DERMATITE ATOPIQUE: QUELS SONT LES NOUVEAUX TRAITEMENTS?
Rosanna Marsella
Department of Small Animal Clinical Sciences, University of Florida, Gainesville, FL, USA
1. Introduction
La dermatite atopique canine est un syndrome complexe et multifactoriel dû à la combinaison de
facteurs génétiques et environnementaux. Bien que traditionnellement nous ayons parlé de la
dermatite atopique comme d’une maladie, il s’agit en fait d’un syndrome dont les
caractéristiques cliniques peuvent résulter de multiples processus qui d’ailleurs interagissent
parfois entre eux. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles nous avons peiné à identifier
un biomarqueur spécifique et un traitement ciblé efficace dans tous les cas. L’approche
traditionnelle a consisté à s’occuper du processus inflammatoire associé à la dermatite atopique
et au lien fréquent avec les processus de sensibilisation allergique. Les traitements qui se sont
avérés les plus efficaces sont les thérapies à large spectre qui font baisser une multitude de
cytokines et de médiateurs inflammatoires mais qui peuvent aussi provoquer des effets
secondaires comme un risque accru d’infections. Pourtant, il est important de noter que les signes
cliniques de la dermatite atopique ne sont pas toujours liés à un processus allergique. Au cours
de la dernière décennie, nous avons appris à mieux comprendre la pathogenèse de cette maladie
complexe et nous sommes bien au fait de l’importance du dysfonctionnement de la barrière
cutanée qu’elle soit primaire ou secondaire à l’inflammation. Ce défaut cutané peut jouer un rôle
important en facilitant la pénétration des allergènes et en augmentant ainsi le risque d’une
sensibilisation allergique et c’est pourquoi beaucoup des traitements les plus récents ont eu pour
objectif de restaurer cette barrière cutanée déficiente. De nombreux patients atopiques ont
plusieurs facteurs déclenchants allant d’allergie multiples à des infections secondaires par des
bactéries ou des levures, tous contribuant à l’inflammation et prurit. Par conséquent, et cela
participe au traitement, il est important de contrôler ces facteurs déclenchants et d’amener le
patient en dessous d’un seuil de prurit cliniquement acceptable.
Comme la maladie évolue de façon chronique tout au long de la vie, avec des périodes de
rémission suivies de flambées, le traitement vise d’une part à contrôler les épisodes aigus et de
l’autre à adopter une stratégie à long terme qui va permettre de diminuer les risques de nouvelles
poussées. Selon le mécanisme et la rapidité d’action du traitement, on adoptera une approche
différente selon qu’il s’agit de calmer un épisode aigu ou de gérer la maladie chronique. Il est
également important d’insister sur le fait qu’une maladie d’une telle complexité ne peut être
soignée qu’en adoptant une approche multimodale dont les besoins seront adaptés à chaque cas
individuel.
2. Gestion des poussées aiguës
La meilleure façon de gérer les poussées aiguës est 1) d’identifier le facteur déclenchant le plus
immédiat (par exemple puces, aliment spécifique) et 2) de mettre en place un traitement qui peut
apporter un soulagement immédiat en diminuant l’inflammation et le prurit. La persistance de
l’inflammation et des lésions cutanées causées par les automutilations peut avoir rapidement un
effet négatif non seulement au niveau du confort de l’animal mais également pour le
développement d’infections secondaires qui vont à leur tour compliquer et aggraver les signes
cliniques. Bien que les glucocorticoïdes aient été utilisés depuis longtemps et qu’ils représentent
un traitement bien connu avec ses avantages et ses inconvénients, l’utilisation d’un inhibiteur de
la JAK comme l’oclacitinib, est encore relativement nouvelle. On a montré que l’oclacitinib
apporte un réconfort efficace et rapide en soulageant les animaux atteints et ce médicament est
désormais considéré comme une alternative acceptable à l’utilisation de glucocorticoïdes pour
contrôler rapidement les signes cliniques. La posologie recommandée et de 0.4-0.6mg/kg par
voie orale, deux fois par jour pour les deux premières semaines. Ensuite on pourra passer à la
même dose administrée une fois par jour. Bien que l’oclacitinib ne marche pas sur tous les
patients atopiques, il constitue en général un traitement très efficace et bien toléré. Beaucoup de
patients peuvent montrer une aggravation des signes cliniques lorsqu’on passe de
l’administration deux fois par jour à une fois par jour mais les choses s’améliorent avec le temps.
Outre l’absence d’effets secondaires du type polyurie et polydipsie, l’oclacitinib a un autre
avantage sur les glucocorticoïdes dans le sens où il ne semble pas avoir un effet négatif sur les
tests intradermiques, ce qui signifie qu’il peut être utilisé pendant une courte période pour rendre
le patient confortable durant la recherche des allergènes environnementaux à l’origine de
l’allergie. Malheureusement, les bénéfices du soulagement procuré par l’oclacitinib sont de
courte durée et dès qu’on arrête la médication, les signes cliniques reprennent rapidement parfois
même à un niveau plus élevé qu’au début du traitement (effet rebond). Il est important de noter
que l’oclacitinib ne bénéficie pas d’une autorisation d’utilisation chez les chiens de moins de 12
mois ce qui signifie qu’il ne peut pas être utilisé chez les tous jeunes patients atopiques.
Pour les patients qui répondent à l’oclacitinib mais ne sont pas parfaitement contrôlés par
l’administration une fois par jour, il peut être intéressant d’envisager des injections sous-cutanées
de l’anticorps monoclonal canin anti-cIL-31 de chez Zoétis qui a reçu une licence temporaire
pour un usage chez le chien. Il s’agit du premier produit biologique disponible en dermatologie
vétérinaire et il vise à bloquer IL-31, un médiateur du prurit chez le chien. Il n’est toutefois pas
certain que IL-31 soit une des principales cytokines dans la dermatite atopique canine. Une
première étude n’est pas parvenue à détecter IL-31 dans la peau des chiens atopiques et une autre
ne l’a détectée que dans 57% des chiens atopiques. Par conséquent, bien que l’injection d’IL-31
puisse induire un prurit chez le chien, il n’est pas vraiment certain qu’il s’agisse d’une cytokine
critique pour la dermatite atopique. Basé sur des résultats préliminaires fournis par Zoétis, anti-
IL-31semble soulager le prurit chez 80% des patients atopiques prurigineux et cet effet est censé
durer un mois entier. L’expérience clinique initiale à l’UF a mis en évidence une réponse
positive mais pas pour le niveau et la durée décrits. Par conséquent, pour le moment, ce produit
biologique ne doit pas être employé comme première option thérapeutique pour les chiens
atopiques et d’autres options à l’efficacité prouvée doivent être envisagées.
Lors du traitement des poussées aigües, il est important de ne pas négliger l’usage des topiques
pour faire diminuer le prurit et soulager la peau. Les glucocorticoïdes en topiques peuvent
également être employés pour procurer un soulagement rapide, surtout chez les patients où les
lésions sont localisées. En cas d’infections, il faudra les soigner pour diminuer le prurit et
permettre aux traitements anti-inflammatoires d’apporter tous leurs bénéfices.
3. Management à moyen et long terme
Beaucoup de praticiens choisissent d’utiliser la cyclosporine pour le contrôle à moyen terme de
la maladie. Les bénéfices du traitement à la cyclosporine ne sont pas évidents pendant les 3-4
premières semaines, ce qui implique qu’il est nécessaire d’avoir recours à un autre traitement
d’action plus rapide en attendant que l’action bénéfique de la cyclosporine se mette en place.
Comme les autres thérapies immunomodulatrices, la cyclosporine peut augmenter le risque
d’infection lorsqu’on l’utilise pendant des périodes prolongées. Malgré cela, la cyclosporine est
considérée comme un traitement sûr à moyen et long terme. L’effet secondaire indésirable le
plus courant lors d’une administration à la dose de 5mg/kg une fois par jour est de nature
digestive. Les symptômes sont vomissements, diarrhée et baisse d’appétit. Certains chiens
peuvent développer une dermatite papillomateuse qui répond favorablement à une diminution
des doses et à un traitement antibiotique.
L’oclacitinib peut également être utilisé à long terme et la molécule semble sûre. Néanmoins,
pour les patients qui requièrent un traitement pendant plusieurs mois voire plusieurs années, il est
prudent de trouver des alternatives thérapeutiques dans la durée. La stratégie à long terme est
classiquement composée de traitements anti-inflammatoires (par exemple cyclosporine,
oclacitinib ou glucocorticoïdes) en combinaison avec l’immunothérapie pour moduler la réaction
d’hypersensibilité et limiter les rechutes.
L’immunothérapie spécifique d’allergènes demeure à ce jour ce qui est considéré comme la
meilleure approche pour le traitement des jeunes animaux dont les symptômes existent depuis
plusieurs mois voire plusieurs années. Bien que l’immunothérapie spécifique soit souvent
présentée comme ”coûteuse” , elle est en fait tout à fait abordable si on la compare au coût des
autres traitements (par exemple la cyclosporine pour un chien de grande taille) et en outre elle
permet de diminuer la fréquence des infections, donc l’usage d’antibiotiques sans parler du
risque d’apparition de souches résistantes et de la nécessité d’employer d’autres médicaments.
En médecine humaine, on a montré que l’immunothérapie spécifique permet de modifier
l’évolution de la maladie et fait baisser le nombre de sensibilisations à long terme. On ne sait pas
actuellement si ces conclusions peuvent s’appliquer aux chiens. Malgré le fait que
l’immunothérapie spécifique ait été employée depuis de nombreuses années, il existe peu de
publications et certainement pas d’études contrôlées. Il y a actuellement trop peu d’informations
pour pouvoir déterminer quel est le meilleur protocole, bien qu’il semble que des doses élevées
et des allergènes spécifiques donnent de meilleurs résultats que de faibles doses avec des
mélanges. Alors que la voie d’administration traditionnelle de l’immunothérapie spécifique était
la voie sous cutanée, des études récentes ont démontré l’efficacité et la sécurité de la voie
sublinguale. Il faut envisager cette voie d’administration chez les patients qui développent des
réactions aux injections. L’amélioration avec l’immunothérapie sublinguale devient visible au
cours des 6 premiers mois, ce qui semble plus rapide qu’avec les injections sous-cutanées
traditionnelles. La plupart des patients ont besoin d’un traitement additionnel durant les premiers
mois de l’immunothérapie spécifique. Pour cette raison, des médicaments comme les
glucocorticoïdes, la cyclosporine ou l’oclacitinib peuvent être utilisés le temps de la montée en
puissance de l’immunothérapie spécifique. On mesure indirectement l’efficacité de la
désensibilisation en observant la diminution des besoins en médicaments pour contrôler les
signes de l’affection.
En médecine humaine, il est accepté d’avoir recours à des traitements de manière proactive pour
limiter l’intensité des rechutes notamment dans les zones où le patient a tendance à développer
des lésions, même si la peau semble être cliniquement normale. Cette approche a été testée dans
une petite étude en double aveugle sur des chiens atteints de dermatite atopique et les résultats
semblent prometteurs. Dans cet essai, un spray d’acéponate d’hydrocortisone était appliqué sur
les zones sujettes aux lésions deux jours par semaine et cette pulvérisation a permis de
quadrupler l’intervalle entre les rechutes. Il faut toutefois surveiller une éventuelle atrophie
cutanée à long terme.
Enfin, l’utilisation d’acides gras essentiels soit par voie orale ou en topiques doit être intégrée
dans la gestion à long terme des patients atopiques. Les effets bénéfiques de ce type de
supplémentation apparaissent lentement mais il a été prouvé qu’ils permettent daugmenter la
production des lipides cutanés et de réparer certaines des anomalies de l’épiderme. L’application
topique d’émulsions de sphingolipides peut également apporter une amélioration et ce type de
traitement doit être intégré dans les traitements complémentaires plutôt que d’être administré
seul. Il faut adopter la même approche en ce qui concerne les antihistaminiques qui doivent être
administrés avant le début de la saison allergique et plus dans le but de limiter la quantité des
autres médicaments que comme un produit miracle une fois que la crise aiguë est apparue.
En conclusion, la gestion de la dermatite atopique nécessite une approche multimodale et doit
être adaptée à chaque patient individuel en tenant compte de son âge, de la durée des symptômes
et des attentes du propriétaire. Bien que la dermatite atopique ne puisse pas être “guérie”, les
progrès récents intervenus ces dernières années et les nouvelles options thérapeutiques
permettent d’améliorer significativement la qualité de vie des patients.
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