Sciences-Croisées Numéro 2-3 : L’Identité Relations entre identité sociale et identité individuelle dans une situation de catégorisations croisées Chiara Storari & Ingrid Gilles Université de Lausanne [email protected] [email protected] Relations entre identité sociale et identité individuelle dans une situation de catégorisations croisées Résumé Le modèle des groupes collections et agrégats postule une relation positive entre identité sociale et identité individuelle chez les groupes de statut supérieur et une relation négative chez les groupes de statut inférieur (Lorenzi-Cioldi, 1988). Ainsi, les hommes perçoivent l’exogroupe comme plus homogène que l’endogroupe et les femmes perçoivent l’endogroupe comme plus homogène que l’exogroupe. Nous avons étudié les effets des catégorisations croisées (Deschamps & Doise, 1979) sur la différenciation intergroupe et sur la variabilité intragroupe. Suivant le paradigme « Who said what », nous avons déterminé deux conditions expérimentales : catégorisation simple (appartenance sexuelle) et catégorisation croisée (appartenance sexuelle et établissement scolaire). Les participants (n = 116) répondaient à une tâche de reconnaissance. Les résultats montrent que la différenciation intergroupes est plus faible en condition de catégorisation croisée qu’en condition de catégorisation simple. Les participants de sexe masculin perçoivent l’exogroupe comme plus homogène que l’endogroupe, indépendamment de la condition de catégorisation. Mots clés: identité, homogénéisation de l’exogroupe, différenciation intergroupe, variabilité intragroupe, statut, catégorisations croisées Abstract The model on mental representation of high-status and low-status groups, postulates a positive relationship between social and individual identity for high status groups and a negative one for low status groups (Lorenzi-Cioldi, 1988). As a consequence, men perceive the outgroup as more homogeneous than the ingroup and women perceive the ingroup as more homogeneous than the outgroup. We studied the effect of cross-categorization (Deschamps & Doise, 1979) on intergroup differentiation and on intragroup variability. Using the "Who said what " paradigm, we created two conditions: simple categorization (sexual category) and cross-categorization (sexual category and name of school). Participants (n = 116) answered a recall task. Results show that intergroup differentiation is reduced in the cross-categorization condition compared to the simple categorization condition. Moreover, male participants perceive the outgroup as more homogeneous than the ingroup, independently of the categorization condition. Key words: identity, out-group homogeneity effect, intergroup differentiation, intragroup variability, status, cross-categorization ChiaraStorari & Ingrid Gilles Relations entre identité sociale et identité individuelle dans une situation de catégorisations croisées C e travail étudie les relations entre identité sociale et identité individuelle sous l’angle de la différenciation intergroupe et de la variabilité intragroupe (Tajfel, 1972). Notre but est d’étudier les effets de l’introduction d’une situation de catégorisation croisée sur les relations entre identité sociale et identité individuelle lorsqu’il est question de groupes de statut asymétrique. Ainsi, nous prenons en compte une situation de catégorisation simple, dans laquelle les individus sont confrontés à une claire dichotomie entre leur propre groupe et l’exogroupe (par exemple lorsqu’il est question d’hommes et de femmes), et une situation de catégorisation croisée, dans laquelle chaque individu est catégorisé simultanément selon deux dimensions de catégorisation (par exemple, lorsqu’il est question d’hommes et de femmes qui font leurs études dans deux écoles différente ; voir Deschamps & Doise, 1979). La thématique des relations entre identité sociale et identité individuelle est centrale en psychologie sociale (cf. Deschamps & Devos, 1999 ; Doise, 1978). En fait, celle-ci fait référence à la thématique de la relation entre collectif et individuel, relation présente dès ses débuts dans la psychosociologie moderne (voir par exemple James, 1921 ; Mead, 1934). La théorie de l'identité sociale (Tajfel & Turner, 1979 ; Tajfel & Turner, 1985) aborde cette question du point de vue de la catégorisation sociale. 1. Catégorisation sociale et identité À travers le processus de catégorisation, les individus ordonnent l’environnement physique et social en catégories selon le degré de similitude des éléments (Tajfel, 1972). Ce processus est un mécanisme mental à travers lequel les éléments singuliers de notre environnement sont classés dans des catégories plus générales. Par exemple, la catégorie des chaises qui inclut des éléments à l’apparence différente, mais qui ont la même fonction. La catégorisation des stimuli physiques augmente les différences intercatégorielles et les similitudes intracatégorielles (Tajfel & Wilkes, 1963). C’est-à-dire que les chaises se ressemblent entre elles davantage qu’elles ne ressemblent aux canapés. En transposant ces effets à la catégorisation des stimuli sociaux, la théorie de l’identité sociale postule que lorsque les individus organisent leur environnement social en groupes dichotomiques, ils augmentent la différenciation intergroupe et la similitude 1 ChiaraStorari & Ingrid Gilles Relations entre identité sociale et identité individuelle dans une situation de catégorisations croisées intragroupe. Le paradigme des groupes minimaux a montré que la catégorisation des individus en deux groupes dichotomiques suffit pour évoquer des processus d’identification sociale, qui mènent les individus à différencier les groupes en favorisant l’endogroupe (Tajfel, Billig, Bundy, & Flament, 1979). En termes de relations entre identité sociale et identité individuelle, la théorie de l’identité sociale oppose des comportements interpersonnels à des comportements intergroupes (Brown & Turner, 1981 ; Tajfel & Turner, 1979). Les comportements interpersonnels concernent : « [...] les interactions entre deux individus ou plus, individus qui sont totalement définis par leurs relations interpersonnelles et leurs caractéristiques individuelles et nullement affectés par leurs divers groupes ou catégories sociales d’appartenance » ; alors que les comportements intergroupes sont : « [...] des interactions entre au moins deux individus (ou groupes d’individus) qui sont totalement déterminés par leurs appartenances respectives à différents groupes ou catégories sociales et nullement affectés par les relations interindividuelles entre les personnes concernées » (Tajfel & Turner, 1979 ; p. 34). Ainsi, un individu peut se définir en termes de son identité sociale (par exemple en tant que femme) ou en termes d’individu singulier (par exemple en tant que « Barbara »). En revenant aux effets de la catégorisation sociale, les comportements intergroupes font référence à la différenciation entre « nous » et « eux », et représentent le pôle de l’identité sociale. Les comportements interpersonnels font référence à la différenciation entre « soi » et « autrui », et représentent le pôle de l’identité individuelle (Turner, Hogg, Oakes, Reicher, & Wetherell, 1987). Ainsi, lorsqu’il y a activation des processus d’identification sociale, les membres de chaque groupe sont perçus comme interchangeables. De cette manière, l’augmentation de la saillance de la catégorisation endogroupe versus exogroupe, amène les individus à assimiler davantage le soi aux membres de l’endogroupe (Turner et al., 1987). La conséquence est que le groupe est perçu comme homogène, puisque ses membres sont définis par la même appartenance groupale. Cela signifie qu’il existe une relation d’interdépendance négative entre l’identification au groupe (identité sociale) et l’individualisation (identité individuelle. Cependant, l’effet d’homogénéisation de l’exogroupe (voir Jones, Wood, & Quattrone, 1981 ; Judd & Park, 1988 ; Linville, Fischer, & Salovey, 1989 ; Park & Rothbart, 1982) remet en question le principe de l’interdépendance négative entre identité sociale et identité individuelle de la théorie de l’identité sociale. L’effet d’homogénéisation de l’exogroupe concerne la tendance des individus à percevoir les membres de l’exogroupe comme plus homogènes (davantage semblables entre eux) que les membres de l’endogroupe. Cet effet n’est pas un phénomène universel et il dépend du contexte intergroupe (Simons, 1992), mais son existence ne fait pas de doute (voir pour une revue Messick & Mackie, 1989 ; Park, Judd, & Ryan, 1991 ; Quattrone, 2 ChiaraStorari & Ingrid Gilles Relations entre identité sociale et identité individuelle dans une situation de catégorisations croisées 1986 ; Mullen & Hu, 1989). L’effet d’homogénéisation de l’exogroupe laisse supposer que, dans certaines conditions, la différenciation intergroupe est associée à la différenciation intragroupe. C’est-à-dire que dans le cas des membres de l’endogroupe, ceux-ci peuvent être définis en termes d’appartenance groupale (identité sociale) et d’individualité (identité individuelle). Par exemple, des hommes peuvent bien reconnaître qu’ils appartiennent à la catégorie des hommes (identité sociale), mais considérer que chacun est différent de l’autre par rapport à sa personnalité (identité individuelle). Par contre, les mêmes hommes peuvent considérer que les femmes appartiennent à la catégorie des femmes et qu’elles ont une personnalité très semblable. De plus, dans certaines conditions, les individus peuvent percevoir l’endogroupe comme plus homogène que l’exogroupe, ce qui a été appelé l’effet d’homogénéisation de l’endogroupe (Ackerman et al., 2006 ; Simons, 1992 ; Simons & Mummendey, 1990). Ces effets ne remettent pas forcément en cause les principes de la théorie de l’identité sociale (Haslam & Oakes, 1995), mais laissent supposer que l’identité sociale et l’identité individuelle peuvent entretenir des relations différentes de la simple interdépendance négative. En effet, la différenciation intergroupe n’est pas toujours associée à l’assimilation intragroupe. Par exemple, lorsque le contexte favorise la différenciation individuelle, la catégorisation des individus dans deux groupes dichotomiques augmente la différenciation entre « soi » et « autrui ». Par contre, lorsque le contexte favorise la fusion, la catégorisation des individus dans deux groupes dichotomiques augmente la similitude entre « soi » et « autrui » (Deschamps & Volpato, 1984). L’effet d’homogénéisation de l’exogroupe est souvent expliqué par l’hypothèse de la familiarité, selon laquelle l’individu est plus familier avec les membres de l’endogroupe qu’avec les membres de l’exogroupe. Ainsi, il dispose davantage d’informations sur les premiers que sur les seconds, ce qui le porte à individualiser davantage les membres de son propre groupe (Linville, Salovey, & Fischer, 1986 ; Pryor & Ostrom, 1987). En effet, il est possible de supposer qu’un employé connaît davantage d’employés que de managers. D’autres explications postulent que les individus traitent de manière différentielle les informations qui concernent l’endogroupe et l’exogroupe (Park & Rothbart 1982), qu’ils organisent différemment en mémoire l’information qui concerne les deux groupes (Ostrom, Carpenter, Sedikides, & Li, 1993) ou qu’ils ont recours au contexte comparatif interpersonnel pour juger les membres de l’endogroupe (Oakes, Haslam, & Turner, 1994). Toutes ces explications ne permettent pas de justifier le fait que l’homogénéisation de l’exogroupe ne se manifeste pas de manière systématique. Pour dépasser ce problème et pour expliquer l’effet d’homogénéisation de l’endogroupe également, certains auteurs se sont intéressés aux variables structurelles des relations intergroupes. Une de ces variables est la position que les groupes sont considérés occuper dans la structure sociale, identifiée par leur statut perçu (Boldry, Gaertner, & Quinn, 2007). 3 ChiaraStorari & Ingrid Gilles Relations entre identité sociale et identité individuelle dans une situation de catégorisations croisées 2. Le rôle du statut perçu dans les relations entre identité sociale et identité individuelle Selon certains auteurs, lorsque les individus sont catégorisés dans des groupes dichotomiques de statut asymétrique, les membres des groupes de statut supérieur ont tendance à percevoir l’exogroupe comme plus homogène que l’endogroupe, alors que les membres des groupes de statut inférieur ont tendance à percevoir l’endogroupe comme plus homogène que l’exogroupe (Deschamps, 1982 ; Deschamps & Devos, 1999 ; LorenziCioldi, 1988 ; 1998; Lorenzi-Cioldi & Doise, 1994). Plusieurs études ont confirmé que les membres des groupes de statut supérieur (par exemple des managers) perçoivent l’exogroupe comme plus homogène que l’endogroupe et que les membres du groupe de statut inférieur (par exemple des ouvriers) perçoivent l’endogroupe comme plus homogène que l’exogroupe (Guinote, Judd, & Brauer, 2002 ; LorenziCioldi, Deaux, & Dafflon, 1998 ; Lorenzi-Cioldi, 1993 ; Lorenzi-Cioldi, Eagly, & Stewart, 1995 ; Young, van Knippenberg, Ellemers, & de Vries, 1999). D’autres travaux ont mis en évidence l’effet attendu uniquement dans le cas des membres des groupes de statut supérieur (Boldry & Kashy, 1999 ; Hewstone, Islam, & Judd, 1993). Dans d’autres cas, l’homogénéisation de l’exogroupe se manifeste indépendamment du statut des groupes en présence (Brauer, 2001). Malgré cette relative inconsistance, plusieurs revues de la littérature ont confirmé le rôle du statut comme modérateur de la perception de la variabilité intergroupes (Rubin, Hewstone, Crisp, Voci, & Richards, 2004 ; Sedikides & Ostrom, 1993 ; Voci, 2000). Une récente méta-analyse a mis en évidence les effets attendus du statut sur la perception de la variabilité intragroupe, bien que ces effets varient selon les mesures utilisées par les études (Boldry et al., 2007). Pour organiser ces effets dans un cadre théorique unique, LorenziCioldi (1988 ; 1998 ; 2002a) propose que les représentations mentales des groupes de statut supérieur et des groupes de statut inférieur sont différentes entre elles. Les sociétés occidentales valorisent l’autonomie, la liberté et l’indépendance des individus (voir par exemple Markus & Kitayama, 1994 ; Sampson, 1977) et l’accent sur l’indépendance individuelle y est devenue une référence culturelle (Apfelbaum, 1979 ; Deschamps, 1982 ; Guillaumin, 1972). Puisque les membres de groupes de statut supérieur détiennent le contrôle des ressources et des institutions de la société, ils définissent et incarnent la référence culturelle, représenté par l’individu indépendant. Les membres des groupes de statut inférieur, par contre, sont éloignés de la référence culturelle (Lorenzi-Cioldi & Dafflon, 1998). La distance différentielle entre le groupe d’appartenance et la référence culturelle de l’individu indépendant sont intégrés dans l’image de soi de l’individu et cette distance intervient dans le traitement de l’information qui concerne les membres des groupes (voir par exemple Breakwell, 1983 ; Lau, 1989 ; Rabbie & Horwitz, 1969 ; Sherif, 1966). 4 ChiaraStorari & Ingrid Gilles Relations entre identité sociale et identité individuelle dans une situation de catégorisations croisées Ainsi, l’appartenance au groupe de statut supérieur va de pair avec l’individuation de ses membres, alors que l’appartenance au groupe de statut inférieur va de pair avec la dépersonnalisation de ses membres (voir Lorenzi-Cioldi & Doise, 1994). Dans le cas des membres de groupes de statut supérieur, la tendance à homogénéiser l’exogroupe va de pair avec la tendance à hétérogénéiser l’endogroupe. Cependant, dans le cas des membres de groupes de statut inférieur, la tendance à homogénéiser l’endogroupe qui dérive de la distance à la référence culturelle de l’individu indépendant est contrebalancée par la tendance à interagir plus souvent avec les membres de l’endogroupe (hypothèse de familiarité) et, donc, à homogénéiser l’exogroupe. Ainsi, selon le contexte, les membres du groupe de statut inférieur ne différencient pas l’endogroupe de l’exogroupe en termes de variabilité intragroupe. Les membres du groupe de statut inférieur sont plus sensibles au contexte intergroupe, par exemple à la saillance de la catégorisation (voir pour une revue Lorenzi-Cioldi, 1998). La perception différentielle de la variabilité intragroupes selon le statut des groupes a été confirmée avec des groupes naturels (Brown & Smith, 1989 ; Cabecinhas & Amancio, 1999 ; Lorenzi-Cioldi et al., 1995 ; Lorenzi-Cioldi, 1993 ; Sedikides, 1997) et des groupes minimaux (Lorenzi-Cioldi, 2002b). Toutefois, ces études se sont intéressées presque exclusivement à la différenciation des individus selon une seule dimension de catégorisation. Notre étude s’intéresse aux effets de la situation de catégorisation croisée sur la relation entre identité sociale et identité individuelle chez les membres de groupes de statut asymétrique. 3. Catégorisations croisées, différenciation intergroupe et variabilité intragroupes Dans une situation de catégorisations croisées, certaines cibles appartiennent à l’exogroupe de l’individu selon la première dimension de catégorisation et à l’endogroupe selon la deuxième dimension de catégorisation. De la même manière, certaines cibles appartiennent à l’endogroupe de l’individu selon les deux dimensions de catégorisation et à l’exogroupe de l’individu selon les deux dimensions de catégorisation. Les études sur les catégorisations croisées s’inspirent de travaux anthropologiques qui montrent que des structures sociales organisées selon une structure qui tient compte des appartenances multiples de leurs membres présentent un bas niveau de conflit social (LeVine & Campbell, 1972). Ainsi, une grande partie des travaux sur les effets des catégorisations croisées s’est penchée sur la question de la réduction des conflits sociaux à travers la diminution de la discrimination intergroupe. L’hypothèse principale de ces travaux est que la différenciation et la discrimination intergroupe sont réduites dans une situation de catégorisation croisée par rapport à une situation de catégorisation simple (voir à ce sujet 5 ChiaraStorari & Ingrid Gilles Relations entre identité sociale et identité individuelle dans une situation de catégorisations croisées Vanbeselaere, 1991). Cette hypothèse a été confirmée dans le domaine de la discrimination évaluative et de la perception de la différenciation intergroupes (Arcuri, 1982 ; Deschamps & Doise, 1979 ; Deschamps, 1977 ; Diehl, 1989 ; Rehm, Lilli, & Van Eimmeren, 1988 ; Vanbeselaere, 1987). Une partie importante des travaux dans ce domaine s'est intéressée à déterminer quel modèle théorique s’applique le mieux aux effets de la catégorisation croisée : le modèle de l’identité sociale (Tajfel & Turner, 1979) ou celui de la différenciation catégorielle (Doise, 1978 ; voir à ce sujet Vanbeselaere, 1991 ; Crisp & Hewstone, 1999). Dans ce contexte, les auteurs ont proposé que des processus de traitement de l’information et des mécanismes évaluatifs différents peuvent être activés lorsque les individus sont confrontés à des cibles qui appartiennent à des catégories multiples (Ensari & Miller, 2001 ; van Oudenhoven, Judd, & Hewstone, 2000 ; Ramirez, Rodriguez, Betancor, & Rodriguez, 2006 ; Urada, Stenson, & Miller, 2007 ; pour une revue voir Crisp & Hewstone, 1999). À notre connaissance, aucun travail n'a étudié les effets d’une situation de catégorisation croisée sur la perception de variabilité intragroupe de manière spécifique. L’étude de Deschamps et Doise (1979, étude 2) a mis en évidence qu’en situation de catégorisation simple, des garçons s’auto-attribuaient des performances plus élevées qu’aux autres garçons, alors que les filles ne différenciaient pas les auto-attributions des attributions au groupe de filles. Cela signifie qu’en situation de catégorisation simple, les garçons différenciaient entre soi et autrui, alors que cela n’était pas le cas des filles. En situation de catégorisation croisée, déterminée par l’introduction d’une dimension de catégorisation selon la couleur (les rouges versus les bleus), les garçons s’auto-attribuaient des performances comparables aux autres garçons et les filles s’autoattribuaient des performances inférieures à celles qu’elles attribuaient aux autres filles. Cela montre que l’introduction d’une deuxième dimension de catégorisation a un effet sur la différenciation intergroupes et sur la variabilité intragroupe. Notre intention est de tester l’effet d’une situation de catégorisation croisée sur la perception de la différenciation intergroupes et de variabilité intragroupe dans le processus de traitement de l’information lorsque la différenciation porte sur les membres du groupe et pas sur soi et autrui. Dans notre étude, nous avons repris la catégorie sexuelle comme dimension de catégorisation qui fait référence à des groupes de statut asymétrique. 6 ChiaraStorari & Ingrid Gilles Relations entre identité sociale et identité individuelle dans une situation de catégorisations croisées 4. Genre et statut Plusieurs travaux ont montré que les individus différencient des cibles selon leur appartenance sexuelle (Arcuri, 1982 ; Deschamps, 1977 ; Fiske, Haslam, & Fiske, 1991 ; Lorenzi-Cioldi et al., 1995 ; Ramirez et al., 2006). En ce qui concerne la relation entre catégorie sexuelle et statut, l’appartenance sexuelle fait référence à des relations de pouvoir dans lesquelles la masculinité est associée à l’autorité, le statut, la compétence, le pouvoir social et l’influence. Par contre, la féminité est associée au manque d’autorité, à un statut inférieur, à l’incompétence, et au manque de pouvoir et d’influence (pour une revue voir Stewart & McDermott, 2004). Plusieurs études sur la variabilité intragroupe lors de groupes de statut asymétrique ont utilisé l’appartenance sexuelle comme dimension de catégorisation (voir par exemple Park & Judd, 1990, étude 1 ; Linville et al., 1986 ; LorenziCioldi, 1998 ; Young et al., 1999). En addition, l’appartenance sexuelle est considérée comme un facteur important dans la compréhension de plusieurs aspects du comportement des individus (voir Stewart & McDermott, 2004). Notre hypothèse est que l’introduction d’une deuxième dimension de catégorisation, qui ne fait pas référence au statut, réduirait la différenciation intergroupe, indépendamment de l’appartenance sexuelle des individus. Concernant la variabilité intragroupe, le modèle des groupes collection et des groupes agrégats (Lorenzi-Cioldi, 1988 ; 1998 ; 2002a) spécifie que chez les membres de groupes de statut supérieur la différenciation intergroupe est liée à l’homogénéisation de l’exogroupe et que chez les membres de groupes de statut inférieur, la différenciation intergroupe est liée à l’homogénéisation de l’endogroupe. Nous postulons que le croisement des catégories porterait les membres du groupe de statut supérieur à percevoir l’exogroupe comme moins homogène et l’endogroupe comme plus homogène, et les membres du groupe de statut inférieur à percevoir l’endogroupe comme moins homogène et l’exogroupe comme plus homogène par rapport à une situation de catégorisation simple. Ainsi, les effets d’homogénéisation des groupes seraient annulés en situation de catégorisation croisée. 7 ChiaraStorari & Ingrid Gilles Relations entre identité sociale et identité individuelle dans une situation de catégorisations croisées 5. Présentation de l’étude Notre travail s’intéresse à la relation entre identité personnelle et identité sociale du point de vue de la différenciation intergroupes et de la variabilité intragroupes en contexte de catégorisations croisées. Nous avons repris le paradigme du « Who said what » de Taylor, Fiske, Etcoff et Ruderman (1978). Dans les trois études, les participants, des hommes et des femmes blancs, écoutent l’enregistrement d’une discussion entre des hommes et des femmes (catégorisation sexuelle) ou entre des blancs et des noirs (catégorisation ethnique). Lorsque chaque cible intervenait, une photographie censée la représenter était projetée à l’écran au même moment. Par la suite, les participants devaient attribuer des propositions qui avaient été citées lors de la conversation à la photographie de la personne qui les avait produites (tâche de reconnaissance). Suivant les attentes des auteurs, si les individus organisent l’information en mémoire selon l’appartenance catégorielle des cibles, ils devaient commettre plus de confusions à l’intérieur de la catégorie (sexuelle ou ethnique) qu’entre les deux catégories. Les résultats ont confirmé cette hypothèse. Lorenzi-Cioldi et collègues (1995) ont adapté ce paradigme en présentant aux participants quatre cibles, catégorisées selon l’appartenance sexuelle (deux femmes et deux hommes, identifiés par leurs prénoms) et décrites par quatre traits de personnalité. Une fois les descriptions lues, les participants disposaient de la liste des traits et des prénoms des cibles et ils devaient attribuer les traits aux cibles. Dans notre étude, les quatre cibles sont toutes des étudiantes (catégorie supra-ordonnée endogroupe des individus), pour augmenter la saillance de la catégorisation sexuelle (Lorenzi-Cioldi et al., 1995). Les cibles sont identifiées par leur prénom et leur établissement scolaire d’appartenance. Dans la condition de catégorisation simple, deux cibles sont identifiées par un prénom féminin, deux cibles sont identifiées par un prénom masculin, et toutes les cibles sont identifiées comme appartenant au même établissement scolaire que les participants. Dans la condition de catégorisation croisée, les cibles sont identifiées par leur prénom, une cible féminine et une cible masculine sont identifiées comme appartenant au même établissement scolaire des individus, et une cible féminine et une cible masculine sont identifiées comme appartenant à un autre établissement scolaire des individus. La catégorisation selon l’établissement scolaire d’appartenance fait référence à des groupes naturels, mais nous avons pris le soin de choisir un exogroupe fictif sur cette dimension. Ainsi, la deuxième dimension de catégorisation ne fait pas référence à des différences de statut entre les deux groupes. Nos hypothèses principales peuvent être résumées en quatre points : 8 ChiaraStorari & Ingrid Gilles Relations entre identité sociale et identité individuelle dans une situation de catégorisations croisées 1) La différenciation intergroupe sur la base de la catégorie sexuelle sera plus élevée dans la condition de catégorisation simple que dans la condition de catégorisation croisée. 2) De manière générale, il n’y aura pas d’effet d’homogénéisation de l’exogroupe. 3) Les participants de sexe masculin vont percevoir l’exogroupe comme étant plus homogène que l’endogroupe, mais uniquement dans la condition de catégorisation simple. 3) Les participants de sexe féminin vont percevoir l’endogroupe comme étant plus homogène que l’exogroupe, mais uniquement dans la condition de catégorisation simple. 5.1. Méthode 5.1.1. Participants Cent quarante-deux étudiants d’un collège situé dans la partie francophone de la Suisse (collège de Prilly) ont répondu au questionnaire lors d’un cours. L'échantillon était composé de 65 garçons (45.8%) et 76 filles (74%), âgés, en moyenne, de 14.47 ans (SD = .93). Un document expliquant les buts de l'étude leur était remis une fois le questionnaire complété. Par rapport à l’âge des participants, des enfants entre six et neuf ans différencient des groupes sur la base de leur sexe ou de leur appartenance ethnique, et les enfants qui appartiennent aux groupes de statut supérieur (les garçons ou les blancs aux USA) perçoivent l’exogroupe (les filles ou les noirs aux USA) comme plus homogène que l’endogroupe (McGlothin & Killenm 2005 ; Guinote, Mauro, Pereira, Monteiro, 2007). De plus, des enfants de même âge appartenant au groupe ethnique de statut inférieur (les noirs aux USA) perçoivent l’endogroupe comme plus homogène que l’exogroupe (les blancs aux USA ; Guinote et al., 2007). L’étude était présentée comme une enquête sur la manière dont les individus se forment une impression d'autrui sur la base de sa description. Nous avons tenu compte uniquement des réponses des personnes de langue maternelle française. Sur la base de ce critère, 16 participants ont été retirés de l'échantillon. De plus, afin d'optimiser la mise en évidence des effets liés à la catégorisation sexuelle, nous avons aléatoirement retiré de l'échantillon les réponses de six participantes, et ce pour avoir un nombre équivalent d’hommes et de femmes (Singh & Goh, 2006). Les participantes qui n’ont pas été prises en compte ont été choisies aléatoirement par le logiciel SPSS 14. 9 ChiaraStorari & Ingrid Gilles Relations entre identité sociale et identité individuelle dans une situation de catégorisations croisées 5.1.2. Matériel Les questionnaires présentaient la description de quatre élèves fictifs (cibles ; une description par page), identifiés par leurs prénoms et décrits par quatre traits de personnalité (deux positifs et deux négatifs). Les traits choisis étaient : flexible, irresponsable, aimable, instable, enthousiaste, susceptible, habile, illogique, serviable, timide, optimiste, rigide, sociable, pessimiste, raisonnable et irritable. Les traits ont été repris de l’étude de Lorenzi-Cioldi et collègues (1995). Cependant, dans certains cas nos avons repris des synonymes pour ne tenir compte que des termes qui ne nécessitent pas d’être accordée au sexe de la cible. Les prénoms utilisés pour identifier les cibles étaient clairement féminins ou masculins : Nathalie, Céline, Patrick et David. Le questionnaire comprenait deux versions expérimentales interindividuelles : catégorisation simple et catégorisation croisée. Dans la condition de catégorisation simple, toutes les cibles étaient identifiées comme appartenant au même collège que celui des participants (collège de Prilly). Dans la condition de catégorisation croisée, deux cibles (un élève et une élève) étaient présentées comme étant du même collège que celui des participants (collège de Prilly), et les deux autres (un élève et une élève) étaient présentées comme étant d’un collège différent (collège de Ruffy). Dans toutes les conditions, chaque cible était identifiée par son appartenance sexuelle (prénom) et par son appartenance à un établissement scolaire (étudiant du collège de Prilly ou de Ruffy). Ainsi les cibles étaient catégorisées à l'intérieur d'une catégorie supra-ordonnée endogroupe (toutes les cibles étaient des élèves de collège), ce qui devait rendre la catégorisation sexuelle davantage saillante (Lorenzi-Cioldi et al., 1995). Nous tenons à préciser que le collège de Ruffy n’existe pas en réalité et qu’il a été inventé pour que les participants ne puissent pas différencier les cibles des deux collèges sur la base de stéréotypes préexistants ou en faisant référence à une différence de statut préexistante. Nous avons également pris soin de spécifier que les cibles décrites dans le questionnaire représentaient des individus réels, mais que nous avions utilisé des prénoms fictifs pour qu’elles ne soient pas directement reconnaissables. Les participants étaient invités à lire les quatre descriptions au moins une fois chacune. L’expérimentateur leur indiquait qu’ils avaient deux minutes à disposition pour cette phase et il veillait à ce que tout le monde lise chaque description au moins une fois. À l’écoulement des deux minutes, l’expérimentateur indiquait à tous les participants de continuer. Dans la partie suivante du questionnaire, les participants devaient attribuer les 12 traits aux quatre cibles. Pour cela, les participants disposaient d’une grille avec les prénoms des cibles et leur collège d’appartenance en colonne et les 12 traits distribués au hasard en ligne. Les participants devaient inscrire une croix dans la case correspondante. Les instructions les invitaient à attribuer au maximum quatre traits à chaque cible et à attribuer chaque trait à une cible uniquement. Elles les incitaient également à attribuer autant de traits que 10 ChiaraStorari & Ingrid Gilles Relations entre identité sociale et identité individuelle dans une situation de catégorisations croisées possible, mais il était également noté qu’il n’était pas nécessaire d’attribuer la totalité des traits. Chaque ensemble de quatre traits (par exemple : flexible, instable, enthousiaste et irritable) décrivait autant une cible féminine qu’une cible masculine et autant une cible provenant du collège de Prilly qu’une cible provenant du collège de Ruffy. Afin de réduire tout effet de primauté ou de récence dans le processus de mémorisation, l’ordre de présentation des cibles selon leur appartenance sexuelle et leur collège d’appartenance était contrebalancé dans la phase de présentation des descriptions et dans la phase de reconnaissance. Le questionnaire se terminait par des questions de contrôle sur l’existence du collège de Ruffy. Les participants devaient indiquer s’ils avaient déjà entendu parler du collège de Ruffy et s’ils étaient conscients que ce collège n’existait pas. Les fautes commises par les participants lors de la tâche de reconnaissance constituaient nos variables dépendantes. 5.1.3. Constitution des variables dépendantes Nous différencions les fautes intergroupes des fautes intragroupes. Ces dernières sont, à leur tour, différenciées en fautes intragroupe dans l’endogroupe et en fautes intragroupe dans l’exogroupe. Les fautes intergroupes concernent les attributions erronées d’un trait à une cible qui n'appartient pas à la catégorie concernée par ce trait (uniquement dans la condition de catégorisation croisée). Plus particulièrement, dans notre étude, il s'agit de fautes inter-sexe (attribution d’un trait X à une cible féminine [ou masculine], alors que le trait décrit une cible masculine [ou féminine]) et de fautes inter-collège (attribution d’un trait X à une cible du collège de Prilly [ou de Ruffy], alors que le trait décrit une cible du collège de Ruffy [ou de Prilly]). Les fautes intragroupes concernent les attributions erronées d’un trait à une cible qui appartient à la même catégorie que la cible pour laquelle le trait en question s'applique (uniquement dans la condition de catégorisation croisée). Dans notre étude, il est question de fautes intra-sexe (attribution d’un trait X à la cible féminine Y [ou masculine Y], alors que le trait décrit la cible féminine Z [ou masculine Z]) et de fautes intra-collège (attribution d’un trait X à une cible Y du collège de Prilly [ou de Ruffy], alors que le trait décrit la cible Z du collège de Prilly [ou de Ruffy]). Afin de tester les hypothèses relatives à l’homogénéité intragroupe selon les deux dimensions de catégorisation (sexe et collège d’appartenance), nous avons différencié les fautes intra-sexe dans l’endogroupe des fautes intra-sexe dans l’exogroupe sur la base du sexe des participants, ainsi que les fautes intra-collège dans l’endogroupe des fautes intra-collège dans l’exogroupe. Les fautes intra-sexe dans l’endogroupe sont les fautes qui concernent les cibles de la même catégorie sexuelle que celle du participant. Par exemple, lorsqu’un participant de sexe masculin 11 ChiaraStorari & Ingrid Gilles Relations entre identité sociale et identité individuelle dans une situation de catégorisations croisées attribuait un trait X à la cible masculine Y, alors que le trait décrivait la cible masculine Z. Les fautes intra-sexe dans l’exogroupe sont les fautes intra-sexe qui concernent les cibles de la catégorie sexuelle à laquelle n'appartient pas le participant. Par exemple, lorsqu’un participant de sexe masculin attribue un trait X à la cible féminine Y, alors que le trait décrit la cible féminine Z). 5.2. Résultats 5.2.1. Contrôle de la manipulation expérimentale et de la complexité cognitive de la tâche de reconnaissance Concernant l'existence du collège de Ruffy, seul un participant a indiqué avoir supposé que ce collège n’existait pas. Nous avons décidé de ne pas prendre en compte les réponses de ce participant. Puisque ce participant était de sexe féminin et que notre intention était d’avoir un nombre équivalent de participants des deux sexes, nous avons inclus un participant de sexe féminin qui avait été exclu lors de la réduction de l’échantillon féminin. Afin de vérifier que les différences, qui seraient éventuellement observées, entre les fautes commises dans les deux conditions de catégorisation ne sont pas imputables à la complexité cognitive de la tâche résultant de l’ajout d’une deuxième dimension de catégorisation dans la condition de catégorisation croisée, nous avons comparé les réponses correctes des participants par une ANOVA 2 (catégorisation : simple versus croisée) x 2 (sexe des participants : homme versus femme) x 2 (ordre sexe : cible féminine versus cible masculine). L’analyse n’a mis en évidence aucun effet significatif. Les individus ont donné le même taux de réponses correctes, indépendamment de leur sexe et de la condition de catégorisation. Nous avons également comparé les réponses correctes des individus selon la catégorie sexuelle des cibles par deux ANOVAs 2 (catégorisation : simple versus croisée) x 2 (sexe des participants : homme versus femme) x 2 (ordre sexe : cible féminine versus cible masculine). Les réponses correctes concernant les cibles de sexe féminin, puis les réponses correctes concernant les cibles de sexe masculin constituaient les variables dépendantes pour ces ANOVA. L’analyse des réponses correctes concernant les cibles de sexe féminin n’a mis en évidence aucun effet significatif. De plus, les contrastes comparant les réponses des participants de sexe féminin dans les deux conditions de catégorisation et selon l’ordre de présentation des cibles n'étaient pas significatifs. Ceci était également le cas du contraste qui comparait les réponses des participants de sexe masculin dans les deux conditions de catégorisation lorsque les cibles de sexe féminin étaient présentées en premier lieu. Par contre, les participants de sexe masculin produisaient davantage de réponses correctes pour les cibles de sexe féminin en condition de catégorisation croisée (M = 6.59, SD = 1.22) qu’en condition de catégorisation simple (M = 5.65, SD = 1.96), 12 ChiaraStorari & Ingrid Gilles Relations entre identité sociale et identité individuelle dans une situation de catégorisations croisées F(1, 114) = 4.46, p < .05. L’analyse des réponses correctes concernant les cibles masculines n’a mis en évidence aucun effet significatif. Ces résultats indiquent que les éventuelles différences entre les fautes commises dans les deux conditions de catégorisation sont imputables à la structure des fautes et non pas à une mémorisation des cibles plus difficile dans la condition de catégorisation croisée, ce qui est cohérent avec ce qui a été observé dans les études sur le sujet (Arcuri, 1982 ; Deschamps, 1977). 5.2.2. Différenciation intergroupe Nous avions postulé que la différenciation intergroupe sur la base de l’appartenance sexuelle serait plus élevée en condition de catégorisation simple qu’en condition de catégorisation croisée. En d’autres termes, les participants commettraient davantage de fautes inter-sexe que de fautes intra-sexe et cette différence serait plus élevée dans la condition de catégorisation simple que dans la condition de catégorisation croisée. Puisque la probabilité de commettre des fautes intergroupes est deux fois plus élevée que la probabilité de commettre des fautes intragroupes, nous avons divisé les fautes intergroupes par deux pour rendre comparables ces variables (Arcuri, 1982 ; Lorenzi-Cioldi et al., 1995 ; Taylor et al., 1978). Afin de tester nos hypothèses, nous avons réalisé une ANOVA 2 (type de faute : inter-sexe versus intra-sexe) x 2 (catégorisation : simple versus croisée) x 2 (sexe des participants : homme versus femme) x 2 (ordre sexe: cible féminine versus cible masculine) avec le type de faute comme mesure répétée. L’analyse a mis en évidence un effet principal significatif de l’ordre de présentation des cibles, F(1, 114) = 6.21, p < .05, 2 = .05. Les participants qui lisaient les descriptions des cibles de sexe féminin en premier lieu commettaient plus de fautes (M = 3.03, SD = 1.15) que les participants qui lisaient les descriptions des cibles de sexe masculins en premier lieu (M = 2.46, SD = 1.23). L’analyse montrait également un effet principal significatif du type de faute, F(1, 114) = 25.29, p < .001, 2 = .19. Comme supposé, les participants commettaient plus de fautes intra-sexe (M = 3.37, SD = 2.29) que de fautes inter-sexe (M = 2.12, SD = 1.20). L’interaction entre le type de faute et la condition de catégorisation était également significative, F(1, 114) = 8.26, p < .01, 2 = .07. L’analyse des effets simples du type de faute dans les deux conditions de catégorisation permettait de constater que les participants commettaient significativement plus de fautes intra-sexe que de fautes inter-sexe dans la condition de catégorisation simple, F(1, 114) = 30.81, p < .001 (tableau 1). Par contre, cette différence n’était pas significative dans la condition de catégorisation croisée, F(1, 114) = 3.44, ns (tableau 1). 13 ChiaraStorari & Ingrid Gilles Relations entre identité sociale et identité individuelle dans une situation de catégorisations croisées Tableau 1 : Moyennes des fautes inter-sexe et intra-sexe selon la condition de catégorisation Type de fautes Inter-sexe Catégorisation Simple Croisée M 1.78a 2.48 Intra-sexe SD .89 1.36 M 3.70b 2.96 SD 2.36 2.17 Note. Les moyennes dans la même ligne avec des lettres distinctes sont significativement différentes à p < .001 Selon ces résultats, nous pouvons conclure que les participants ont catégorisé les cibles selon leur appartenance sexuelle, mais que cette catégorisation a été amoindrie par l’introduction de la deuxième dimension de catégorisation. Nous avons vérifié si les participants différenciaient les cibles selon la deuxième dimension de catégorisation (le collège d'appartenance). Aucun effet correspondant à cette analyse n'était significatif. Contrairement à l’étude d’Arcuri (1982), la deuxième dimension de catégorisation ne représentait pas un aspect saillant de catégorisation des cibles. Nous en concluons donc que pour que la différenciation intergroupe basée sur l’appartenance sexuelle soit amoindrie, il n’est pas nécessaire que la deuxième dimension de catégorisation soit utilisée pour catégoriser les cibles. 5.2.3. Perception de variabilité intragroupe Concernant la variabilité intragroupe, nous avions postulé que les participants de sexe masculin percevraient l’exogroupe comme plus homogène que l’endogroupe uniquement en condition de catégorisation simple, et que les participants de sexe féminin percevraient l’endogroupe comme plus homogène que l’exogroupe uniquement en condition de catégorisation simple. Globalement, nous avions proposé que les participants ne commettraient pas plus de fautes intra-sexe dans l’endogroupe que de fautes intra-sexe dans l’exogroupe. Cependant, les participants de sexe masculin commettraient moins de fautes intra-sexe dans l’endogroupe que dans l’exogroupe en condition de catégorisation simple, et les participants de sexe féminin commettraient plus de fautes intra-sexe dans l’endogroupe que dans l’exogroupe en condition de catégorisation simple. En condition de catégorisation croisée, les participants des deux sexes ne commettraient pas plus de fautes intra-sexe dans l’endogroupe que de fautes intra-sexe dans l’exogroupe. Nous avons testé ces hypothèses par une ANOVA 2 (type de faute intra-sexe : endogroupe versus exogroupe) x 2 (catégorisation : simple versus croisée) x 2 (sexe des participants : homme versus femme) x 2 (ordre sexe : cible féminine versus cible masculine) avec le type de faute intra- 14 ChiaraStorari & Ingrid Gilles Relations entre identité sociale et identité individuelle dans une situation de catégorisations croisées sexe comme facteur à mesures répétées. L’analyse a mis en évidence un effet principal significatif de l’ordre de présentation des cibles selon leur catégorie sexuelle, F(1, 114) = 5.21, p < .05, 2 = .05. Les participants commettaient davantage de fautes intra-sexe lorsqu’ils lisaient les descriptions des cibles de sexe féminin en premier lieu (M = 1.93, SD = 1.19) que lorsqu’ils lisaient les descriptions des cibles de sexe masculin en premier lieu (M = 1.43, SD = 1.06). L’effet d’interaction entre le sexe des participants et le type de faute était également significatif, F(1, 114) = 4.12, p < .05, 2 = .04. Le test des effets simples du type de faute selon le sexe des participants a mis en évidence que les participants de sexe masculin commettaient moins de fautes intra-sexe dans l’endogroupe que de fautes intra-sexe dans l’exogroupe, F(1, 114) = 4.93, p < .05 (tableau 2). Par contre, cette différence n’était pas significative chez les participants de sexe féminin, F < 1 (tableau 2). Ces résultats confirment que les participants de sexe masculin perçoivent l’endogroupe comme plus homogène que l’exogroupe, alors que les participants de sexe féminin ne perçoivent pas que les deux groupes soient plus ou moins homogènes. Tableau 2 : Moyennes des fautes intra-sexe selon le sexe des participants Participants Hommes Femmes Fautes intra-sexe Endogroupe Exogroupe M SD M SD 1.33a 1.29 1.93b 1.71 1.81 1.56 1.62 1.60 Note. Les moyennes dans la même ligne avec des lettres distinctes sont significativement différentes à p < .05 Contrairement à nos hypothèses, la double interaction entre le type de faute, le sexe des participants et la condition de catégorisation n’a pas atteint la significativité. Ces résultats confirment partiellement nos hypothèses et ils mettent en évidence que ce sont uniquement les membres du groupe de statut supérieur qui perçoivent l’endogroupe comme plus hétérogène que l’exogroupe, alors que les membres du groupe de statut inférieur ne perçoivent pas les groupes comme plus ou moins homogènes. L’introduction d’une deuxième dimension de catégorisation qui croise la première n’a pas eu d’effet sur la perception des membres du groupe de statut supérieur quant à la perception de l’exogroupe comme plus homogène que l’endogroupe. 15 ChiaraStorari & Ingrid Gilles Relations entre identité sociale et identité individuelle dans une situation de catégorisations croisées Conclusion Les résultats confirment que l’introduction d’une deuxième dimension de catégorisation réduit la différenciation intergroupe, bien que celle-ci ne concerne pas l’opposition de deux catégories existantes et ne soit pas perceptible directement comme la dimension de catégorisation fondée sur l’appartenance sexuelle. Les membres du groupe de statut inférieur ne perçoivent pas l’endogroupe comme plus homogène que l’exogroupe. Bien que ce résultat ne confirme pas nos hypothèses, il est conforme à l’idée que, chez les membres du groupe de statut inférieur, la tendance à percevoir l’endogroupe comme plus homogène que l’exogroupe est contrebalancée par la tendance à percevoir l’exogroupe comme plus homogène que l’endogroupe. La première tendance dériverait de la distance de l’endogroupe à la référence culturelle de l’individu indépendant et la seconde tendance dériverait de la familiarité plus élevée avec les membres de ce dernier (Lorenzi-Cioldi, 1998). Ce résultat est également conforme au fait que les femmes ont tendance à assimiler hommes et femmes (Singh & Goh, 2006). En fait, il se peut que la catégorisation supra-ordonnée des cibles en étudiants pour rendre saillante l’appartenance sexuelle soit pertinente pour les étudiants universitaires, mais pas pour des adolescents. Les résultats confirment que les membres du groupe de statut supérieur perçoivent l’exogroupe comme plus homogène que l’endogroupe. C’est-à-dire que l’appartenance au groupe de statut supérieur souligne l’identité individuelle de ses membres. Cependant, la diminution de la différenciation intergroupe ne joue pas de rôle sur ce phénomène. Ainsi, il semblerait que la situation de catégorisation croisée ait un effet sur la différenciation intergroupe, mais que ce ne soit pas le cas en ce qui concerne les phénomènes identitaires liés aux variables structurelles telles que le statut. En reprenant les termes du modèle des groupes collections et des groupes agrégats (Lorenzi-Cioldi, 1988 ; 1998 ; 2002a), les membres du groupe de statut supérieur (les hommes) semblent se percevoir toujours comme plus proches de la référence culturelle que les membres du groupe de statut inférieur (les femmes), même lorsqu’il serait question d’une situation de catégorisations croisées. Il se peut que dans les sociétés occidentales, l’appartenance à un groupe de statut supérieur incarnant la référence culturelle soit liée à l’identité individuelle de ses membres, quelle que soit la situation de catégorisation. Par exemple, l’inclusion des catégories sexuelles à l'intérieur d'une catégorie supra-ordonnée n’élimine pas la perception de l’exogroupe comme étant plus homogène que l’endogroupe chez les participants de sexe masculin (Lorenzi-Cioldi et al., 1995). Une interprétation plausible de nos résultats serait que les membres de groupes de statut supérieur peuvent réduire la discrimination intergroupes, mais que cela n’irait pas forcément de pair avec la renonciation de leur part à leur position privilégiée en tant que groupe. En 16 ChiaraStorari & Ingrid Gilles Relations entre identité sociale et identité individuelle dans une situation de catégorisations croisées effet, nous pouvons nous demander si dans les sociétés organisées selon les appartenances multiples de ses membres, il n’y aurait pas un groupe qui représenterait davantage la référence culturelle, ce qui semble être le cas dans bon nombre de sociétés (Lévi-Strauss, 1973). L’étude des effets de la situation de catégorisation croisée sur la perception de variabilité intragroupe et sur les relations entre identité sociale et identité individuelle mérite d’être approfondie. Toutefois, cette première étude laisse entrevoir que des phénomènes qui se situeraient au niveau de l’idéologie, comme l’incarnation par le groupe de statut supérieur de la référence culturelle, ne répondaient pas aux mêmes logiques que des phénomènes qui se situeraient au niveau de la perception, comme la catégorisation sociale (Doise & Mapstone, 1986). Il se peut donc que, dans les sociétés occidentales, l’identification au groupe de statut supérieur soit liée à l’individuation de ses membres, indépendamment du degré de différenciation entre les groupes. Les membres du groupe de statut supérieur seraient alors considérés et se considèreraient comme des individus singuliers par définition. 17 ChiaraStorari & Ingrid Gilles Relations entre identité sociale et identité individuelle dans une situation de catégorisations croisées Références Ackerman, J. M., Shapiro, J. R., Neuberg, S. L., Kenrick, D. T., Becker, D. V., Griskevicius, V., Maner, J.K, & Schaller, M. (2006). They all look the same to me (unless they're angry). Psychological Science, 17, 836-840. Apfelbaum, E. (1979). Relations of domination and movements for liberation: An analysis of power between groups. In S. Worchel & W. G. Austin (Eds.), The social psychology of intergroup relations (pp. 188-204). Chicago: Nelson-Hall. Arcuri, L. (1982). 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