Hypertension pulmonaire chronique

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CURRICULUM
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Hypertension pulmonaire chronique
Claudia Tüller, Laurent P. Nicod
Klinik und Poliklinik für Pneumologie, Bern
Bases théoriques
Quintessence
쎲 Les hypertensions pulmonaires sont un ensemble de maladies qui par divers
mécanismes pathophysiologiques amènent à une augmentation des pressions
dans les artères pulmonaires et une surcharge du cœur droit.
쎲 Une échocardiographie est l’examen de choix pour juger de la morphologie
et de la fonction du ventricule droit et gauche ainsi que pour mesurer les pressions pulmonaires systoliques.
쎲 Les causes les plus fréquentes d’une hypertension pulmonaire sont liées à une
insuffisance cardiaque gauche et aux maladies pulmonaires chroniques obstructives. Dans ces conditions, ce sont ces maladies qui doivent être traitées.
쎲 Pour les hypertensions artérielles pulmonaires (HAP), qui sont rares, il y a
depuis quelques années des traitements médicamenteux coûteux. Un diagnostic
précis doit être posé au moyen d’un cathétérisme cardiaque droit bien conduit,
avant de poser l’indication à de telles thérapies.
쎲 Les maladies thromboemboliques chroniques sont une cause d’hypertension
pulmonaire probablement sous-diagnostiquée. A côté des thromboendartérectomies, il y a aussi des traitements médicamenteux efficaces de ce type d’hypertension pulmonaire.
쎲 L’investigation et le traitement des patients avec une hypertension pulmonaire devraient être effectués par des centres pluridisciplinaires pour les hypertensions pulmonaires en étroite collaboration avec les praticiens.
Summary
Chronic pulmonary hypertension
쎲 Pulmonary hypertension comprises a group of diseases in which various pathophysiological mechanisms trigger a rise in the pressure of the pulmonary arteries
and secondarily an overload in the right heart.
쎲 Echocardiography is the screening method of choice to evaluate right ventricular morphology and function and measure systolic pulmonary artery pressure.
쎲 In practice the commonest causes of pulmonary hypertension are left heart failure and chronic obstructive lung diseases. Therapy is primarily targeted at these
underlying disorders.
쎲 To treat the rare pulmonary artery hypertension (PAH) very costly but effective
drugs have become available in the last few years. Before initiating such treatments
for PAH, careful diagnosis by way of right heart catheterisation and a search for
causative factors is essential in order to differentiate between pre- and post-capillary pulmonary hypertension.
쎲 Chronic thromboembolic pulmonary hypertension is secondary to recurrent, often unrecognised pulmonary emboli and is probably under-diagnosed. Here the
therapeutic arsenal consists not only of thromboendarterectomy but also of newly
available specific drugs.
쎲 Investigations and treatment for patients with pulmonary hypertension should
be in the hands of multidisciplinary PH centres in close cooperation with the
patients’ physicians.
La circulation pulmonaire est caractérisée par un
haut débit et une faible résistance. Grâce au recrutement des capillaires pulmonaires et à une vasodilatation, la pression artérielle pulmonaire reste
dans les normes même si le débit cardiaque augmente, jusqu’à un certain point. Les mécanismes
entraînant une augmentation de pression dans
la circulation pulmonaire sont présentés au tableau 1 p. Quelle que soit l’étiologie, l’augmentation chronique de la pression dans la circulation
pulmonaire provoque une hypertrophie du ventricule droit. La perte de contractilité qui en résulte est compensée d’abord par une dilatation et
donc par une augmentation de la précharge, ce
qui maintient la fraction d’éjection. L’augmentation de la pression de remplissage et la diminution du débit cardiaque provoquent une insuffisance cardiaque droite cliniquement manifeste.
La classification clinique de l’hypertension pulmonaire a été revue en 2003 lors du «Third World
Symposium on Pulmonary Arterial Hypertension» (tab. 2 p) [1]. Elle s’est faite en fonction de
la cause physiopathologique supposée de l’augmentation de la résistance pulmonaire. Sont le
plus souvent diagnostiqués en pratique les patients ayant une hypertension pulmonaire secondaire soit à des pathologies du cœur gauche
(groupe 2), soit à une pneumopathie ou à une hypoxémie chronique (groupe 3). Le groupe 2 est
caractérisé par une augmentation de la pression
dans l’oreillette gauche. L’augmentation de la
résistance pulmonaire dans le groupe 3 est en
premier lieu imputable à la vasoconstriction pulmonaire résultant de l’hypoxie alvéolaire, qui
peut par la suite donner lieu à un remodeling des
vaisseaux pulmonaires. Les hypertensions artérielles pulmonaires (PAH, groupe 1) sont rares
dans la population générale. Physiopathologiquement, ces maladies sont caractérisées par un
remodeling des artères pulmonaires. La muscularisation des artérioles précapillaires pulmonaires, la prolifération et l’hypertrophie des
cellules musculaires lisses artériolaires, la prolifération des fibroblastes adventitiels, la formation d’une néointima plus épaisse et de lésions
plexiformes donnent une sténose de la circulation
pulmonaire pouvant aller jusqu’à l’occlusion.
Une hypertension pulmonaire thromboembolique chronique (CTEPH, groupe 4) se manifeste
Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 809 ou sur internet sous www.smf-cme.ch.
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Tableau 1. Méchanismes d’une augmentation de la pression pulmonaire.
Loi d’Ohm
U = R x I 3 PAPmoyenne = PVR x HMV + LAP
U = tension A (PAPmoyenne – LAP)
R = résistance A PVR
I = débit A HMV
Augmentation de la PAPmoyenne par
augmentation de la PVR
hypertension artérielle pulmonaire, pathologie pulmonaire
parenchymateuse, thromboembolie
augmentation du HMV
shunts, status hypercirculatoire
augmentation de la LAP
pathologies du cœur gauche
Définition de l’hypertension pulmonaire
PAPmoyenne au repos
>25 mm Hg
PAPmoyenne à l’effort
>30 mm Hg
PAPmoyenne
LAP
PVR
HMV
=
=
=
=
pression moyenne dans l’artère pulmonaire
pression dans l’oreillette gauche
résistance vasculaire pulmonaire
débit cardiaque
Tableau 2. Classification clinique des hypertensions
pulmonaires selon [1] et leur prévalence relative dans
la population [+ à +++].
1. Hypertension artérielle pulmonaire (PAH) [+]
Idiopathique
Familiale
Secondaire à
– connectivites
– shunts congénitaux
– hypertension portale
– infection à VIH
– médicaments et toxiques
– autres (pathologies thyroïdiennes, hémoglobinopathies, splénectomie …)
Associée à atteinte veineuse/capillaire
– pathologie veino-occlusive pulmonaire
– hémangiomatose capillaire pulmonaire
– hypertension pulmonaire du nouveau-né persistante
2. Hypertension pulmonaire avec pathologies
du cœur gauche [+++]
Pathologie auriculaire ou ventriculaire
Valvulopathies
3. Hypertension pulmonaire associée à pneumopathies/hypoxémie [++]
BPCO/COPD
Pneumopathies interstitielles
Syndrome des apnées du sommeil
Hypoventilation alvéolaire
En haute altitude
Pathologies de développement
4. Hypertension pulmonaire associée à pathologies
thrombotiques/emboliques chroniques (CTEPH) [+]
Thromboembolie des artères pulmonaires proximales
Thromboembolie des artères pulmonaires distales
Embolies pulmonaires non thrombotiques
(tumeur, parasites, corps étrangers)
5. Autres
Sarcoïdose, histiocytose, lymphangioléiomyomatose,
compression des artères pulmonaires
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chez 1 à 4% des patients victimes d’embolies
pulmonaires aiguës. Quelque 60% des patients
CTEPH ont cependant une anamnèse vierge
d’embolies pulmonaires. Physiopathologiquement, la revascularisation incomplète du lit vasculaire et peut-être aussi une thrombose in situ
provoquent une diminution du diamètre des vaisseaux. La contrainte de pression et de volume
des vaisseaux encore perfusés peut déclencher à
leur niveau un processus provoquant en fin de
compte, tout comme dans la PAH, une artériolopathie et une augmentation additionnelle de la
pression pulmonaire. Le groupe 5 comporte des
maladies extrêmement rares, pouvant entraîner
dans des cas encore plus rares une hypertension
pulmonaire par différents mécanismes.
L’incidence de l’hypertension pulmonaire en
Suisse peut être estimée sur la base des registres
de la Société Suisse sur l’Hypertension pulmonaire (SGPH). Entre 1999 et 2004, 250 patients
ayant une hypertension pulmonaire ont été
recensés, et ceux ayant des problèmes de cœur
gauche à l’origine de leur hypertension pulmonaire ont été exclus. Ceci donne une prévalence
de l’hypertension pulmonaire de 25 par million
d’habitants adultes. Du fait que les registres ne
peuvent recenser tous les patients, il s’agit là
d’une estimation conservatrice.
Diagnostic
La première étape du diagnostic d’une hypertension pulmonaire est d’y penser. La présentation
clinique n’est généralement pas très spectaculaire au début. Les premiers symptômes sont la
plupart du temps dyspnée d’effort, fatigabilité
plus marquée et intolérance à l’effort. Avec la progression de la maladie peuvent venir s’y ajouter
palpitations, douleurs thoraciques et œdèmes périphériques. Les signes d’hypertrophie du cœur
droit sur l’ECG (P pulmonaire, bloc de branche
droit partiel ou complet, axe vertical ou droit) ou
cardiomégalie à prédominance droite et dilatation des artères pulmonaires sur la radiographie
du thorax peuvent témoigner d’une hypertension
pulmonaire. L’échocardiographie transthoracique est le plus important examen de dépistage
en cas de suspicion d’hypertension pulmonaire.
Elle permet d’évaluer la morphologie et la fonction du ventricule droit et de mesurer la pression
systolique dans l’artère pulmonaire (PAPsys;
norme <40 mm Hg, un peu plus élevée chez les
patients très obèses ou âgés). L’échocardiographie peut aussi donner des éléments en faveur
d’une étiologie possible de l’hypertension pulmonaire, dont valvulopathies mitrales, shunts intracardiaques ou insuffisance cardiaque gauche.
Toute hypertension pulmonaire doit être confirmée par cathétérisme cardiaque droit, car l’échocardiographie peut donner des valeurs de pression artérielle pulmonaire faussement élevées
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Tableau 3. Investigations de l’hypertension pulmonaire.
Examen
Question
Anamnèse
Anorexigènes, cocaïne, amphétamines,
chimiothérapeutiques
Anamnèse familiale
Connectivites, hépatopathies
Infection à VIH, thromboses/embolies pulmonaires
Status
Deuxième bruit cardiaque accentué, œdèmes périphériques
ECG
P pulmonaire; bloc de branche droit partiel ou complet;
axe vertical ou droit; peut être normal
Radiographie du thorax
Cardiomégalie à prédominance droite; artères pulmonaires
dilatées; signes de pneumopathie obstructive ou restrictive;
peut être normale
Echocardiographie
Morphologie et fonction du ventricule droit; mesure de
la pression systolique dans l’artère pulmonaire; pathologies
du cœur gauche, shunts intracardiaques
comme étiologies de l’hypertension pulmonaire
Fonction pulmonaire
Troubles obstructif ou restrictif de la ventilation
Diminution de la capacité de diffusion
Gazométrie
Hypoxémie; indication à l’oxygénothérapie à domicile;
hypoventilation alvéolaire
Cathétérisme cardiaque droit
Existence et gravité de l’hypertension pulmonaire;
composantes cardiaques gauches; test de vasoréactivité:
répondeur ou non-répondeur
Scintigraphie de
ventilation/perfusion
Signes de thromboembolie chronique
TC thorax avec produit
de contraste et HRCT
Embolies pulmonaires centrales, segmentaires ou
sous-segmentaires, emphysème, fibrose
Laboratoire
ANA (Scl 70, RNP, AC anti-centromère)
Tests VIH, tests hépatiques
Fonction thyroïdienne
Echographie abdominale
Hypertension portale
Polygraphie respiratoire
Syndrome des apnées du sommeil;
oxygénothérapie nocturne
Test de marche 6 minutes
Importance de la baisse des performances;
oxygénothérapie à l’effort
(rarement faussement abaissées). Le cathétérisme
cardiaque droit permet de mesurer directement
la pression artérielle pulmonaire et le débit cardiaque, et du même coup de calculer la résistance
vasculaire pulmonaire. Une étiologie postcapillaire (problèmes du cœur gauche) d’une hypertension pulmonaire peut également être exclue,
et un test de vasoréactivité donne des arguments
pour une éventuelle réponse aux antagonistes du
calcium. Si l’hypertension pulmonaire est confirmée, il faut en rechercher les étiologies possibles
(tab. 3 p).
Traitement de l’hypertension
pulmonaire
Jusqu’à récemment, les options thérapeutiques
de l’hypertension pulmonaire étaient très limitées. En plus de mesures d’ordre général, telles
le fait d’éviter les situations surchargeant la circulation et les séjours à plus de 2000 m d’altitude,
du traitement de base par oxygène, diurétiques
et anticoagulation orale, sans oublier bien sûr le
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traitement de la maladie de base, surtout en cas
de BPCO et d’insuffisance cardiaque, on disposait
encore des antagonistes du calcium dans des cas
particuliers.
Traitement de base: une anticoagulation orale
avec un INR cible de 2,0–3,0 est indiquée chez les
patients ayant une hypertension artérielle pulmonaire, une CTEPH ou un risque accru de
thromboembolie (fibrillation auriculaire). Le but
est de prévenir toute aggravation de l’hémodynamique pulmonaire par thrombose in situ du lit
vasculaire sténosé ou les embolies pulmonaires.
Mais les données à ce propos sont rares. Pour les
patients ayant une hypertension pulmonaire secondaire à une pneumopathie ou à une autre maladie rare, il n’y a aucune étude à ce sujet, et il n’y
a pas non plus de données sur l’inhibition de
l’adhésivité plaquettaire comme alternative à
l’anticoagulation orale. En cas de rétention liquidienne, ce sont les diurétiques qu’il faut administrer. Leur posologie doit être adaptée à la clinique et à la symptomatologie, et il faut surveiller
l’équilibre électrolytique et la fonction rénale.
Tout traitement diurétique intempestif doit être
évité car il peut aggraver l’insuffisance cardiaque
en abaissant la précharge ventriculaire droite.
Tout comme pour les patients ayant une hypertension pulmonaire secondaire à une pneumopathie, une oxygénothérapie à domicile est recommandée dans les autres étiologies si la PaO2
est <60 mm Hg, même en l’absence de tout résultat à long terme. Le traitement doit être entrepris de manière à ce que la saturation d’oxygène
au repos, à l’effort et pendant le sommeil soit
>90%.
Traitement de la maladie de base: chez les patients ayant une infection à VIH, le traitement
antirétroviral (HAART) est supposé avoir une
influence bénéfique sur la résistance vasculaire
pulmonaire. Mais le HAART n’est pas suffisant
comme seul traitement de l’hypertension pulmonaire associée à une infection à VIH. Dans
l’hypertension pulmonaire secondaire à une insuffisance cardiaque gauche, le traitement conventionnel par inhibiteurs de l’ECA et diurétiques est
toujours de première intention. Le traitement de
la maladie de base est également très important
dans la BPCO. Plus la FEV1 est basse, plus l’hypertension pulmonaire est fréquente (40% avec
une FEV1 <1000 ml, 70% si FEV1 <600 ml). Elle
n’est que peu marquée chez les patients BPCO, la
pression moyenne dans l’artère pulmonaire étant
de 20–35 mm Hg. Seuls quelque 5% des patients
BPCO ont une hypertension pulmonaire marquée. Mais une augmentation de la pression artérielle pulmonaire de >20 mm Hg a une influence
négative sur le pronostic de ces patients. Pour ralentir la baisse de la FEV1 il faut absolument qu’ils
arrêtent de fumer. La correction de l’hyperinflation par bêtastimulants ou anticholinergiques en
inhalation devrait avoir des répercussions favorables sur la fonction cardiaque. Pour les exacer-
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bations, qui s’accompagnent souvent d’une ascension marquée de la pression artérielle pulmonaire, le traitement doit comporter bronchodilatateurs, antibiotiques et stéroïdes. Les patients
BPCO ayant des signes de surcharge cardiaque
droite ou une polycythémie et une PaO2 <60 mm
Hg se qualifient pour une oxygénothérapie à
domicile. Chez les patients ayant une cirrhose/
hypertension portale, la transplantation hépatique est souvent la seule option thérapeutique.
Une hypertension portopulmonaire, qui se manifeste chez 3–4% des candidats à une greffe de foie,
est un facteur de risque non négligeable pour
l’évolution postopératoire. En présence d’une
hypertension pulmonaire modérée à grave non
traitée, la transplantation hépatique est contreindiquée. Si la pression artérielle pulmonaire
moyenne peut être abaissée à des valeurs
proches de 35 mm Hg par un traitement spécifique, une transplantation est alors possible et
normalisera l’hémodynamique dans la plupart
des cas.
Le traitement spécifique de l’hypertension pulmonaire par antagonistes du calcium coûte près
de 2000 francs par an à dose maximale. Il est indiqué chez les patients ayant une hypertension
artérielle pulmonaire idiopathique (IPAH) et un
test de vasoréactivité positif (répondeurs) [2]. Ce
sont environ 10–20% des patients IPAH. Tous les
patients ne tolèrent pas les très hautes doses
d’antagonistes du calcium nécessaires – jusqu’à
240 mg de nifédipine par jour – dont les effets
indésirables sont notamment œdèmes jambiers
ou hypotension. Un traitement par antagonistes
du calcium n’est pas recommandé dans les autres
formes d’hypertension pulmonaire ni chez les
non-répondeurs au test de vasoréactivité.
Nouveaux traitements médicamenteux
Au milieu des années 1990 ont été publiées les
premières grandes études sur le traitement
spécifique de certaines formes d’hypertension
pulmonaire par prostacycline ou analogues de la
prostacycline. La prostacycline est produite dans
l’endothélium vasculaire et a des effets vasodilatateurs et antiprolifératifs, elle inhibe en outre
l’adhésivité plaquettaire. La substance la plus
souvent utilisée en Suisse actuellement est l’iloprost, qui peut être inhalé [3]. Les formes administrables par voie intraveineuse (époprosténol)
et sous-cutanée (tréprostinil) ne s’utilisent que
dans de rares situations, surtout en cas d’aggravation sous traitement médicamenteux maximal.
L’iloprost inhalé améliore la qualité de vie, la distance parcourue en 6 minutes, le stade NYHA de
patients PAH et CTEPH. Le traitement se fait par
nébuliseur à ultrasons spéciaux à raison de 6–9
fois par jour et coûte 58 000–116 000 francs par
an. Avec cette forme d’administration et les alternatives actuellement à disposition, les prosta-
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cyclines s’utilisent de plus en plus en seconde intention.
Les premières études randomisées et contrôlées
contre placebo avec le bosentan, antagoniste du
récepteur de l’endothéline, ont été publiées en
2001/2002 [4]. L’endothéline-1 est produite essentiellement par les cellules endothéliales et agit
sur les cellules musculaires lisses des vaisseaux
via ses récepteurs A et B. Elle a un effet vasoconstricteur et prolifératif et est supposée jouer
un rôle important dans la physiopathologie de
plusieurs formes d’hypertension pulmonaire.
Depuis les premières importantes études cliniques avec le bosentan, qui a démontré des améliorations de la distance parcourue en 6 minutes,
du stade NYHA et de l’hémodynamique après
12 et 16 semaines, cette substance est régulièrement utilisée pour le traitement de patients ayant
une hypertension pulmonaire (coûts de traitement 60 000 francs par an, situation janvier
2008). Mais il n’est admis pour le moment que
chez les patients aux stades NYHA III et IV et
ayant une hypertension artérielle pulmonaire.
Les dernières études avec le bosentan montrent
d’une part un bénéfice à long terme (6–12 mois)
sur la distance parcourue en 6 minutes et le stade
NYHA, et de l’autre son efficacité a pu être démontré sur d’autres formes d’hypertension pulmonaire. Le traitement par bosentan de la
CTEPH est ainsi une alternative à la thrombendartérectomie pulmonaire, surtout si celle-ci est
irréalisable en raison de la localisation des
thrombi, grevée d’un haut risque ou refusée par
le patient [5]. Avec ses bons résultats, la plupart
des caisses maladie prennent en charge les coûts
de ce traitement. Les résultats du bosentan dans
l’hypertension pulmonaire secondaire à une
insuffisance cardiaque gauche sont contradictoires, il faut attendre encore d’autres études à ce
sujet.
Le sildénafil, inhibiteur sélectif de la phosphodiestérase 5, est également une alternative au
bosentan sous forme de comprimés dans le traitement de l’hypertension pulmonaire. Les inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 diminuent le
métabolisme du cGMP, ce qui prolonge l’activité
du NO endogène, puissant vasodilatateur. Trois
études randomisées et contrôlées chez des patients
ayant une PAH idiopathique, une PAH secondaire
à des connectivites et à des cardiopathies congénitales, publiées entre 2004 et 2006, ont pu démontrer l’efficacité du sildénafil sur la distance
parcourue en 6 minutes, l’hémodynamique et le
stade NYHA [6]. Depuis 2007, le sildénafil (Revatio®)
est pris en charge par les caisses dans les indications ci-dessus avec dyspnée NYHA III (coûts
12 000 à 36 000 francs par an en fonction de la
posologie).
Tout comme pour le bosentan, des études montrent maintenant un effet positif du sildénafil sur
la distance parcourue en 6 minutes et la résistance vasculaire pulmonaire chez des patients
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CTEPH [7]. Une étude récemment publiée a examiné l’effet du sildénafil chez des patients ayant
une hypertension pulmonaire secondaire à une
insuffisance cardiaque gauche. Après 12 semaines, elle a démontré une amélioration de l’hémodynamique, des performances physiques et de
la qualité de vie. Mais les données sont insuffisantes pour utiliser de routine le sildénafil dans
cette indication.
Il est également possible de combiner les médicaments spécifiques ci-dessus, ce qui semble
même judicieux en raison de leurs différents sites
d’action. Une étude a examiné ces trois médicaments chez des patients PAH selon un algorithme
fixe et a obtenu des survies à un, deux et trois ans
de 93%, 83% et 80% [8]. Ceci représente une très
nette amélioration par rapport aux groupes témoins historiques. Du fait de la rareté de cette
maladie, des indications limitées d’un traitement
spécifique et de ses coûts élevés, il ne doit être mis
en route que dans des centres spécialisés dans
l’hypertension pulmonaire. C’est particulièrement vrai pour les traitements combinant les
médicaments cités plus haut. Les adresses de
spécialistes en la matière sont données sur le site
de la Société Suisse sur l’Hypertension pulmonaire (www.sgph.ch).
Traitements chirurgicaux
Une option thérapeutique de la CTEPH – en plus
des traitements médicamenteux cités plus haut –
est la thrombendartérectomie pulmonaire [9].
Cette intervention est possible si les thrombi organisés sont situés dans les artères pulmonaires
proximales, les artères lobaires et les segments
proximaux des artères segmentaires, et s’il n’y a
pas d’oblitérations vasculaires marquées plus en
périphérie. La résistance vasculaire pulmonaire
ne doit être que modérément à moyennement
augmentée et il ne doit pas y avoir de comorbidité notable. La mortalité de cette intervention est
inférieure à 7% dans les centres disposant d’une
grande expérience. En Suisse, cette intervention
a jusqu’ici été effectuée à plusieurs reprises avec
de bons résultats dans les services universitaires
de Zurich, Bâle, Lausanne et Genève, parfois avec
la collaboration du Prof. E. Mayer, de la Johannes
Gutenberg Universitätsklinik de Mayence.
La transplantation pulmonaire est une option
chez les patients PAH souffrant d’une dyspnée
permanente NYHA III ou IV malgré un traitement
médicamenteux maximal. La limite d’âge est de
60–65 ans selon les centres; les contre-indications sont une insuffisance rénale significative,
une infection à VIH, un cancer dans les deux années précédentes, une positivité HBsAG et une
hépatite C active confirmée par l’histologie.
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Perspectives
Diagnostic/dépistage: il est maintenant déjà
recommandé de rechercher régulièrement une
PAH chez certaines personnes à risque. Une
échocardiographie est préconisée chaque année
chez les patients ayant une sclérodermie. Il faut
également la faire avant transplantation hépatique ou en cas d’infection à VIH avec symptomatologie de dyspnée. Une consultation génétique dans un centre spécialisé est recommandée
dans les formes familiales de PAH. Certains centres recherchent une hypertension pulmonaire à
l’effort par échocardiographie d’effort chez les
proches de patients PAH ou les patients atteints
de sclérodermie. Mais nul ne sait exactement si
cela permet d’identifier des patients qui développeront par la suite une hypertension pulmonaire
au repos ou s’il ne s’agit que d’une variante physiologique. Une hypertension pulmonaire d’effort
peut régulièrement être mise en évidence chez
des sportifs de pointe par exemple. S’il s’avère
que l’hypertension pulmonaire à l’effort est un
stade précurseur d’une hypertension pulmonaire
au repos, le fait de savoir si elle pourrait être
prévenue par un traitement précoce par antagonistes du calcium serait une autre question intéressante.
Traitements: les descriptions de cas ou études
pilotes examinant l’efficacité des différentes
substances dans la PHA in vivo ou in vitro sont
nombreuses. Celle de la simvastatine, censée avoir
un effet antiprolifératif et antithrombotique, des
ISRS, des inhibiteurs de la tyrosine-kinase et de
nombreuses autres. Le site de la Société Suisse
sur l’Hypertension pulmonaire (www.sgph.ch)
donne un très bon aperçu des nouveaux médicaments potentiels. Une option thérapeutique non
médicamenteuse intéressante est la réadaptation
des patients hypertension pulmonaire. Une étude
a pu montrer qu’une réadaptation de ces patients
en milieu hospitalier a le même effet sur la distance parcourue en 6 minutes et la qualité de vie
que les traitements médicamenteux [10]. Personne ne peut encore dire si cet effet persiste à
long terme, s’il y a une véritable amélioration
hémodynamique ou s’il ne s’agit «que» d’un déconditionnement.
Management: l’hypertension pulmonaire est une
maladie rare dont les possibilités de traitement
sont toujours plus complexes. Les traitements
combinés précisément, ou les injections intraveineuses ou sous-cutanées continues, demandent
une grande expérience. Le traitement de tels
patients par des spécialistes dans des centres
accrédités pour l’hypertension pulmonaire, en
étroite collaboration avec leurs médecins traitants,
sera à l’avenir indispensable pour conserver une
qualité de traitement de haut niveau.
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Références
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Correspondance:
Dr Claudia Tüller
Clinique et policlinique
de Pneumologie
Hôpital de l’Ile
CH-3010 Berne
[email protected]
5
6
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