La dysfonction vésicale postopératoire

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LA DYSFONCTION VÉSICALE POSTOPÉRATOIRE
Laurent Lamonerie (1), Emmanuel Marret (2)
(1) Groupe des Anesthésiologistes-Réanimateurs de l’HPA (GARHPA), Hôpital
Privé d’Antony, Avenue de la Providence, 92160 Antony.
(2) Département d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Tenon, 4 rue de la Chine,
75020 Paris
INTRODUCTION
La prise en charge de la période postopératoire a été pendant longtemps
résumée à celle de la douleur et à la gestion des détresses vitales. Cependant,
ces événements graves comme les complications cardiaques ou respiratoires
sont devenues au cours du temps de plus en plus rares notamment grâce à
l’amélioration des techniques d’anesthésie mais aussi grâce à une meilleure
prise en charge péri-opératoire des patients. À titre d’exemple, la mortalité liée
à l’anesthésie a été divisée par un facteur 10 en 20 ans, et ce malgré une augmentation considérable du nombre d’actes d’anesthésie et de la prise en charge
de patients de plus en plus âgés. Toutefois, à côté de ces accidents, il persiste
un nombre important d’incidents souvent responsable d’un véritable inconfort
pour le patient. De plus, dans un univers de plus en plus sûr avec un contexte
de dédramatisation de l’acte chirurgical et anesthésique mais aussi d’un désir
de rentabilité économique de la santé, ces « petits problèmes » deviennent
de moins en moins tolérables pour le patient mais également pour le praticien
par l’incommodité et le surcoût qu’ils engendrent. Ces effets secondaires
« mineurs » de l’anesthésie comme les nausées, les vomissements ou les maux
de gorge sont ainsi fréquemment rencontrés pendant la période postopératoire
si, tout du moins, le personnel soignant prend la peine de les rechercher [1].
Les troubles mictionnels comme la dysfonction vésicale ou la rétention aiguë
d’urine (RU) ont été peu étudiés durant la période postopératoire. Cependant,
leur incidence est loin d’être négligeable. Au décours d’un épisode de rétention
aigue d’urine postopératoire (RUPO), des lésions musculaires du détrusor peuvent provoquer des difficultés mictionnelles précoces ou peuvent influencer la
survenue de troubles mictionnelles à distance. Ces troubles mictionnels pendant
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la période postopératoire peuvent avoir ainsi des conséquences à court terme
et moyen terme [2-4].
1. RAPPELS ANATOMIQUES
La vessie est un organe sous-péritonéal situé dans la partie antérieure du
pelvis chez l’adulte lorsqu’elle est vide. Chez l’adulte, sa forme est triangulaire
lorsqu’elle est en réplétion puis ovoïde en cas de remplissage. Son diamètre
atteint 6-8 cm quand son contenu est de 300 ml. Elle se projette dans la région
abdominale chez l’enfant ou lorsqu’elle est pleine chez l’adulte. La vessie permet
le recueil continu des urines provenant des uretères et assure leur évacuation
de manière discontinue via l’urètre. Elle comprend une partie fixe (le trigone
situé entre les deux méats urétéraux et dont le col fait partie) et une partie distensible et mobile (le détrusor) constituée de trois couches musculaires lisses
(externe longitudinale, moyenne circulaire et interne longitudinale). Le sphincter
interne du col est constitué de fibres musculaires lisses qui se relâchent lors de
la contraction du détrusor et le sphincter externe de fibres musculaires striées
répondant au contrôle volontaire.
2. PHYSIOLOGIE DE LA MICTION (FIGURE 1)
Les réflexes vésico-sphinctériens de la miction mettent en jeu de nombreuses voies nerveuses dont les métamères sont très étendus et soumis à des
contrôles volontaires supraspinaux. L’innervation motrice et sensitive est sous
la dépendance du système sympathique dorso-lombaire (D10-L2) via les nerfs
hypogastriques et le système parasympathique sacré (S2-S4) via les nerfs
pelviens. Le système sympathique assure la contraction du col vésical (via des
récepteurs α-1 adrénergiques) et le relâchement musculaire des fibres lisses du
détrusor (via des récepteurs β adrénergiques) ce qui permet le remplissage et la
continence vésicale. Le parasympathique provoque la contraction du détrusor ce
qui permet l’ouverture de l’angle vésico-urétral par traction des fibres musculaires lisses du sphincter interne du col vésical. Les réflexes vésico-sphinctériens
participant au cycle continence-miction sont sous un contrôle supraspinal qui
chemine par les voies pyramidales. La commande volontaire du sphincter strié
part du centre protubérantiel de la miction pour aller jusqu’au plexus pelvien
dont le centre se situe au niveau de la corne antérieure sacrée S2-S4 via les
nerfs pudendaux [5].
La vessie se remplit de façon continue et insensible. La sensation de besoin
d’uriner est liée à la distension vésicale progressive qui stimule des tensio-récepteurs de la paroi vésicale (médiée par les nerfs splanchniques). La capacité
vésicale de l’adulte est d’environ 500 ml et le besoin d’uriner pour une vessie
normalement distensible apparaît pour un volume urinaire de l’ordre de 150 à
250 ml (respectivement pour la femme et pour l’homme). A partir de ces valeurs,
le besoin d’uriner se fait sentir pour devenir difficilement supportable lorsque
le volume urinaire atteint la capacité vésicale [6]. L’augmentation du volume intravésical provoque une augmentation de la pression vésicale dont la variation
dépend de la compliance de la vessie. La miction est alors possible lorsque la
pression vésicale devient supérieure à la pression urétrale. La distension de la
vessie provoque une traction sur les fibres musculaires du col et l’ouverture de
l’angle cervico-urétral. La pression urétrale maximale joue ainsi un rôle important dans la capacité à uriner. Le contrôle prédominant de la pression urétrale
Question pour un champion en anesthésie
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reste exercé par le sphincter musculaire lisse et la participation volontaire par
le sphincter strié ne représente que 30 à 40 % de la valeur de cette pression
de clôture [5, 7-8].
Figure 1 : Innervation de la vessie. Le système sympathique dont les centres
se situent au niveau de la substance grise des segments T11-L2 diminuent la contraction du détrusor et augmentent le tonus du col de la vessie et du sphincter. Le
système parasympathique dont les centres se situent au niveau de la substance
grise des segments S2-S4 augmente la contraction du détrusor et diminue le
tonus du col de la vessie et du sphincter. Il existe un contrôle supraspinal de la
miction situé notamment au niveau de l’aire préoptique de l’hypothalamus.
3. LA RETENTION AIGUE D’URINE POSTOPERATOIRE (RUPO)
3.1. DÉFINITION
La rétention aigue d’urine se définit comme une impossibilité d’uriner malgré
une distension vésicale. Cette distension vésicale se traduit le plus souvent par
une pesanteur puis une douleur sus-pubienne pouvant irradier jusque dans les
fosses lombaires. L’inspection peut identifier une voussure hypogastrique ; la
298
MAPAR 2005
palpation retrouve une masse tendue, sensible et mate lors de la percussion.
Cependant, le diagnostic clinique peut s’avérer difficile ou d’interprétation délicate
lors d’une chirurgie abdomino-pelvienne. De plus, la douleur est parfois absente
en raison d’un traitement antalgique. La rétention d’urine peut également s’exprimer par des signes non spécifiques d’agitation ou de syndrome confusionnel
notamment chez les sujets âgés. Les signes cliniques habituels de la rétention
d’urine deviennent ainsi peu sensibles. De plus, lors de RUPO prolongée, une
miction par regorgement peut exister et se présenter comme un piège diagnostic. Le diagnostic est alors confirmé par un cathétérisme vésical ou une mesure
échographique du volume vésical [9-11].
3.2. DIAGNOSTIC
Le problème posé par la RUPO est l’absence de définition précise. Dans la
littérature, certains la définissent par la durée pendant laquelle le patient est incapable d’uriner alors que d’autres retiennent le volume urinaire. La durée de la
période sans miction définissant la rétention urinaire retrouvée dans des études
varie de 6 à 12 heures après la chirurgie [12-15]. Pour d’autres auteurs, la rétention
d’urines est définie par un volume d’urine recueilli après cathétérisation variant de
400 ml à 600 ml [9-11,16]. Récemment, l’utilisation de l’échographie sus-pubienne
(BladderscanTM) a permis de répondre sur la présence d’une distension vésicale
pour les patients ayant ou non un besoin d’uriner. La fiabilité de cette méthode
appliquée à des volumes vésicaux élevés a été validée notamment par Rosseland
[9]. L’évaluation par échographie (Bladderscan BVI 2500TM) comparée au volume
urinaire recueilli par cathétérisation présentait un biais de sous-estimation de 21
ml [IC 95% ; - 147 ml, + 104 ml]. Brouwer et al ont confirmé un faible biais de
sous-estimation de 7% pour un intervalle de volume vésical compris entre 17 ml
et 970 ml en utilisant le même modèle de BladderscanTM [17]. La différence entre
l’évaluation échographique et la mesure du volume des urines par cathétérisme
vésical était de ± 20 % pour un volume vésical inférieur à 700 ml et ± 25 %
pour un volume vésical supérieur à 700 ml lors d’évaluation par un modèle plus
ancien de Bladderscan (Bladder Manager PCI 5000TM). Cette méthode simple par
appareil portable et reproductible estime automatiquement en fonction du sexe
du patient présélectionné le volume vésical grâce à un balayage tridimensionnel
effectué au moyen de douze scannérisations planaires. Le bladderscanTM permet
un diagnostic non invasif et fiable de la distension vésicale qui peut alors se
définir par un volume urinaire supérieur à 500 ml (capacité vésicale définie par
cystomanométrie et à partir de laquelle la distension devient douloureuse) [6].
L’évaluation du volume vésical par BladderscanTM est indépendante de l’âge, de
la taille et du poids, du volume de la prostate et de l’utérus ainsi que de l’expérience de l’utilisateur [18].
La méthode échographique présente l’intérêt de surveiller dans le temps
le volume vésical comme tout autre constante en salle de surveillance postinterventionnelle (SSPI) ou en hospitalisation. Nous avons évalué la prévalence
de la RUPO en SSPI pour les patients bénéficiant de chirurgie programmée non
ambulatoire. Près d’un patient sur cinq était selon ces critères en RUPO juste
avant la sortie de SSPI pour une durée de séjour de 135 ± 74 min. La distension
vésicale était de 44 % et près de la moitié d’entre eux présentait une surdistension avec des volumes dépassant 750 ml. Parmi les patients en distension
vésicale, il est à noter que plus d’un patient sur deux ne ressentait pas le besoin
Question pour un champion en anesthésie
299
d’uriner [10]. Des études précédentes ont également retrouvé une fréquence
de RUPO sans besoin d’uriner dans 50 à 60 % des cas [19, 20].
4. INCIDENCE DE LA RETENTION URINAIRE POSTOPERATOIRE
L’incidence de la RUPO dépend bien évidemment des critères servant à la
définir. En l’absence de définition précise (durée de la période sans miction
allant de 6 à 12 heures et volume vésical de 400 à 600 ml), il n’est pas étonnant
de constater dans les études une très grande variation de la prévalence de la
RUPO pour un même type de chirurgie. La prévalence varie de 0,5 % à 60 % en
fonction de la chirurgie et du type d’anesthésie et bien évidemment des critères
retenus pour définir la RUPO [8, 10-16]. En utilisant la méthode échographique
d’évaluation du volume vésical (distension vésicale supérieure à 500 ml) à la sortie
de SSPI pour la chirurgie ORL, thoracique, vasculaire, digestive et orthopédique
programmée, près de la moitié des patients présente une distension vésicale
et un patient sur deux est dans l’incapacité d’uriner nécessitant un sondage
évacuateur [10]. Des facteurs de risque liés au patient et à la chirurgie peuvent
aider à définir des populations à risque de RUPO en chirurgie programmée et
ambulatoire [8, 10, 11, 14, 16, 19, 21-26].
5. FACTEURS DE RISQUE DE RETENTION URINAIRE POSTOPERATOIRE
Même si la prévalence de la RUPO est très variable selon les études considérées pour un même type de chirurgie, de nombreux facteurs de risque ont
pu être identifiés. Leur contribution à la survenue d’une RUPO est différente
d’une étude à l’autre, mais on peut néanmoins décrire les facteurs de risque
les plus fréquents.
5.1. FACTEURS DE RISQUE LIES AU PATIENT
5.1.1. ÂGE
L’âge est un facteur de risque fréquemment associé à la RUPO. Au-delà
de 60 ans, le risque de rétention urinaire est multiplié par deux [10]. La dégénérescence des neurones de l’innervation de l’appareil urinaire, la diminution
de la force musculaire et de la compliance vésicale ainsi que du débit sanguin
vésical peuvent participer à cette plus grande fréquence de rétention d’urine.
Chez le rat, Pagala et al. ont démontré que l’âge est associé à une réduction du
nombre de récepteurs muscariniques de la musculature longitudinale et d’une
augmentation de la trame collagène qui diminue la compliance vésicale [27]. La
distension vésicale postopératoire peut alors causer des troubles de la miction
par déséquilibre entre les forces d’expulsion diminuées par l’âge et par l’ischémie de la paroi vésicale et les forces de rétention. Un seul épisode de RUPO
peut favoriser la récidive de la rétention et augmenter le volume résiduel postmictionnel [28].
5.1.2. ANTÉCÉDENTS DE TROUBLES MICTIONNELS
La participation des troubles mictionnels pré-existants (pollakiurie, dysurie et
miction hésitante, mictions nocturnes et miction incomplète) n’est pas connue.
La recherche de ces symptômes est rarement effectuée en préopératoire lors de
la consultation d’anesthésie. L’anamnèse peut retrouver une grande fréquence
de ces problèmes mictionnels en préopératoire, mais aucune étude n’en a
évalué le retentissement urodynamique peropératoire. Stallard et al. soulignent
300
MAPAR 2005
la différence physiopathologique de la RUPO douloureuse et non douloureuse
dans une étude en chirurgie générale programmée. La contribution de l’obstacle prostatique peut ainsi jouer un rôle dans la capacité à uriner [29]. L’auteur
précise d’autre part qu’une inhibition de la miction peut également se produire
par la position allongée et/ou un œdème ou un hématome périnéal. Cette inhibition peut en outre être le fait du rôle de l’aire pré-optique en augmentant la
contraction du sphincter externe du col vésical lorsque l’intimité des patients
n’est pas protégée.
5.1.3. SEXE
Il semble cependant que l’homme présenterait plus de troubles mictionnels
postopératoires bien que ces données restent controversées dans la littérature [8,
14, 22, 23]. L’hypertrophie bénigne de la prostate pourrait alors en être une cause
[29]. De plus, le nombre de récepteurs adrénergiques du col vésical de l’homme
est plus grand que chez la femme. Le sexe masculin serait donc plus sensible
au tonus sympathique s’exerçant sur le col vésical que le sexe féminin.
5.1.4. VOLUME VÉSICAL PRÉOPÉRATOIRE
Le volume vésical juste avant la chirurgie pourrait participer à la distension
vésicale postopératoire plus précoce. Il semble que près de 10 % des patients
arrivant au bloc opératoire ont un volume vésical supérieur à 300 ml. L’anxiété et
le stress préopératoires sont des facteurs pouvant augmenter ce risque. Il n’existe
pas à ce jour d’études montrant une corrélation entre ce volume préopératoire
et une RUPO. Associé à un grand volume de perfusion péri-opératoire et/ou
à une chirurgie à risque de rétention urinaire, le volume vésical préopératoire
semble intéressant à considérer comme facteur de risque de distension ou de
surdistension postopératoire [21, 29-30].
5.2. FACTEURS DE RISQUE NON LIES AU PATIENT
5.2.1. L’ANESTHÉSIE
5.2.1.1. La quantité de fluides perfusés
La quantité de fluides perfusés en péri-opératoire est un facteur de risque de
distension vésicale et de RUPO. Plusieurs études ont mis en évidence le rôle de
la quantité de fluides infusés en peropératoire. Bien qu’il soit très différent d’une
étude à l’autre et même parfois excessif, un volume de perfusion supérieur à
1000 à 1200 ml est associé à un risque de RUPO [21, 29-30].
5.2.1.2. Le type d’anesthésie
L’anesthésie périmédullaire (rachianesthésie (RA) et péridurale (APD)) sont
des facteurs de risque de RUPO. La RA utilisant la bupivacaine hyperbare et le
sufentanil multiplient par quatre le risque de survenue d’une RUPO [10]. L’utilisation d’un anesthésique local intrathécal de longue durée d’action (bupivacaine)
versus de courte durée d’action (lidocaine) multiplie par deux le risque de RUPO
[6, 31-32]. Il est cependant nécessaire de mettre une réserve sur l’utilisation de
lidocaine intrathécale en raison du risque d’irritation radiculaire transitoire avec
ce produit. L’anesthésie périmédullaire avec anesthésique local seul provoque
un blocage rapide (en 5 min) du réflexe mictionnel et une baisse de près de
50 % de la pression urétrale. La récupération totale de la force motrice du détrusor
survient dans les 7 à 8 heures après injection de 20 ml de bupivacaine [31]. La
dysfonction vésicale persiste tant que le niveau de bloc nerveux autonome n’est
pas inférieur aux racines sacrées. Les morphiniques administrés entraînent une
Question pour un champion en anesthésie
301
dysynergie vésico-sphinctérienne associant une disparition des contractions du
détrusor mais peu d’effets sur le sphincter urétral. L’adjonction de clonidine à
l’anesthésique local augmente également la durée de la reprise de la miction [33].
En obstétrique, les troubles urinaires après accouchement par voie basse ne
semblent pas influencés par l’analgésie péridurale sans morphinique. Le facteur de risque de dysfonction vésicale est l’utilisation de forceps. L’adjonction
de morphiniques peut alors favoriser la survenue de troubles mictionnels du
post-partum par une inhibition parasympathique provoquant un relâchement du
détrusor [34, 35].
5.2.1.3. Les agents anesthésiques
Les agents anesthésiques intraveineux sont susceptibles d’agir sur le système nerveux central supra-spinal et médullaire. La plupart des agents bloquent
rapidement et transitoirement le réflexe mictionnel en inhibant les contractions
vésicales et avec peu ou pas d’effets sur le sphincter urétral [7]. Les effets des
halogénés ont été peu étudiés et les données concernent les agents comme
l’halothane. Ce produit bloque transitoirement le réflexe mictionnel en inhibant
les contractions du détrusor durant son utilisation. Il est à noter que le protoxyde
d’azote semble n’avoir aucun effet sur la miction [36]. L’atropine diminue de façon
prolongée les contractions vésicales et les alpha-stimulants comme l’éphédrine
augmente le tonus urétral. La clonidine favoriserait plutôt le relâchement du col
vésical [19, 37-38].
5.2.1.4. Les agents analgésiques
La plupart des produits analgésiques non-opiacés (paracétamol, tramadol,
AINS) n’interagissent pas avec le réflexe mictionnel. Le néfopam reste contreindiqué en cas d’existence de troubles vésico-prostatiques mais les effets sur la
miction sont rares [39]. Par contre, la kétamine bloque transitoirement le réflexe
mictionnel par inhibition des contractions vésicales [40].
Les opiacés systémiques représentent un facteur de risque de RUPO et
la rétention d’urine ne s’accompagne pas d’un besoin d’uriner. Les effets des
opiacés dépendent de la voie d’administration et de la dose. La morphine par
voie parentérale diminue l’amplitude et la durée des contractions du détrusor
et aurait tendance à augmenter le tonus urétral. Elle semble agir comme un
inhibiteur présynaptique de la libération d’acétylcholine par les neurones postganglionnaires [7-8, 14, 19, 22, 23, 29-30].
Les RUPO sont plus fréquentes après administration de morphine intrathécale
ou péridurale que par voie parentérale. Quelle que soit la voie d’administration,
la RUPO est symptomatique [7, 19 ,41]. La rachianalgésie morphinique (RA morphine) entraîne une RUPO dans 42 % des cas alors que la fréquence de la RUPO
avec morphine injectée en péridurale (APD morphine) est comprise entre 40 %
et 90 %. La morphine intrathécale a une action spinale (neurones sensitifs et
végétatifs) et supraspinale et s’accompagne d’une disparition des contractions
vésicales. Lors d’une administration péridurale, la morphine a un effet rapide (30
minutes) et induit une relaxation du détrusor avec augmentation de la capacité
vésicale sans effet sur les pressions urétrales. La durée moyenne de son effet
est de 14 à 16 heures [19, 41-42].
La clonidine intrathécale s’accompagne d’une plus faible fréquence de RUPO.
Lors de l’arthroplastie de hanche par rachianeshésie, Gentili et al. ont injecté
200 µg de morphine versus 75 µg de clonidine. A H12, seulement 25 % des
patients présentaient une distension vésicale dans le groupe clonidine (versus
100 % pour le groupe morphine) et à H24, seulement 5 % des patients avaient
nécessité un sondage vésical versus 30 % pour le groupe morphine [33].
302
MAPAR 2005
5.2.2.2. La chirurgie (Tableau I et II).
La chirurgie est elle-même pourvoyeuse de rétention d’urine dont les
mécanismes peuvent être diverses (dénervation, inhibition réflexe des fibres
parasympathiques ou traumatisme direct du bas appareil urinaire). La chirurgie
sous-mésocolique et en particulier la chirurgie ano-rectale bénigne et de la hernie
inguinale s’accompagnent d’une prévalence élevée de RUPO. Selon les études,
la chirurgie de la hernie inguinale entraîne de 8 à 19 % de RUPO. La technique
chirurgicale et son retentissement mictionnel n’ont cependant pas été évalués.
La prévalence d’une RUPO après une chirurgie ano-rectale est comprise entre
19 % et 32 %. La rétention urinaire peut dans ce cas être également due à un
spasme du sphincter urétral lisse par stimulation sympathique ou à une contracture réflexe du sphincter urétral strié. Lors de chirurgie orthopédique prothétique
du membre inférieur, la fréquence de la RUPO est évaluée à 18 %. L’alitement et
l’impossibilité de s’asseoir peuvent aussi augmenter la fréquence de survenue
d’une rétention urinaire [12, 13, 19, 29, 32, 43].
La durée de la chirurgie est un facteur de risque de RUPO. Une durée supérieure à 120 min multiplie par trois la fréquence d’une RUPO. Ce facteur est
certainement en partie lié à la quantité de fluides perfusés pendant l’intervention
[10].
Tableau I
prévalence de la rétention d’urine postopératoire (RUPO)
en chirurgie ambulatoire.
Prévalence de la RUPO en chirurgie ambulatoire
Type de chirurgie
Références
Prévalence des RUPO
Chirurgie non pelvienne
Pavlin [58]
Pavlin [20]
0,5 %
0%
Chirurgie gynécologique
Pavlin [58]
Pavlin [20]
0%
4%
Chirurgie de hernie inguinale
Pavlin [58]
Pavlin [20]
5%
18 %
Chirurgie anale
Pavlin [58]
Pavlin [20]
10-20 %
25 %
Tableau II
Prévalence de la rétention d’urine postopératoire (RUPO)
en chirurgie programmée.
Prévalence de la RUPO en chirurgie programmée
Type de chirurgie
Références
Prévalence des RUPO
Cure de hernie inguinale
à ciel ouvert
Petros [25]
Gonullu [22]
Kozol [24]
Petros [21]
8-19 %
18 %
9-15 %
32 %
Chirurgie anorectale
Gonullu [22]
19 %
Cure d’éventration
Gonullu [22]
38 %
Chirurgie thoracique
Tammela [14]
24 %
Chirurgie orthopédique des membres
inférieurs
O’Riodan [43]
18%
Question pour un champion en anesthésie
303
6. PERTE DE LA FONCTION VESICALE ET PERIODE POSTOPERATOIRE
Un premier épisode de RUPO peut survenir à une fréquence variable mais
parfois élevée et précocement après une chirurgie programmée. Il semble que
la dysfonction vésicale a des effets sur la contractilité et la paroi de la vessie. De
même, celle-ci entraîne des troubles de la contractilité du détrusor persistant
après la levée de la rétention par sondage. En effet, plusieurs études expérimentales et de rares études humaines suggèrent qu’il existe une relation entre
la RUPO et la perte de la fonction vésicale.
6.1. LES ÉTUDES EXPÉRIMENTALES
Quelques auteurs ont étudié les effets de la rétention urinaire de 30 min et
60 min et les variations du débit sanguin de la paroi vésicale chez le rat et le
lapin. La distension vésicale provoque une baisse du débit sanguin de la paroi
vésicale de près de 90% qui est corrélée à l’augmentation de la pression intra-vésicale en fonction de la compliance de la paroi. Au décours de la période
d’ischémie, la concentration d’ATP et la réponse contractile à un neurotransmetteur cholinergique (bétanéchol ou carbachol) sont abaissées dans les mêmes
proportions. In vitro, la récupération de la force contractile du muscle lisse isolé
est observée dans un délai de 60 minutes après la fin de l’ischémie [44, 45]. In
vivo et après une période de distension vésicale de 60 minutes, Vanarsdalen
et al. ont étudié les effets immédiats et retardés de l’ischémie. Ils confirment
une baisse importante du contenu intracellulaire en ATP, de l’ordre de 80 %, et
la concentration en ATP n’était que de 50 % de la valeur de base une semaine
après l’ischémie de la paroi vésicale. Ces résultats sont également observés
au décours d’une ischémie vésicale par distension de la vessie chez le lapin. La
réponse contractile induite par les agents cholinergiques est abaissée de 40 %
à 50 % par rapport au groupe contrôle une semaine après l’ischémie [46]. L’altération du fonctionnement mitochondrial comme lors de l’ischémie chronique
ou du métabolisme oxydatif pourrait expliquer la diminution de production de
composées hautement énergétiques. Les propriétés fonctionnelles de la vessie
sont dépendantes de la qualité de vascularisation et de la capacité des vaisseaux
à apporter des nutriments au tissu vésical. La diminution partielle ou complète
du flux sanguin peut favoriser la survenue de troubles de la fonction vésicale
[47]. De même, après 30 min d’ischémie vésicale par distension, les troubles
de la contractilité vésicale persistent 30 min après un cathétérisme vésical. La
réponse contractile à un neurotransmetteur ou à la dépolarisation par KCl reste
diminuée de 42 % à 50 % par rapport aux valeurs de base. Cette dysfonction
du détrusor est due à la production de radicaux libres lors de la reperfusion de
la paroi vésicale au décours du cathétérisme de la vessie [48, 49].
In vivo et chez le rat, des modifications histologiques de la vessie ont été
également observées après une distension vésicale de courte durée. Un œdème
et une infiltration par des cellules inflammatoires surviennent dans les trois
heures suivant une distension et les modifications histologiques sont maximales
à 48 heures. Une perméabilité muqueuse par rupture de l’urothélium mis en
évidence par un marqueur coloré persiste sept jours après un seul épisode de
distension vésicale [50, 51].
En conclusion, il existe de véritables lésions d’ischémie-reperfusion dans la
paroi vésicale lors de la survenue d’une distension vésicale importante responsable d’une diminution de la contractilité du détrusor.
304
MAPAR 2005
6.2. LES ÉTUDES CHEZ L’HOMME
Un épisode de RUPO semble prédisposer les patients à une dysfonction
vésicale postopératoire. Deux études en chirurgie orthopédique de la hanche et
du genou ont étudié la fréquence de la RUPO et la récidive de rétention urinaire
après sondage intermittent versus sondage pendant 24 heures [12, 13]. La RUPO
était définie par l’incapacité d’uriner toutes les six heures et l’existence de signes
cliniques de rétention d’urine. Après chirurgie de la hanche et du genou, 75 %
des patients ayant subi un sondage évacuateur au premier jour postopératoire
présentaient une RUPO récidivante contre 27 % des patients ayant été sondé
en continu durant les premières 24 heures. Au deuxième jour postopératoire,
les patients en RUPO étaient près de deux fois plus nombreux dans le groupe
sondage intermittent (52 % [12] et 35 % [13]) que dans le groupe sondage vésical
de 24 heures (27 % [12] et 19 % [13]). Dans une étude en chirurgie générale sur
1448 patients, Lau et al. confirment la suspicion clinique de RUPO par mesure
échographique et ils comparent le cathétérisme vésical évacuateur versus sur
24 heures en termes de récidive de dysfonction vésicale ou de RUPO ainsi
qu’en termes d’infection urinaire. La fréquence de récidive de rétention urinaire
est comprise entre 3,5 % et 7 % sans différence significative entre les deux
groupes. De même, le taux d’infection urinaire proche de 3 % n’est pas différent
statistiquement. Ces résultats, en chirurgie générale, diffèrent des données précédentes en termes de récidive de RUPO. Cependant, la durée d’hospitalisation
dans l’étude de Lau et al. est plus courte avec des durées moyennes pour les
deux groupes comprises entre 2 et 3 jours et ni le volume vésical ni la durée de
la rétention ne sont précisés [15].
La fréquence de resondage vésical est corrélée au volume urinaire de la première RUPO. Dans une étude prospective portant sur 5220 patients, Tammela
et al. ont étudié les troubles mictionnels après un premier épisode de rétention
aigue d’urine. L’incidence globale de la RUPO était de 4 % et plus de la moitié
d’entre elle était diagnostiquée par la nécessité d’un sondage vésical douze heures après la fin de la chirurgie. Soixante et un pourcent des patients présentaient
des troubles de la miction après un premier sondage vésical et la fréquence de
sondage permanent après trois épisodes de RUPO était deux fois plus grand si le
volume urinaire recueilli lors du premier épisode de RUPO dépassait 500 ml. De
plus, un patient sur deux nécessitait un sondage permanent s’il avait existé une
miction par regorgement. Cet incident ne semble cependant pas rare car près
d’un patient sur dix aurait une miction par regorgement. Il parait intéressant de
souligner à nouveau que la moitié des rétentions urinaires sont asymptomatiques
en postopératoire [29]. Michelson et al. observaient le même lien entre le volume
de distension vésicale postopératoire et l’existence d’une dysfonction vésicale.
Les troubles récidivant de la miction postopératoire sont d’autant plus fréquents
lorsque le volume de distension lors de la première RUPO est supérieur à
700 ml. Un sondage vésical à long terme était nécessaire pour 32 % des patients
ayant présenté une distension vésicale dépassant 700 ml [12].
Une distension vésicale postopératoire est associée à une plus grande
fréquence de volume résiduel post-mictionnel (VRPM) élevé. En chirurgie ambulatoire et pour des patients à haut risque de rétention urinaire, Pavlin et al. ont
évalué systématiquement le volume vésical de ces patients par BladderscanTM
avant leur sortie. Une distension vésicale supérieure à 600 ml est associée à
une fréquence de VRPM ≥ 300 ml dans 4 à 5 % des cas. Un VRPM élevé peut
Question pour un champion en anesthésie
305
exposer les patients au risque de récidive et de persistance de distension vésicale. Parmi les patients en RUPO, près d’un sur quatre avait une récidive de
rétention d’urine. Les facteurs de risque d’un VRPM élevé sont la quantité de
fluides périopératoire dépassant 900 ml et l’injection d’un anticholinergique. La
dysfonction vésicale semble s’exprimer également par l’incapacité de la vessie
à effectuer une vidange complète [20].
7. PREVENTION ET TRAITEMENT DE LA RUPO
La RUPO est un incident qui reste un inconfort pour le patient. Cependant,
elle doit être connue, prévenue et recherchée dans les situations à risque pour
ne pas exposer le patient à des complications parfois plus graves. A l’inverse,
la crainte d’une infection urinaire nosocomiale et de traumatisme urétral par
sondage ne doit pas faire sous-estimer le retentissement sur le haut appareil
urinaire de la dysfonction vésicale prolongée et de la rétention urinaire postopératoire. Avant d’avoir besoin de recourir au sondage vésical pour RUPO, il est
nécessaire d’être vigilant sur les facteurs de prévention pour les patients ou les
chirurgies à risque.
7.1. PRÉVENTION DE LA RUPO
7.1.1. FACTEURS DE PRÉVENTION
En préopératoire et au moment de la prémédication, la miction doit être
conseillée aux patients. A l’arrivée au bloc opératoire, il est nécessaire de s’assurer que le patient a bien uriné. Dans le cas contraire, isoler le patient afin de
préserver son intimité et solliciter la miction [52, 53, 54]. La prescription des
agents de prémédication devra tenir compte du risque lié au patient et à la chirurgie. L’hydroxyzine sera évitée en cas d’antécédents de rétention d’urine ou
de chirurgie à risque de RUPO.
7.1.2. EVITER LA DISTENSION VÉSICALE
La quantité de solutés perfusés de plus de 1000 ml en peropératoire est un
facteur de risque de VRPM élevé et de RUPO. La restriction de ces apports peut participer efficacement à réduire la distension vésicale et la rétention urinaire d’autant
plus que le patient est opéré d’une chirurgie du petit bassin [21, 55, 56].
7.1.3. EVITER LA PERSISTANCE D’UNE DISTENSION VÉSICALE
En postopératoire et notamment avant la sortie de SSPI, une évaluation de la
capacité à uriner dans une population à risque de troubles mictionnels postopératoires est nécessaire. La demande du besoin d’uriner, la recherche d’un globe
vésical et au mieux une mesure échographique par bladderscanTM doit être
effectuée [57]. En cas de rachianesthésie, il faut s’assurer de la récupération de la
sensibilité des territoires sacrés pour que le patient puisse être capable d’uriner.
Dès le retour en chambre, les déterminants de la réhabilitation postopératoire
(la mobilisation, le lever et la déambulation précoces) peuvent aussi réduire le
risque de survenue d’un RUPO.
7.2. PHARMACOLOGIE ET RUPO
L’antagonisation de la curarisation (associant anticholinergique et anticholinestérasique) peut exposer le patient à une RUPO. Leur utilisation doit aussi
tenir compte des facteurs de risque liés au patient et à la chirurgie. En France,
on ne dispose pas d’agents parasympathicomimétiques tel que le carbachol et
le bétanéchol. Ces agents pourraient provoquer une miction par contraction du
306
MAPAR 2005
détrusor. Cependant, la physiopathologie de la synergie vésico-sphinctérienne
comporte les forces de contraction du détrusor pour la vidange vésicale et les
forces de résistance à l’évacuation des urines. La rétention d’urine douloureuse
postopératoire semble plus en faveur d’un déséquilibre entre les différentes
forces et notamment une augmentation des résistances à l’évacuation des
urines [19]. La phénoxybenzamine, agent α1-bloquant, s’est révélée efficace
pour prévenir la RUPO. Cette molécule a été retirée du marché, mais ces effets
ont une action limitée dans la RUPO en raison notamment de rétention d’urine
asymptomatique dont le système sympathique par contraction du sphincter du
col vésical n’est pas le mécanisme principal [52]. Il reste à évaluer les effets sur la
survenue de RUPO d’agents α1-bloquant sélectifs tel que l’alfuzosine (Xatral®).
Lors de RUPO secondaires à l’injection de morphiniques administrés par voie
périmédullaire ou intratéchale, la naloxone s’est révélée efficace. Cependant,
des doses excessives peuvent diminuer l’action analgésique des opiacés [41].
Son efficacité lors de rétention urinaire après anesthésie générale n’a pas été
évaluée.
7.3. CATHÉTÉRISME VÉSICAL
Le sondage vésical peut être préventif lorsque le risque de RUPO est très
élevé. Pour des chirurgies de longue durée ou s’accompagnant de grandes
variations volémiques peropératoires, le sondage vésical permanent se justifie
dès le début de la chirurgie. De même, lorsqu’une analgésie par opiacés intrathécale ou péridurale est utilisée, l’incidence très élevée de RUPO nécessite
soit de surveiller régulièrement les patients à la recherche d’un globe vésical
ou au mieux par mesures répétées du volume vésical par BladderscanTM. Pour
corroborer cette attitude, Slappendel et al. ont comparé un groupe de patients
monitorés par BladderscanTM et un groupe de patients systématiquement sondés
en l’absence de miction spontanée toutes les huit heures après une chirurgie
orthopédique du membre inférieur. Le sondage était diminué de moitié dans le
groupe des patients contrôlés par BladderscanTM. Cette surveillance permettait
de diminuer l’incidence du sondage vésical et d’éviter la distension vésicale et
ses complications [58].
La question du cathétérisme vésical est de savoir si le cathéter doit être permanent et sur quelle durée ou s’il est préférable d’effectuer un sondage évacuateur
et voire même le répéter. Après un premier épisode de RUPO, il semble que
les études anciennes et récentes convergent vers le cathétérisme permanent
de courte durée. Après chirurgie de la hanche et du genou, deux études constatent que les plus grands volumes de distension étaient plus fréquents dans le
groupe sondage intermittent versus sondage continu pendant les 24 premières
heures. Pour les mêmes auteurs, une analgésie efficace et un effectif réduit en
infirmière de nuit pouvaient expliquer que le risque de distension vésicale était
majoré chez les patients devant être sondés à l’occasion d’une RUPO [12,13].
En chirurgie générale, Tammela et al. avaient retrouvé que près d’un patient sur
deux présentait des troubles mictionnels après un premier épisode de RUPO.
Parmi les patients en RUPO, 8 % des hommes et 2 % des femmes ont eu une
hospitalisation prolongée à cause de troubles mictionnels. De plus, la fréquence
de l’hospitalisation prolongée était de 71 % des cas lorsque le volume urinaire
de la première RUPO était supérieur à 1000 ml [29]. Toutes ces données incitent
à sonder pendant 24 à 48 heures les patients ayant présenté une RUPO. A cette
attitude s’ajoute le fait qu’aucune étude n’a jusqu’à ce jour mis en évidence des
Question pour un champion en anesthésie
307
infections urinaires plus fréquentes entre le sondage évacuateur et le sondage
permanent de 24 ou 48 heures.
Par conséquent, quelle prise en charge doit-on suivre lors du premier épisode
de RUPO : sondage évacuateur ou permanent de courte durée? En chirurgie
générale, une étude récente randomisée a comparé sur un premier épisode de
RUPO le sondage évacuateur versus le sondage sur 24 heures. Lau et al. n’ont
pas démontré de bénéfice d’une attitude par rapport à une autre en termes
de re-cathétérisme et d’infection urinaire. Il manque néanmoins les données
sur le volume urinaire recueilli lors du sondage [15]. En tenant compte de la
littérature sur les troubles mictionnels après un premier épisode de RUPO et
de la corrélation entre le volume vésical et la fréquence des sondages vésicaux
itératifs, il peut en outre être justifié de sonder ces patients sur une courte durée (24 à 48 heures) pour prévenir la récidive d’une dysfonction vésicale ou la
persistance d’une distension vésicale. Cette attitude reste cependant à évaluer
cliniquement.
CONCLUSION
Un seul épisode de distension vésicale est susceptible de provoquer des
lésions persistantes du détrusor. Frank Hinman, en 1976, dans un éditorial, soulignait déjà les risques de la rétention aigue d’urine postopératoire et s’interrogeait
sur le choix du traitement : sondage intermittent ou sondage prolongé [2] ? Des
facteurs de risque permettent de cibler les patients pouvant développer une
rétention urinaire et une dysfonction vésicale postopératoire. L’échographique
sus-pubienne est une aide fiable et utilisable de façon répétée pour les patients
à risque de RUPO. L’indication d’un cathétérisme vésical devrait au mieux être
posée sur la mesure échographique du volume urinaire. Ainsi, en fonction de la
distension vésicale, le sondage permanent ou évacuateur pourrait être décidé,
mais cette attitude demande encore à être précisée par de nouvelles études.
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