Sémiotique
Le document que j’ai choisi d’étudier est un emballage de produit alimentaire. La fonction première d’un
tel objet est incontestablement conative : l’émetteur
l’utilise pour produire un effet sur le récepteur, le fabricant
veut à l’évidence susciter l’intérêt du consommateur dans
le but de lui faire acheter le produit, comme le fait une
publicité. Si l’objectif est manifeste, le procédé s’avère
souvent retors. De plus, notre attention est aujourd’hui
sollicitée en permanence par des publicités de toutes
formes, il est donc d’autant plus utile de savoir les
décrypter pour analyser les stratégies mises en œuvre. J’ai
sélectionné dans ce but un emballage de semoule de maïs
biologique, provenant d’un magasin spécialisé dans les
produits biologiques, qui illustre parfaitement ce propos.
J’analyserai respectivement les signes plastiques,
iconiques et linguistiques pour en extraire le sens, et
conclurai ensuite sur la valeur symbolique d’un emballage
comme celui-ci.
Les signes plastiques.
L’emballage du produit est transparent, il consiste en un sachet plastique sur lequel est collée une simple
étiquette. On montre directement le produit au consommateur pour lui montrer sa bonne foi, on ne
déguise pas le produit, la belle semoule séduira par elle-même. Le consommateur doit penser que pour
le fabricant l’essentiel c’est le produit, pas l’emballage. On cherche par à se démarquer des produits
biologiques de grande distribution.
S’il est important d’analyser de manière précise ce que l’on voit, il faut également s’interroger sur ce
qu’on ne voit pas. En l’occurrence, ici, il n’y a pas de boite, juste le sachet. On ne cache pas le produit,
mais on insiste surtout sur son aspect écologique, il est présenté sans suremballage.
Les couleurs utilisées sont celles qui représentent la nature, la vie : le vert, le jaune paille, l’orangé, sur
fond blanc. Ces « couleurs codes » des produits biologiques facilitent le repérage des produits en
magasin. Les couleurs ne sont ni bariolées, ni tape à l’œil, on laisse entendre qu’on n’a pas besoin
d’attirer le consommateur en lui jetant de la poudre aux yeux : le produit est de qualité et se suffit donc
à lui-même.
L’étiquette a un fond clair, presque blanc, avec un texte noir. On met ainsi en valeur le côté artisanal du
produit, en faisant référence aux étiquettes blanches collées sur les conserves faites maison.
L’étiquette est rectangulaire, les lignes essentiellement horizontales, ce qui évoque la stabilité dans
l’esprit du consommateur, un produit fiable, raisonnable, bien équilibré. Les lignes du logo de la marque
sont également très droites, géométriques, c’est une marque fiable, à laquelle on doit faire confiance.
Les signes iconiques.
Il n’y a aucune représentation photo du produit. Une photo est souvent retouchée, on ne veut pas
montrer une représentation du produit mais le produit lui-même, on veut prouver au consommateur
qu’on ne cherche pas lui mentir.
On trouve tout de même une photo sur l’étiquette : celle d’une campagne bien verte, et la semoule
transparait tout autour à travers le sachet. Par effet de proximité on conduit le consommateur à penser
que la semoule arrive directement de ce champ jusqu’au magasin, sans intermédiaire.
On observe une redondance dans la représentation de la nature, avec le champ et les épis de maïs sous
le logo de la marque. Epis disposés autour d’un ancien blason voulant affirmer l’authenticité du produit.
Deux logos « bio » sont bien visibles mais restent en retrait par rapport à d’autres éléments comme le
nom du produit. On insiste sans trop en avoir l’air, le produit est biologique cela va de soi.
Le logo de la marque est, lui, bien plus en retrait : le produit est important, la marque est secondaire. Le
consommateur verra là une marque modeste, dont la seule ambition est de concevoir un bon produit.
Un logo « recyclable » est également présent et fait redondance avec l’absence de suremballage : le
produit est écologique et respectueux de la nature.
Les signes linguistiques.
Le texte est brut, sans artifice, comme tapé rapidement à la machine et mal positionné : le
consommateur doit comprendre que l’on préfère se consacrer à mettre en œuvre un bon produit plutôt
que s’attarder sur la présentation des informations.
Le texte est austère, présenté à la manière d’une notice de médicament : on ne s’amuse pas, ce produit
est sérieux, contrôlé, le consommateur peut l’acheter les yeux fermés.
La police est droite, sans empattement, annonçant rigueur, sérieux et fiabilité.
Le nom de la marque : « Moulin des Moines » confère une forte authenticité au produit, le
consommateur associera les moines à la rigueur et au travail bien fait, même si le produit n’est
probablement pas réellement élaboré par des moines.
L’information « pionnier du bio depuis 1970 » qui accompagne l’ancien blason veut attester de la
légitimité de la marque et de son savoir-faire : on fait de la semoule depuis quarante ans donc on le fait
forcément bien, vous pouvez avoir confiance. De plus, les informations « pionniers du bio » et « issu de
l’agriculture biologique » font redondance avec les logos « bio » déjà évoqués.
Le nom du produit est inscrit en très gros et mis en avant. Son rôle, comme celui de l’intégralité du texte
de l’étiquette paraît essentiellement dénotatif, on nous informe de ce qu’il y a dans le sachet : de la
semoule de maïs, complète, grosse. Mais le consommateur y verra une volonté de transparence, on ne
cherche pas à broder autour du produit, on ne dissimule rien derrière un titre flatteur.
Les informations sont hiérarchisées au moyen de la taille de la police pour imposer l’ordre de lecture : le
nom du produit, puis « issu de l’agriculture biologique », ensuite la liste des ingrédients, et les autres
informations.
Le logo de la marque se veut discret, mais on trouve l’adresse postale et celle du site internet de la
marque sur l’étiquette, que le consommateur interprètera comme une volonté de transparence, de
proximité.
La liste des ingrédients et la valeur nutritionnelle du produit figurent sur l’étiquette, donc sur l’avant de
l’emballage, alors que ces informations sont d’ordinaire dissimulées sur l’envers, pour éventuellement
cacher certaines choses. Si elles sont ici mises en évidence de la sorte c’est qu’il n’y a aucune inquiétude
à avoir, le consommateur ne les lira même pas, il est convaincu qu’il n’y a que des bonnes chose dedans.
En l’occurrence une seule bonne chose, un seul ingrédient : du maïs, l’ingrédient brut, naturel.
La provenance du maïs est également indiquée sur l’étiquette, le consommateur sait d’où vient le
produit, il est donc fiable et bon pour lui.
On trouve également une suggestion de préparation, par le biais de laquelle on insiste sur la facilité :
c’est un produit brut, naturel, mais tout aussi simple à préparer que n’importe quel autre. Et il est tout à
fait dispensable d’y ajouter quoi que ce soit d’autre : le consommateur appréciera que la marque ne
cherche pas à lui vendre toute une gamme de produits que d’autres vantent sur leurs emballages, en
proposant différentes associations, tel produit avec telle sauce, tel condiment, etc.
La valeur symbolique.
Si on s’interroge sur la signification d’un tel emballage à notre époque, on remarque qu’il cherche de
toute évidence à mettre en avant des valeurs plus qu’une marque ou un produit. L’emballage veut
vendre un style de vie au consommateur, un retour à la nature, en faisant appel à sa conscience morale.
Il lui parle d’écologie, d’authenticité, de la nécessité de consommer des produits sains, naturels et
respectueux de l’environnement.
Tous les signes pointent dans la même direction. Le message est informatif, l’image et le texte ont la
même fonction, il y a confortation entre les deux : achetez ce produit parce que vous êtes quelqu’un de
bien et parce que vous ne vous laissez pas avoir par les emballages clinquants et colorés des produits
biologiques de supermarché, et parce que dans le contexte actuel, acheter ce produit c’est être
responsable.
On pourrait penser à tort qu’en proposant un emballage comme celui-ci, en apparence exclusivement
dénotatif, on ne cherche pas du tout à séduire le client : mais c’est bien ce qu’on veut lui faire croire. On
cherche de manière subtile à séduire le client qui refuse de se laisser séduire par un emballage, en
mettant tout en œuvre pour le convaincre qu’on ne cherche absolument pas à le faire.
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