ChiaraStorari & Ingrid Gilles
Relations entre identité sociale et identité individuelle
dans une situation de catégorisations croisées
2. Le rôle du statut perçu dans les relations entre
identité sociale et identité individuelle
Selon certains auteurs, lorsque les individus sont catégorisés dans
des groupes dichotomiques de statut asymétrique, les membres des groupes
de statut supérieur ont tendance à percevoir l’exogroupe comme plus
homogène que l’endogroupe, alors que les membres des groupes de statut
inférieur ont tendance à percevoir l’endogroupe comme plus homogène que
l’exogroupe (Deschamps, 1982 ; Deschamps & Devos, 1999 ; Lorenzi-
Cioldi, 1988 ; 1998; Lorenzi-Cioldi & Doise, 1994).
Plusieurs études ont confirmé que les membres des groupes de statut
supérieur (par exemple des managers) perçoivent l’exogroupe comme plus
homogène que l’endogroupe et que les membres du groupe de statut
inférieur (par exemple des ouvriers) perçoivent l’endogroupe comme plus
homogène que l’exogroupe (Guinote, Judd, & Brauer, 2002 ; Lorenzi-
Cioldi, Deaux, & Dafflon, 1998 ; Lorenzi-Cioldi, 1993 ; Lorenzi-Cioldi,
Eagly, & Stewart, 1995 ; Young, van Knippenberg, Ellemers, & de Vries,
1999). D’autres travaux ont mis en évidence l’effet attendu uniquement
dans le cas des membres des groupes de statut supérieur (Boldry & Kashy,
1999 ; Hewstone, Islam, & Judd, 1993). Dans d’autres cas,
l’homogénéisation de l’exogroupe se manifeste indépendamment du statut
des groupes en présence (Brauer, 2001). Malgré cette relative inconsistance,
plusieurs revues de la littérature ont confirmé le rôle du statut comme
modérateur de la perception de la variabilité intergroupes (Rubin,
Hewstone, Crisp, Voci, & Richards, 2004 ; Sedikides & Ostrom, 1993 ;
Voci, 2000). Une récente méta-analyse a mis en évidence les effets attendus
du statut sur la perception de la variabilité intragroupe, bien que ces effets
varient selon les mesures utilisées par les études (Boldry et al., 2007).
Pour organiser ces effets dans un cadre théorique unique, Lorenzi-
Cioldi (1988 ; 1998 ; 2002a) propose que les représentations mentales des
groupes de statut supérieur et des groupes de statut inférieur sont différentes
entre elles. Les sociétés occidentales valorisent l’autonomie, la liberté et
l’indépendance des individus (voir par exemple Markus & Kitayama, 1994 ;
Sampson, 1977) et l’accent sur l’indépendance individuelle y est devenue
une référence culturelle (Apfelbaum, 1979 ; Deschamps, 1982 ; Guillaumin,
1972). Puisque les membres de groupes de statut supérieur détiennent le
contrôle des ressources et des institutions de la société, ils définissent et
incarnent la référence culturelle, représenté par l’individu indépendant. Les
membres des groupes de statut inférieur, par contre, sont éloignés de la
référence culturelle (Lorenzi-Cioldi & Dafflon, 1998).
La distance différentielle entre le groupe d’appartenance et la
référence culturelle de l’individu indépendant sont intégrés dans l’image de
soi de l’individu et cette distance intervient dans le traitement de
l’information qui concerne les membres des groupes (voir par exemple
Breakwell, 1983 ; Lau, 1989 ; Rabbie & Horwitz, 1969 ; Sherif, 1966).