
  
élèves mais sur leurs acquisitions. On aboutit ainsi à des contradictions entre forme scolaire 
et ascolaire, entre contenus sur programmes et contenus adisciplinaires, etc. Pour en sortir, 
il est nécessaire qu’évoluent en cohérence différents éléments du système dont les 
organisations, les programmes et la forme scolaire. 
 
Tensions entre savoirs individuels et savoirs collectifs. En quoi un projet collectif favorise-t-il 
ou non l’acquisition de nouveaux savoirs professionnels ? 
 
Les pratiques collectives enseignantes remettent en question les savoirs individuels 
constitués dans l’acte pédagogique personnel et de manière contextualisée. Les chercheurs 
parlent à ce titre de cognition partagée ou distribuée dans la mesure où elle s’élabore dans 
les interactions entre enseignants, jalonnées de moments de conflits cognitifs et de points 
d’accord entre des conceptions de nature pédagogique. L’idée principale est que 
« l’enseignant apprend en travaillant ». 
 
Dans l’étude de cas qui a retenu notre intérêt, il est question de deux collectifs d’enseignants 
différents3. Le premier a en charge un projet sur la troisième d’insertion dans le but de 
donner du sens aux apprentissages, et le deuxième, intitulé « délégués de classe » vise 
l’éducation à la citoyenneté. Des contrastes saisissants apparaissent entre les deux sur 
plusieurs points. D’abord les modalités de coordination diffèrent. Dans le premier projet, les 
décisions sont prises par les coordonnateurs qui en informent les collègues ; l’engagement 
des élèves est requis ; l’engagement plutôt faible des participants est restreint à des 
réunions hebdomadaires ; le ressenti des élèves et des enseignants s’avère négatif. Dans le 
deuxième projet, la présence des délégués et suppléants est obligatoire mais les élèves y 
viennent sur la base du volontariat, les décisions sont débattues collectivement ; 
l’engagement des élèves se fait sur la base du volontariat ; tous préparent le film, produit 
final du projet et se montrent enthousiasme comme les enseignants qui envisagent un 
prolongement. Le projet a pris de plus en plus d’ampleur et l’équipe enseignante a impulsé 
une stratégie en rendant public par affichage dans le collège les productions intermédiaires 
du projet. De toute évidence ce collectif d’enseignants a acquis des savoirs professionnels 
car il a mobilisé des connaissances qu’il ne possédait pas avant cette expérience. En 
travaillant conjointement, chaque enseignant a développé et enrichi ses savoirs 
professionnels grâce à l’interaction. A contrario, dans le projet de troisième d’insertion, la 
fonction du collectif d’enseignants s’est bornée à planifier de manière générale et chaque 
enseignant restait isolé dans sa classe face aux élèves à faire le lien entre les réunions 
hebdomadaires propres au projet et son enseignement en troisième d’insertion. Delà les 
chercheurs se demandent si au lieu de parler de nouvelles pratiques enseignantes, il ne 
vaudrait pas mieux établir une distinction entre le métier principal de l’enseignant et le métier 
« émergent » hors de la classe. 
 
Bilan : un nouveau champ de recherche est ouvert 
 
Plusieurs conclusions s’imposent. D’abord on peut souligner que ces tensions gagneraient à 
être réduites. L’évolution de la professionnalisation enseignante ne s’arrête pas aux seules 
questions de pédagogie et devrait s’appuyer sur une réforme de l’organisation scolaire, de la 
forme scolaire et des conditions de travail. Ensuite on peut regretter que les trois mots clés, 
coordonner, collaborer, coopérer, figurant dans le titre de cet ouvrage, ne soient pas 
davantage éclairés, analysés et discutés. Le terme de collaboration, le plus fréquent, 
recouvre davantage la réalité décrite. En outre, on s’aperçoit que les expressions de « travail 
en équipe » ou encore de « travail conjoint » sont fréquemment utilisées là où l’on attendait 
les termes de collaboration, coordination et coopération enseignantes. Pourquoi ? On peut 
faire l’hypothèse que sur le terrain, il n’est pas toujours aisé de distinguer ce qui est de 
                                                 
3 Chapitre IX : « “Nouvelles” pratiques enseignantes et développement professionnel » de Jean-François Marcel, 
p. 130-142. 
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INRP, centre Alain Savary, 2008