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I. Introduction
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est nécessaire d’expliciter différentes notions
telles que la notion de « groupe », de « relations intergroupes » et enfin de « discrimination ».
Qu’est-ce qu’un « groupe » ?
D’après Sherif et Sherif (1969), « ce qui distingue les groupes est leur caractère
structurel : les groupes sont des structures sociales, implicites ou formelles, c’est-à-dire que
les relations entre les personnes qui les composent sont organisées en rôles et en hiérarchies
de pouvoir et de statut ». Dans cette perspective, un très bon exemple est celui de la famille.
Un autre type de définition a été proposé par Tajfel (1981) et Turner et al. (1987).
Selon eux, « un groupe existe s’il y a des personnes conscientes d’en être membres ;
la présence de personnes conscientes d’appartenir à un groupe est donc la seule condition
nécessaire et la seule condition suffisante de la réalité d’un groupe ». Cette seconde
définition apparaît beaucoup plus simple et inclusive dans le sens elle peut être prise en
compte pour des groupes de divers types.
A présent, que peut-on dire des « relations intergroupes » ?
Les relations sont fréquemment de type conflictuel et elles représentent donc un
problème du point de vue social, problème contre lequel il faudrait agir.
Les relations intergroupes sont soit des relations harmoniques, soit des relations
conflictuelles, et l’attention des chercheurs est portée sur le fait de trouver et de comprendre
les facteurs déterminant la qualité de ces relations.
A la suite de cette notion, plusieurs approches se sont développées, dans lesquelles
on peut retrouver la « Théorie des conflits réels » ainsi que la « Théorie de l’identité sociale ».
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Enfin, qu’est-ce que signifie le terme « discrimination » ?
« La discrimination est un comportement négatif envers des individus membres d’un
exogroupe envers lequel nous entretenons des préjugés » (Dovidio et Gaertner, 1986).
Ou encore, la discrimination intergroupe correspond à « tout comportement qui dénie
à des individus ou à des groupes l’égali de traitement qu’ils souhaiteraient »
(Allport, 1954).
Après avoir explicité ces quelques notions, il me reste à situer les théories qui
nous intéressent ici, à savoir la « Théorie des conflits réels » ainsi que la
« Théorie de l’identité sociale ».
C’est au début des années 1960 que les notions de « préjugés », et surtout, dans le cas
qui nous intéresse ici, de « discrimination » ont été expliquées au niveau intergroupe.
Cette approche que l’on pourrait qualifier de sociale et psychologique, s’est notamment
retrouvée dans les recherches de Sherif. C’est ce dernier, qui a fondé
la « Théorie des conflits réels » (Sherif et al., 1961 ; Sherif, 1966).
Tajfel, quant à lui, a proposé la « Théorie de l’identité sociale », en Europe durant
les années 1970. En fait, cette théorie explique la discrimination et la différenciation sociale
par l’intermédiaire de facteurs motivationnels et cognitifs (Tajfel et Turner, 1979, 1986)
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II. Théorie des conflits réels
En portant simplement notre attention sur les actualités internationales,
on peut remarquer qu’une grande partie des conflits intergroupes sont alimentés par
la distribution des ressources telles que l’eau, le pétrole, le territoire, le pouvoir aussi bien
politique que militaire… .
D’une manière générale, selon la théorie des conflits réels de Sherif : « Les individus
et les groupes sociaux organisés sont des agents rationnels qui sont à la poursuite
de la maximisation de leurs bénéfices et de la minimisation de leurs coûts. S’ils acceptent
de participer à une action collective conflictuelle, la cause déterminante ne se situerait pas
dans leurs stéréotypes et leurs préjugés, mais dans leur conviction que les intérêts
de leur groupe sont menacés et qu’ils doivent agir en commun pour les protéger ».
En effet, selon cette théorie, « c’est la compétition produite par les conflits d’intérêts
qui engendre la stéréotypisation, et non l’inverse » (Sherif, 1966).
Sherif estime qu’il n’y aurait pas de conflit s’il n’y avait pas de compétition.
Par contre quand il y a compétition, elle peut engendrer certaines conséquences
psychologiques ayant même une durée importante dans le temps.
Parmi ces conséquences, on peut rencontrer le fait que les membres du groupe ressentent
une menace persistante vis-à-vis des intérêts de l’endogroupe, que ceux-ci ressentent aussi
une certaine agressivité ou opposition envers l’exogroupe. Ou encore, le fait que les membres
d’un groupe soient encore plus solidaires, et qu’ils renforcent les frontières intergroupes
tout en étendant les stéréotypes négatifs envers l’exogroupe.
Apparemment, la seule façon de résoudre ce conflit et de faire cesser ces conséquences
psychologiques, serait de créer ce que l’on appelle des « buts supraordonnés » c’est-dire qui
nécessitent que les deux groupes agissent ensemble pour les atteindre.
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La théorie des conflits réels a été confirmée par Sherif et ses collaborateurs grâce à une
étude longitudinale, menée sur le terrain et comportant trois expériences.
Pour ce faire, ils ont organisé des camps de vacances d’été dans le domaine
de la Grotte aux valeurs avec une vingtaine d’enfants sélectionnés de façon très délicate.
Tout cela pour éviter toute inférence due aux caractéristiques personnelles (de personnalité) et
également afin d’éviter que les enfants ne se connaissent avant de se retrouver aux camps de
vacances pour l’expérience.
Les critères de sélection étaient donc les suivants : les enfants devaient être âgés entre
11 et 12 ans, être de race blanche, provenir de familles protestantes de classe moyenne et
ils devaient également avoir un bon équilibre psychologique.
A quelques variantes prés, le déroulement des camps était le même à chaque fois et
comportait quatre phases principales.
La première phase consistait en la formation de liens interpersonnels de connaissance
et d’amitié entre les jeunes adolescents. A ce moment, les jeunes interagissaient librement
entre eux. Cette phase n’était présente que dans les deux premières expériences.
Pendant la deuxième phase, on assistait en la constitution de deux groupes aux
activités indépendantes. Ici, les jeunes adolescents étaient donc divisés en deux groupes
distincts. De plus, cette division a été effectuée en veillant bien à ce que les couples d’amis
qui s’étaient déjà constitués lors de la première phase soient séparés. Il n’y a que dans les
deux premières expériences que les enfants connaissaient l’existence de l’autre groupe, ce
simple renseignement a suffit pour engendrer un climat d’hostilité vis-à-vis de l’autre groupe.
Les activités organisées lors de cette phase ont fait qu’une structure interne hiérarchiquement
organisée et réglée par une série de normes comportementales s’est développée dans les deux
groupes.
Ensuite, la troisième phase consistait en un conflit objectif d’intérêts entre les groupes.
En fait, on invitait les deux groupes à se comparer à travers des jeux compétitifs qui menaient
à un groupe gagnant et à un groupe perdant. C’est alors à partir de cette phase que commence
une période d’interdépendance négative, c’est-à-dire le fait que les gains d’un groupe
représentent les pertes de l’autre groupe. Ceci a engendré une série de comportements hostiles
envers l’exogroupe avec la manifestation de biais pro-endogroupe. De plus, les
expérimentateurs ont remarqué une augmentation de la cohésion à l’intérieur des groupes et
un changement au point de vue du leadership, à savoir que celui-ci était assuré par les jeunes
adolescents les plus décidés et les plus agressifs.
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Enfin, la quatrième phase consistait en l’introduction de « buts supraordonnés » ,
c’est-à-dire de problèmes ne pouvant être résolus qu’à travers un effort commun des deux
groupes et donc qui ne pouvaient être atteints que par la collaboration de tous les jeunes. Un
exemple de « but supraordonné » peut être le fait que le camion qui amène l’eau au camp s’est
embourbé et qu’il faut les bras de tout le monde pour pouvoir le sortir de là. Le fait d’avoir
introduit ce genre de buts, à fait réapparaître les amitiés qui s’étaient fondées lors de la
première phase. De plus, les expérimentateurs ont pu constater une diminution de l’agressivité
envers l’exogroupe ainsi qu’une diminution du biais pro-endogroupe.
Les résultats de cette étude longitudinale sur le terrain montrent vraiment l’impact de
la compétition et de la coopération intergroupe sur la formation des préjugés, et surtout, dans
le cas qui nous intéresse ici, des comportements discriminatoires.
Comme l’indique l’énoncé, la théorie des conflits réels explique la discrimination
intergroupe par la structure d’interdépendance. Ce dernier terme nous amène alors à parler de
la « théorie des jeux », dans laquelle l’interdépendance est le concept central.
L’interdépendance est « un échange dans lequel nos résultats ne sont pas simplement
le produit de nos actions. Ils sont produits conjointement par nos actions et les actions de nos
partenaires. Nous entendons par résultats les bénéfices (résultats positifs) ou pertes (résultats
négatifs) associés à une interaction sociale. Ces résultats peuvent être définis matériellement
ou symboliquement (reconnaissance, statut) » (Deutsch, 1949 ; Thibaut et Kelley, 1959).
Les idées principales de la « théorie des jeux » ainsi que celles de la « théorie des
conflits réels » sont similaires. Ces deux théories avancent le postulat d’une motivation
rationnelle poussant les individus et les groupes non seulement à maximiser leurs intérêts
mais aussi à minimiser leurs coûts. Elles sont en accord sur le fait que la compétition est
inévitable quand l’interdépendance prend la forme d’un « jeu à somme nulle », ce qui signifie
qu’un groupe ne peut gagner qu’aux dépens de l’autre groupe. Un bon exemple de ce type de
situation peut être illustré par les compétitions sportives.
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