Finance La logique financière a pris le pas sur l’approche économique. A tel point que les économistes liés à la finance de marché ont une influence déterminante sur la formation des croyances et des opinions des chefs d’entreprise comme des pouvoirs publics ou encore du grand public. Une ligne de pensée qui a conduit à l’impasse dans laquelle se trouve aujourd’hui la France. Pourtant, ni les délocalisations, ni les pertes d’emplois qualifiés, ni la baisse de l’investissement productif en France ne sont une fatalité. Il est indispensable d’imaginer des stratégies alternatives, avec de nouvelles incitations pour relocaliser la croissance mais aussi encourager la finance et l’épargne à mieux soutenir le développement de l’activité sur le territoire national. Tel était l’objectif du colloque « La finance face à l’emploi, logique des marchés et relocalisation des activités » qui s’est tenu en juin 2010 à Paris. Pour stimuler la réflexion, Xerfi a réuni des industriels, des banquiers, des experts, mais aussi ses équipes d’économistes et de spécialistes sectoriels, tous préoccupés par la nécessité impérieuse d’une mobilisation afin de relancer une dynamique d’activité en France et remettre prioritairement la finance au service du développement des entreprises sur le territoire. Le colloque a été organisé par Xerfi, premier institut d’études économiques privé en France et totalement indépendant. Avec des centaines d’études publiées chaque année sur l’évolution des secteurs d’activités en France et dans le monde, Septembre 2010 – isbn 978-2-8190-0190-4 Prix 22 e PrevisisCouvDef.indd 1 il dispose d’une expertise exceptionnelle. Xerfi organise régulièrement des colloques et des conférences pour apporter sa contribution citoyenne au débat économique. -:HSMILJ=UUV^UY: Finance, emploi, relocalisations emploi relocalisations Sous la direction de Laurent Faibis Sous la direction de Laurent Faibis Previsis avec la collaboration de Jean-Michel Quatrepoint Finance emploi relocalisations Actes du Colloque Xerfi Michel Aglietta Eric Bourdais de Charbonnière Jérôme Cazes Louis Gallois Jean-Hervé Lorenzi Gilles Michel Etienne Pflimlin François Rachline Yazid Sabeg Avec les contributions de Jean-Baptiste Bellon, Alexander Law et Alexandre Mirlicourtois. Previsis 5/08/10 10:48:53 Extrait des Actes du colloque Xerfi Finance, emploi, relocalisations Sous la direction de Laurent Faibis En collaboration avec Jean‐Michel Quatrepoint Septrembre 2010 Groupe Xerfi La crise : un révélateur des impasses de la France par Laurent Faibis L a crise financière a déclenché la récession en France. Mais elle n’est pas la cause profonde de la crise économique qui se prolonge depuis. Cette déflagration a servi de révélateur à la multiplicité des déséquilibres accumulés depuis 20 ans. Des difficultés longtemps masquées qu’il faut désormais affronter à chaud. Si la récession est désormais derrière nous, nous ne sommes pas pour autant sortis de la crise. Un rythme de croissance léthargique s’est installé, avec son cortège de défaillances d’entreprises et de destructions d’emplois. La crise a mis en relief les impasses d’une France confrontée au choc d’une globalisation débridée et à la dissolution de la dynamique européenne, aujourd’hui synonyme du chacun pour soi. L’épidémie des plans d’austérité au sein de l’Union a levé le voile non seulement sur la soumission de nos pays aux forces des marchés financiers mais aussi sur leur impuissance à définir une politique coopérative face aux difficultés et une stratégie offensive face aux ambitions des nouvelles Xerfi_mep.indd 91 5/08/10 10:36:05 Groupe Xerfi 92 Finance, emploi et relocalisations puissances. Plus encore, la crise a mis à nu les illusions d’un pays ayant sacrifié des pans entiers d’activités manufacturières sur l’autel de la société post-industrielle, au nom d’une idéologie qui voulait faire croire que la libéralisation totale des échanges, la dérégulation de la finance et l’autorégulation des marchés nous conduisaient d’une main invisible vers un monde meilleur. La France est aujourd’hui confrontée à un nouveau décrochage industriel brutal, qui affaiblit davantage encore son tissu manufacturier. Depuis 1990, près de 1,3 million de postes ont été supprimés dans l’industrie, soit 28 % des effectifs. Ces pertes d’emplois se sont intensifiées dans les années 2000 avec la montée de la globalisation, la concurrence des pays émergents et les délocalisations. Certes, la crise financière actuelle n’est responsable ni du décrochage industriel de l’Hexagone ni de la délocalisation de ses emplois. Le déclin des 20 dernières années s’est effectué en trois temps. Les années 1990 ont été celles de l’effondrement des secteurs de biens de consommation comme le textile, l’habillement, le cuir et l’électroménager. La deuxième étape est survenue dans les années 2000 avec les plus fortes pertes de production jamais enregistrées par la métallurgie, les biens intermédiaires et l’automobile. Dans le même temps, tous les secteurs liés à l’habillement, l’équipement du foyer, l’électronique grand public continuaient de s’affaiblir. La balance commerciale, redevenue positive au tournant des Xerfi_mep.indd 92 5/08/10 10:36:05 Groupe Xerfi La crise : un révélateur des impasses de la France 93 années 2000, a plongé à nouveau en 2004. Le solde de notre commerce extérieur n’a cessé de se dégrader depuis. En 2008, nous sommes entrés dans la troisième étape. La crise déclenchée par l’éclatement de la bulle financière a entraîné une chute de 16 % de la production industrielle ! Ne nous y trompons pas. Il ne s’agit pas d’une grosse secousse conjoncturelle mais bien d’une rupture majeure. Un modèle de croissance fondé sur la consommation Au cours des 20 dernières années, la France s’est progressivement désintéressée de son industrie. Les regards étaient davantage braqués vers le soutien de la consommation des ménages que vers l’investissement, surtout dirigés vers le développement des activités de services plutôt que vers la défense de la compétitivité industrielle. Considéré sous cet angle, l’Hexagone a de facto présenté une certaine similitude de comportement avec les pays anglo-saxons. Le paysage économique français se distingue en effet de ses voisins d’Europe continentale par une surpondération des multinationales, notamment dans les services, la distribution et la finance. Les groupes d’origine nationale se sont tournés vers le grand large, développant peu à peu leur activité là où la maind’œuvre est moins chère, là où se trouvent les marchés en forte croissance. Le recul du prix des biens manufacturés importés, une devise forte et l’endettement des ménages ont stimulé la Xerfi_mep.indd 93 5/08/10 10:36:05 Groupe Xerfi 94 Finance, emploi et relocalisations consommation. Comme aux États-Unis et au Royaume-Uni, l’effet richesse lié à la bulle immobilière a favorisé les dépenses dans les biens d’équipement du foyer, pour l’essentiel importés. Avec pour principales conséquences, une dégradation progressive de la balance du commerce extérieur et l’endettement de la France. Chez Xerfi, nous qualifions de « globalofinancière » cette stratégie où la croissance du PIB repose avant tout sur la consommation des ménages, où le système financier draine une part sensible de la valeur ajoutée, où les principales filières sont dominées par des multinationales qui délocalisent leur production. En résumé, il s’agit d’une stratégie économique qui cherche d’abord à tirer parti des effets positifs de la globalisation et de la financiarisation, en sousestimant les conséquences à terme. Rappelons combien les chiffres ont masqué bien des problèmes. Entre 2002 et 2007, la croissance de la consommation des ménages en volume a varié dans une fourchette de 2,1 % à 2,6 % par an. La consommation a ainsi représenté – de très loin – le premier moteur de la croissance. Excédentaire jusqu’au tournant des années 2000, la balance commerciale s’est ensuite rapidement dégradée. Elle est passée nettement dans le rouge en 2004. Le déficit avait atteint 55 milliards d’euros en 2008 – année du déclenchement de la crise – quand la croissance du PIB s’est effondrée. Xerfi_mep.indd 94 5/08/10 10:36:05 Groupe Xerfi La crise : un révélateur des impasses de la France 95 Le dérèglement du système globalo-financier La crise financière qui éclate en 2008 va dérégler la mécanique globalo-financière et accentuer dix ans de déséquilibres. Elle va jouer un rôle de révélateur des artifices financiers qui ont soutenu la croissance. Le cataclysme qui s’abat sur le système financier occidental va imposer l’intervention massive des États pour organiser son sauvetage. La finance se retrouve alors sur le banc des accusés. Mais une fois sortie d’affaire, la logique financière va vite reprendre le dessus. Les États, venus à la rescousse des banques et de la finance, déchantent à leur tour. Les politiques économiques mises en place dans la tourmente financière, avec pour corollaire un alourdissement de la dette publique, se retrouvent en effet dans le collimateur des opérateurs des marchés financiers qu’ils ont pourtant secourus. La crise va donc également être un terrible révélateur de la pression des marchés sur la régulation du système économique et faire peser une contrainte déterminante sur les marges de manœuvre des politiques publiques. Les politiques de relance sous haute surveillance Nous sommes ainsi passés brutalement de l’apologie de la dette et de l’effet de levier à l’idéologie de la purge financière, présentée comme le passage obligé, voire la seule solution, à tous nos maux. Après les entreprises et les ménages, les États se plient aux exigences des marchés. Des opérateurs finan- Xerfi_mep.indd 95 5/08/10 10:36:05 Groupe Xerfi 96 Finance, emploi et relocalisations ciers, au comportement paradoxal, voire schizophrénique, réclament des cures d’austérité en toute connaissance de cause sur les effets négatifs de celles-ci sur la croissance. Les pays endettés, soit la grande majorité des nations occidentales, s’exposent ainsi à une double sanction. Pour sauver le système financier du naufrage, et les économies occidentales de l’effondrement, les États ont dû accepter de s’endetter lourdement. Une première peine risque donc d’être infligée pour cette dette qui déplaît aux marchés. Mais une seconde punition peut ensuite être infligée parce que les thérapies de choc administrées pour réduire la dette publique provoquent un ralentissement de la croissance. Et par conséquent, freinent les rentrées fiscales et donc le remboursement de la dette souveraine. Incohérence des marchés financiers ! Une logique absurde à laquelle les États-Unis, dont l’endettement total est pourtant stratosphérique, refusent obstinément d’adhérer. La somme de l’endettement des ménages, de la dette fédérale, des dettes des États et de la dette du système financier hisse les États-Unis au rang de plus grand débiteur face au reste du monde. Et même en pourcentage du PIB, ils figurent dans le top 10 des grandes nations endettées. Mais au pays de Milton Friedman et de Robert Lucas, on sait combien l’orthodoxie financière est une marchandise réservée à l’exportation idéologique. Les États-Unis, le cœur du capitalisme mondial, réfutent ainsi l’idée même de la rigueur. Xerfi_mep.indd 96 5/08/10 10:36:05 Groupe Xerfi La crise : un révélateur des impasses de la France 97 De ce côté de l’Atlantique, un véritable concours d’austérité est en revanche engagé. Les États se sont mis au défi suicidaire du mieux-disant des politiques restrictives. L’Allemagne a donné le ton, et tout le monde s’est senti obligé de lui emboîter le pas. Si les termes d’« austérité » et de « rigueur » restent tabous en France, une diète budgétaire se dessine pourtant. Le Royaume-Uni n’a pas ces pudeurs sémantiques : hausse d’impôts et contraction des dépenses publiques vont atteindre des niveaux records. Et peu importe la situation des entreprises, la consommation ou l’emploi. La posture de la rigueur et l’esprit de repentance gouvernent les esprits et dictent les décisions. Les grands pays européens semblent être frappés d’amnésie, oubliant qu’ils sont mutuellement leurs principaux débouchés. Même l’Allemagne feint de méconnaître ses propres statistiques qui s’imposent pourtant comme une évidence : ses voisins sont ses principaux clients, très loin devant les pays émergents. L’austérité qu’elle érige en parangon de vertu ne peut avoir qu’un effet boomerang. L’Europe est devenue masochiste et sacrifie son avenir sur l’autel des marchés. Les marchés ont pris le pas sur les économies territoriales. Dans ce concours de frugalité, l’État risque en effet de se priver des derniers outils pour stimuler l’économie et mener une véritable stratégie économique nationale. Quant à l’ambi- Xerfi_mep.indd 97 5/08/10 10:36:05 Groupe Xerfi 98 Finance, emploi et relocalisations tion européenne, elle se réduit désormais à jouer les pompiers du système financier et se laisse tenter par le rôle de gendarme des budgets publics. La purge comme médecine archaïque face à la crise en somme. Une croissance molle, un euro toujours surévalué, un climat de guerre économique : autant d’éléments de nature à renforcer le cercle vicieux des délocalisations et des destructions d’emplois sur le Vieux Continent mais aussi de l’exportation de la croissance et des capitaux vers les pays émergents. Déjà, la crise a amputé les pays européens d’une part sensible de leur croissance potentielle. L’effet systémique des plans d’austérité va encore raboter le reste. Une devise toujours trop forte alors que pour se relancer, l’Europe a désormais besoin d’utiliser l’arme monétaire avec un euro proche de la parité avec le dollar. C’est nécessaire pour renforcer la concurrence prix. C’est indispensable pour disposer du temps nécessaire à la ré-industrialisation. Un climat de guerre économique : le temps du monde global et du commerce international gagnant-gagnant est derrière nous. Lorsque la demande fléchit, chacun s’évertue à s’emparer des parts de marchés du voisin. Cela se vérifie en particulier au sein de la zone euro. À cet égard, le comportement de l’Allemagne s’est révélé notoirement peu coopératif. À l’évidence, son principal objectif est d’accroître encore sa domination sur l’industrie européenne. Xerfi_mep.indd 98 5/08/10 10:36:05 Groupe Xerfi La crise : un révélateur des impasses de la France 99 Ce climat de guerre économique intestine s’inscrit dans un contexte plus vaste de surcapacité mondiale des moyens de production. Le boom des pays émergents a suscité des investissements inconsidérés dans de nombreux secteurs. Dans les pays avancés, le degré d’utilisation des capacités de production est au plus bas. Dans l’industrie comme dans les services, la pression sur les prix est terrible et se propage d’un secteur à l’autre. Une véritable spirale déflationniste qui réduit les marges, détruit les emplois et les unités de fabrication. Un cercle vicieux qui condamne les entreprises à contracter en permanence leurs coûts et à réduire leur masse salariale. Dans le contexte d’évolution atone de la demande, le redéploiement des grandes entreprises vers un « ailleurs meilleur » s’accélère. Alors que les indicateurs de marge opérationnelle et de trésorerie des principales firmes occidentales se sont redressés, cellesci investissent et recrutent désormais en priorité dans les pays émergents. Cette fuite du territoire est d’autant plus forte pour les entreprises cotées en Bourse, soumises à des niveaux déraisonnables de rentabilité exigés par les marchés. Dans ces conditions, leur leitmotiv est accroissement des marges – en abaissant le coût du travail – et renforcement de la rentabilité – en économisant le capital à coup d’effets de leviers. Bien pire, les comportements court-termistes découragent les stratégies à long terme et l’innovation. Comme en effet prendre des risques sur 3, 5 voire 10 ans lorsqu’il faut rendre des comptes tous les 3 mois ? Xerfi_mep.indd 99 5/08/10 10:36:05 Groupe Xerfi 100 Finance, emploi et relocalisations Un fatalisme inacceptable Cette logique des marchés financiers semble nous conduire droit au fatalisme. Cette résignation et cette soumission sont inacceptables. Les délocalisations, la désindustrialisation et la destruction des emplois qualifiés ne sont pas une fatalité. Des stratégies autres que la déflation salariale sont possibles. Nous voulons croire qu’il n’y a pas de fatalité à la tyrannie des marchés financiers. Malgré les enseignements de ces trois dernières années, les doctrines économiques dominantes depuis un quart de siècle et responsables de l’impasse actuelle regagnent peu à peu la bataille des idées. Il faut sortir de cette pensée unique, rechercher des stratégies alternatives. Nous avons trop longtemps accepté l’idéologie de l’autorégulation des marchés, où la politique économique n’avait plus grand rôle à jouer. Certes, il faut prendre garde à respecter les règles du jeu de la libre entreprise et ne pas brider les initiatives individuelles. Mais il n’y a pas de marché possible sans règles, il n’y a pas de règles sans instances pour les définir et les faire respecter. De même, les risques doivent être assumés par ceux qui les prennent. Il importe aussi que les marchés soient translucides, toute l’information disponible. Les échanges opaques et les contrats de gré à gré, qui ont envahi la finance, ne sont pas le marché. Opposer la régulation et la libre entreprise est un contresens. Même si les grands prédateurs financiers s’y emploient depuis plusieurs décennies. En réalité, l’idéologie de l’autorégulation Xerfi_mep.indd 100 5/08/10 10:36:05 Groupe Xerfi La crise : un révélateur des impasses de la France 101 et les forces qui la soutiennent ne portent pas seulement une lourde responsabilité dans la crise financière et sa transmission au reste de l’économie. Elles sont aussi à l’origine des dysfonctionnements accumulés depuis une décennie et du désengagement industriel de la France. Des cassures irrémédiables dans le tissu industriel français Entre 2000 et 2008, la France a perdu chaque année 2 % de ses emplois industriels. Le déclin des secteurs de biens de consommation, déjà largement engagé dans les années 1990, s’est accéléré dans les années 2000. La France ne peut plus s’enorgueillir d’un quelconque champion national dans la fabrication de textile et habillement, chaussure, meuble, produits de bricolage, électroménager, électronique de loisirs, etc. Bref, l’essentiel de ce que les Français consomment (hors alimentaire) doit être importé. Le déclin de la production industrielle s’est également accentué ces dix dernières années dans les biens intermédiaires et les équipements. Bien que l’Hexagone compte le siège de deux grands constructeurs, la production automobile est désormais largement délocalisée, entraînant dans son sillage les équipementiers et les sous-traitants. La presse se réjouit du rebond des immatriculations alors même que la production de véhicules sur le territoire avait déjà fléchi avant Xerfi_mep.indd 101 5/08/10 10:36:05 Groupe Xerfi 102 Finance, emploi et relocalisations la crise et que la plupart des petites et moyennes cylindrées de marques françaises sont importées. La propagation de la crise financière à l’industrie tricolore va entraîner une onde de choc terrible au second semestre 2008. La production automobile va ainsi fléchir de 13 % en 2008 puis de 21 % en 2009. Cette grande panne atteindra en 2009 la métallurgie (-28 %), la fabrication de machines (-27 %), la construction navale (-25 %) et les équipements électriques (-20 %). Arrêtons là cette énumération lugubre porteuse du germe des drames sociaux et autres dépôts de bilans. En 2008 et 2009, la quasi-totalité des bastions de résistance de la production manufacturière a été sinistrée. Pour certains d’entre eux, cette véritable destruction de capacités de production signifie un décrochage irrémédiable pour la France. Rien qu’en 2009, la baisse des effectifs salariés de l’industrie a atteint 4 %, sans compter le recul du travail intérimaire. Certes, la crise financière a allumé l’étincelle qui a fait exploser la croissance et entraîné l’effondrement industriel de 2008 et 2009. Mais, sans nier la part de responsabilité des marchés financiers, ceux-ci font un bouc émissaire trop commode pour expliquer une érosion industrielle qui vient de loin. La finance n’est pas seule responsable. La vérité, c’est que nous avons été aveugles. Depuis 20 ans, et davantage encore depuis les années 2000, nous avons laissé faire et été frappés de cécité. L’Union européenne s’est élargie trop rapidement, sans les précautions indispensables et chaque pays s’est mis à faire cavalier seul. Xerfi_mep.indd 102 5/08/10 10:36:05 Groupe Xerfi La crise : un révélateur des impasses de la France 103 Nous avons mis en place l’euro, sans harmoniser nos politiques économiques, avec une BCE plus soucieuse de lutte contre l’inflation – pourtant disparue – que de compétitivité. Dans ce contexte, le couple franco-allemand, qui cultivait autrefois la passion de l’Union, risque le divorce. Plus largement, nous avons sauté à pieds joints dans la globalisation, sans nous préoccuper de ses conséquences négatives et, surtout, avec une arrogance qui nous a fait sous-estimer le potentiel de rattrapage de grands pays émergents, au premier rang desquels la Chine. Les difficultés d’une Europe trop vite élargie L’Union européenne s’est élargie jusqu’à devenir ingérable. Il suffit de penser au feuilleton à rebondissement de la constitution européenne. La crise a servi de révélateur, avec la cacophonie des stratégies de ripostes, l’incapacité à définir une politique économique coopérative, la lenteur des décisions dans les cas urgents (telle que l’attaque des marchés contre la Grèce). Plus personne ne songe à de nouveaux traités permettant de renforcer l’Union ou d’en harmoniser les dimensions budgétaires, fiscales, sociales, commerciales, écologiques pour affronter au mieux les défis de la globalisation. En réalité, chacun des grands pays joue sa partition. L’Allemagne veut continuer de croire en son modèle exportateur et à l’intégration de son économie de bazar grâce aux implantations industrielles dans l’est de l’Europe. Le Xerfi_mep.indd 103 5/08/10 10:36:05 Groupe Xerfi 104 Finance, emploi et relocalisations Royaume-Uni regarde plus que jamais vers toutes ces régions émergentes avec lesquelles il entretient des liens historiques. Pour faire face au cataclysme qui a ravagé la City, les Britanniques disposent d’un atout : la ré-industrialisation, grâce à l’appui des grandes puissances émergentes, et en premier lieu l’Inde et la Chine. Pourquoi ne pas endosser l’habit de leur cheval de Troie dans l’Union européenne ? La France risque d’être prise en tenaille entre la puissante industrie allemande, ses grands groupes et son mittlestand compétitif, et un rebond industriel de la Grande-Bretagne, galvanisée par la dynamique des multinationales des pays émergents prêts à s’y implanter. Un euro surévalué La crise a également révélé que l’euro n’est pas seulement notre monnaie mais aussi notre principal problème. Le désastre économique espagnol montre trop bien certains effets pervers d’une zone monétaire sous-optimale. Grâce à la force de l’euro et à des taux d’intérêt bas, Madrid a pu laisser jouer au « passager clandestin », laissant filer l’inflation et les déficits extérieurs, gonfler la bulle immobilière et dégrader la compétitivité industrielle. Le rideau est tombé sur un modèle espagnol qui a conduit son économie au désastre, et dans l’impasse. Plus profondément, un euro surévalué a mis tous les secteurs soumis à la compétitivité prix à rude épreuve. Difficile dans ces conditions d’affronter la concurrence des pays qui Xerfi_mep.indd 104 5/08/10 10:36:05 Groupe Xerfi La crise : un révélateur des impasses de la France 105 disposent non seulement de faibles coûts salariaux, mais aussi des moyens pour maintenir leur taux de change artificiellement bas, malgré leurs excédents commerciaux. Une fois n’est pas coutume, les marchés ont rendu service aux pays de la zone euro au printemps 2010 en dévalorisant la monnaie commune. Mais pas suffisamment pour redonner des marges de manœuvres réellement satisfaisantes à nos exportateurs et les protéger des pays qui associent coût du travail et taux de change sous-évalués. La Banque centrale européenne, si attentive au niveau d’inflation et si prompte à secourir le système financier, n’est guère diligente en matière de croissance et de compétitivité. Il est vrai que telle n’est pas la mission qui lui a été confiée par les traités. Mais ni une Europe trop vite élargie, ni même un euro déconnecté de toute stratégie économique cohérente n’auraient eu des conséquences aussi fâcheuses si le couple francoallemand était resté suffisamment uni pour conserver son rôle de moteur de l’Europe. Las, Berlin et Paris tirent à hue et à dia. La nouvelle génération des dirigeants allemands lorgne désormais davantage vers l’Est et l’Extrême-Orient que vers son voisin occidental. Ni la hantise de la mémoire, ni les séquelles de la Seconde Guerre mondiale, ni la crainte du bloc soviétique ne viennent plus souder les deux rives du Rhin. Vue de loin, l’Allemagne est désormais LA grande puissance européenne. Une Allemagne décomplexée qui, comme le Royaume-Uni, se méfie de tout pas supplémentaire vers l’intégration et préfère désormais limiter l’ambition européenne Xerfi_mep.indd 105 5/08/10 10:36:05 Groupe Xerfi 106 Finance, emploi et relocalisations à une vaste zone de libre-échange. Une Allemagne qui aspire à sortir de la crise en captant des parts de marchés au détriment de ses partenaires européens. Une Allemagne qui entend s’assurer le leadership industriel dans tous les secteurs d’excellence technologiques, y compris ceux où la France a conservé ses bastions. À ce petit jeu, les rivalités ne risquent-elles pas de l’emporter sur les impératifs de coopération ? Les méprises d’une globalisation irresponsable et naïve Le rêve européen s’est évanoui dans un monde qui se reconfigure à toute allure avec des pays émergents en Asie mais aussi en Amérique latine, avec de nouvelles règles du jeu et de nouveaux rapports de forces économiques et financiers. Les théories du commerce international nous enseignaient toutes les vertus supposées du libre-échange. Un jeu gagnant-gagnant où chacun se spécialiserait dans ses domaines d’excellence, profitant d’avantages comparatifs. Les pays avancés devaient bénéficier d’une plus grande qualification de leur population, de leur avance technologique, de firmes puissantes pour exporter vers les pays émergents des biens et équipements sophistiqués. En retour, la globalisation devait nous permettre d’importer à bas prix les biens de consommation et ainsi bénéficier au pouvoir d’achat des ménages. Las, la globalisation s’est soldée par des délocalisations massives dans tous les secteurs, y compris ceux dans lesquels Xerfi_mep.indd 106 5/08/10 10:36:05 Groupe Xerfi La crise : un révélateur des impasses de la France 107 l’Occident entendait exceller. La pression à la baisse du prix du travail dans les pays avancés a entraîné un ralentissement du pouvoir d’achat réel, compensé dans de nombreux pays par la dette et les effets richesse liés à la bulle immobilière. Pris dans leur ensemble, les pays avancés ont vu leur tissu économique se désindustrialiser, leur demande intérieure s’éroder. Dans le même temps, les investissements massifs réalisés par les pays émergents, souvent avec l’incitation voire l’investissement direct des puissantes multinationales, ont conduit à des surcapacités de production mondiales durables, responsables de la chute des prix. L’aveuglement a été général Comment une telle erreur a-t-elle pu se produire ? La réponse est simple. Les théories du commerce international, qui ne s’appliquaient pas au nouveau contexte de la globalisation, nous ont en fait aveuglés. Les évolutions du marché du travail et des salaires dans le monde, tout comme le rééquilibrage des parités monétaires, ne fonctionnent pas selon les prédictions de la théorie. Principalement parce qu’une immense puissance comme la Chine refuse de se conformer aux lois du marché lorsqu’elle doit défendre sa stratégie. C’est en particulier le cas en matière monétaire avec le maintien artificiel d’un yuan sous-évalué pour favoriser ses exportations, là où la théorie promet une valorisation progressive de la devise de nature à rééquilibrer le commerce extérieur. Mais aussi parce que, Xerfi_mep.indd 107 5/08/10 10:36:05 Groupe Xerfi 108 Finance, emploi et relocalisations dans cet atelier du monde, les obstacles non réglementaires à la pénétration des entreprises occidentales sont légion tandis que la propriété industrielle n’est pas respectée. Mais surtout, nous avons été aveuglés par un complexe de supériorité vis-à-vis des pays émergents, nous avons méprisé leur savoir-faire ainsi que leur capacité d’adaptation et d’intégration des technologies occidentales. Nous avons sous-estimé leur aptitude à mettre en œuvre leurs propres méthodes d’organisation, à conduire une stratégie offensive et coordonnée pour rattraper leur retard, voire à prendre leur revanche, sur des décennies d’humiliation occidentale. Nous avons aussi laissé faire parce que nous avons vécu dans le mythe d’une société post-industrielle, où les emplois dans les services allaient remplacer avantageusement les postes manufacturiers. Un monde où les pays avancés se concentreraient sur les tâches de recherche et développement mais aussi de conception, sur le pilotage logistique ou encore la finance. En bref, sur un ensemble d’activités dématérialisées qui nous permettrait de capter la valeur sur le marché mondial, une spécialisation par les avantages comparatifs qui devait permettre de créer chez nous des emplois à plus forte valeur ajoutée. Mais ce mythe s’est effondré comme un château de cartes. Même dans les services informatiques, la dynamique de l’emploi s’essouffle au profit de pays émergents comme l’Inde. Certes, la finance a créé près de 180 000 emplois en France Xerfi_mep.indd 108 5/08/10 10:36:05 Groupe Xerfi La crise : un révélateur des impasses de la France 109 en l’espace de 20 ans. Mais ces créations ne représentent pas plus de 3 années de pertes d’emplois dans l’industrie. Des efforts ont été réalisés pour stimuler les emplois de services aux ménages où les besoins sont effectivement immenses. Mais notre ambition ne peut se résumer à la création de postes d’aides ménagères, serveurs de restaurants et pompistes ! La descente aux enfers de l’Espagne nous rappelle à l’envi les dangers d’une économie de la faible valeur ajoutée. La France en panne de modèle économique Les plaques tectoniques de l’économie mondiale se sont déplacées sans que nous mesurions suffisamment les enjeux et les conséquences du nouvel ordre international. La crise a provoqué une secousse qui a accentué la modification des rapports de forces. La France s’est distinguée par son absence de stratégie cohérente, contrairement aux États-Unis, à l’Allemagne, et bien sûr à la Chine. Gouvernement après gouvernement, le modèle de croissance français s’est construit sur la consommation des ménages et le soutien aux grands groupes, quitte à sacrifier le commerce extérieur et les entreprises indépendantes. Malgré son tissu industriel important, l’Hexagone n’a jamais consenti les efforts de l’Allemagne pour en faire le cœur de son économie. Nous avons de grands groupes, mais davantage implantés dans les services que dans l’industrie. Surtout, Xerfi_mep.indd 109 5/08/10 10:36:05 Groupe Xerfi 110 Finance, emploi et relocalisations leur puissance ne suffit pas à compenser la faible densité de notre tissu de PME comparativement à nos voisins allemands et italiens. Aux yeux de nos élites (et des grandes écoles qui les produisent), point de salut en dehors des postes les plus élevés dans les grandes entreprises. L’expression de « petit patron » conserve en France une connotation péjorative, là où l’esprit d’entreprise, le goût du risque et de l’indépendance forcent le respect, quelle que soit la taille de la société, dans d’autres pays occidentaux. De fait, la France manque de vrais entrepreneurs dont l’objectif est de créer, développer, et pérenniser une entreprise. Les succès se terminent trop souvent par la vente à un grand groupe, de préférence étranger. Notre pays ne dispose en conséquence que d’un nombre réduit de ces entreprises très spécialisées qui, par leur excellence, exercent un leadership mondial sur une niche de marché. D’ailleurs, la plupart des grandes entreprises tricolores d’aujourd’hui existaient déjà à la fin des années 1950. Si une génération d’entrepreneurs a émergé à partir de l’aprèsguerre, aucune grande vague ne lui a succédé depuis les années 1970. Le plus grand nombre de groupes apparus depuis sont d’abord des meccanos financiers sophistiqués. L’exemple du secteur du luxe, hautement symbolique pour la France, est à cet égard significatif. La plupart des grandes maisons vieilles de plusieurs décennies sont désormais dans le giron de grands groupes comme LVMH, ou PPR. Dans ces conditions, la stratégie de développement de ces firmes repose sur l’acquisition de nouvelles griffes, notamment en Italie qui conserve Xerfi_mep.indd 110 5/08/10 10:36:05 Groupe Xerfi La crise : un révélateur des impasses de la France 111 une réelle capacité à générer de nouvelles vocations dans ce domaine. Où trouver en France l’équivalent d’un Giorgio Armani, bâtisseur d’un empire mondial indépendant ? Les dangers d’une spirale déflationniste Après la suppression de la planification à la française, cette « ardente nécessité » de l’époque gaulliste, toute idée de stratégie coordonnée a été abandonnée. Il n’est plus question de se doter d’une ambition nationale, alors qu’aucun grand pays ne se prive de définir ouvertement ses priorités et de mobiliser abondamment les ressources publiques pour soutenir des activités jugées stratégiques. À cet égard, les États-Unis demeurent, contrairement à une idée reçue, l’un des pays les plus interventionnistes, en particulier dans le domaine des hautes technologies. À la recherche d’un modèle miracle, la France a puisé son inspiration à l’étranger. Après le fordisme américain, le modèle rhénan, le toyotisme japonais, le modèle Wall Street de capture de la valeur par la finance nous a séduit. Mais la tentation aujourd’hui pour l’économie française est grande de troquer le modèle Wall Street contre le modèle Wal-Mart, qui s’impose peu à peu dans les pays avancés. Or, avec le modèle Wal-Mart, la logique de la financiarisation et de la globalisation est poussée à son comble. Sous prétexte d’améliorer le pouvoir d’achat des ménages par la baisse permanente des prix, ces stratégies Xerfi_mep.indd 111 5/08/10 10:36:06 Groupe Xerfi 112 Finance, emploi et relocalisations low cost et hard discount se traduisent par la délocalisation massive de la production dans les pays à bas salaires pour s’approvisionner moins cher. Par effet de dominos, cela entraîne dans nos pays la déqualification des emplois et le recul des salaires afin de réduire les coûts de distribution. In fine, cela implique une contraction de la part des rémunérations dans la valeur ajoutée et donc une érosion de la demande. Ce modèle Wal-Mart est celui de la déflation permanente des prix et des salaires. La solution à la crise du pouvoir d’achat ne réside donc pas dans la production low cost et la distribution hard discount, synonymes d’emplois perdus, de postes moins qualifiés et d’une valeur ajoutée moindre sur le territoire. La France dispose encore de nombreux atouts Le pays conserve pourtant son rang de grande puissance économique et dispose encore de nombreux atouts. En dépit des pertes de positions recensées ces vingt dernières années, la France garde des bastions solides dans plusieurs secteurs industriels d’excellence. Elle est bien implantée dans les services à forte valeur ajoutée, en particulier dans les services collectifs. Elle peut se prévaloir d’un système bancaire et financier puissant qui a d’ailleurs plutôt bien résisté à la crise. Sans oublier un territoire attractif pour le tourisme et une agriculture exportatrice. Xerfi_mep.indd 112 5/08/10 10:36:06 Groupe Xerfi La crise : un révélateur des impasses de la France 113 Le niveau d’endettement des ménages français est resté raisonnable. L’épargne nationale est d’ailleurs abondante. Avec plus de 12 % du revenu disponible des ménages depuis des décennies, l’Hexagone affiche le niveau le plus élevé des pays avancés ! Selon l’Insee, le patrimoine net des ménages français a atteint 9 275 milliards d’euros en 2009. L’essentiel de cet actif est bien entendu investi dans le foncier et l’immobilier, mais 3 800 milliards d’euros sont placés en actifs financiers. Une conclusion s’impose : les ménages français pris dans leur ensemble disposent de l’un des tout premiers patrimoines au monde. Le problème est de mieux canaliser l’épargne vers les besoins de notre économie et de l’investissement productif. Bien plus important encore, la France peut revendiquer l’un des plus forts taux de natalité en Europe. Elle peut éviter de basculer dans le camp des pays de retraités, dominés par des préoccupations de rentiers, à l’image de certains de nos voisins. De plus, les multinationales tricolores constituent un atout majeur mal exploité. À tel point que la France fait la course en tête des pays européens les mieux dotés en puissantes entreprises internationales, devant le Royaume-Uni et même l’Allemagne ! La croissance de ces grands groupes a largement reposé sur les opérations de fusions et acquisitions. L’exemple du déve- Xerfi_mep.indd 113 5/08/10 10:36:06 Groupe Xerfi 114 Finance, emploi et relocalisations loppement d’un géant comme Sanofi-Aventis, aujourd’hui parmi les leaders mondiaux de l’industrie pharmaceutique, est significatif. Le tissu sectoriel français était extrêmement fragmenté voilà 30 ans. Il était donc peu probable d’y voir surgir une entreprise d’envergure mondiale. C’est pourtant ce qui s’est produit via des absorptions et fusions successives (avec notamment des leaders allemands et américains). Il est vrai que le succès des grands groupes n’induit pas mécaniquement le succès du pays. Ne perdons pas de vue que les performances exceptionnelles de l’Allemagne à l’export se conjuguent à l’intérieur du pays avec croissance molle, déflation salariale et faible natalité. Ces multinationales doivent devenir les porte-avions de la croissance, dont la mission est d’aller chercher les marchés hors de leurs frontières. Mais il faut inciter ces entreprises internationales à conserver des liens forts avec le territoire national. Nos porte-avions doivent entraîner les filières et les PME dans leur sillage. Les grandes entreprises doivent également davantage contribuer à l’équilibre des finances publiques. Le territoire doit rester leur port d’attache. D’ailleurs, il faut veiller à ne pas perdre les centres de décisions. La perte du contrôle de sociétés comme Pechiney ou Arcelor se traduit toujours par des effets en chaîne dramatiques pour l’ensemble de la filière, l’investissement et l’emploi. Cela devrait être une mission prioritaire de la finance : mieux mobiliser l’épargne nationale au service des activités et de l’emploi sur le territoire. Xerfi_mep.indd 114 5/08/10 10:36:06 Groupe Xerfi La crise : un révélateur des impasses de la France 115 Mettre l’épargne au service de la croissance Une grande purge ne peut pas faire office de stratégie économique. Un pays a besoin d’un grand projet mobilisateur qui donne du sens à l’action et aux sacrifices qui peuvent s’avérer indispensables. Notre première ligne d’horizon est indéniablement constituée par nos partenaires européens. Mais la dure réalité nous interdit de rêver à de chimériques nouveaux traités susceptibles d’harmoniser d’un coup de baguette magique la désunion européenne. Il faut analyser les alternatives possibles pour la France, compte tenu du cadre existant et des nouveaux rapports de force. Il convient de définir une stratégie pour la France en s’appuyant résolument sur ses atouts. Notre territoire est attractif. L’industrie ne doit pas être abandonnée, le déficit d’investissement doit être comblé. Son épargne abondante doit être mobilisée au service de la croissance. C’est aussi le rôle d’une nouvelle finance. Tirer à boulets rouges sur la finance et stigmatiser les marchés n’est pas LA solution. Cela revient à utiliser un bouc-émissaire sans rien résoudre. Au contraire, les innovations de la finance moderne peuvent représenter des outils fantastiques pour favoriser les initiatives. À condition de remettre la finance en ordre de marche, au service des entreprises, au service du pays, au service du développement de notre potentiel économique. Face à une finance du court terme à contre-emploi, il faut redéfinir les contours d’une finance du long terme pour l’emploi. Extrait des Actes du colloque du Groupe Xerfi : " LA FINANCE FACE A L'EMPLOI " Xerfi_mep.indd 115 5/08/10 10:36:06