en prison sans culotte ! » » ; etc.) et se scandaliser devant les faits divers les plus improbables ( « Soignies
: atteint d’un cancer, Eric devait aller aux toilettes et se retrouve au cachot pour… 30 centimes ! » ; «
L’horreur sur la foire de Liège : la Flémalloise Claire meurt à cause d’un croustillon ») ou les plus sordides
(« Ans : Albert (45 ans) poignarde sa nièce avec un couteau à steak puis l’invite à lui faire… une fellation »
; « Les photos de ce pédophiles s’amusant dans une plaine de jeu font scandale : découvrez ces photos qui
font froid dans le dos ! » ; « Drame de Haubourdin : le Manageois Olivier Piette a étouffé ses enfants et sa
femme avant de se pendre. Un collègue réagit enfin » ; etc.)
Après tout, c’est à peine plus pitoyable que ce qui fait les succès d’audience en télé.
On pourrait même, dans un élan de tolérance incontrôlé, s’accommoder des imprécations rituelles contre
l’administration – incompétente, forcément incompétente –, la justice – laxiste, forcément laxiste –, les
politiques – pourris, forcément pourris – et, succès aussi indémodable qu’indétrônable, tout ce qui
s’apparente de près ou de loin à un impôt – du vol, forcément du vol. (Toute ressemblance avec ce que
certain(e), outre-Quiévrain, compile et fustige sous le thème générique d’ « establishment » n’est
nullement fortuite.)
Mais les dérives deviennent définitivement inacceptables et intolérables dès lors que les articles font fi
des règles les plus élémentaires de la protection de la vie privée, de la préservation de l’anonymat ou de la
présomption d’innocence et, pire, qu’ils incitent implicitement (en titrant, par exemples, sur « les menus
de fête des prisonniers », les moindres faits et gestes de Michelle Martin « profitant de sa liberté », la
hauteur du minaret de la mosquée à construire à Rétinne ou encore la « valeur dépassant les 200.000
euros » de la « Ferrari 458 » repérée dans un « campement des gens du voyage », etc.) aux réactions les
plus rances et à l’expression des opinions les plus abjectes sur un forum dépourvu de tout filtre.
On se trouve ainsi face à un groupe de presse qui justifierait à lui seul l’existence du Conseil de
déontologie journalistique – sur 32 plaintes contre des organes de presse écrite reçues par celui-ci en
2014, 24 se rapportaient en effet à des journaux de Sud Presse [5] – mais qui se voit pourtant adoubé par
deux chefs de gouvernement successifs. Vous reconnaîtrez que cela fait tache…
Le problème prend une dimension politico-éthique supplémentaire quand on sait que ledit groupe, moteur
de journaux non seulement indigents mais aussi multi-dénoncés et condamnés pour leurs manquements
déontologiques, bénéficie d’une aide à la presse loin d’être négligeable puisqu’elle se montait en 2014 à,
très précisément, 1.624.950,94 euros [6]. C’est que, dans une « logique » que j’échoue personnellement à
comprendre, le mécanisme de répartition lie le montant du soutien à (entre autres) la diffusion payante du
titre. Autrement dit, plus vous vendez, plus vous êtes aidé et avec son audience record de 760.920
lecteurs [7] – en hausse constante –, Sud Presse récolte un joli pactole.
On peut, non : on DOIT, s’interroger sur la finalité de cette aide et la destination de cet argent public.
Comment, en effet, expliquer et justifier un soutien financier à des titres qui, loin d’aider leurs lecteurs à
comprendre le monde dans lequel ils évoluent pour y exercer au mieux leur citoyenneté, contribuent au
contraire à les enfoncer dans la médiocrité en flattant leurs instincts les plus vils ? Instaurées en France
dès la fin du XVIIIe siècle, les aides de l’Etat à la presse affichait pour objectif d’« encourager la libre
communication des pensées entre les citoyens » [8]. On trouve une grande variété de choses dans les
pages des journaux de Sud Presse mais on y cherchera en vain une trace quelconque de « pensées »…
En allant se faire voir chez Sud Presse, Elio Di Rupo et Charles Michel ont voulu soigner leur image
personnelle mais, ce faisant, ils ont sérieusement dégradé celle de leur fonction. On peut en effet attendre
du plus haut responsable politique du pays qu’il incite ses citoyens à s’élever et non pas qu’il cautionne
des pratiques insultant l’intelligence et la dignité.
Et en parlant de « pratiques », je ne voudrais pas terminer sans évoquer celle consistant à diffuser, non
pas au détour des sombres colonnes des petites annonces mais en pleine lumière du journal électronique,
de la publicité pour des salons dont les sites sont sans équivoques sur la nature des « massages tantriques
ou érotiques » proposés : « Quoi de mieux qu’un bon massage pour vous faire plaisir, vous détendre ! De
10h30 à 22h et ce 7 jours/7, venez vous procurer un moment ultime de détente et de joie de vivre parfumé