastie coronaire par exemple). La durée du low-ow comprend
la RCP de base (témoins et secouristes) et la RCP médicalisée.
Indication possible
Intoxication
Hypothermie (≤ 32°C)
Signes de vie
per-RCP
ETCO2 ≥ 10 mmHg
ET
low-ow ≤100 min
Evaluation de la
durée de no-ow
Incertitude
AC réfractaire
0-5 min > 5 min ou pas de témoin
Evaluation
du rythme
Asystole
Rythme agonique
Evaluation de la
durée de low-ow ETCO2 < 10 mmHg
OU
low-ow > 100 min
TV, TP, FV
Comorbidités
Pas d'indication
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