La passion commune de Charles Michel et Elio Di Rupo pour les

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EXCLU ! La passion commune de Charles
Michel et Elio Di Rupo pour les bas-fonds
jeudi 29 octobre 2015, par La Pastèque
S’ils s’appliquent à cultiver leurs différences politiques réelles ou opportunistes, l’actuel premier ministre
réformateur et son prédécesseur socialiste se retrouvent autour d’une passion pour le moins (d)étonnante
: les égouts et bas-fonds de l’information. Ainsi, à l’instar d’Elio Di Rupo qui y avait fait le 11 février 2014
« une visite extrêmement intéressante » [1], Charles Michel s’est plongé dans ce cloaque en s’invitant le
20 octobre dernier dans les locaux du groupe Sud Presse [2].
Evacuons d’emblée la possibilité que ces immersions au sein de la rédaction sudiste répondent à une
volonté de côtoyer au plus près celles et ceux qui donnent vie et contenu à nos quotidiens. Choisir Sud
Presse pour rendre hommage à la presse écrite, ce serait en effet comme jeter son dévolu sur un
établissement de Dodo la Saumure pour y célébrer la gloire du secteur Horeca.
Restent dès lors deux explications potentielles à cet intérêt saugrenu et je dois avouer que je ne sais trop
laquelle m’apparaît la plus détestable. Car de deux choses l’une : ou nos deux éminences raffolent
effectivement de l’insignifiant, du trash, du vulgaire et du putassier assaisonnés de poujadisme et de
démagogie qui sont la marque de fabrique des journaux édités par Sud Presse ; ou elles ignorent
sciemment les effluves nauséabondes émanant de ces publications pour draguer le lectorat vu comme
électorat qui en a fait « le leader de la presse francophone » [3].
La première hypothèse me semblerait in fine légèrement préférable, le mauvais goût assumé s’avérant
somme toute moins grave qu’un racolage cautionnant de facto tout ce que cette presse de caniveau a de
méprisable – et ses responsables ne s’y trompent d’ailleurs pas, se réjouissant de « la belle
reconnaissance » [4] que constituent ces visites. Le bon sens me conduit toutefois à penser que la vérité
réside malheureusement dans l’opération de racolage à finalité électoraliste.
On me dira, car on me l’a déjà dit, qu’il « ne faut pas ostraciser ces titres ni fustiger leurs lecteurs », qu’il
« vaut mieux ne pas en parler, les ignorer, mettre en lumière les « bons exemples » plutôt que dénoncer
les « mauvais » ». Sauf que ce n’est pas si simple. Les enjeux débordent en effet largement du débat
autour du plus ou moins mauvais goût de ces canards.
Libre, certes, au public qui le souhaite de lire « La Meuse », « La Capitale » ou « La Nouvelle Gazette »
pour se délecter de brèves sur, « oops », le téton apparent ou les fesses mal cachées de telle ou telle
star(lette) ; découvrir les « secrets d’une bonne fellation » et les récits de l’exercice – si possible illustrés,
les mentions (photos) ou (vidéo) constituant un plus indéniable pour attirer le voyeur –« dans les rayons
d’un supermarché », « en plein concert », « sur un banc de la Place Saint-Lambert » ou « dans une
discothèque de Magaluff » ; explorer le néant des téléréalités et du cerveau de leurs participant(e)s ; tenir
une comptabilité détaillée et riche en images des accidents de roulage survenus sur l’intégralité du réseau
routier belge ; s’esbaudir des articles les plus extravagants (« Mesdames, vous pouvez à présent faire pipi
debout (vidéo) » ; « Atteinte de problèmes de santé, Meryl a reçu le plus beau cadeau possible juste avant
son mariage : de nouveaux seins (photos) » ; « Voici pourquoi Elena, la fille de Michel Daerden, a eu un
0/20 à son examen de mathématiques… » ; « Découvrez l’enfer qu’a vécu Nabila en prison : « On la jetée
en prison sans culotte ! » » ; etc.) et se scandaliser devant les faits divers les plus improbables ( « Soignies
: atteint d’un cancer, Eric devait aller aux toilettes et se retrouve au cachot pour… 30 centimes ! » ; «
L’horreur sur la foire de Liège : la Flémalloise Claire meurt à cause d’un croustillon ») ou les plus sordides
Ans : Albert (45 ans) poignarde sa nièce avec un couteau à steak puis l’invite à lui faire… une fellation »
; « Les photos de ce pédophiles s’amusant dans une plaine de jeu font scandale : découvrez ces photos qui
font froid dans le dos ! » ; « Drame de Haubourdin : le Manageois Olivier Piette a étouffé ses enfants et sa
femme avant de se pendre. Un collègue réagit enfin » ; etc.)
Après tout, c’est à peine plus pitoyable que ce qui fait les succès d’audience en télé.
On pourrait même, dans un élan de tolérance incontrôlé, s’accommoder des imprécations rituelles contre
l’administration – incompétente, forcément incompétente –, la justice – laxiste, forcément laxiste –, les
politiques – pourris, forcément pourris – et, succès aussi indémodable qu’indétrônable, tout ce qui
s’apparente de près ou de loin à un impôt – du vol, forcément du vol. (Toute ressemblance avec ce que
certain(e), outre-Quiévrain, compile et fustige sous le thème générique d’ « establishment » n’est
nullement fortuite.)
Mais les dérives deviennent définitivement inacceptables et intolérables dès lors que les articles font fi
des règles les plus élémentaires de la protection de la vie privée, de la préservation de l’anonymat ou de la
présomption d’innocence et, pire, qu’ils incitent implicitement (en titrant, par exemples, sur « les menus
de fête des prisonniers », les moindres faits et gestes de Michelle Martin « profitant de sa liberté », la
hauteur du minaret de la mosquée à construire à Rétinne ou encore la « valeur dépassant les 200.000
euros » de la « Ferrari 458 » repérée dans un « campement des gens du voyage », etc.) aux réactions les
plus rances et à l’expression des opinions les plus abjectes sur un forum dépourvu de tout filtre.
On se trouve ainsi face à un groupe de presse qui justifierait à lui seul l’existence du Conseil de
déontologie journalistique – sur 32 plaintes contre des organes de presse écrite reçues par celui-ci en
2014, 24 se rapportaient en effet à des journaux de Sud Presse [5] – mais qui se voit pourtant adoubé par
deux chefs de gouvernement successifs. Vous reconnaîtrez que cela fait tache…
Le problème prend une dimension politico-éthique supplémentaire quand on sait que ledit groupe, moteur
de journaux non seulement indigents mais aussi multi-dénoncés et condamnés pour leurs manquements
déontologiques, bénéficie d’une aide à la presse loin d’être négligeable puisqu’elle se montait en 2014 à,
très précisément, 1.624.950,94 euros [6]. C’est que, dans une « logique » que j’échoue personnellement à
comprendre, le mécanisme de répartition lie le montant du soutien à (entre autres) la diffusion payante du
titre. Autrement dit, plus vous vendez, plus vous êtes aidé et avec son audience record de 760.920
lecteurs [7] – en hausse constante –, Sud Presse récolte un joli pactole.
On peut, non : on DOIT, s’interroger sur la finalité de cette aide et la destination de cet argent public.
Comment, en effet, expliquer et justifier un soutien financier à des titres qui, loin d’aider leurs lecteurs à
comprendre le monde dans lequel ils évoluent pour y exercer au mieux leur citoyenneté, contribuent au
contraire à les enfoncer dans la médiocrité en flattant leurs instincts les plus vils ? Instaurées en France
dès la fin du XVIIIe siècle, les aides de l’Etat à la presse affichait pour objectif d’« encourager la libre
communication des pensées entre les citoyens » [8]. On trouve une grande variété de choses dans les
pages des journaux de Sud Presse mais on y cherchera en vain une trace quelconque de « pensées »…
En allant se faire voir chez Sud Presse, Elio Di Rupo et Charles Michel ont voulu soigner leur image
personnelle mais, ce faisant, ils ont sérieusement dégradé celle de leur fonction. On peut en effet attendre
du plus haut responsable politique du pays qu’il incite ses citoyens à s’élever et non pas qu’il cautionne
des pratiques insultant l’intelligence et la dignité.
Et en parlant de « pratiques », je ne voudrais pas terminer sans évoquer celle consistant à diffuser, non
pas au détour des sombres colonnes des petites annonces mais en pleine lumière du journal électronique,
de la publicité pour des salons dont les sites sont sans équivoques sur la nature des « massages tantriques
ou érotiques » proposés : « Quoi de mieux qu’un bon massage pour vous faire plaisir, vous détendre ! De
10h30 à 22h et ce 7 jours/7, venez vous procurer un moment ultime de détente et de joie de vivre parfumé
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impatientes de vous rencontrer ! », hôtesses dont on nous offre tout à la fois la photo, le pedigree complet
Age : 19 ans / Yeux bleus gris / Taille : 1,65m / Poitrine : 85C / Cheveux : Blond / Origine : Belge ») et la
notice commerciale (« Avec Angela, les mots torride et sensuelle prennent tous leurs sens. Cette jeune
perle très libertine sera la partenaire adéquate pour réaliser tous vos fantasmes même les plus
inavouables. » – « Bonjour Les Garçons. Je suis Shauna une belle jeune femme blonde qui vient à vous
pour vous servir…Avide de sexe depuis ma douce enfance je serais heureuse de vous satisfaire et vous
donnez ce que vous avez besoins… Dans l’attente de vous voir… » – « Eve. Une frimousse et un corps à
croquer ! Superbe petite lolita toute douce ! Pratique anal »).
En clair et en bon français, il s’agit ni plus ni moins que de bordels abritant des activités de prostitution.
Et offrir des espaces de publicité payante pour les vanter tombe sous le coup de la loi : « En Belgique, se
prostituer n’est pas punissable. Par contre, plusieurs articles du Code pénal répriment un ensemble de
comportements qui entourent l’activité de prostitution. Il s’agit notamment du racolage, du proxénétisme
et de la publicité pour des offres de services à caractère sexuel. » [9]
Ils en pensent quoi, Charles et Elio ?
Notes
[1]
http://www.sudinfo.be/932756/article/actualite/politique/2014-02-11/elio-di-rupo-a-decouvert-le-siege-d
e-sudpresse-ce-mardi-une-visite-extremement-i
[2]
http://www.sudinfo.be/1400574/article/2015-10-20/charles-michel-en-visite-chez-sudpresse-nº1-de-la-pr
esse-belge-francophone
[3]
http://www.sudinfo.be/1375972/article/2015-09-15/nouveau-record-pour-sudpresse-toujours-plus-numer
o-1-vous-etes-plus-de-760000-a
[4]
http://www.sudinfo.be/1401142/article/2015-10-20/c-est-une-petite-fille-que-charles-michel-aura-en-jan
vier-prochain
[5] http://www.deontologiejournalistique.be/telechargements/Rapport-annuel-2014-HD.pdf
[6] http://gouvernement.cfwb.be/7616000-pour-aider-la-presse-crite-quotidienne-francophone
[7] http://www.lesoir.be/990252/article/culture/medias-tele/2015-09-15/l-audience-presse-en-hausse
[8] http://www.monde-diplomatique.fr/2014/11/FONTENELLE/50945
[9] http://www.dsb-spc.be/web/index.php?option=com_content&task=view&id=77&Itemid=101
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