Matrices compagnons une ´etude ´el´ementaire
Adrien REISNER 1
Abstract. We study here the elementary properties of companion matrices: characteristic and
minimal polynomial, eigenvalues and eigenvectors, diagonalisable matrices. Application: locating of
polynomial roots.
Keywords: companion matrix, characteristic polynomial, eigenvalues, rational canonical form.
MSC 2010: 15A21.
Les matrices compagnons interviennent en particulier dans la forme rationnelle
canonique de toute matrice A∈ Mn(R) et qui sera rappel´ee dans le compl´ement de
cet article. Cest un des int´erˆets de telles matrices.
Notations. Le polynˆome caract´eristique de toute matrice A∈ Mn(R) sera d´esign´e
par χA(X) = det(AXIn); mA(X) d´esignera le polynˆome minimal de la matrice
A, i.e. le polynˆome normalis´e de degr´e minimum v´erifiant mA(A) = 0, en´erateur de
lid´eal principal {QR[X]|Q(A) = 0}. (Cet id´eal est le noyau de lhomomorphisme
R[X]→ Mn(R), P7→ P(A).)
Si P(X) = Xn+an1Xn1+... +a0est un polynˆome normalis´e de R[X], on lui
associe la matrice suivante, appel´ee matrice compagnon du polynˆome P:
CP=
0 0 ... a0
1 0 ... a1
...................
0 0 ... 1an1
Th´eor`eme 1. CPest inversible si et seulement si P(0) 6= 0.
D´emonstration. En d´eveloppant det (CP) suivant sa premi`ere ligne, on obtient:
det(CP) = (1)n+1(a0)×1 = (1)nP(0),
do`u l´equivalence suivante: CPGLn(R)P(0) 6= 0.
Th´eor`eme 2. Il existe une constante αtelle que le polynˆome caract´eristique de
CP,χCP(X), soit ´egal `a αP .
D´emonstration. En d´eveloppant det (CpXIn) suivant sa derni`ere colonne, on
a:
χCP=det (CpXIn) = (an1X)(X)n1+
n2
k=0
(1)n+k+1(ak)∆k,o`u
1TELECOM ParisTech; e-mail: adrien.reisner@yahoo.fr
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k=
X0··· 0 0 ··· 0 0
1X··· 0 0 ··· 0 0
.
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..
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..
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..
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..
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..
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..
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0 0 ··· −X0··· 0 0
0 0 ··· 0 1 ··· 0 0
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..
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..
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..
.
..
.
.
0 0 ··· 0 0 ··· 0 1
((X) ´etant ´ecrit k fois). Il vient imm´ediatement det (∆k) = (X)ket par suite
χCP= (1)n×(Xn+an1Xn1+
n2
k=0
(1)kak(1)kXk) = (1)nP(X),
donc χCP(X) = αP, do`u le Th´eor`eme 2 avec α= (1)n.
Corollaire 3. Etant donn´e un polynˆome P(X), les deux assertions suivantes sont
´equivalentes:
i)Il existe une matrice A∈ Mn(R)telle que χA=P.
ii)P est un polynˆome de degr´e n de coefficient dominant (1)n.
D´emonstration. Si le polynˆome Pv´erifie lassertion i) il est ecessaire que
deg P=net que son coefficient dominant soit (1)n. Le Th´eoreme 2 montre alors
que cette condition est suffisante.
Th´eor`eme 4. a)Sp CP=Sp tCP.
b)Le sous-espace propre de tCPassoci´e `a la valeur propre λest la droite vectorielle
Ker (tCPλIn) = V ect (1, λ, λ2, ..., λn1).
D´emonstration. a) Les matrices CPet tCPont mˆeme polynˆome caract´eristique
et donc le eme spectre.
b) Soit λSp (tCP) et X= (xi)∈ Mn,1(R). On a les ´equivalences suivantes:
tCPX=λX ⇒ ∀k: 1...n 1, xk+1 =λxket
n1
i=0
aixi+1 =λxn
⇒ ∀k: 2...n, xk=λk1x1et
n1
i=0
aiλix1=λnx1
⇒ ∀k: 2...n, xk=λk1x1et (λn+
n1
i=0
aiλi)×x1=P(λ)x1= 0,
λ´etant racine du polynˆome P, do`u lassertion b).
Corollaire 5. La matrice tCP(donc la matrice CP)est diagonalisable si et
seulement si Pest scind´e sur Ret a toutes ses racines simples.
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D´emonstration. La matrice tCPest diagonalisable si et seulement si χtCP=
(1)nPest scind´e sur Ret pour toute valeur propre λla dimension du sous-espace
propre associ´e est lordre de multiplicit´e de cette valeur propre. Compte tenu de
lassertion b) du th´eor`eme pr´ec´edent tout sous-espace propre de tCPest de dimension
1, do`u le Corollaire 5.
Supposons que Padmet les n racines simples λ1, λ2, ..., λnet soit V= (vi,j ), o`u
vi,j =λi1
j. On retrouve le r´esultat bien connu suivant:
Corollaire 6. La matrice de Vandermonde Vest inversible.
D´emonstration. En effet, compte tenu de lassertion b) du Th´eor`eme 4, pour
1jnle sous-espace propre associ´e `a la valeur propre λjde tCPest engendr´e
par le vecteur ej= (λi1
j)1in. Compte tenu du Corollaire 5, la matrice tCPest
diagonalisable. On en d´eduit que la famille (ej)1jnest une base de Rnet par suite
le d´eterminant de Vandermonde det (λi1
j)1i,jnest non nul:
tCP=Vdiag (λ1, ..., λn)V1.
Soit fun endomorphisme dn R-espace vectoriel Ede dimension n v´erifiant:
fn16= 0 et fn= 0, i.e. fest nilpotent dindice n. On a le th´eor`eme suivant:
Th´eor`eme 7. Il existe une base de Edans laquelle la matrice de fest une
matrice compagnon.
D´emonstration. Soit x0un vecteur de Rntel que fn1(x0)6= 0. Montrons
que la famille {x0, f (x0), ..., fn1(x0)}est libre. Supposons par labsurde que cette
famille est li´ee. Alors il existe (λ0, ..., λn1)6= (0,0, ..., 0) tel que
n1
k=0
λkfk(x0) =
0. Soit p= min{k|k: 0...n 1, λk6= 0}. Par d´efinition 0 pn1 et
n1
k=p
λkfk(x0) = 0. En consid´erant limage des deux membres par fn1p(n1p
est un entier positif), on obtient:
n1
k=p
λkfk+np1(x0) = 0, do`u λpfn1(x0) = 0 -
puisque pour kn,fk(x0) = 0 -. Comme fn1(x0)6= 0, on obtient λp= 0 ce
qui contredit la efinition de lentier p. Donc la famille {x0, f (x0),...,fn1(x0)}est
libre et par suite cest une base de Rn. Dans cette base la matrice de fest la matrice
compagnon
0 0 ... a0
1 0 ... a1
. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
0 0 ... 1an1
du polynˆome P(X) = Xn. (On a dans ce
cas: mf(X) = P(X) = Xnet χf(X) = (1)nXn.)
Afin de en´eraliser ce th´eor`eme, on propose lexercice suivant:
Exercice. Montrer que si lendomorphisme fde Ev´erifie la condition (1)nχf(X)
=mf(X) = P(ou encore si deg mf=n), alors il existe vEnon nul tel que la
famille B={v, f(v), ..., fn1(v)}soit une base de E.
31
La matrice de fdans cette base Best alors la matrice CP- voir le Corollaire
3. Dans ce cas fest un endomorphisme cyclique - voir [1], pages 437-447 -. Une
matrice Mcommute avec CPsi et seulement si MR[CP]. Ainsi, en particulier,
tout endomorphisme nilpotent dindice nest cyclique.
Indications. Soit mf=Pdi
ila d´ecomposition de mfen produit de facteurs Pi
irr´eductibles. Le th´eor`eme de ecomposition des noyaux conduit `a: E=KerP di
i(f).
Le vecteur v=vio`u viKerP di
i(f) v´erifie v6= 0 et mf(v) = 0. La famille
{v, f(v), ..., fn1(v)}est une base de Edans laquelle la matrice de fest CP- voir
emonstration du Th´eor`eme 7 -.
Th´eor`eme 8. P´etant un polynˆome normalis´e, les matrices CPet tCPsont
semblables: MGLn(R)telle que M1CPM=tCP.
D´emonstration. En effet, la matrice M= (mi,j ) telle que mi,j =ak1si i+j=
kn,mi,j = 1 si i+j=n+ 1 et enfin mi,j = 0 si i+jn+ 2 s´ecrit par blocs sous
la forme M=M1M2
(1) 0 GLn(R), o`u le bloc (1) est carr´e dordre 1 et M2est le
bloc carr´e dordre n1. On a: CPM=MtCP=Diag ((a0), M2).
Application: localisation des racines dun polynˆome.
Notations. Pour A= (ai,j )∈ Mn(C), on pose ri=
n
j=1 |ai,j |pour in, et Di=
{zC,|z|≤ ri}. Enfin, pour X= (xi)∈ Mn,1(C) posons kXk=max
1in. |xi|.
Th´eor`eme 9. Avec ces notations on a: Sp A ⊂ ∪ Dk,1kn.
D´emonstration. Si AX =λX, on obtient pour 1 in:λxi=
n
j=1
ai,j xjet
par suite: |λxi|≤
n
j=1 |ai,j | × | xj|≤k Xk×(
n
j=1 |ai,j |) = ri× k Xk, i : 1...n.
Soit i0un indice tel que kXk=|xi0|.|λ| × k Xk=|λxi0|≤ ri0× k XkLe
vecteur propre X´etant non nul: |λ|≤ ri0soit λDi0,do`u le Th´eor`eme 9.
Soit P=Xn+an1Xn1+...+a1X+a0C[X].On a le corollaire suivant:
Corollaire 10. Toutes les racines de Psont dans le disque ferm´e de centre Oet
de rayon R=max {| a0|,1+ |a1|, ..., 1+ |an1|}.
D´emonstration. Notons (λ1, ..., λn) les nracines (distinctes ou confondues) de
Pdans C. Dapr`es le Th´eor`eme 1, (1)nP´etant le polynˆome caract´eristique de la
matrice CP, on a: Sp CP= (λ1, ..., λn). Or pour la matrice CP:r1=|a0|, et pour
2in,ri= 1+ |ai1|. Le corollaire 10 en r´esulte.
Remarque. On peut montrer - mais ceci epasse le niveau du pr´esent article - le
th´eor`eme suivant:
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Th´eor`eme 11. Si Uet Vsont deux matrices inversibles v´erifiant la relation
rg(UV) = 1 et telles que les polynˆomes caract´eristiques χUet χVsoient premiers
entre eux, alors il existe une matrice inversible Ptelle que: U=P1CUPet V=
P1CVP, o`u CU(resp. CV) est la matrice compagnon du polynˆome (1)nχU(resp.
(1)nχV).
Compl´ements: forme rationnelle canonique des matrices.
Le th´eor`eme suivant dont la emonstration d´epasse encore le niveau de cet article,
est extr´emement important. Le lecteur ineress´e trouvera une emonstration dans
[1], ch.19, p. 449, dans [2], ch.14, 2, p. 557 ou dans [3], p. 218.
Th´eor`eme 12. K´etant un corps commutatif, toute matrice A∈ Mn(K)est
semblable `a une matrice de la forme suivante - d´ecomposition de Frob´enius (matrice
bloc - diagonaux):
CP1CP2... CPs=Diag (CP1.......CPs) =
CP10... 0
0CP2··· 0
··· ··· ··· ···
0 0 ··· CPs
o`u les Pisont des polynˆomes normalis´es non constants de K[X]etermin´es de
mani`ere unique tels que P1|P2...... |Ps.(Pi|Pj:Pidivise Pj.)
Les polynˆomes Pisont les facteurs invariants de la matrice A- voir [4] -. En
particulier, on a: Ps=mAet χA= (1)ns
i=1 Pi. Ainsi, deux matrices de Mn(K)
sont semblables si et seulement si elles ont les mˆemes facteurs invariants.
Ce th´eor`eme permet de d´emontrer une en´eralisation du Th´eor`eme 8:
Corollaire 13. Toute matrice A∈ Mn(K)est semblable `a sa transpos´ee tA.
D´emonstration. Soit A=Diag(CPi) la forme rationnelle canonique de la ma-
trice A- voir Th´eor`eme 12 -. Pour tout indice i: 1...s d´esignons par Mila matrice
inversible introduite dans le Th´eor`eme 8 erifinant: M1
iCPiMi=tCPi. La matrice
inversible M=Diag(Mi) est alors telle que:
M1AM =Diag(M1
i)Diag(CPi)Diag(Mi) = Diag(M1
iCPiMi) =
=Diag (tCPi) = tA.
Exercices r´esolus.
Les exercices suivants utilisent les notions pr´ec´edentes et montrent limportance
de ces notions. Ici les facteurs invariants sont ´evidents.
Exercice 1. Soient les trois matrices suivantes:
A=
22 14
0 3 7
0 0 2
, B =
04 85
1 4 30
0 0 3
, C =
2 2 1
0 2 1
0 0 3
.
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