101368 Conférence de Paris III sur le soutien au Liban - Remarques de Président Paul Wolfowitz, Paris, le 25 janvier 2007 Le passage du Liban d’une période de violence à une phase de reconstruction et de développement Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier ministre, Monsieur le Secrétaire général des Nations Unies, Monsieur le Président de la Commission européenne, Mesdames, Messieurs Le Liban se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins. À l’issue d’une longue et coûteuse guerre civile, il avait réussi — contre toute attente — à entreprendre le passage d’un climat de violence à une phase de reconstruction et de développement. Cet effort s'était heurté à de nombreux obstacles et avait été, à plusieurs reprises, gravement perturbé. Néanmoins, en juillet 2006, le bilan des réalisations était très positif. Les indicateurs macroéconomiques et budgétaires faisaient état de l'amélioration de la situation. Le pays connaissait une solide croissance et faisait manifestement preuve de discipline budgétaire. Mais, durant l'été, la guerre a éclaté, qui a fait payer un lourd tribut à la société et à l'économie libanaises et a causé de terribles souffrances humaines. L'ère des progrès a pris fin et les problèmes existants ont été exacerbés. Le coût du conflit Outre la tragédie humaine — des centaines de morts, des milliers de blessés — la guerre a lourdement grevé une économie déjà fragile. Les dommages directs se chiffrent à environ 2,4 milliards de dollars, auxquels viennent s'ajouter des dommages indirects de l'ordre de 700 à 800 millions de dollars. Au lieu d'afficher le taux de croissance de 6 % indiqué par les projections pour 2006, l'économie a marqué un repli de 5 %. Pire encore, la guerre a infligé des dégâts incalculables qui ont déchiré le tissu d'une société civile connue pour son dynamisme, son énergie et son esprit d'entreprise. 120 000 personnes ont perdu leur travail et risquent maintenant de tomber dans la pauvreté. Un million de personnes — un quart de la population libanaise — ont été déplacées au plus fort des hostilités. Environ 200 000 personnes ont émigré durant les hostilités, parmi lesquels beaucoup de jeunes hautement qualifiés. Sur le plan positif, le Premier Ministre, Monsieur Siniora, et son équipe ont résolument pris la direction des opérations pour reconstruire ce que la guerre a détruit. En six mois, d'importants progrès ont été accomplis dans le cadre des efforts axés sur la fourniture d'une aide financière aux personnes les plus touchés, la réparation des infrastructures, l’ouverture des écoles et le nettoyage des dégâts environnementaux. Toutefois, comme l'a noté Monsieur Siniora, les besoins du Liban dépassent le cadre de la reconstruction. Le Liban sollicite maintenant notre aide pour pouvoir concrétiser les espoirs et les attentes de sa population et apporter la contribution positive qu’elle peut avoir dans une région en proie à des troubles Adhésion au programme de réformes du gouvernement Pour replacer le Liban sur la voie de la reprise, le Gouvernement libanais nous a présenté aujourd'hui un plan de réformes ambitieux, détaillé et cohérent. Ce plan compte trois volets essentiels : i) des réformes structurelles pour stimuler la croissance ; ii) des ajustements budgétaires pour dégager des revenus et promouvoir une utilisation efficace des ressources publiques ; et iii) des filets de protection sociale — essentiels au succès des deux premiers volets — c'est-à-dire des programmes spéciaux destinés aux plus pauvres et aux plus vulnérables, pour leur éviter des souffrances injustes et les faire profiter des avantages procurés par les réformes. Le redressement de l'économie libanaise ne sera pas instantané. Il ne pourra pas non plus résulter de l'action d'une seule personne ou d'un seul groupe. Pour atteindre ces objectifs ambitieux, mais réalisables, la société libanaise tout entière doit équitablement partager aussi bien les avantages que le fardeau des réformes. Nous félicitons le gouvernement des plans d'action détaillés qu'il a préparés aux fins de la poursuite de réformes sectorielles particulières, qui seront indispensables à la bonne exécution du programme. Nous avons appris avec beaucoup de satisfaction que le Gouvernement libanais a invité le FMI à mettre en place un programme assistance d'urgence post-conflit. Ce programme contribuera à donner aux parties prenantes libanaises et internationales l’assurance que le programme est en bonne voie et que le Gouvernement progresse. Ce vote de confiance est essentiel. Il est indéniable que les défis qui devront être relevés sont redoutables. Les opportunités qui s’offrent sont toutefois considérables. La tâche la plus lourde incombe au Gouvernement libanais qui devra mettre en œuvre son ambitieux programme de réformes. Mais nous devons, nous les donateurs, saisir cette occasion d'aider le Liban à réussir. L'aboutissement de cet effort profitera à tous la population libanaise et à toute la région. Aucun d'entre eux nous ne peut se permettre d'assumer le coût d'un échec L'appui de la Banque mondiale Le Groupe de la Banque mondiale fait un effort considérable pour accroître son appui au peuple et au gouvernement libanais durant cette période critique. Pour nos agents qui sont chargés du Liban, il s'agit bien plus d'une mission que d'un travail, qu’ils poursuivent avec passion et dévouement et je suis fier, en tant que président du Groupe de la Banque mondiale, de leur être associé. Aussitôt que la trêve a été déclarée, le personnel évacué est rentré au Liban pour collaborer avec le Gouvernement à l'évaluation de la situation et à la mise en place des fondations d'un développement à long terme. Une évaluation de l'impact économique et social des hostilités a été réalisée en étroite collaboration avec le Gouvernement, le secteur privé, les bailleurs de fonds internationaux et d'autres parties prenantes. Cette évaluation, achevée en novembre, est l'une des bases essentielles du train de réformes qui vient d'être présenté. Sur le plan financier, le Groupe de la Banque mondiale fournit son appui dans trois domaines : Premièrement, nous avons pris la décision sans précédent de fournir des dons financés à partir du revenu du Groupe de la Banque mondiale. Notre contribution de 70 millions de dollars sous forme de dons a pour objet d'appuyer les efforts de redressement et de reconstruction ainsi que les réformes menées dans le secteur de l'électricité. Un don supplémentaire d'un million de dollars a été mis à la disposition du Liban pour aider le gouvernement à améliorer sa capacité à gérer les fonds des projets de reconstruction de manière transparente et efficace. Deuxièmement, la SFI — qui est l’institution du Groupe de la Banque mondiale chargée des opérations avec le secteur privé — fournira des financements de l'ordre de 250 à 275 millions de dollars à la communauté financière et aux entreprises libanaises, notamment dans le cadre d'un programme de garanties axé sur les petites et moyennes entreprises et d’un mécanisme de financement du commerce. Nous sommes également prêts à consentir un financement de la BIRD pouvant atteindre 700 millions de dollars pour appuyer l'exécution du programme gouvernemental, en particulier les efforts visant à stimuler la croissance et à répondre aux besoins des segments de la population les plus pauvres et les plus vulnérables. Nous comptons pouvoir fournir une partie importante de ce montant — jusqu'à 400 millions de dollars — en 2007, au départ pour appuyer les réformes sectorielles et, en particulier, la réforme du secteur de l'électricité. L’aide financière globale du Groupe de la Banque mondiale — qui dépasse le milliard de dollars —est plus importante que prévu initialement, et s'inscrit dans le contexte d'un effort international extraordinaire et général. Nous estimons en effet que le programme qui nous a été présenté mérite de bénéficier d’un appui exceptionnel car il cible résolument les impératifs fondamentaux d'une reprise vigoureuse qui profitera à la population libanaise tout entière. Compte tenu de l'exécution du programme du FMI et du maintien de l'appui des bailleurs de fonds pendant toute la durée du programme, nous estimons que la capacité du Liban à absorber des volumes de financement croissants s'améliorera, et nous sommes donc prêts à envisager d'accroître notre aide à l'avenir. Enfin, nous sommes prêts à continuer et à intensifier nos efforts pour aider le gouvernement à mettre ces programmes à exécution, à renforcer les capacités institutionnelles, à améliorer la passation des marchés et la gestion financière pour entreprendre des réformes sectorielles en ciblant plus particulièrement des secteurs comme celui de l'électricité, qui sont essentiels au succès global du programme. Les besoins du Liban sont plus grands qu'ils ne l'ont jamais été — et l'effort international doit donc être plus important. Nous sommes convaincus que nos ressources, appuyées par une intervention résolue du FMI et une solide participation des parties prenantes libanaises et des bailleurs de fonds, peuvent jouer un rôle de catalyseur important pour remettre le pays sur la voie d'une vigoureuse reprise et de la viabilité. Mesdames, Messieurs, le peuple libanais a lancé un appel à la communauté mondiale pour qu'elle l’aide à relancer son économie. Nous avons maintenant, après les tragiques événements de l'an dernier, l'opportunité de redonner aux enfants et au reste du peuple libanais l’espoir et stabilité qu'ils méritent tant. Le Liban nous a présenté le premier plan d’ensemble qui pourrait mettre emplois, éducation, filets de protection sociale et un avenir meilleur à la portée de chaque citoyen. C'est à nous qu’il incombe maintenant de faire tout notre possible pour aider le Liban à réaliser son potentiel considérable non seulement en tant que modèle économique mais aussi en tant que modèle de diversité pour l'ensemble de la région. Récemment, alors que je me trouvais en Indonésie, un religieux musulman a porté à mon attention ce passage extraordinaire de la Sourate Al Hujurat du Saint Coran : « Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entreconnaissiez ». La région doit aller davantage dans ce sens et cette conférence nous donne aujourd’hui à tous la possibilité de contribuer à la réalisation de cet objectif. Pour terminer, je tiens à remercier le Gouvernement français d'avoir organisé et accueilli cette conférence et le Gouvernement libanais de nous donner à tous l'opportunité de participer à une entreprise d'une importance considérable qui pourrait avoir des retombées positives pour tous.