Rein : traitement localisé des petites tumeurs dossier thématique Petites tumeurs du rein : imagerie Small renal masses: imagery R. Renard-Penna* »»La caractérisation d’une masse rénale en imagerie repose sur des Accurate characterization of renal masses is essential to ensure management. critères de taille et d’architecture. On distingue : les microlésions indéterminées, les masses rénales kystiques et les masses rénales solides. Multidetector CT remains the reference standard for staging and characterization. lésion rénale. La lésion maligne la plus fréquente est le carcinome à cellule rénale typique de grande taille (> 3 cm), encapsulée, hétérogène, parfois calcifiée, tissulaire et nécrotique. »»La lésion bénigne la plus fréquente est l’angiomyolipome, caractérisable en imagerie par la détection d’un contingent graisseux intratumoral. »»La caractérisation d’une petite lésion est difficile en imagerie et peut nécessiter la réalisation d’une ponction/biopsie guidée sous échographie ou scanner. L Clear cell RCC is the most common type of RCC, heterogenous with areas of necrosis and hemorrhage. Angiomyolipoma is the most frequent benign lesion, with amount of fat on unhenanced CT. When CT and MRI results are indeterminate, a CT renal biopsy could be necessary. Keywords: Kidney – Tumor process – Imagery – CT – MRI. Mots-clés : Rein – Tumeur – Imagerie – TDM – IRM. a diffusion de l’imagerie en coupe permet la découverte d’un nombre croissant de tumeurs de petite taille, qui sont globalement de meilleur pronostic. Le défi du radiologue est d’effectuer une bonne caractérisation tissulaire de ces lésions afin d’adapter au mieux la prise en charge : chirurgie, surveillance ou traitement percutané. La tomodensitométrie (TDM) est l’examen de référence pour la détection et le diagnostic des masses rénales. L’échographie permet de caractériser les kystes simples dans leur forme typique, mais la spécificité de cet examen pour la caractérisation tissulaire est faible. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est souvent un examen de deuxième intention, permettant de caractériser des lésions qui restent indéterminées sur les autres types d’imagerie. L’IRM peut également se substituer au scanner en cas de contre-indication (insuffisance rénale, allergie à l’iode, grossesse). Le diagnostic étiologique d’une tumeur rénale repose sur une analyse sémiologique qui distingue les lésions kystiques des lésions solides. Les 5 grands types histo­ In general, renal masses can be classified on the basis of their appearance solid or cystic. highlights P o i nt s f o rt s »»Le scanner est l’examen de référence pour la caractérisation d’une logiques, qui représentent 90 % des tumeurs rénales, sont le carcinome à cellules claires, les carcinomes chromophobes et papillaires, l’angiomyolipome et l’oncocytome. On exclut de cette définition les lésions excréto-urinaires. Caractérisation d’un syndrome de masse rénale La caractérisation d’une masse rénale en imagerie repose sur des critères de taille et d’architecture (1). On distingue plusieurs types de lésions. ✓✓ Microlésions indéterminées Il s’agit de petites lésions qui ne peuvent pas être caractérisées en TDM compte tenu de leur petite taille (moins de 10 mm). En effet, en raison d’un volume partiel sur le parenchyme adjacent, les mesures d’atténuation sont faussées. Dans ces situations, un complément échographique ou une IRM peut être proposé en fonction Correspondances en Onco-urologie - Vol. I - n° 2 - juillet-août-septembre 2010 * Service de radiologie polyvalente, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. 79 Rein : traitement localisé des petites tumeurs dossier thématique du contexte clinique (patients à risque de tumeur rénale primitive, maladie de Von Hippel-Lindau, etc.). ✓✓ Masses rénales kystiques Une masse rénale est dite “kystique” lorsqu’elle comporte une composante liquidienne prédominante (anéchogène ou hypoéchogène en échographie, de densité comprise entre – 10 et + 20 UH en TDM et en hypersignal T2 en IRM). ✓✓ Masses rénales solides caractérisation des lésions kystiques, en particulier des lésions atypiques pour lesquelles une classification en TDM est difficile (2). Enfin, l’échographie avec injection d’un produit de contraste ultrasonore permet d’explorer la vascularisation des kystes atypiques avec une sensibilité qui serait égale, voire supérieure, à celle du scanner (3). Dans tous les cas, le radiologue doit différencier les lésions chirurgicales des autres lésions correspondant à des kystes bénins remaniés. Elles sont définies par un syndrome de masse tissulaire, vascularisée avec un rehaussement après injection de produit de contraste. Carcinome kystique multiloculaire Ces lésions sont caractérisées par la présence d’une paroi périphérique et de multiples cloisons internes plus ou moins épaisses et vascularisées. Tumeurs kystiques ➔➔Dans la classification de Bosniak, les lésions de type IV correspondent à des lésions avec une paroi et des cloisons très irrégulières (figure 1), des végétations et des nodules muraux rehaussés par l’injection de produit de contraste. Ces lésions correspondent à des cancers massivement nécrosés (cancers kystisés) ou à des cancers d’architecture kystique (carcinomes kystiques multiloculaires). La classification radiologique des masses kystiques du rein repose sur les résultats de l’examen TDM (classification de Bosniak) ­et/­ou de l’IRM. Dans la majorité des cas, un kyste simple de type I est diagnostiqué en échographie devant une masse anéchogène, homogène, régulière, avec un renforcement postérieur, sans paroi visible. Le diagnostic des tumeurs kystiques repose sur la mise en évidence d’une composante solide (paroi, cloison, végétation, nodule mural), vascularisée (rehaussée après injection de produit de contraste). Le scanner est la méthode de référence pour diagnostiquer les masses kystiques (classification de Bosniak). Cependant, grâce à son excellente résolution en contraste, l’IRM permet d’obtenir une très bonne ➔➔Les lésions de type III présentent une paroi d’épaisseur uniforme et régulière, des calcifications épaisses et irrégulières en périphérie ou au niveau d’une cloison. Il s’agit presque toujours d’une lésion néoplasique (carcinome kystique multiloculaire). Cependant, une lésion bénigne (kyste bénin compliqué, néphrome kystique multiloculaire) ne peut être éliminée. Aucun critère en imagerie ne permet de déterminer avec certitude si la nature de ces lésions, qui nécessitent le plus souvent une exérèse chirurgicale, est bénigne ou maligne. ➔➔Les lésions de type IIF (follow-up) peuvent présenter de fines cloisons, faiblement rehaussées, avec une paroi non mesurable. Ces lésions sont rarement malignes, mais nécessitent une surveillance. Tumeurs rénales solides Les tumeurs solides du rein peuvent être primitives ou secondaires (métastases, lymphomes), et peuvent être bénignes ou malignes. Figure 1. Échographie rénale : lésion kystique complexe multicloisonnée rénale droite. 80 Tumeurs primitives malignes Carcinome à cellules rénales L’aspect du carcinome à cellules rénales (CCR) n’est pas univoque : il peut varier en fonction de la taille, de la Correspondances en Onco-urologie - Vol. I - n° 2 - juillet-août-septembre 2010 Petites tumeurs du rein : imagerie v­ ascularisation, du caractère nécrotique ou hémorragique. On distingue une forme typique et plusieurs formes atypiques (petit CC, forme hypovasculaire, homogène, hémorragique, etc.). Ces formes atypiques posent des problèmes de diagnostic différentiel, notamment avec certaines tumeurs bénignes. C’est dans ces situations que la biopsie peut être utile à la caractérisation tissulaire nécessaire à la planification thérapeutique. Tumeurs malignes primitives rares de l’adulte On décrit parmi ces tumeurs : le néphroblastome, les tumeurs neuro-endocrines, et les tumeurs mésenchymateuses malignes (léiomyosarcome, liposarcome, etc.). Tumeurs secondaires malignes Lymphomes Le lymphome se présente le plus souvent sous la forme de nodules hypodenses, multiples, bilatéraux, •CCR d’aspect typique L’aspect typique est celui d’une lésion supérieure à 3 cm, encapsulée, bien limitée, hétérogène, parfois calcifiée et comportant une double composante solide tissulaire hypervascularisée et nécrotique, ou nécrotico-hémorragique avasculaire. Cette forme typique correspond dans la très grande majorité des cas à un carcinome à cellules claires. •CCR de petite taille Le petit cancer du rein est le plus souvent homogène, isodense ou hypodense par rapport au parenchyme rénal avant injection, mais il est hyperdense dans 20 % des cas. Chez un petit nombre de sujets, l’aspect peut être identique à celui des CCR typiques, hypervasculaire, nécrotique et calcifié (figure 2). •CCR hypovasculaire et CCR papillaire La majorité des CCR hypovasculaires non kystiques sont des carcinomes papillaires. Ils se présentent sous la forme d’une lésion solide avec un rehaussement faible, souvent tardif, inférieur à 25 UH, parfois à la limite du seuil de significativité (15UH) [4]. Ces tumeurs hypovasculaires peuvent poser des problèmes de diagnostic différentiel avec les kystes à contenu dense atypique. L’IRM – notamment avec des séquences de diffusion – est particulièrement intéressante pour distinguer ces 2 types de lésions. Le CCR de type papillaire apparaît en hyposignal T2 et en hypersignal sur la séquence de diffusion avec une chute sur la carte ADC (5). •CCR homogène et CCR chromophobe Ces tumeurs se rehaussent de façon homogène sans remaniements nécrotico-hémorragiques. Le rehaussement à la phase cortico-médullaire est souvent moindre que celui des CCR conventionnels (figure 3). Aussi, la découverte d’une lésion de grande taille avec un rehaussement homogène sans signe d’extension loco-régionale est évocatrice d’un CCR de type chromophobe. Cependant, pour les petites tumeurs, ces éléments n’ont aucune valeur diagnostique puisque la plupart des petits cancers conventionnels et papillaires sont également homogènes. Figure 2. TDM IV+ : carcinome à cellules claires sur le greffon rénal. Figure 3. TDM IV+ : carcinome chromophobe rénal droit. Correspondances en Onco-urologie - Vol. I - n° 2 - juillet-août-septembre 2010 81 Rein : traitement localisé des petites tumeurs dossier thématique métrique. La densité des îlots graisseux est négative, inférieure à – 20 UH (6) [figure 4]. En fonction de la quantité de tissus adipeux/vasculaires/musculaires, tous les intermédiaires entre une tumeur totalement graisseuse ou tissulaire sont possibles. Les AML ne sont jamais calcifiés ; toute tumeur graisseuse avec des calcifications doit donc être considérée comme suspecte. Le risque hémorragique est plutôt corrélé au volume tumoral, significatif au-delà de 4 cm. En IRM, la graisse macroscopique est mise en évidence sur les séquences T1 avec un hypersignal franc, qui chute après saturation de la graisse (disparition du signal T1). La chute du signal sur les séquences de déplacement chimique n’est pas spécifique de l’AML ; elle peut être retrouvée pour de véritables CCR. Figure 4. TDM sans injection : angiomyolipome du pôle supérieur du rein gauche. augmentant la taille du rein, avec une infiltration concomitante périrénale, et des adénopathies lomboaortiques. Le diagnostic repose sur la biopsie percutanée sous TDM. Métastases Les lésions sont volontiers multiples et bilatérales, de petite taille, peu vascularisées, intraparenchymateuses, ne déformant pas ou peu la capsule. Là encore, la suspicion de métastases doit conduire à la réalisation d’une biopsie percutanée. Tumeurs bénignes Angiomyolipome (AML) C’est la plus fréquente des tumeurs bénignes du rein, caractérisable en imagerie grâce à la mise en évidence de sa composante graisseuse. •Forme typique En échographie, elle est homogène, bien limitée, franchement hyperéchogène. Cette présentation n’est cependant pas spécifique : un tiers des AML n’est que discrètement hyperéchogène, et un certain nombre de CCR ont une présentation hyperéchogène. Dans tous les cas, l’aspect homogène hyperéchogène permet d’orienter vers l’AML sans l’affirmer, ce qui implique un complément d’imagerie par TDM ou IRM. En TDM, la mise en évidence du contingent graisseux se fait sur l’acquisition sans injection en coupe milli- 82 •Forme atypique : AML pauvre en graisse Certains AML contiennent une composante graisseuse microscopique, non détectable en imagerie, même avec des coupes très fines. En TDM, ils sont volontiers plus denses que le parenchyme rénal adjacent. En IRM, la chute du signal en opposition de phase décrite par certains auteurs n’est pas spécifique. Aussi, devant un faisceau d’arguments en faveur d’un AML pauvre en graisse (hyperéchogène en échographie, homogène et spontanément hyperdense en TDM, avec une chute sur les séquences de déplacement chimique), il faut orienter vers une ponction-biopsie rénale qui permettra de faire le diagnostic et d’éviter une chirurgie inutile. Adénome oncocytaire C’est la deuxième tumeur bénigne du rein. Son caractère bilatéral n’est pas exceptionnel. •Oncocytome de petite taille (< à 3 cm) En TDM, l’oncocytome se présente sous la forme d’une masse homogène, spontanément isodense ou hypodense par rapport au cortex rénal. Après injection, le rehaussement est intense, précoce, homogène, sans calcifications, sans remaniements nécrotiques ou hémorragiques. La présence d’une cicatrice centrale de forme grossièrement étoilée ou triangulaire est rare pour ces petites tailles (7). En IRM, le signal des oncocytomes de petite taille est typiquement en hyposignal T1 et hypersignal T2. La prise de contraste est rapide, homogène, avec un wash out rapide. •Oncocytome de grande taille (> 3 cm) L’examen en TDM montre, au temps cortico-médullaire, une opacification centrifuge en rayon de roue Correspondances en Onco-urologie - Vol. I - n° 2 - juillet-août-septembre 2010 Petites tumeurs du rein : imagerie inconstante avec un aspect hypervasculaire et homogène en périphérie. Au temps médullaire, on observe une cicatrice centrale dans plus de 60 % des cas, qui se traduit sous la forme d’une plage hypodense située à distance des limites de la tumeur et de forme grossièrement étoilée. Cette cicatrice est le plus souvent centrale, mais elle peut être excentrée. Cet aspect, bien qu’évocateur, est non spécifique, car il peut être retrouvé notamment dans les carcinomes chromophobes, ou dans des carcinomes à cellules claires en rapport avec des remaniements nécrotiques. Dans tous les cas, l’association d’une plage plus ou moins centrale, hypodense après injection et de forme stellaire ou polygonale avec un tissu péricicatriciel homogène doit faire évoquer le diagnostic et proposer si besoin une biopsie rénale pour envisager, lorsqu’elle est possible, une chirurgie conservatrice. Tumeurs rénales primitives multiples Devant des masses rénales multiples (primitives ou secondaires), peuvent être évoqués : ✓✓ les carcinomes à cellules rénales ; ✓✓ les formes familiales de cancer du rein (maladie de Von Hippel-Lindau, sclérose tubéreuse de Bourneville [STB], syndrome de Birt-Hogg-Dubé) ; ✓✓ les angiomyolipomes multiples (avec ou sans STB) ; ✓✓ les adénomes oncocytaires ; ✓✓ les lymphomes ; ✓✓ les métastases ; ✓✓ la maladie multikystique acquise (tumeurs tubulopapillaires et carcinomes à cellules conventionnelles). Indications et technique de la biopsie rénale Les indications classiques de la biopsie rénale sont essentiellement la suspicion d’un lymphome, de métastases et devant la présence d’une lésion tissulaire atypique. Ces indications se sont élargies devant la découverte fortuite de petites lésions de moins de 3 cm difficilement caractérisables, d’aspect non spécifique en imagerie et pour lesquelles une chirurgie conservatrice, voire un traitement percutané, sont envisageables. Cette biopsie est réalisée sous échographie ou sous TDM après vérification de la normalité de la coagulation et de l’absence de traitement anticoagulant, en ambulatoire ou lors d’une courte hospitalisation (24 heures). Conclusion Le scanner est l’examen de référence pour la caractérisation d’une lésion rénale. L’échographie et l’IRM peuvent être utilisées en complément, en particulier pour l’analyse d’une lésion kystique atypique. La caractérisation des petites tumeurs du rein est parfois délicate, nécessitant un complément d’investigation par ponction/biopsie afin d’adapter au mieux la prise en charge thérapeutique. ■ Références 1. Hélenon O, Eiss D, Hayoun J et al. Tumeurs du rein de l’adulte. EMC (eds). Radiodiagnotics-urologie-gynécologie, 3’-117-A-10, 2008. 2. Pedrosa I, Sun M, Spencer M et al. MR imaging of renal masses: correlation with findings at surgery and pathologic analysis. Radiographics 2008;28:985-1003. 3. Correas JM, Claudon M, Tranquart F, Hélénon AO. The kidney: imaging with microbubble contrast agents. Ultrasound Q. 2006;22(1):53-66. 6. Simpson E, Patel U. Diagnosis of angiomyolipoma using 4. Vikram R, Chaan S, Tamboli P et al. Papillary renal cell car- computed tomography-region of interest ≤ – 10 UH or 4 adjacent pixels ≤ – 10 UH are recommended as the diagnosis ­thresholds. Clin radiol 2006;61:410-6. 5. Roy C, Matau A, Bierry G et al. Apport de l’IRM de diffusion 7. Eiss D, Larousserie F, Mejean A et al. Renal oncocytoma: CT cinoma: radiologic-pathologic correlation and spectrum of disease. Radiographics 2009;29:741-57. en pathologie rénale. J Radiol 2010;91:408-20. diagnostic criteria revisited. J Radiol 2005;86:1773-82. Agenda 19e Journée scientifique de l’Association pour la recherche sur les tumeurs de la prostate (ARTP) Controverses et avancées du traitement du cancer de la prostate Vendredi 3 décembre 2010 Maison de la Chimie – 28, rue Saint-Dominique – 75007 Paris Correspondances en Onco-urologie - Vol. I - n° 2 - juillet-août-septembre 2010 Renseignements : Site Internet : http://www.artp.org E-mail : [email protected] R. Buccino et D. Authié : ARTP La Chartreuse 81106 Castres Cedex Tél. : 05 63 71 89 80 83