L'infarctus du myocarde (132c)
Professeur Jacques MACHECOURT
Octobre 2002 (Mise à jour Janvier 2005)
Résumé :
L’infarctus du myocarde est une nécrose ischémique du myocarde dont l’étendue dépasse
2 cm2. Cette définition classique (J Lenègre) correspond à une véritable entité
physiopathologique (la thrombose coronaire avec ses conséquences myocardiques).
L’intérêt de la question résulte dans la fréquence de l’affection, sa gravité, mais aussi les
énormes progrès de la prise en charge actuelle qui a permis une réduction importante de
la mortalité. Ces progrès impliquent une prise en charge immédiate et appropriée. Après
avoir exposé les éléments du diagnostic positif et différentiel, cette leçon décrit les
étapes de la prise en charge thérapeutique : la phase pré hospitalière, dominée par le
rôle des SAMU, puis les Unités de Soins Intensifs Coronariens où sont pris en charge les
troubles du rythme précoces et mis en route les stratégies de revascularisation
myocardique (thrombolyse intraveineuse, angioplastie coronaire de désobstruction ou
stratégies combinées). Le diagnostic et le traitement des complications hémodynamiques
de l’infarctus (œdème aigu du poumon, choc cardiogénique, infarctus du ventricule droit)
sont décrits, que ces complications soient secondaire à l’étendue de la masse
myocardique en cours de nécrose ou à une complication mécanique (rupture septale,
rupture d’un pilier de la valve mitrale). L’évolution à distance de la phase hospitalière
reste grave (mortalité à 1 an 7%), en rapport avec des récidives ischémiques, la
survenue de l’insuffisance cardiaque ou la mort subite, toute complication qu’il faut savoir
prévenir ou traiter.
Mots-clés :
Infarctus du myocarde, troubles du rythme, choc cardiogénique, thrombolyse intra
veineuse, revascularisation myocardique.
Pré-Requis :
Anatomie et physiologie
Sémiologie clinique
Sémiologie paraclinique
Pharmacologie
Références :
1er, 2ème, 3ème cycle de médecine, préparation au concours de l’Internat :
Collège des Enseignants de Cardiologie sous la direction de Xavier André-Fouët,
Cardiologie, Université Claude Bernard Lyon I, Presses Universitaires de Lyon
(PUL).
Denis B., Machecourt J., Vanzetto G., Bertrand B., Defaye P., Sémiologie et
Pathologie Cardiovasculaires, Edité par B.Denis, 1999.
Et pour approfondir :
Vacheron A., Le Feuvre C., Di Matteo J., Cardiologie, 3ème édition Mars 1999,
Expansion Scientifique publications.
Braunwald E., Heart disease : a textbook of cardiovascular medicine. 5ème édition
1997, Editions W.B. Saunders, Philadelphie.
Liens :
Sémiologie et pathologie cardiovasculaires, Site Internet du Service de Cardiologie
du CHU de Grenoble : http://www-sante.ujf-
grenoble.fr/SANTE/CardioCD/cardio/index.html
Exercices :
1. Définition
L'infarctus du myocarde (IDM) est une nécrose ischémique du myocarde dont
l'étendue dépasse 2 cm2. Il correspond généralement à une thrombose occlusive
brutale d'une artère coronaire. Cette définition classique de l'IDM (Lenègre)
correspond à une réelle entité diagnostique (associant douleur et sus décalage
persistant de ST) et thérapeutique.
Une nouvelle définition de l'infarctus a été proposée récemment (conférence de
consensus européenne et américaine, 2000) qui est différente car elle repose sur une
définition biologique (ascension des marqueurs de l'infarctus - troponines et MB-CK).
Cette définition est plus large car elle inclue aussi des infarctus " rudimentaires ", "
sans onde Q ", ou sans sus décalage initial du segment ST.
Dans cette nouvelle définition l'infarctus du myocarde classique qui est traité dans
cette question devient l'" infarctus du myocarde avec sus décalage de ST persistant ".
2. Épidémiologie
L'infarctus du myocarde constitue une urgence cardiologique absolue dont l'incidence
reste encore élevée avec 120 000 cas par an en France.
Selon des données OMS, sur 50 millions de décès annuels dans le monde, les
cardiopathies ischémiques sont la première cause de décès avec 7.2 millions de décès
d'origine coronaire.
En France, son pronostic reste grave puisque l'IDM est responsable encore de 10 à
12% de la mortalité totale annuelle chez l'adulte. Environ 60 000 IDM sont
hospitalisés, 30 000 diagnostiqués à distance et 30 000 se révèlent par une mort subite
inaugurale. La mortalité hospitalière reste de 7% avant 70 ans et est beaucoup plus
élevée au-delà ; 10% des survivants décèdent dans les 3 ans qui suivent l'infarctus.
La mortalité de l'infarctus a diminuée de 30% en 10 ans en Europe de l'Ouest et aux
Etats Unis. Ce pronostic a été amélioré grâce à un ensemble de progrès : prise en
charge précoce par les SAMU puis en Unités de Soins Intensifs Coronariens ayant
permis la correction immédiate des troubles du rythme, extension de la thrombolyse
hospitalière puis pré hospitalière par les SAMU, techniques complémentaires
d'angioplastie de désobstruction coronaire, meilleure prévision des sujets à risque au
décours de la phase aigue, prévention " secondaire " des rechutes , étudiée dans une
autre question.
Seule, la conduite à tenir devant l'infarctus du myocarde hospitalisé précocement (<12
heures) sera envisagée dans cette question.
3. Physiopathologie
3.1. L'infarctus résulte d'une THROMBOSE CORONAIRE AIGUË
Cette thrombose est elle-même secondaire à une fracture de plaque entraînant
l'agrégation plaquettaire puis l'occlusion coronaire.
Cette fracture survient à partir d'une sténose athéromateuse qui n'est serrée que dans
50% des cas.
La plaque d'athérome est un épaississement localisé au niveau de l'intima artérielle et
se compose de 2 parties :
le corps lipidique au centre de la plaque. Les lipides sont localisés à l'intérieur de
monocytes et de macrophages spumeux.
une chape fibreuse entourant le corps lipidique, faite de cellules musculaires lisses et
de collagène.
On distingue :
la plaque "dure" très riche en collagène et pauvre en lipides
et la plaque "molle" riche en lipides et recouverte d'une mince chape fibreuse.
C'est la plaque "molle" qui est la plus menaçante car davantage instable et vulnérable
et donc susceptible de s'ulcérer et de se rompre.
La rupture de plaque d'athérome va rompre la barrière endothéliale et exposer les
constituants sous-endothéliaux aux plaquettes circulantes. Cela va mettre en jeu des
mécanismes d'adhésion puis d'agrégation plaquettaire pour aboutir à la formation du
thrombus plaquettaire intracoronaire occlusif.
3.2. Les conséquences myocardiques sont la DESTRUCTION
CELLULAIRE se propageant de l'endocarde jusqu'à l'épicarde
Cette destruction est rapide, débutant 30 à 45 minutes après le début de la thrombose,
et en moyenne 50% de la zone à risque est détruite en 2 heures et 80% à la douzième
heure. Cette vitesse de destruction est cependant variable d'un patient à l'autre (rôle de
la circulation collatérale).
La nécrose myocardique entraîne une altération de la fonction pompe du ventricule
gauche (insuffisance ventriculaire gauche, parfois insuffisance ventriculaire droite) dès
qu'elle atteint ou dépasse 20% du myocarde ; elle est incompatible avec la survie
lorsqu'elle atteint 40% de la masse myocardique (choc cardiogénique), que cette
destruction soit la conséquence d'un infarctus unique ou de plusieurs infarctus
successifs.
Si la nécrose myocardique est rapidement irréversible, toutefois, dans certaines
conditions il persiste autour du territoire nécrosé des territoires ischémiques, ne se
contractant pas, mais restant viables et susceptibles de récupérer après
revascularisation myocardique (myocarde hibernant).
La conséquence de cette nécrose est l'apparition d'une zone myocardique fibreuse non
contractile (akinésie voire dyskinésie ou ectasie segmentaire), suivie d'une dilatation
de l'ensemble du ventricule gauche (remodelage ventriculaire) avec un risque ultime
d'insuffisance cardiaque.
4. Diagnostic
4.1. Le diagnostic positif
Le diagnostic positif est facile dans 80% des cas est une urgence thérapeutique
absolue; Il repose sur l'anamnèse et un ECG immédiat
4.1.1. Circonstances de survenue
soit l'infarctus est inaugural (la moitié des cas)
soit il existe des antécédents coronariens :
o infarctus ancien, angor ancien,
o mais surtout "syndrome de menace" à type d'angor de novo d'emblée
invalidant de repos ou d'effort, ou d'angor ancien qui "s'accélère".
4.1.2. La douleur
La douleur rétro sternale constrictive aux irradiations classiques (cou, mâchoires,
bras, poignets) ;
le plus souvent d'apparition spontanée, elle survient parfois après un effort, une
exposition au froid ou au stress.
Le fait essentiel est qu'elle ne cède jamais complètement après la prise d'un dérivé
nitré.
SF associés : sueurs, troubles digestifs, agitation.
4.1.3. Examen clinique
Examen clinique est essentiel pour rechercher les éventuelles complications :
L'auscultation cardiaque à la recherche d'un B4 ou d'un souffle de régurgitation
La tension artérielle (TA) assez souvent élevée à la phase la plus aiguë, parfois
abaissée.
Recherche de crépitants pulmonaires (IVG); de signes de stase droite (IVD)
4.1.4. L'électrocardiogramme (ECG) d'entrée confirme le
plus souvent le diagnostic
A la phase initiale, grandes ondes T géantes positives en regard du territoire de
l'infarctus, aspect parfois trompeur, mais…
Faisant place rapidement à l'onde en dôme de Pardee : sus décalage de ST, de plus de
2 mm en précordiales, 1 mm en standard dans au moins deux dérivations, non
accessible à la trinitrine, avec signes "en miroir".
Plus tardivement, généralement 24ème heure, mais parfois très précocement, apparaît
l'onde Q de nécrose.
L'ECG permet de localiser la topographie de l'infarctus du myocarde :
o Les infarctus antérieurs
se distinguent entre :
infarctus antéroseptal (signes directs V1 V2 V3),
apical (signes directs en V4 V45 et D 2 D 3 VF),
antérolatéral (signes directs V5 V6 D1 VL),
ou septal profond (signes directs D2 D3 VF V1 V2 V3),
ou antérieur étendu, le plus redoutable (signes directs V1 à V6
et D1 VL).
Ces infarctus correspondent généralement à une thrombose aigue (plus
ou moins proximale) de l'artère Interventriculaire antérieure (IVA)
o Les infarctus inférieurs ou diaphragmatiques :
avec signes directs en D2 D3 VF (les plus fréquents) s'étendent souvent
en latéral (signes directs en V5 V6), voire sur la paroi postérobasale du
VG (signes "en miroir" en V1 et V2).
Ils correspondent à une thrombose de la coronaire droite ou de l'artère
circonflexe.
EXEMPLES D'ELECTROCARDIOGRAMMES D'INFARCTUS DU MYOCARDE
ECG : infarctus antérieur étendu à la deuxième heure d’évolution.
L’onde de Pardee est caractéristique de V2 àV5. Noter en V4 et V5 l’existence d’une grande onde T positive, qui
est la manifestation la plus initiale de l’infarctus aigu. Noter aussi que l’onde Q est déjà en cours de constitution
de V1 àV3. Une reperfusion immédiate s’impose.
(Service de Cardiologie du CHU de Grenoble)
ECG : infarctus postéro-inférieur à la quatrième heure d’évolution
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