Christophe Médici Savoir gérer les personnes toxiques Les clés de la méthode Haute Qualité Relationnelle® Première partie COMMENT EFFECTUER LES BONS CHOIX RELATIONNELS ? LES CERCLES DE QUALITÉ RELATIONNELLE « Quels que soient les objectifs que tu souhaites atteindre, n’oublie jamais que tu auras contre toi tous ceux qui veulent la même chose que toi, tous ceux qui veulent le contraire de ce que tu convoites, et l’immense majorité de ceux qui ne veulent rien, mais qui ne veulent surtout pas que tu obtiennes ce que tu désires. » Confucius « Où sont mes amis, qui seront fidèles ? N’existe-t-il pas, cet amour qui dure ? » s’interroge Pierre Perret dans sa chanson au titre éloquent Le bonheur, c’est toujours pour demain. Ces deux questions, nous nous les sommes tous posées un jour ou l’autre. « Comment se fait-il que je m’entoure si mal ? se demande Sabrina, 37 ans, assistante de direction. Mes choix en matière d’amis s’avèrent souvent désastreux. Je devrais réviser mes critères. » Une relation, c’est toujours un pari. Or, quiconque mise prend le risque de perdre. Après un certain nombre de déceptions, certains tombent dans un « aquoibonisme » profond, un non-désir de retenter l’aventure relationnelle, et s’isolent. Une étude récente, menée par les chercheurs de l’université de Pennsylvanie, a démontré que 70 % de nos choix relationnels d’adultes étaient déterminés par la nature de nos relations d’enfance. Une relation démarre rarement d’une façon toxique. C’est au fil du temps, parfois très rapidement, qu’elle le devient. On entre dans une démarche de développement relationnel lorsque l’on a un réel désir de comprendre ce qui se trame dans le vivre-ensemble. L’ennui, c’est que cette soif de lucidité n’existe pas chez tous nos congénères. 15 Savoir gérer les personnes toxiques a) L’indice d’enseignabilité Force est de constater qu’en matière de communication interpersonnelle nous ne sommes pas tous enseignables au même degré. « Pourquoi devrait-on apprendre à communiquer ? » s’offusque Léon, 59 ans, au cours d’un débat participatif en mai 2014 autour de la question de « la relation toxique ». « Communiquer, c’est naturel, dit-il. On fait cela comme on respire depuis que nous sommes nés. » « Je dirai même que c’est inné », surenchérit Bernadette, 68 ans, retraitée de la fonction publique. En matière de communication interpersonnelle, Léon et Bernadette font partie de la catégorie des gens inconsciemment incompétents. De janvier à mai 2014, notre collectif « coup de jeune » a réalisé une étude auprès de mille cent citoyens âgés de 16 à 89 ans. La première question que nous leur posions était la suivante : « Pensez-vous qu’il soit nécessaire d’apprendre à communiquer ? » À cette question, 65 % des sondés ont répondu par la négative. Une majorité d’individus sont donc inconsciemment incompétents en la matière. Autrement dit, ils ne savent pas qu’ils ne savent pas. À quoi les reconnaît-on ? Ils se divisent en trois catégories facilement repérables à leurs réactions. Les premiers disent : « Je sais. » Il est intéressant de constater combien les ignorants en la matière sont prompts à dire « je sais ». Quand une personne vous assène un « je sais », prenez-le avec circonspection. La seconde catégorie regroupe les individus qui méprisent, et qui, par conséquent, peuvent se montrer vindicatifs lorsqu’on leur parle d’apprendre à communiquer. Certains vont même jusqu’à se mettre en colère et exprimer leurs croyances négatives. Dans la troisième catégorie, la plus nombreuse, on retrouve ceux que la question indiffère complètement. Comme si ce n’était pas leur affaire. Ils ne se sentent pas concernés. Parlez-leur du Championnat de France de foot, ils seront intarissables, du dernier tour de chant de leur artiste fétiche, leur œil va s’illuminer, des dernières frasques du people à la mode, ils vont prêter une oreille attentive. Mais pour ce qui conditionne 99 % de leurs choix existentiels, ils n’ont aucun temps à accorder. 16 Première partie – Effectuer les bons choix relationnels Les individus « tankés » à ce degré d’ignorance et de certitude sont très difficilement enseignables. Que l’immense majorité des individus soit inconsciemment incompétente en matière de communication inter- et intrapersonnelle revêt un degré de toxicité phénoménal. Néanmoins, ces personnes situées tout en bas de l’échelle peuvent évoluer. Il n’existe pas une fatalité à demeurer toute sa vie un « ignorant ». Comment procéder ? En lisant un ouvrage, en écoutant une émission de radio, en regardant un reportage à la télé, en se rendant à une conférence, ou encore au cours d’une discussion passionnante entre amis, un déclic peut se produire, et Léon, que nous évoquions tout à l’heure, prend conscience qu’il ne sait peut-être pas tout en matière de communication : il devient « consciemment incompétent ». À présent, il sait qu’il ne sait pas. Léon se montre nettement plus enseignable. Il se met à dévorer des livres de développement personnel, de psychologie, il s’ouvre à ce monde nouveau pour lui, il explore ce continent qu’est le « connais-toi toi-même ». Il se forme, s’investit, participe à des séminaires, partage dans des groupes de réflexion. Il apprend à communiquer avec les autres et avec lui-même. Il y consacre du temps. Jour après jour, Léon devient consciemment compétent. Pour toute personne exerçant le métier de « transmetteur », Léon est devenu très enseignable. Lors d’une étude menée par l’INRP (Institut national de recherche pédagogique), 79 % des enseignants s’interrogent aujourd’hui sur le degré de motivation des élèves. Ils disent que certaines classes sont devenues « inenseignables ». Les professeurs voient juste. Nombre d’élèves ne souhaitent pas apprendre. Mais leur enseigne-t-on ce qu’il serait intéressant qu’ils apprennent ? Les méthodes d’apprentissage ont-elles suffisamment évolué ? Sont-elles en phase avec leur époque ? Nous l’avons dit, la communication est un savoir fondamental, aussi important que lire, écrire et compter. « Je n’ai connu aucun divorce qui était provoqué par le fait qu’on n’avait pas appris tel ou tel problème de maths à l’école », explique le psychologue américain Jack Canfield. « On devrait enseigner ces choses essentielles dès la plus tendre enfance. » 17 Savoir gérer les personnes toxiques Sans verser dans la caricature, et sans remettre en cause l’apprentissage des savoirs fondamentaux que sont les mathématiques, le français et les sciences, il serait judicieux de s’interroger : pourquoi un tel déni de l’importance de la communication interpersonnelle existe-t-il, alors que c’est le pivot du vivreensemble et que nous ne faisons que cela toute notre existence ? Retrouvons notre ami Léon. Il a poussé plus avant ses investigations. Léon aime désormais prendre la parole en public, parler devant un auditoire ne le stresse plus du tout. Quand il communique avec d’autres individus, il est capable de déceler ce qui se passe durant l’échange, tant au niveau des mots employés que des émotions et des gestes. Léon a développé une grande intelligence relationnelle. Il est devenu inconsciemment compétent. C’est un virtuose de la communication. Est-il plus enseignable pour autant ? Pas évident. Nombre d’individus arrivés tout en haut de l’indice d’enseignabilité pensent qu’ils n’ont plus rien à apprendre. Eux aussi disent : « Je sais. » Un vieux maître en arts martiaux, ceinture noire quatrième dan, expliquait un jour que, lorsqu’il avait le désir de progresser encore, il se rendait sur les tatamis et observait… les débutants. C’est ainsi qu’il pouvait découvrir de nouvelles façons de procéder. « Derrière chaque ceinture noire se cache toujours une ceinture blanche, expliquait-il. Ne jamais l’oublier est l’antidote à l’infatuation, à la vanité et à la stagnation qui guettent tout virtuose. » Figure 1 : schéma de l’indice d’enseignabilité Inconsciemment compétent Consciemment compétent Consciemment incompétent Inconsciemment incompétent 18 Première partie – Effectuer les bons choix relationnels On croise, hélas, beaucoup de « surdoués » devenus toxiques à force de trop savoir qu’ils excellent. Une chose est sûre, pour faire en sorte qu’au niveau de la masse le nombre de personnalités toxiques diminue, nous devons tout mettre en branle pour éduquer les masses en matière de communication inter- et intrapersonnelle. Autrement dit, faire en sorte que le nombre d’individus inconsciemment incompétents diminue chaque jour. La parabole des trois poissons Pour illustrer l’indice d’enseignabilité, j’ai souvent recours à la parabole des trois poissons. Un jour, un vieux poisson, sage et mature, croise dans la « rivière HQR » deux jeunes poissons. La rivière HQR est composée d’une eau pure, non polluée, limpide et tout à fait potable. C’est une jolie rivière de montagne. « Bonjour. L’eau est bonne, n’est-ce pas ? dit le vieux poisson aux deux jeunes poissons. Il fait bon y nager, elle est douce, transparente, à bonne température, sans déchets d’aucune sorte. – C’est quoi, l’eau ? demandent alors en chœur les deux jeunes poissons. » Dans cette brève histoire, la rivière est une métaphore de la communication à dominante Haute Qualité Relationnelle®. En résumé : on croise énormément de personnes toxiques au cours de son existence car une immense majorité des êtres humains sont inconsciemment incompétents en matière de communication inter- et intrapersonnelle. Une des raisons à cela est que l’Éducation nationale n’enseigne pas ce savoir fondamental et qu’une majorité d’individus sont persuadés que communiquer, cela ne s’apprend pas. b) Communiquer : être et paraître Qu’est-ce que communiquer ? Pas évident de répondre simplement à cette question tant ce terme est devenu fourre-tout. De fait, transmettre des informations, c’est communiquer. Créer un site Internet, c’est communiquer. On parle à longueur de journée des nouvelles technologies de l’information et de 19 Savoir gérer les personnes toxiques la communication (NTIC). Au sein d’une entreprise, un département s’occupe de la communication interne et externe. Il s’agit là de la communication institutionnelle. Les agences publicitaires affirment également qu’elles font de la communication. Et tout cela est juste si l’on prend la définition élargie de la communication : mettre en commun, partager un message, le diffuser par divers canaux. À mon sens, la communication qui nous importe dans cet ouvrage est la plus vitale, la plus essentielle. C’est celle que l’on vit, à son corps et à son âme défendant, de sa naissance à sa mort, et même durant la période intra-utérine. À cette communication-là, nul n’échappe. Il serait bon de la distinguer de toutes les autres « communications ». À cet effet, qualifions-la de « comin ». « Mon credo est que communiquer, c’est paraître », affirme la directrice de la communication d’un grand groupe industriel au cours d’un de nos débats participatifs. « Je m’inscris en faux. Communiquer, c’est être », lui répond Olivier, psychothérapeute de couple. « Il y a dans toute communication une expression de son être le plus profond », poursuit-il. Au fond, la communication est toujours un alliage entre l’être et le paraître. Selon les logiques internes, les buts poursuivis, le moment choisi et les acteurs en présence, on observe une prédominance de l’une ou de l’autre de ces deux facettes. Ces dernières décennies, le paraître a pris une place de plus en plus prégnante dans l’univers de la communication. Or, nous sommes très ambivalents, en France, vis-à-vis des apparences. D’un côté, on pense qu’il faut s’en méfier, que l’habit ne fait pas le moine, qu’elles sont là pour nous tromper, nous induire en erreur. Bref, les apparences seraient toxiques. Il existe toute une approche moralisatrice des apparences. De l’autre, on est bien conscient de leur importance. Dans son ouvrage Le Poids des apparences, le sociologue Jean-François Amadieu précise que, à compétences équivalentes, une personne au physique avenant a sept fois plus de chances d’être retenue pour un emploi qu’une autre présentant moins bien. 20 Première partie – Effectuer les bons choix relationnels « Les apparences, c’est du boulot », tel était le titre du documentaire d’Ivan Frohberg et Rafik Zénine, diffusé sur ARTE en mai 2013, dans lequel ils accompagnaient des stagiaires demandeurs d’emploi lors d’une formation sur la présentation de soi et recueillaient leurs témoignages. « Le capital beauté est une chance », affirme Amadieu, au cours du reportage. Cela commence même bien avant la vie professionnelle. Une étude de l’INRP menée en 2009 a montré qu’un enfant au physique gracieux avait 65 % de chances supplémentaires de recevoir une bonne note par rapport à un enfant moins beau. Au cours de ce séminaire, les stagiaires furent invités à travailler leur image. « Ce sont les classes dominantes qui maîtrisent les codes des apparences », écrivait le sociologue Pierre Bourdieu dès les années soixante-dix. Au quotidien, nous sommes en représentation de nous-mêmes. Nous jouons des rôles. « Le monde entier est une scène où tous, hommes et femmes, sont de simples acteurs », écrivait Shakespeare dans sa pièce Comme il vous plaira. En écho au dramaturge du xviie siècle, le sociologue américain Erving Goffman évoquait « la mise en scène de la vie quotidienne ». Avoir une image avenante, agréable est un atout maître. Les enquêtes récentes auprès des services de recrutement démontrent même que la façon de se présenter, son apparence physique, représente le critère de sélection numéro un, avant même les compétences. Il est important d’avoir une image qui inspire confiance. Nul n’ignore qu’il existe un dress code, et que chaque secteur d’activité dispose du sien : celui des assistantes de direction n’est pas identique à celui des enseignants. Celui des commerciaux diffère de celui des chercheurs. Les rôles sociaux ont donc leurs costumes. Et celui qui se distingue se positionne comme un original. « Mon collègue Jean-Marc vient au travail en jupe pour hommes Jean-Paul Gauthier », affirme Manuel, 51 ans, gestionnaire à la Banque européenne d’investissement. On peut imaginer combien Jean-Marc dénote au sein d’une institution aussi « normative » que peut l’être une banque d’affaires. « Il faut bien comprendre la place qu’a prise la mise en scène de soi, affirme le sociologue Jean-François Amadieu, directeur de l’observatoire des discriminations. L’important est d’avoir l’air. » 21 Savoir gérer les personnes toxiques Au fond, le schéma de la communication (comin) est le suivant : Figure 2 : schéma de la communication (comin) L’autre PE T EP RC L’autre NS IO PE émancipation RC EP T IO NS manipulation A C H ES G SA ES M T M ES SA GE S U E I B T JE I I COMMUNIQUE L C I I T 22 É S L’autre E AG SS ME PERCEPTIONS M ES SA GE S T Être É D N É R « parêtre » Paraître PERCEPTIONS L’autre Première partie – Effectuer les bons choix relationnels Quand on privilégie « l’être » dans sa communication, on a un désir d’authenticité. Quand on privilégie le paraître, on a une quête de crédibilité. Dans la communication à dominante « paraître », l’être est obscénisé (du latin obscenus qui signifie à l’origine « de mauvais augure »). Il est dénié. Mais il est toujours présent. On assiste toujours, un jour ou l’autre, à un retour du refoulé. Cette communication du paraître est à dominante manipulatoire. C’est très exactement celle pratiquée par les conseillers en communication quand ils font de la communication de crise. Lorsque le Crédit Lyonnais a vu son image ternie par toutes les affaires des années quatre-vingt-dix, il a fallu redorer son image, et renforcer « la crédibilité » de la structure pour que des clients lui fassent à nouveau confiance. Qu’ont fait les « communicants » ? Ils ont mis en place des campagnes de publicité à répétition, spots télévisés dans lesquels nombre d’acteurs célèbres se font convaincre d’ouvrir un compte au Crédit Lyonnais, rebaptisé LCL pour les besoins de la cause. C’est également la communication que pratiquent les conseillers en communication des politiques. Le président de la République ne fait pas assez président. Qu’à cela ne tienne, on va lui concocter un plan com pour le « représidentialiser ». Au passage, c’est le problème qu’ont vécu, pour des raisons différentes, les deux derniers présidents de la République français en date : Nicolas Sarkozy et François Hollande. Pour ce dernier, ses conseillers se sont rendu compte, sondages à l’appui, que les commémorations le « présidentialisaient ». Qu’ont-ils fait ? Ils ont mis le paquet sur les commémorations. Le 3 août 2014, on assista même à une grande première : la commémoration, entre les deux présidents français et allemand, du début de la guerre de 1914-1918. La politique est un milieu où la communication à dominante manipulatoire est prépondérante. En politique, paraître, c’est être. Un leader politique est considéré comme un produit par ses conseillers en communication, qui vont user des outils du marketing pour bien le « vendre » aux électeurs. Le but est qu’il soit élu. À cet effet, il doit séduire des électeurs. 23 Savoir gérer les personnes toxiques Tout le monde connaît l’anecdote : lors de la campagne présidentielle américaine de 1960, la différence entre les deux candidats JFK et Richard Nixon s’est jouée lors de leur débat télévisé. JFK est apparu, aux yeux des téléspectateurs, jeune, fringant et bronzé, alors que, face à lui, Nixon paraissait pâlot. JFK avait bonne mine, or il était très malade. Et son teint hâlé était lié à la grave maladie dont il souffrait depuis des années. Cela lui a permis d’être élu. Une étude du CEVIPOF (Centre d’études de la vie politique française) de mai 2014 montre que 75 % des électeurs déterminent leurs choix de vote sur des ressentis, des émotions, plutôt que sur des arguments logiques. L’irrationnel prime sur le rationnel. À l’aune de ces résultats, les conseillers en communication politique ont raison d’emprunter la voie du paraître. Dans le même temps, les électeurs sont 88 % à déplorer le manque d’authenticité chez les hommes politiques, 77 % à les considérer comme corrompus et 89 % à estimer qu’ils ne tiennent pas leurs promesses. Le jeu de la communication politique a des inconvénients majeurs. L’hypocrisie en fait partie. Entre l’émancipateur et le manipulateur, la différence ne réside pas dans les outils utilisés mais dans les finalités. L’émancipateur vous prend par la main, vous demande où vous souhaitez aller, et vous aide à vous y rendre. Le manipulateur vous prend par la main, lui aussi, mais vous emmène là où lui désire que vous alliez. La différence est de taille. Dans le premier cas, une personne se centre sur le désir de l’autre, et use de ses qualités d’empathie pour communiquer d’une façon altérocentrée. Dans le cas des manipulateurs égocentriques, la personne se centre sur son désir et communique avec l’autre dans l’optique de l’utiliser pour son projet. La communication à dominante Haute Qualité Relationnelle® privilégie l’être plutôt que le paraître. C’est une communication à dominante émancipatrice. 24 Première partie – Effectuer les bons choix relationnels Elle a pour objectif d’aider les individus à se libérer de tous leurs carcans, de toutes leurs prisons mentales, de toutes les relations toxiques qui leur empoisonnent l’existence, et à atteindre leurs objectifs. Dans ce culte de l’image, cette hégémonie du paraître, il faut se demander « jusqu’où ne pas aller trop loin » ? À quel moment est-ce excessif ? Où est la limite ? Quand rentre-t-on en zone dangereuse ? L’importance de la posture risque d’aller jusqu’à l’imposture. C’est la stratégie du caméléon. À force d’user de sa séduction, on trompe le cerveau de l’autre. On dupe les masses. C’est tout le sens du storytelling que développe Christian Salmon dans son ouvrage de 2011. On construit un récit de vie, un roman de l’homme politique et au besoin, on brode afin que « l’homme-produit » soit encore plus désirable. Toute personne qui souhaite se vendre pratique ce que les Américains appellent le personal branding et utilise les techniques du marketing au service de son autopromotion. « Nous vivons à l’ère de l’hyper-exhibition, physique, médiatique et numérique, assure le psychanalyste Gérard Bonnet dans son nouvel ouvrage La Tyrannie du paraître. De fait, la question « Faut-il se montrer pour exister ? » est de celles qui, en une poignée d’années, sont passées du champ sociologique à celui de notre quotidien. L’enjeu est de taille : s’ingénier à montrer en permanence son meilleur profil afin d’acquérir statut, stature, notoriété ou un certain charisme. Tout cela est devenu banal. Mais les dangers sont évidents. Dans le film Superstar, l’anti-héros Martin Kazinski devient « une vedette malgré lui ». Il ne souhaite pas devenir célèbre. Il ne court pas après la notoriété. Mais un emballement médiatique fait de lui une nouvelle vedette du jour au lendemain. À partir de cet instant, sa vie devient un enfer. Il est traqué dans la rue par tous les quidams qui lui demandent un autographe. Il perd son travail, sombre dans une profonde dépression et se laisse couler. Adapté du roman de Serge Joncour L’Idole, le film dénonce les dérives de ce système médiatique et de la culture « people » qui, via la télé-réalité, peut faire de n’importe qui une « personnalité » en une fraction de seconde. « On nous Claudia Schiffer, on nous Paul-Loup Sulitzer, ah ! le mal qu’on peut nous faire », dénonce la chanson d’Alain Souchon. Au fond, Martin Kazinzki, ça peut être tout le monde. 25 Savoir gérer les personnes toxiques L’univers du fake La recrudescence de ces attitudes collectives, encouragées par la vidéosphère, décuple l’univers du fake. Qu’est-ce que le fake ? C’est tout ce qui est faux, factice, mais qui passe pour vrai. La contrefaçon à grande échelle. « Les individus sont poussés à être de plus en plus faux tout en affichant qu’ils sont vrais », explique Serge Tisseron dans son livre Virtuel, mon amour. Pourquoi agissent-ils ainsi ? Parce qu’ils veulent être dans l’air du temps et surtout parce qu’ils estiment que ça marche. C’est notamment comme cela qu’on décroche un travail. Certains travaux de sociologues américains prouvent que nombre de personnes mentent sur leur CV en vue d’obtenir un entretien d’embauche, et répondent de façon erronée à leurs tests de personnalité. Le fake sévit sur Internet en permanence. Il pollue l’univers de l’information. De fait, la Toile offre une extrême rapidité dans la transmission d’une information. Il suffit de quelques secondes pour qu’un événement, une photographie, une vidéo fasse le tour du monde. L’ennui, c’est qu’on n’a plus le temps de la vérification des sources. Le recoupement des infos, de leur véracité, ce que tout bon journaliste apprend à l’école de journalisme et qu’il se doit de faire, par déontologie. Aujourd’hui, tout cela est recouvert par le tsunami du buzz. Et ça peut faire de sérieux dégâts : un site répertorie les vingt « photos-fake » qui ont fait le buzz sur Internet en 2014. Ces images, souvent impressionnantes pour avoir réalisé un tel buzz, ne sont que des photomontages. Elles sont fausses, mais elles ont été tenues pour vraies pendant un certain temps par des millions d’humains. En 2011, l’ouragan Irène a donné lieu à des milliers de photos. Une d’entre elles nous montre un requin se baladant dans les rues inondées. C’est un fake. Elle a pourtant été reprise par les journaux télé du monde entier. Une autre photo représente, nous dit-on, le crash aérien du vol Air France 447 Paris-Rio. En réalité, elle était tirée de la série télévisée Lost… et elle a été reprise par les journaux du monde entier. 26 Première partie – Effectuer les bons choix relationnels Le chercheur Michel Maffesoli a consacré le sixième numéro de ses Cahiers de l’imaginaire à une réflexion sur la toxicité de ce phénomène. « Dans la langue française, il n’y a pas de mot pour décrire complètement ce qui n’est pas vrai et qui, dans le même temps, est sinistre : le contrefait. Un nouveau paradigme envahit notre quotidien et se répand sous nos yeux : parcs à thèmes, falsifications scientifiques, émissions de télé bidonnées, faux participants mais vrais comédiens, complotisme, transparence factice, artifices en tous genres, “photoshopping”, chirurgie esthétique, simulacres, avatars, rêves, second life », écrit-il. Le monde vrai devient FAKE ! Comment séparer le bon grain de l’ivraie ? C’est cela qui devient toxique. Il faudrait aider les jeunes générations à tamiser pour qu’elles puissent faire la part des choses. L’hypertrophie du paraître, de la communication à dominante manipulatoire, engendre nombre de comportements toxiques. Communiquer, c’est « parêtre » Nous promouvons ce néologisme qui enveloppe réellement toute la « complexité » d’une communication interpersonnelle. Ce mot-valise entrelaçant les verbes « paraître » et « être » décrit bien le tissage relationnel qui se joue dans toute communication. Il s’agit d’un véritable métissage. Nous employons le terme « complexité » au sens que lui a donné le sociologue Edgar Morin tout au long de son œuvre. Ce qui est complexe, c’est ce qui est « tissé ensemble ». Au fond, quand l’intention est de paraître, se niche, juste derrière, au second plan, dans l’ombre, la part de « l’être ». De même, quand l’objectif annoncé est d’être, dans un immense et véritable élan d’authenticité, on est toujours forcé d’apparaître. Or, au sein du mot « apparaître » se niche le terme « paraître ». N’oublions jamais que, la plupart du temps, nous sommes vus avant que d’être entendus. Au final, la réalité complexe, holistique de la communication des humains entre eux, c’est de « parêtre ». 27 Savoir gérer les personnes toxiques Auto-diagnostic : 11 critères infaillibles pour reconnaître qu’une relation est toxique pour soi. Prenez quelques minutes, et répondez franchement à ce questionnaire, en vous concentrant sur une relation particulière que vous vivez en ce moment et qui vous pose question : 1) Dans cette relation, vous ressentez un malaise (physique et psychique) en présence de l’autre. ❏ Vrai ❏ Faux 2) Vous ne vous sentez pas libre de vous exprimer comme vous le souhaitez, au moment où vous le souhaitez. Vous avez la sensation de marcher sur des œufs. ❏ Vrai ❏ Faux 3) Cette personne vous fait perdre votre confiance en vous. En sa présence, vous perdez vos moyens. ❏ Vrai ❏ Faux 4) Dans cette relation, vous avez une tendance à l’autodévalorisation. ❏ Vrai ❏ Faux 5) Vous ressentez que vous vivez une relation dominant-dominé. ❏ Vrai ❏ Faux 6) Vous vous sentez incompris. D’évidence, l’autre se méprend à votre égard. ❏ Vrai ❏ Faux 7) Cette relation est énergétivore. ❏ Vrai ❏ Faux 8) Cette relation vous agite et renforce votre saboteur (voir définition page 108). ❏ Vrai 28 ❏ Faux Première partie – Effectuer les bons choix relationnels 9) L’autre vous éloigne de vos objectifs plutôt que de vous aider à vous en rapprocher. Vous vous sentez entravé dans votre progression. ❏ Vrai ❏ Faux 10) Cette relation vous entraîne dans des comportements immatures. ❏ Vrai ❏ Faux 11) Cette relation vous isole et vous incite au repli sur vous-même, ou sur cette relation uniquement, plutôt qu’elle ne vous ouvre sur l’extérieur. ❏ Vrai ❏ Faux Si vous recensez plus de six « vrais », cette relation est toxique pour vous. En résumé : l’hypertrophie de la communication à dominante manipulatoire, centrée sur le paraître, au détriment de la communication à dominante émancipatoire, centrée sur l’être, est toxique pour l’humanité. Au fond, communiquer, c’est « parêtre ». c) Les cercles de qualité relationnelle « Certaines personnes rendent ta vie meilleure en faisant partie de celle-ci, alors que d’autres la rendent meilleure en la quittant. » Wiz Khalifa Quel est le sens des relations que nous nouons ? Pourquoi certaines nous font-elles tant souffrir ? Pourquoi d’autres s’avèrent-elles si décevantes ? Pourquoi rentre-t-on parfois de sa journée de travail la mine défaite, le blues en bandoulière, tendu, peu amène pour ses proches et avec, chevillé au cœur, le non-désir d’y retourner le lendemain ? « Bien souvent, je tâche de me montrer sympathique envers mes collègues, et bien souvent, cela se retourne contre moi. C’est à croire qu’il existe une prime à la froideur dans ma boîte », s’exclame Jean-Louis, cadre dans la grande distribution. « J’ai parfois du mal à naviguer sereine dans cet univers impitoyable », avoue Sabine, 42 ans, assistante dans une grande entreprise du CAC 40. 29 Savoir gérer les personnes toxiques Il est temps de conscientiser. À cet effet, il nous faut des outils. C’est tout le sens de mon modèle relationnel : permettre à chacun de clarifier ce qui se joue dans les relations qu’il noue au quotidien. Ce modèle relationnel date de 2008. Au fil des séminaires et des conférences, j’ai pu l’améliorer, l’enrichir de tous les témoignages reçus par les stagiaires. La méthode HQR est une méthode participative, simple et intégrative (PSI). J’ai pu également apprécier l’intérêt qu’elle suscitait auprès de mes confrères, eu égard aux nombreux plagiats qui sont apparus sur la place publique ces derniers temps. Tout ce travail génératif me permet de vous présenter une nouvelle version du modèle des cercles de qualité relationnelle. Nous sommes sept milliards d’êtres humains à coexister sur la Terre et nous ne connaissons qu’une infime minorité des habitants de notre planète. Une étude sociologique récente a mis en évidence que notre capital social excède rarement mille personnes, pour les individus les plus ouverts, et nettement moins, en dessous de dix, pour les personnes ayant une vie moins dense en activités sociales. Nous tissons trois types de liens : des liens forts, des liens moyens et des liens faibles. Les liens forts sont les liens d’amour ou d’amitié et les liens filiaux. Les liens moyens sont ceux que nous tissons avec les copains et les copines, les êtres qui nous sont sympathiques et dont nous apprécions la compagnie. Ce sont également des liens d’amour, d’un amour moins profond. Enfin, les liens faibles sont ceux que nous tissons avec les relations plus ou moins imposées, les collègues de travail, les membres de notre classe, d’un groupe quelconque auquel nous sommes obligés de nous agréger un temps, par exemple une activité extraprofessionnelle que nous pratiquons régulièrement. Nous risquons d’y côtoyer des personnes qui nous sont antipathiques, que nous n’aimons pas et qui nous le rendent bien, d’autres qui ne nous aiment pas, alors que, de notre côté, elles nous indiffèrent. Toute la vie d’un homme se résume à une histoire d’attachement, depuis l’attachement à la mère jusqu’à cette séparation absolue qu’est la mort. Les attachements façonnent les relations. 30 TABLE DES MATIÈRES PROLOGUE : Les gens toxiques n’ont rien d’exceptionnel ..................................7 a) Cet étrange pouvoir de nuisance ..............................................................8 b) Une âme en « PEINE » ............................................................................11 PREMIÈRE PARTIE : Comment effectuer les bons choix relationnels ? .............15 Les cercles de qualité relationnelle .................................................................15 a) L’indice d’enseignabilité ..........................................................................16 Schéma de l’indice d’enseignabilité ......................................................18 La parabole des trois poissons ..............................................................19 b) Communiquer : être et paraître ...............................................................19 L’univers du fake ....................................................................................26 Communiquer, c’est « parêtre » .............................................................27 Auto-diagnostic : 11 critères infaillibles pour reconnaître qu’une relation est toxique pour soi ......................................................28 c) Les cercles de qualité relationnelle .........................................................29 La distance relationnelle ........................................................................32 Le quatrième cercle : le cercle des micro-relations (CMR) ...................33 Le troisième cercle : le cercle des relations imposées (CRI) .................37 Le second cercle : le cercle de bonne entente (PARMI) .......................41 203 Savoir gérer les personnes toxiques Le premier cercle : le cercle de tendresse (PARI) ..................................43 Trois profils toxiques singuliers ..............................................................50 Les CQR et les âges de la vie ................................................................56 Le capital social par procuration ...........................................................57 ORES 1 (outil relationnel envers soi) : bâtissez votre constellation relationnelle unique (CRU) ........................58 ORES 2 : conscientisez les attentes relationnelles (CAR) .....................63 ORES 2 : évaluez la meilleure distance relationnelle (EMDR) ...............72 De l’étanchéité entre les différents CQR ...............................................74 ORES 3 : évaluez votre degré de fragilité ou de puissance du moment .................................................................75 ORES 4 : qu’est-ce qui peut vous aider en pareilles situations ? .........76 ORES 5 : évaluez votre confort relationnel (ECOREL) ..........................77 Du bon usage de ce modèle relationnel ................................................83 d) La face sombre de l’Homo connecticus .................................................84 « 24/7 » ...................................................................................................87 Le cyberharcèlement .............................................................................88 Tous addicTIC ? .....................................................................................90 DEUXIÈME PARTIE : Outils relationnels pour gérer les personnes toxiques ....95 a) Les cinq marches du changement ..........................................................96 Première marche : la conscientisation ...................................................97 Seconde marche : la décision .............................................................100 Troisième marche : l’action ..................................................................101 Quatrième marche : évaluer ses actions .............................................102 Cinquième marche : avoir la souplesse de changer de stratégies et de pensées pour atteindre son objectif ...........................................102 Rituels de confiance (RDC) ..................................................................105 Deux maîtres mots : l’effort et le courage ...........................................106 204 Table des matières b) Neutraliser le saboteur ..........................................................................108 Les pensées automatiques négatives (PAN) .......................................110 Deuxième facette du saboteur : les émotions négatives ....................113 Troisième facette du saboteur : les comportements autodestructeurs .................................................115 Quatrième facette du saboteur : le sauveteur-fossoyeur ....................116 Cinquième facette du saboteur : quatre masques qui donnent le change .........................................................................117 Des outils de confiance relationnels ....................................................118 c) Les confiants toxiques ...........................................................................121 Le confiant BQR primaire ....................................................................122 Le confiant BQR pervers .....................................................................123 Le confiant BQR de grande envergure ................................................124 À quoi reconnaît-on un confiant BQR ? ..............................................126 Que peuvent faire les confiants HQR face à lui ? ................................128 La gentillesse .......................................................................................130 d) Le trousseau FORCE .............................................................................132 La clé fermeté ......................................................................................132 La clé observation ................................................................................135 La clé rire ..............................................................................................138 La clé courtoisie ...................................................................................139 La clé expressivité ................................................................................141 TROISIÈME PARTIE : Les relations Haute Qualité Relationnelle® ...................149 a) La pyramide Haute Qualité Relationnelle® ............................................149 b) Les sept attitudes Haute Qualité Relationnelle® ...................................154 La clé souplesse ...................................................................................154 La clé accueil ........................................................................................155 La clé gentillesse ...................................................................................155 205 Savoir gérer les personnes toxiques La clé respect ........................................................................................159 La clé enthousiasme .............................................................................159 La clé empathie .....................................................................................160 La clé régulation ....................................................................................161 c) Sociostyles et personnes toxiques .......................................................162 Le promouvant ......................................................................................164 Le contrôlant .........................................................................................166 Le facilitant ............................................................................................168 L’analysant ............................................................................................169 ÉPILOGUE : la fréquence des gens heureux ..................................................173 a) Le bonheur de la quête .........................................................................173 b) Le parfum de soi ....................................................................................176 c) C’est « l’AURORE » ...............................................................................179 Annexe 1 : résultats du questionnaire confort relationnel (ECOREL) ..........181 Annexe 2 : résultats du test « êtes-vous addicTIC ? » .................................185 Annexe 3 : résultats du test « indice d’affirmation de soi » (IAS) .................189 Annexe 4 : les trois trousseaux de la méthode HQR ...................................193 Annexe 5 : table des abréviations ................................................................195 Bibliographie .................................................................................................197 Remerciements .............................................................................................201 Table des matières ........................................................................................203 206