Prévention des maladies atopiques

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2-0070
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine
2-0070
Prévention des maladies atopiques
J Flabbee, G Kanny, E Beaudouin, DA Moneret-Vautrin
L
a prévention des maladies allergiques passe par une diminution de la densité allergénique dans tous les
environnements du sujet atopique.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : prévention, maladies atopiques.
■
Introduction
L’augmentation de la prévalence des maladies
allergiques et les difficultés de leur traitement doivent
inciter à mettre en place des stratégies préventives.
L’apparition d’une maladie allergique exige une
sensibilisation préalable de l’organisme par une
exposition aux allergènes présents dans l’environnement aérien, alimentaire mais aussi professionnel,
médicamenteux ou cosmétique…
La prévention de l’apparition des maladies
allergiques s’adresse en priorité aux personnes ayant
déjà présenté des manifestations de maladies
atopiques pour éviter l’apparition de nouvelles
sensibilisations. Elle doit aujourd’hui également avoir
pour cible les enfants à risque atopique. En effet, le
risque d’un enfant de présenter une maladie atopique
peut être estimé à 40 % si un parent est atopique et
environ 60 % si les deux parents ou un parent et un
membre de la fratrie sont atopiques. La prévention
passe par l’identification des sujets à risque d’atopie
par la recherche d’antécédents atopiques personnels
et familiaux. Elle vise à diminuer le risque de
sensibilisation en diminuant l’exposition allergénique.
■
Prévention au niveau
des lieux de vie
La prévention au niveau de l’environnement
intérieur doit concerner tous les lieux de vie de
l’atopique : domicile, crèches, habitat de la nourrice,
des proches, établissements scolaires, lieux de loisirs,
de sport ou de vacances.
‚ Conseils pour l’environnement intérieur
Il faut veiller à assurer une bonne aération des lieux
de vie. En effet, le confinement des habitations pour
des raisons d’économie d’énergie provoque un
enrichissement en polluants et en allergènes. Il faut
insister sur la nécessité d’ouvrir les fenêtres et
d’installer une ventilation mécanique (VMC).
Certains systèmes de purification d’air, notamment
ceux avec filtres de particules haute efficacité pour les
particules aériennes (HEPA) et électroprécipiteurs, sont
efficaces sur la réduction de la quantité des allergènes.
Tableau I. – Mesures préventives de l’allergie aux acariens.
- Exposition de la chambre à coucher au sud, sud-est
- Éviter les chambres en sous-sol (humidité toujours plus importante)
- Remplacement de la literie en plumes et en laine par du synthétique, à condition de laver les oreillers, couvertures, couette tous les 3 mois
- Mise en place d’une housse antiacariens autour du matelas
- Suppression du sommier tapissier. L’idéal est un sommier à lattes, sommier à ressorts horizontaux
- Remplacement de la moquette par un sol lisse, lavable
- Éviter les peluches dans la chambre et les passer en machine à laver tous les 2 à 3 mois
- Aérer tous les jours et de façon prolongée
- Diminuer la température de la chambre à coucher
- Compléter éventuellement par un traitement acaricide
L’air conditionné permet une diminution de la
quantité des pollens dans l’air à condition que le
système soit bien entretenu.
L’humidité favorise la prolifération des moisissures
et des acariens. Il faut éviter toute stagnation d’eau au
niveau des joints ou des huisseries, être attentif aux
problèmes d’infiltration.
Le tabagisme passif favorise l’expression des
maladies atopiques, de l’asthme à l’allergie
alimentaire…
‚ Sources d’allergènes
Acariens (tableau I)
Leur quantité est en rapport avec la présence de
textiles et le degré d’hygrométrie intérieure, leur
croissance nécessitant une humidité relative
supérieure à 50 % et une température supérieure à
25 °C. Sous nos climats, il faut essayer d’obtenir une
humidité de 45 % pour une température de 20 à 22 °C
et d’y associer une ventilation artificielle qui assure la
stabilité de l’environnement. L’aspiration de la
moquette réduit de façon importante la quantité
d’acariens. Il faut insister sur la nécessité d’un filtre de
particules HEPA pour l’aspirateur. Le shampouinage de
la moquette est plus efficace que l’aspiration à sec. Au
niveau de la literie, un matelas neuf est en 2 mois
infesté par les acariens. Pour les textiles, le lavage à
une température supérieure à 58 °C détruit les acariens
ainsi que le lavage à l’eau froide. Les housses
antiacariens pour les matelas ont fait leurs preuves. Les
études concernant les acaricides donnent des résultats
variables selon les produits utilisés.
1
Blattes
Elles sont sources potentielles d’allergies dans les
grands ensembles urbains et défavorisés.
Animaux
Vivre avec un animal dans son environnement
domestique n’est pas recommandé chez les personnes
allergiques. Les compagnons à risque allergique sont
le chat, le chien, les oiseaux, mais aussi le lapin nain, le
hamster, le chinchilla, la gerbille, le furet… La présence
d’un aquarium n’est pas plus sans risques, notamment
en raison d’allergie démontrée, notamment à forme
respiratoire, à certains aliments pour poissons comme
les vers de vase (larves de Chironomus thumi) ; de plus,
l’aquarium enrichit l’air en humidité.
Il est souvent plus simple d’éviter d’acquérir un
animal que d’être secondairement obligé de s’en
défaire. Si la séparation est difficile en cas d’allergie
diagnostiquée, on peut tenter de diminuer la
concentration allergénique en lavant régulièrement
son chat, en aspirant les textiles, en évitant qu’il dorme
dans la chambre ou sur le lit de l’allergique.
La pratique de l’équitation, en raison de
l’allergénicité des protéines équines, n’est pas
recommandée.
Moisissures
Elles sont des allergènes fréquents de notre
environnement domestique. Elles sont responsables
de manifestations respiratoires (rhinite et asthme) et
cutanées (eczéma). De plus, elles constituent un
excellent milieu de culture pour les acariens. Leur
présence dans l’habitat est conditionnée par une trop
2-0070 - Prévention des maladies atopiques
grande humidité relative. Elles se développent au
niveau des ponts thermiques par formation de
condensation sur les parties froides, condensation qui
ne peut s’éliminer. Il faut éviter la surisolation et
favoriser la ventilation. Un papier peint qui se décolle
peut correspondre à une plaque de moisissures. Il faut
éviter de faire sécher le linge dans une pièce de vie de
l’habitation et veiller à une bonne ventilation des
pièces humides (salle de bain, lingerie).
Certaines plantes vertes comme le ficus, les
caoutchoucs sont allergisantes. De plus, les
moisissures se développent sur la terre des pots.
‚ Polluants
La pollution intérieure : un citadin passe 70 à 80 %
de son temps dans des bâtiments et l’exposition à la
pollution intérieure est loin d’être négligeable. Les
polluants chimiques sont les composés photooxydants (ozone, oxydes d’azote, monoxyde de
carbone [CO]), les composés organiques volatils (COV)
et la pollution particulaire (dioxyde de soufre [SO2]).
Le NO2 est capable de provoquer des crises
d’asthme, soit par une agression directe des bronches
ou bien en augmentant la réponse à un allergène. Les
COV et le formol sont rarement en quantité suffisante.
Les endotoxines bactériennes provenant des
poussières de maison seraient un facteur
d’aggravation de l’asthme.
Les effets sur la santé de la pollution extérieure
dépassent largement la responsabilité individuelle
pour être un problème de santé publique.
■
Prévention des maladies
professionnelles allergiques
Il est utile de bien distinguer les métiers exposant
aux substances protéiques des professions exposant
aux substances chimiques. En effet, seuls les premiers
offrent un risque plus élevé pour les sujets atopiques.
Les agents susceptibles d’induire des maladies
professionnelles allergiques à forme respiratoire ou
cutanée sont variés : protéines animales (animaux de
laboratoire, allergènes de l’industrie agroalimentaire :
porc, œufs…), substances végétales (farines, latex).
D’autres risques de sensibilisation peuvent exister sur
le lieu de travail : ficus ornemental, climatiseur
défectueux…
Le praticien a un rôle essentiel de conseil dans le
choix de l’orientation professionnelle de l’enfant
atopique. La détection de l’atopie chez un enfant ou un
adolescent, surtout s’il présente une maladie atopique,
amène à proposer une orientation professionnelle,
déconseillant les métiers exposant aux substances
protéiques (tableau II). En revanche, il n’est pas
nécessaire d’avoir un terrain atopique pour contracter
une sensibilisation aux produits chimiques :
« n’importe qui » peut présenter un asthme aux
isocyanates ou une dermite de contact au ciment (sels
de chrome)…
Il faut s’attacher à expliquer au patient atopique le
risque allergique particulier de certaines professions
pour qu’il envisage de s’orienter vers la profession la
moins à risque possible (tableau II). Il faut actuellement
insister sur la nécessité de mettre en place des
stratégies de prévention sur le lieu de travail pour
réduire au maximum la densité allergénique de
l’environnement professionnel (hotte aspirante,
masque, port de gants sans latex…). Il faut donner
toutes les informations au patient et c’est lui qui décide
en dernier recours, d’où l’intérêt d’une prise en charge
précoce du problème.
Tableau II. – Métiers exposant aux substances
protéiques (risque accru chez les atopiques).
- Agriculteurs
- Arboriculteurs et horticulteurs
- Boulangers
- Éleveurs ou vendeurs d’animaux, animaliers (laboratoires de recherche)
- Fromagers
- Industries agroalimentaires
- Industries du caoutchouc (latex), industries textiles
- Industries des produits de nettoyage (enzymes)
- Industries pharmaceutiques
- Industries de la soie
- Pomiculteurs
- Professions paramédicales, chirurgicales ou médicales (latex)
- Profession exposant au contact des bois exotiques
- Ébénisterie
- Fabricants d’instruments de musique
- Constructeurs de bateaux
- Meuniers, travailleurs des silos à grains
- Menuisiers
- Palefreniers
- Pharmaciens
- Vétérinaires
■
Atopie et loisirs
Il faut savoir aider l’atopique à choisir ses activités
de loisirs sans risquer d’aggraver sa maladie ou de
créer de nouvelles sensibilisations. On déconseille la
pratique de l’équitation, de la piscine, surtout en cas
d’infections oto-rhino-laryngologiques récidivantes ou
de dermatite atopique, alors que la natation doit être
recommandée à l’asthmatique.
Il faut être particulièrement vigilant sur les lieux de
séjour de vacances qui peuvent être très riches en
acariens et moisissures et être à l’origine de crises
d’asthme aux sports d’hiver ou à la mer !
■
Prévention des allergies
alimentaires
L’allergie alimentaire est chronologiquement la
première manifestation de l’atopie. Sa prévalence
croissante (actuellement 3,5 %) rend nécessaire la mise
en œuvre de stratégie de prévention. Ces mesures
préventives sont proposées chez l’enfant à risque
atopique.
La sensibilisation aux allergènes alimentaires in
utero a été démontrée et ce dès la 22e semaine de
grossesse. Un régime d’éviction est instauré dès le
quatrième mois de grossesse, excluant les deux
allergènes principaux de l’enfant : œuf et arachide. Ce
régime n’expose pas au risque de carence
nutritionnelle. Ce régime est maintenu chez la mère
pendant l’allaitement et chez le nourrisson jusqu’à la
fin de sa première année de vie. En l’absence
d’allaitement, on choisit de préférence un lait
hypoallergénique chez ces enfants. Pendant toute
cette période, on évite les allergènes à haut risque
allergique comme le sésame, les fruits exotiques… On
préfère les tétines en silicone aux tétines en latex.
La diversification de l’alimentation correspond à
l’éducation du système immunitaire digestif pour
mettre en place un système de tolérance aux aliments.
La diversification doit être prudente et tardive (fig 1). Il
faut également être vigilant quant aux protéines
alimentaires présentes dans les médicaments ou les
cosmétiques comme les huiles végétales, d’arachide
ou de sésame utilisées comme excipient, le lysozyme,
les céréales comme l’avoine... et éviter d’utiliser ces
produits chez les enfants à risque atopique.
Préparations
pour nourrissons (1)
Lait de femme
0-4 mois
Légumes (2)
Fruits (3)
Farines
sans gluten
4 mois
Viandes
Poissons (4)
Œufs (4)
Préparation
de suite
5-6 mois
Produits laitiers
autres que le lait
Gluten
7-12 mois
Petites pâtes
Semoule
Matières grasses
ajoutées (5)
> 12 mois
Pâtes
Riz
Lait de vache
et/ou lait pour enfants
en bas âge
(Eau seule boisson indispensable en dehors du lait)
2
1 Diversification de l’alimentation chez l’enfant
à risque atopique. 1. Lait
HA (hypoallergénique) :
à utiliser en prévention ; ne
convient pas en cas d’allergie aux protéines de lait
de vache ; 2. légumes :
commencer par un seul légume à la fois et éviter les
petits pois ; 3. fruits : commencer par un seul fruit
(pomme, pêche, poire,
abricot, prune), supprimer
les fruits exotiques (kiwi,
mangue, papaye, fruits
de la passion...), éviter
la banane ; 4. œuf et poisson : l’introduction doit
être reculée à 1 an ; 5. matières grasses : ne pas utiliser d’huile d’arachide, ni
de margarine contenant
la mention « graisse végétale non précisée ».
Prévention des maladies atopiques - 2-0070
Bien évidemment, toutes ces recommandations
sont associées aux conseils de prévention du risque
allergique de l’habitat.
■
Conclusion
Les possibilités actuelles de traitement étiologique
des maladies atopiques sont réduites. Le traitement
des manifestations est symptomatique et la
prévention de nouvelles manifestations passe par la
mise en place de stratégies d’éviction. Dans l’état des
connaissances actuelles, la mise en place de stratégies
de prévention secondaire visant à diminuer la densité
allergénique pour réduire le risque de sensibilisation et
d’apparition de la maladie apparaît essentielle. Le
médecin généraliste, en prise directe avec
l’environnement familier du patient, est un acteur
important de la maîtrise de l’environnement
allergénique. La mise en place de ces mesures doit
s’adapter au mieux aux particularités psychologique,
professionnelle et surtout financière du patient. L’aide
de professionnels tels que la diététicienne spécialisée
en allergie alimentaire ou la technicienne de
l’environnement apparaît essentielle pour
personnaliser au mieux les stratégies d’éviction. Le
médecin entreprend un dialogue au long cours car un
patient est atopique pour toute sa vie et chaque âge a
ses particularités.
Jenny Flabbee : Généraliste allergologue.
Gisèle Kanny : Médecin des Hôpitaux.
Étienne Beaudouin : Médecin des Hôpitaux.
Denise-Anne Moneret-Vautrin : Professeur des Universités, chef de service.
Service de médecine interne, immunologie clinique et allergologie, centre hospitalier universitaire, hôpital central,
29, avenue du Maréchal-de-Lattre-De-Tassigny, 54035 Nancy cedex, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : J Flabbee, G Kanny, E Beaudouin et DA Moneret-Vautrin. Prévention des maladies atopiques.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 2-0070, 2001, 3 p
Références
[1] Chabeau G, Dupuoy M, Buisson I. Orientation professionnelle de l’atopique.
Rev Fr Allergol 1998 ; 38 : 541-543
[5] Moneret-Vautrin DA. Guide du praticien en immunoallergologie. Paris :
Masson, 1994 : 1-180
[2] De Blay F, Lieuher-Colas F. La pollution domestique. Allergie Immunol 1996 ;
31 : 268-269
[6] Ponvert C, Paupe J, Scheinmann P. L’exposition précoce aux allergènes représente un facteur déterminant du risque de développement ultérieur des maladies
allergiques chez les enfants à risque d’atopie. Hypothèses sur les mécanismes
susceptibles d’être en cause. Rev Fr Allergol 1996 ; 36 : 701-705
[3] Kanny G, Moneret-Vautrin DA. Mise en place d’une structure prédictive et
préventive de l’allergie alimentaire et des maladies atopiques. Alim Inter 1998 ; 3 :
17-21
[4] Kanny G, Moneret-Vautrin DA, Sergeant P, Hatahet R. Diversification de
l’alimentation de l’enfant. Applications au cas de l’enfant de famille atopique.
Méd Nutr 1996 ; 3 : 127-131
3
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