En pratique
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POURQUOI LE PRONOSTIC DU CANCER
DU PANCRÉAS EST-IL SI EFFROYABLE ?
Le pancréas, en particulier céphalique,
comporte plusieurs spécificités qui expli-
quent en partie pourquoi un cancer qui
s’y développe est rapidement incurable.
● Tout d’abord,il contracte des rapports
très étroits avec les voies biliaires et le
duodénum. Un cancer de la tête du
pancréas va rapidement avoir un reten-
tissement sur ces organes adjacents.
Le traitement chirurgical devra sacrifier
une partie plus ou moins importante
des trois éléments de ce carrefour,avec
la complexité que cela suppose et la
morbidité qui en découle.
● Ensuite, le pancréas livre passage aux
vaisseaux mésentériques supérieurs,
en arrière de l’isthme. L’engainement,
voire l’envahissement de ces vaisseaux
par une tumeur de la tête ou du corps
la rendra rapidement inextirpable. Un
envahissement du mésentère signe l’im-
possibilité d’exérèse, tous les
auteurs s’accordant à considérer
que l’ablation complète de l’intes-
tin grêle n’est pas licite dans le
contexte.
● Troisièmement, le drainage lym-
phatique du pancréas est très com-
plexe, se faisant soit vers la rate,
soit vers le tronc cœliaque, soit
dans le mésentère, soit en arrière
vers les vaisseaux aorticocaves
(Figure 1).Au moment du diagnos-
tic de cancer du pancréas, les gan-
glions sont atteints dans plus de
75 % des cas.
● Quatrièmement, les métastases,
lorsqu’elles sont présentes,
condamnent le malade à brève
échéance, quel que soit le traite-
ment proposé (il n’y a pas de sur-
vivant à un cancer métastatique du
pancréas, alors qu’il en existe par
exemple pour un cancer métastatique
colorectal).
● Enfin,il existe assez fréquemment des
formes plurifocales (dans la littérature,
le taux de foyers multiples varie de 3
à 30 %).
LES LIMITES DU BILAN
D’UN CANCER DU PANCRÉAS
L'échographie abdominale,la TDM,l'écho-
endoscopie, l'IRM et la cholangiopan-
créatographie rétrograde par voie endo-
scopique (CPRE) sont autant d'examens
morphologiques qui permettent de pré-
ciser les caractères de la tumeur, son
retentissement d'amont et son exten-
sion locorégionale. Les ponctions sous
imagerie,ou lors d'une écho-endoscopie,
les brossages ou les biopsies réalisés lors
des manœuvres endoscopiques peuvent
souvent aboutir à un diagnostic histolo-
gique précis.
Pourtant le bilan,aussi complet et sophis-
tiqué qu'il puisse être, ne permet pas
toujours d'affirmer absolument que telle
adénopathie supracentimétrique du pédi-
cule hépatique est tumorale, que l'ab-
sence de liseré de sécurité avec une
artère hépatique est la certitude d'une
inextirpabilité de la lésion, que tel pro-
longement vers la racine du mésentère
est la signature d'une tumeur fixée ou
encore que telle image tumorale fusant
vers la gauche est à l'évidence une cou-
lée tumorale et non un foyer de pan-
créatite chronique d'amont…
QU’EST-CE QUI PEUT RENDRE LE
CANCER DU PANCRÉAS
IRRÉSÉCABLE ?
LA TAILLE DE LA LÉSION
Le taux de résécabilité est corrélé à la
taille de la tumeur :le cancer est en pra-
tique toujours localement extirpable
lorsque le diamètre est inférieur à 2 cm
tandis qu’il ne l’est quasiment
jamais lorsque sa taille
dépasse 4 cm. Cela en fait
d’ailleurs un critère prédictif
de survie dans plusieurs
études, la limite faisant bas-
culer le pronostic étant à 2,5
cm.
L’ATTEINTE GANGLIONNAIRE
Les groupes péripancréa-
tiques sont atteints d’emblée
dans environ 50 % des cas.
Ces métastases, intracapsu-
laires pour la plupart, sont
cependant parfois compa-
tibles avec une longue survie.
A l’inverse, l’envahissement
des chaînes mésentériques,
cœliaques ou aorticocaves
s’accompagne d’une survie
Critères de résécabilité d’un cancer du pancréas
L
e cancer du pancréas est le quatrième cancer digestif en France. Son pronostic est sombre,
puisque moins de 5 % des patients sont en vie 5 ans après le diagnostic. La seule chance de
guérison d'un patient atteint d'un tel cancer passe par la résection chirurgicale. Cela revient
à dire que récuser un patient pour une intervention sur une simple suspicion d'inextirpabilité en imagerie
pourrait le condamner.
Figure 1 : Principaux relais ganglionnaires dans le cancer du pancréas