Développer l’industrie pour sortir le Liban de sa dépendance du tourisme
LIBAN - INTERVIEW
À l'occasion de la célébration de la Journée nationale de l'industrie, célébrée hier sur le campus de l'Université libanaise à
Hadeth, Cristiano Pasini, le représentant au Liban de l'Organisation des Nations unies pour le développement industriel
(Onudi), dresse pour « L'Orient-Le Jour » l'état des lieux d'un secteur dont le développement pourrait accélérer celui de
l'économie libanaise.
Propos recueillis par Philippe HAGE BOUTROS | OLJ
03/06/2015
Comment se porte le secteur industriel libanais ?
Selon les données analysées par l'Onudi, qui se base sur les chiffres de plusieurs organismes locaux et internationaux
(Banque mondiale, Unesco, ministère de l'Industrie, Association des industriels libanais...), l'industrie libanaise pesait
entre 8 et 10 % du PIB et entre 80 000 et 100 000 emplois en 2013. Selon les dernières estimations de l'Administration
centrale de la statistique, elle représentait même 11 % du PIB la même année.
C'est plutôt une bonne surprise, compte tenu de la dégradation de la situation géopolitique au Moyen-Orient depuis 2011
– dont les derniers développements ont fortement affecté l'activité du transport terrestre –, et de l'instabilité politique,
sécuritaire et économique du pays.
Malgré ces handicaps, l'industrie libanaise connaît un niveau de performance à peu près similaire à celui de la Jordanie.
Pour autant, sa marge de progression reste grande : le Liban a les moyens d'atteindre la moyenne des pays asiatiques, qui
se situe autour de 17 %. Le ministre de l'Industrie, Hussein Hajj Hassan, a d'ailleurs déclaré en mars vouloir atteindre la
barre des 18 % au cours des quatre prochaines années, ce qui permettrait au secteur de se hisser dans le haut du panier au
niveau régional. C'est l'une des étapes obligatoires pour que le Liban sorte de sa forte dépendance de l'économie de
service, dont le poids dépasse les 60 % du PIB et dont les performances sont majoritairement dépendantes de la santé du
secteur touristique.
Quels peuvent-être les avantages comparatifs de l'industrie libanaise ?
Le Liban n'a pas le territoire adapté (taille, topographie et absence de ressources énergétiques) pour développer une
industrie lourde. Cela explique en partie le haut niveau de ses importations et oblige les entrepreneurs à devoir faire
preuve de créativité pour rester compétitifs. Aujourd'hui, la force des produits issus de l'industrie libanaise se situe dans
leur image de marque à l'étranger. Cette dernière est le fruit de la combinaison entre un savoir-faire technique et un
facteur subjectif incarné par l'identité culturelle des productions locales.
Grâce à ces facteurs, les exportations de produits agroalimentaires, par exemple, ont pu progresser en moyenne de 6 %
par an depuis 2011, selon les chiffres fournis par le ministère de l'Industrie (NDLR : dans un contexte de baisse globale
des exportations à hauteur de près de 25 % entre 2012 et 2014 selon les chiffres de la Banque mondiale).
Une prouesse qui s'explique surtout par la forte culture entrepreneuriale qui caractérise le tissu industriel libanais,
composé à plus de 90 % de petites et moyennes entreprises. L'attachement des entrepreneurs à leur pays est aussi un
facteur important qui peut en partie expliquer la résilience du secteur industriel libanais. Mais le déficit de la balance
commerciale (qui a atteint 17 milliards en 2014 selon le ministère de l'industrie) et la baisse du total des exportations (-
6,9 %, soit une perte de 200 millions de dollars en 2014) démontrent que la pérennité du secteur passe par un soutien fort,
en particulier en ce qui concerne la rationalisation des coûts de l'énergie.
Comment l'Onudi compte aider le développement du secteur industriel libanais ?
Le mandat de l'Onudi peut se résumer par la promotion d'un développement industriel « inclusif », durable et respectueux
de l'environnement. Cette mission résulte d'un double constat. D'une part, la part de valeur ajoutée du secteur
manufacturier dans les pays industrialisés est passée de 18 % en moyenne en 1992 à 35 % en 2012. D'autre part, le secteur
de l'industrie emploie 500 millions de personnes à travers le monde en 2013 et constitue donc un vecteur de stabilité