Alain Hakim , LA STRATEGIE ENERGETIQUE AU LIBAN

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LA STRATEGIE ENERGETIQUE AU LIBAN
Alain Hakim – Ministre de l’Economie et du Commerce, Liban
Maître de conférences à la FGM
L'économie Libanaise souffre de plusieurs faiblesses d'ordre structurel. Ces faiblesses
rendent cette économie moins compétitive face aux autres économies régionales et limitent sa
croissance qui n'arrive pas à absorber la main d'œuvre qui entre sur le marché tous les jours.
Une des raisons principales de ses faiblesses est le coût énergétique sur l'économie qui affecte
tant le producteur que le consommateur en diminuant la profitabilité des entreprises et le
pouvoir d'achat des ménages. La stratégie énergétique apparaît donc comme une solution
viable permettant de remédier à la faiblesse structurelle dont souffre l'économie libanaise et
permet d'assurer un saut important des niveaux de croissance enregistrée.
Mots Clés: Stratégie Energétique, Economie Libanaise, Energie Renouvelable.
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Introduction
L’économie mondiale vit dans une situation incertaine et ceci en présence de multiples
facteurs aléatoires dont des facteurs politiques, sécuritaires, économiques, financiers et
démographiques. Ainsi apparaît le premier défi pour les autorités nationales et mondiales:
comment assurer une croissance durable?
De nombreux gouvernements ont bâti leurs stratégies sur deux composantes principales: la
première est la recherche et développement afin d'obtenir une supériorité technologique leur
assurant la continuité de la croissance économique. Cette dernière permet entre autre
d'absorber la main d'œuvre qui entre sur le marché de travail et qui est en constante
augmentation en raison de la croissance de la population. La deuxième composante est
l'amélioration de la compétitivité en réduisant le coût global pour l'économie. Ceci passe
obligatoirement par la réduction de la facture énergétique et qui constitue une part importante
du coût total.
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Energie : coût, efficience et pollution
Pour ce faire, un changement radical de la méthode de consommation et les types d'énergies
consommées est nécessaire. La Figure 1 illustre les facteurs majeurs qui contribuent à la
consommation de l’énergie liée au PIB par habitant (Bor, 2008). A ce stade, les décisions
managériales comme la détermination du coût total de la chaîne d’approvisionnement,
l’emplacement d’une usine de fabrication industrielle et la sélection des alliances et
partenariats, sont guidées par ces facteurs.
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Figure 1: Les facteurs majeurs qui contribuent à la consommation de l’énergie (McAliney, 2011)
La demande et la consommation de l’énergie viennent de quatre secteurs principalement:
résidentiel, commercial, industriel, et de transport (voir Figure 2).
Dans son rapport annuel, Exxon Mobil (ExxonMobil, 2009) déclare qu’il est important pour
chaque produit ou service produit, de voir le coût de l’énergie et de prendre des stratégies de
couverture pour verrouiller les prix. Dans ce sens, les décideurs sont face à un défi qui consiste
à optimiser l’utilisation de l’énergie, et par conséquent des aspects économiques et
environnementaux devraient être pris en compte.
Figure 2: Consommation d’énergie par secteur (adaptée d’ExxonMobil, 2009)
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Au Liban, la facture énergétique monte à 5 milliards de dollars, équivalent au déficit enregistré
par l’Etat chaque année (voir Figure 3). A ce stade, la production d'un kilowattheure
d'électricité produite thermiquement coûte au Liban 255,000 livres libanaises, alors que ce
coût ne dépasse pas 62,000 Livres Libanaises mondialement. Ceci pose la question de
l’efficience énergétique qui se résume par le PIB fourni par l’économie pour chaque dollar
d’énergie. Au Liban, ce rapport est de 9 dollars alors qu’en France, par exemple, il est de 41
dollars.
Aussi faut-il mentionner que le transport pénalise fortement l’économie libanaise par le coût
généré par la consommation d’énergie. A ce niveau, Halliday (2008) dit que 98% du parc
automobile américain fonctionne avec de l’essence alors que ce ratio ne dépasse pas les 50%
en Europe. Le contexte économique change d’un pays à l’autre, mais selon l’hypothèse que le
Liban a un ratio de 100% 1, un changement dans la structure du parc automobile libanais
abaisserait fortement le coût de la facture énergétique libanaise 2.
Figure 3: La consommation du Pétrole au Liban (Ministère des Finances)
Donc les contraintes qui s’imposent à ce niveau seraient: réduire le coût de la consommation
d'énergie pour les entreprises et les ménages et la mettre en conformité avec la moyenne
régionale et / ou mondiale. En tête des projets qui servent cet objectif, la libéralisation du
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Il est de 40% dans le monde selon (BP, 2013, p.9), aussi la consommation de pétrole aux USA revient à 70% au
parc automobile (Knittel, 2012, p.93)
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Par exemple, adopter un parc composé de voiture électrique ou hybride…
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secteur énergétique et plus particulièrement le secteur de l'électricité; aussi on ne peut aborder
ce sujet sans parler de la pollution générée par la consommation de l’énergie au Liban. C’est
ainsi que l’exemple le plus frappant est celui des centrales électriques thermiques au Liban qui
polluent de façon anormale l’environnement et rendent toxique l’air et les habitations qui les
entourent. En plus, les voitures émettent énormément des gaz à effet de serres en raison de leur
ancienneté et/ou aux grosses cylindrées que les libanais ont l’habitude de conduire.
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La Stratégie Energétique Nationale
L’énergie est devenue un élément essentiel dans notre vie moderne. Le dilemme qui se
présente est comment assurer le support à l’économie et éviter les inconvénients (pollution)
qui résulte de la consommation de cette énergie ? Donc, l’énergie entre dans le domaine
stratégique c’est-à-dire assurer un approvisionnement sur le long terme avec des ressources
naturelles pour produire l’énergie et en même temps assurer les technologies adéquates pour
éviter les inconvénients.
La croissance économique mondiale combinée à la croissance de la population va augmenter
la demande en énergie de 1,2% par an de 2005 à 2030 (ExxonMobil, 2009, p.10).
Cette augmentation de la demande combinée aux phénomènes comme la déplétion des
énergies fossiles, le non-développement des énergies renouvelables, l’inefficience dans
l’utilisation de l’énergie… mettent de la pression sur les gouvernements pour aller vers la voie
des énergies renouvelables comme l’énergie solaire, éoliennes, nucléaires…
Mais le processus de développement en plus de l’adaptation des installations existantes risque
de prendre beaucoup de temps (plus de 20 ans) et il y a de fortes chances que la
consommation, d’ici 20 ans, reste principalement à travers les énergies fossiles.
Les principaux problèmes rencontrés par le secteur énergétique au Liban sont pour la plupart
des problèmes structurels liés à la structure d'approvisionnement du marché et à la structure de
consommation de ce marché. Pour y faire face, il faudrait entamer des réformes structurelles
dans plusieurs secteurs économiques dont la réalisation nécessite une réponse claire à un
certain nombre de défis majeurs:
• Réduire le prix de l'énergie pour les entreprises et les ménages : en effet, ce prix, l'un des
plus élevés au monde, conduit à une baisse de la compétitivité de l'économie libanaise;
• Réduire la forte exposition à l'importation d'énergie fossile (de toute sorte) : cette
dépendance rend l’économie Libanaise vulnérable aux fluctuations des prix mondiaux du
pétrole causées par les événements sécuritaires et politiques qui touchent principal ement la
région du Moyen-Orient. Ceci, en effet, constitue une menace pour l'économie libanaise qui
ne possède pas de stocks stratégiques de ces énergies et par conséquent toute fluctuation est
reflétée sur les prix au détail.
• Réduire le taux de pollution résultant de la consommation d'énergie au Liban, ce qui a
grandement impacté l'environnement (cas de la centrale de zouk) et risque de transformer ce
problème en un problème de santé publique s'il n'est pas traité de façon adéquate.
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Figure 4: Contribution des différents types d’énergies a la production d’énergie finale (Source:
Energy in Sweden 2010, Facts and figures)
Tous ces faits nous conduisent aux objectifs de cette stratégie qui s'articule autour de trois
éléments de base:
• assurer la compétitivité de l'économie en réduisant le coût de l'énergie et la rendre accessible
à tous les citoyens;
• assurer une efficience énergétique permettant de générer plus de dollars en termes de PIB
pour 1 dollar d’énergie consommée ;
• et préserver l'environnement en réduisant la pollution résultant de la consommation d'énergie
par les entreprises et par les ménages.
En d’autres termes, nous devons établir un plan stratégique à partir des trois objectifs cités cidessus et le traduire en actions et projets précis.
Ces projets et actions ne se limitent pas aux installations électriques, parc automobile,
construction des maisons… mais doivent prendre en compte des campagnes de sensibilisation
au problème du coût et d’efficience de l’énergie et à la pollution. De plus, réduire la pollution
résultant de la consommation d'énergie, et qui, malgré sa faiblesse à l’échelle mondiale, elle
risque d’induire des maladies respiratoires et cancéreuses aux libanais surtout ceux qui vivent
autour des installations énergétiques.
Sur le moyen-long terme (2014-2025) et dans le but d'atteindre les objectifs cités ci-dessus, il
faudrait respecter les priorités suivantes:
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diversifier les sources d'énergies ;
développer et moderniser l'infrastructure du secteur électrique ;
améliorer l'efficience énergétique de la consommation et de la génération ;
mettre un cadre légal pour les trois priorités citées ci-dessus.
Conclusion et Recommandations
Réduire la dépendance au pétrole et diversifier les sources d'énergie en y incluant l'énergie
renouvelable ; maître mot de cette stratégie. Ce point est essentiel et nécessite un changement
radical dans la façon de consommer l'énergie ainsi que dans la façon de la générer. C’est ainsi
qu’apparaît que l'attachement au pétrole et ses produits dérivés nuit à la compétitivité des
biens et services de l'économie libanaise et la prive de fonds qui pourraient y être investis
(entreprises) ou consommés (ménages).
Aussi faut-il dire que promouvoir la croissance économique durable à travers le
développement du secteur de l'énergie est une approche intelligente qui va coûter à l’économie
libanaise mais en retour, devra apporter des bénéfices. Beaucoup de secteurs industriels
s'appuient exclusivement sur le pétrole et ses dérivés. Cela nécessite beaucoup
d'investissements que l'Etat libanais ne peut financer en raison de l'énorme dette qui dépasse
les 65 milliards de dollars. D'où l'importance du partenariat entre le secteur public et privé,
grâce à l'utilisation de l'expérience et la capacité de financement du secteur privé sur la plate forme du secteur public.
Références
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Bor, Y.J. (2008) ‘Consistent multi-level energy efficiency indicators and their policy implications’,
Energy Economics, 5, [Online]. Available from:
http://search.ebscohost.com.ezproxy.liv.ac.uk/login.aspx?direct=true&db=edselp&AN=01409883003
0000507001430&site=eds-live&scope=site(Accessed: 25 August 2014).
BP, 2013, ‘BP Statistical Review of World Energy June 2013’, BP, 2013, [Online] Available from
http://www.bp.com/content/dam/bp/pdf/statisticalreview/statistical_review_of_world_energy_2013.pdf (Accessed: 25 August 2014).
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http://www.exxonmobil.com/Corporate/Files/news_pub_eo_2009.pdf (Accessed: 25 August 2014).
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Knittel Ch., (2012), ‘Reducing Petroleum Consumption from Transportation’, Journal of Economic
Perspectives—Volume 26, Number 1—Winter 2012, [Online] Available from
http://web.mit.edu/ceepr/www/publications/reprints/Reprint_238_WC.pdf (Accessed: 25 August
2014).
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